Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 5 novembre 2008 à 15h00
Protection du secret des sources des journalistes — Discussion d'un projet de loi

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat est saisi du projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes, qui a été adopté en première lecture le 15 mai dernier par l’Assemblée nationale.

Le quasi-silence du législateur sur un sujet aussi essentiel pour la liberté d’expression, et la liberté de la presse en particulier, ne laisse pas d’étonner. L’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 pose le principe de la liberté de communication et laisse à la loi la responsabilité d’en fixer les limites, afin de concilier l’exercice de cette liberté avec d’autres objectifs de valeur constitutionnelle, comme la sauvegarde de l’ordre public ou le respect de la vie privée.

La loi du 29 juillet 1881 encadre à cet égard la liberté de la presse. Elle définit en particulier les délits de diffamation, d’injure, d’outrage, d’incitation à commettre un crime, de propagation de fausses nouvelles, mais elle reste silencieuse sur le secret des sources, question évidemment cruciale au cœur de la relation existant entre la justice et la presse.

En effet, la justice et la presse revendiquent toutes les deux la recherche de la vérité. Et toutes les deux s’appuient sur le secret – le secret de l’instruction pour la première et le secret des sources pour la seconde – afin de découvrir la vérité.

Ces deux légitimités dans une société démocratique sont évidemment amenées à se heurter dès lors que la recherche de la vérité par l’une passe précisément par la connaissance, voire la divulgation, des informations couvertes par le secret de l’autre.

Ce texte, vous l’avez rappelé, madame le garde des sceaux, traduit un engagement de M. Nicolas Sarkozy pendant la campagne pour l’élection présidentielle. Il constitue également une réponse aux condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment pour violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ce texte constitue aussi un pas en avant important pour les journalistes eux-mêmes, qui attendaient depuis longtemps cette évolution législative. L’article 1er affirme un grand principe, celui de la protection des sources. Il se veut d’abord un principe simple et limpide, afin de ne pas poser de problème particulier d’interprétation.

Tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale, l’article 1er du projet de loi prévoit que « le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général ». Cette rédaction ayant fait débat lors de mes auditions, j’ai déposé un amendement tendant à la modifier. Je propose que le secret des sources des journalistes soit protégé non pas « afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général » mais « dans l’exercice de leur mission d’information du public ». Cette formulation semble faire l’unanimité, peut-être pas sur les travées de cet hémicycle, mais au moins chez les journalistes.

Il nous semble également nécessaire de préciser et de clarifier la rédaction de l’Assemblée nationale concernant la définition du journaliste.

Nous avons aussi travaillé, pour répondre à une préoccupation des professionnels, sur une meilleure protection des sources de l’ensemble de la chaîne de l’information. Il était effectivement important que les journalistes aient, en la matière, un signe fort, garant d’une réelle efficacité de la sécurité que l’on veut apporter.

Nous avons également, à travers les amendements que nous discuterons tout à l’heure, essayé de redéfinir de façon plus précise cette notion de chaîne de l’information, notamment en ce qui concerne les atteintes directes ou indirectes au secret des sources.

Tel est le principe affirmé par rapport au texte d’origine, qui est amélioré. Mais, comme pour tout principe, il faut s’interroger sur sa limite.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion