Je vais intervenir à la place de M. Billout, qui a dû s’absenter pour une raison indépendante de sa volonté.
M. Billout voulait illustrer les conséquences néfastes que peut avoir l’application de cet article en citant le cas du centre hospitalier de Lagny-Marne-la-Vallée, en Seine-et-Marne, où la psychiatrie a été utilisée cette année comme variable d’ajustement budgétaire, au détriment des patients de ce secteur.
Au début de cette année, le chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de cet hôpital a remis sa démission, refusant de devenir, selon ses propres termes, un « syndic de faillite ». Avec ses collaborateurs, il s’est ainsi opposé à cette gestion purement comptable qui fait de la psychiatrie, du fait de la différence de comptabilité – à l’acte pour les services somatiques et à l’enveloppe globale pour la psychiatrie –, une variable d’ajustement des budgets des hôpitaux quand celle-ci est rattachée à un hôpital général et non à un hôpital psychiatrique.
C’est le résultat d’une politique où les objectifs budgétaires semblent être les seuls « impératifs catégoriques » retenus. À Lagny, cela s’est traduit par l’amputation de 300 000 euros au secteur psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, ce qui correspond à la suppression de quatre postes et à la relocalisation d’une structure, le CESA, le centre d’évaluation et de soins pour adolescents.
Cette décision va à l’encontre de tous les efforts menés par l’équipe en place depuis onze ans pour rééquilibrer les structures de soin en santé mentale de Seine-et-Marne. Or ce département a la densité médicale la plus faible de l’Île-de-France, alors que son évolution démographique est l’une des plus importantes sur le plan national – 12, 15 % pour la Seine-et-Marne nord – et que Marne-la-Vallée, la plus grande ville nouvelle de l’Île-de-France, a été déclarée territoire prioritaire dans le contrat État-région.
Les perspectives d’évolution démographique du territoire de santé de ce secteur géographique montrent un passage de 601 382 habitants, en 1999, à 708 185, en 2000, pour près de 800 000, en 2015. J’ajoute que les moins de vingt ans représentent 29 % de cette population.
Le coût par habitant consacré à la pédopsychiatrie, en 2005, était de 85 euros pour la Seine-et Marne, contre 299 euros pour Paris, 121 euros pour la Seine-Saint-Denis et 163 euros seulement pour le Val-de-Marne !
La gestion du type « entreprise » que vous souhaitez développer a été dans ce cas catastrophique : les décisions financières diminuant le budget de ce service ont contraint l’équipe médicale à réduire l’offre thérapeutique, alors qu’elle est débordée de demandes. L’attente pour une consultation, malgré tous les efforts, est de plusieurs mois !
Cet exemple montre bien qu’une gestion comptable est incompatible avec l’article L. 6112-3 du code de la santé publique tel qu’il ressort du projet de loi, qui, je le rappelle, dispose que « L’établissement de santé, ou toute personne chargée d’une ou plusieurs des missions de service public définies à l’article L. 6112-1, garantit à tout patient accueilli dans le cadre de ces missions […] l’égal accès à des soins de qualité ».
Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur ce problème lors de l’examen du titre II du projet de loi.