Lors de sa visite à Saint-Dizier, le Président de la République a fait porter à la taxe professionnelle tout le poids des pertes d’emplois et des délocalisations. Mais la ficelle est grosse ! On pourrait même parler de corde de marine ! Nous aurions aimé qu’il nous apporte la démonstration de ses appréciations, mais nous attendons toujours…
Le Conseil des prélèvements obligatoires remet en cause, pour le passé, dans son rapport consacré à la fiscalité des entreprises qu’il a remis à la commission des finances, l’argument de la compétitivité comme contrepartie aux allégements fiscaux des entreprises. Du reste, il rejoint en cela d’autres études de source publique ou privée qui mettent en avant d’autres facteurs d’attractivité, comme la qualité des infrastructures, de la formation et de la main-d’œuvre.
Or la part des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises baisse significativement depuis plusieurs années sans, pour autant, que leur compétitivité en soit renforcée. Moult rapports ont prouvé que la compétitivité de nos entreprises ne se situait pas à ce niveau ; celle-ci réside plutôt dans leur taille, leur capacité à investir, à innover et à exporter.
De nouveau mis en avant pour justifier la suppression de la taxe professionnelle dans une économie mondiale concurrentielle, cet argument n’est guère recevable puisque les secteurs les plus favorisés seraient – mais nous ne disposons pas, à ce jour, de simulations précises – la construction, l’agriculture et les services à la personne, qui, par définition, ne sont pas délocalisables. L’industrie n’arrive qu’au quatrième rang !
Concernant les valeurs foncières, on peut douter du bénéfice qu’en tirera l’industrie si leur assiette n’est pas révisée. Sur ce point, je rejoins les propos du président Arthuis.
Réagissant au débat engagé à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2010, Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi s’est insurgée contre la proposition de certains députés de surtaxer l’impôt sur les sociétés versé par les banques, au prétexte que son taux est déjà trop élevé, notamment par rapport à ce qu’il est ailleurs en Europe. Or cet argument ne tient pas si l’on regarde l’assiette de l’impôt sur les sociétés en France, véritable gruyère du fait du régime d’amortissement, du report des pertes, du régime mère-fille et de l’intégration fiscale. Le taux effectif, et non pas facial, de l’impôt sur les sociétés en France s’avère plus bas que, par exemple, chez notre principal partenaire européen, l’Allemagne.
De fait, l’impôt sur les sociétés est, comme l’impôt sur le revenu, « mité » par les dépenses fiscales.
Cela m’amène au second point de mon propos : les dépenses fiscales sont en effet un élément essentiel pour apprécier l’évolution des prélèvements obligatoires.
Monsieur le ministre, le plafonnement instauré en 2009, que j’ai qualifié tout à l'heure de « cosmétique », a eu, si j’en crois les chiffres qui nous ont été communiqués, un effet bien moindre que prévu par les services de votre ministère, lesquels escomptaient pour 2010 une recette de l’ordre de 200 millions d’euros, alors que celle-ci serait plutôt de 20 millions d’euros !
Vous avez vous-même récemment déclaré, dans un entretien accordé à un journal économique, être ouvert à la fixation d’un plafond global des niches fiscales, mais défavorable aux coups de rabot. Tout à l'heure, vous avez vous-même utilisé une métaphore sportive en parlant de « slalom ». Si je vous ai bien compris, vous préférez attendre les conclusions de la mission de l’Inspection générale des finances, mais, dans la période actuelle, cet attentisme est pour le moins contestable.
En effet, la question des dépenses fiscales est primordiale au regard de l’économie générale des prélèvements obligatoires. La persistance de celles-ci vide l’impôt de son caractère progressif et, combinées au bouclier fiscal, elles permettent aux plus aisés de se soustraire à leur devoir fiscal. Cette situation n’est plus tenable. Et l’argument soutenu par le Gouvernement en 2007, faire revenir les exilés fiscaux, n’est plus recevable. On devait les voir se précipiter aux portes des services fiscaux… Nous les attendons toujours !
Devra-t-on, pour voir la question des niches fiscales tranchée, patienter jusqu’à la date ultime du 30 juin 2011, fixée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 ? Je n’y crois pas, car ce n’est pas en pleine campagne électorale, à la veille d’une échéance cardinale, à savoir l’élection présidentielle, que vous prendrez de telles mesures !
Il est vrai que l’objurgation élyséenne de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires contredit la remise en cause des niches fiscales, et l’on comprend bien l’embarras du Gouvernement et l’abandon en rase campagne des velléités des députés de la majorité de l'Assemblée nationale d’émettre des propositions : ils les ont vite remisées, l’été dernier.
Quant à la baisse de la TVA dans la restauration, c’est un plat que la majorité devra ingurgiter quoi qu’il en soit, puisque l’on ne sait même pas comment cette dépense fiscale a été gagée, monsieur le ministre. Or je vous rappelle tout de même que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 impose, dans son article 11, que toute dépense fiscale soit gagée ; mais peut-être nous apporterez-vous tout à l'heure des précisions sur cette question.