Il me semble inconcevable de réfléchir à l’équité de nos impôts sans envisager leur dimension redistributive. En tout état de cause, il faudra prolonger ce débat intéressant.
Pour répondre à M. Vasselle et à Mme Dini, je dirai que nous nous sommes efforcés d’être réalistes sur les comptes sociaux. Les chiffres que nous communiquons ne sont pas inexacts, madame Le Texier, mais ils peuvent le devenir en même temps que les prévisions, notamment lorsque des crises surviennent, qui bouleversent ces prévisions.
En 2009, nous avons systématiquement déposé des collectifs budgétaires, ce qui nous a d’ailleurs valu bien des critiques. Nous avons eu le courage de dire que nous nous étions trompés et, dans un environnement aussi chahuté, c’était, me semble-t-il, la bonne attitude à adopter.
Qu’il s’agisse de la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale ou des sous-budgétisations, nous ne voulons rien dissimuler. Vous disiez joliment, madame Le Texier, que la poussière était plus épaisse que le tapis. En l’occurrence, il n’y a rien « sous le tapis » ! Peut-être est-il usé, peut-être faudra-t-il un jour le changer, mais nous ne cachons rien dessous !
Certes, vous avez raison de souligner, madame Dini, que la dégradation des soldes des comptes sociaux est éminemment préoccupante. Il me sera toutefois difficile d’y remédier très efficacement dans la période actuelle.
Tout d’abord, même en nous fondant sur une hypothèse optimiste de croissance de la masse salariale de 5 % après la crise, contre 4 % en moyenne avant celle-ci, nous aurons bien du mal à rééquilibrer les comptes, car nous sommes descendus très bas.
Les années qui viennent resteront difficiles, même si nous maîtrisons aujourd’hui assez correctement les dépenses d’assurance maladie – je ne parle pas des retraites –, grâce à un pilotage fin. Avant la crise, il faut le savoir, nous avions ainsi ramené le déficit de l’assurance maladie à 4, 4 milliards d’euros, et espérions le réduire encore. Nous nous sommes efforcés de respecter l’ONDAM et, avec un niveau normal de recettes, le déficit de l’assurance maladie s’élèverait plutôt à 3 milliards qu’à 10 milliards ou 12 milliards d’euros. C’est bien la crise qui est responsable de la dégradation. En 2012, la révision à la baisse de la masse salariale pèsera pour 17 milliards d’euros !
Nous avions également prévu de financer une partie de l’assurance vieillesse par un transfert de cotisations UNEDIC, mais nous devrons vraisemblablement y renoncer dans les années qui viennent, soit un manque à gagner de 6 milliards d’euros, à quoi s’ajoutent les dépenses liées à l’endettement de la sécurité sociale, lequel augmente parallèlement aux déficits.
Le défi est important, mais nous le relèverons, 2010 faisant figure d’année charnière. Nous ne savons pas ce que sera le rythme de la reprise – qui peut prétendre le savoir ? –, ce que sera la recette de l’impôt sur les sociétés, ce que sera l’évolution de la masse salariale ; nous n’avons pas, par conséquent, de visibilité sur les recettes de 2010. Ce n’est donc pas le moment d’augmenter la CRDS, comme d’aucuns le suggèrent. Nous avons encore la capacité de gérer notre dette sociale et la solution temporaire que nous proposons, en utilisant l’ACOSS, ne me semble pas aberrante ; elle est même tout à fait acceptable, car peu onéreuse.
Il faut également élargir le plus possible l’assiette des prélèvements. Nous l’avons déjà fait, notamment en taxant les stock-options, et nous continuerons de le faire.
Sur les allégements de charges, il convient d’agir avec prudence. Revenir sur les 22 milliards d’euros d’allégements reviendrait à augmenter le coût du travail, particulièrement des bas salaires. Cela nuirait inéluctablement à la compétitivité de notre pays et, de surcroît, ferait vraisemblablement augmenter le chômage, ainsi que toutes les études s’accordent à le dire. Ne jouons donc pas avec le feu ! D’ores et déjà, j’ai demandé à mon ancien directeur de cabinet, M. Jean-Luc Tavernier, d’étudier toutes les facettes de ce problème, y compris l’annualisation, et de faire des propositions.
En ce qui concerne les taxes comportementales, on a déjà augmenté de 23 % l’an dernier celle sur les alcools forts, qui rapporte 5 milliards d’euros. Sur le tabac, le produit des taxes s’élève à 13, 5 milliards d’euros. Nous n’augmenterons pas leur poids, qui est déjà de 80 %, mais nous allons augmenter de 6 % le prix du tabac, pour répondre à la demande des fabricants. Cette hausse, substantielle en l’absence d’inflation, bénéficiera au futur plan cancer qu’annonceront le Président de la République et Roselyne Bachelot-Narquin.
Je n’entrerai pas, en cet instant, dans le débat sur la taxe professionnelle. Nos échanges à venir nous conduiront à y revenir largement, mais je prends note des excellentes remarques des uns et des autres, notamment du rapporteur général de la commission des finances.
Comme le Président de la République l’a indiqué, nous sommes prêts à nous lancer dans la réforme des valeurs locatives foncières, évoquée par Jean Arthuis. La révision des valeurs locatives des locaux commerciaux prolongerait opportunément la réforme de la taxe professionnelle. Pour les locaux d’habitation, plusieurs méthodes existent ; la question est à l’étude et nous devrons définir un calendrier.
M. Foucaud a critiqué la prime pour l’emploi, dont l’évolution ne peut pourtant plus être analysée indépendamment du RSA, qui représente 1, 5 milliard d’euros de plus que tout ce qu’il remplace. Il faut donc regarder l’ensemble du paysage. Il nous a aussi exhortés à ne pas diminuer les impôts. Pourtant, lorsque la gauche a supprimé la part salariale de la taxe professionnelle, il me semble que cela le choquait moins… Quoi qu’il en soit, nous assumons nos décisions.
Je remercie Charles Guené de partager notre stratégie sur la taxe professionnelle et Aymeri de Montesquiou de partager nos objectifs, à défaut d’approuver nos solutions.
Je remercie aussi Nicole Bricq, même si elle ne partage ni nos objectifs ni nos solutions…