Je tiens à le rappeler, la modification proposée par la commission dans son amendement n° 1, qui vise à supprimer la notion d’intérêt général pour y substituer la protection du secret des sources des journalistes « dans l’exercice de leur mission d’information du public », constitue tout de même une précision très importante.
Par conséquent, la commission peut difficilement se rallier au sous-amendement n° 24 rectifié, qui appelle d’ailleurs plusieurs critiques.
Tout d’abord, ce sous-amendement tend à affirmer un droit au secret des sources. Or il s’agit non pas d’un droit, mais d’une condition nécessaire à l’existence d’une presse d’investigation.
Ensuite, il y est fait référence au secret des sources d’information. Là encore, mieux vaut, en réalité, viser le secret des sources « des journalistes ». À défaut, quiconque possédant une information sera en droit de revendiquer ce secret.
Enfin, à la différence de l’amendement de la commission, ce sous-amendement n’a pas pour objet de limiter le secret des sources à l’exercice d’une mission d’information du public. Or ce secret ne mérite d’être protégé que dans le cadre d’une telle mission, et non pour poursuivre éventuellement la défense d’intérêts personnels ou, en tout cas, pour détourner le rôle des journalistes.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Par le sous-amendement n° 17, Mme Boumediene-Thiery souhaite insérer dans le texte la définition d’une source journalistique, en reprenant celle qui est inscrite dans la législation belge.
La Belgique a effectivement choisi de dresser une liste exhaustive, et nous nous sommes interrogés sur la possibilité de faire de même. Or, il faut bien le reconnaître, les professionnels sont extrêmement partagés sur la pertinence d’une telle exhaustivité dans la définition de la notion de source.
En outre, je me méfie toujours de la multiplication des énumérations et des listes à rallonge, censées offrir une protection optimale. On risque finalement d’oublier certains éléments et de créer des situations qui s’avéreront, à un moment ou à un autre, inextricables. Je préfère en rester à un principe suffisamment clair, applicable à l'ensemble de la chaîne de l’information, afin qu’une liberté totale puisse être conservée dans l’exercice de la protection des sources.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.
La commission est également défavorable au sous-amendement n° 20, qui, comme le sous-amendement n° 17, tend à définir ce qu’est une source.
Le sous-amendement n° 22 a pour objet de supprimer de la définition du journaliste les mots : « exerçant sa profession ». Or, à mon sens, le projet de loi retient déjà une définition plus large que celle qui est définie par le code du travail. Par ailleurs, les correspondants et les pigistes sont également couverts.
En l’état, il me semble donc difficile d’aller au-delà, sachant, je le redis, que l’idée première est tout de même de protéger les sources des journalistes. Il n’est pas utile d’apporter des précisions supplémentaires quant aux personnes qui contribuent ou qui rédigent occasionnellement des articles.
La commission émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement, de même que sur le sous-amendement n° 27 rectifié, lequel vise à supprimer la condition de régularité dans l’exercice de la profession.
Au fond, l’objectif est toujours le même, à savoir se référer au statut de journaliste. On peut débattre de ce que l’on entend par l’adjectif « régulier » : s’applique-t-il à une activité pratiquée tous les jours, toutes les semaines, tous les quinze jours, tous les trois mois, voire tous les six mois ? Mais, au moins, en précisant que le statut de journaliste se définit par rapport à une activité pratiquée « à titre régulier », on dispose d’un élément de référence : ainsi, quelqu’un qui écrit régulièrement, ne serait-ce que tous les deux mois, et qui, par ailleurs, est affilié à un organe de presse, correspond à la définition du journaliste telle qu’elle est conçue dans le texte.
Cela a le mérite de nous doter d’un cadre précis, faute de quoi nous risquons d’aller beaucoup trop loin dans la définition et, partant, de ne pas prévoir suffisamment de limites.
L’idée défendue par les auteurs du sous-amendement n° 23 est d’assimiler à des journalistes les stagiaires non rémunérés. Ce n’est pas possible, et ce pour les raisons que je viens d’avancer en évoquant la notion de régularité.
Le journaliste prend des engagements, respecte une certaine éthique, une certaine déontologie, adopte un certain comportement. Dans ces conditions, on ne peut pas, me semble-t-il, élargir son statut à des personnes présentes de manière tout à fait provisoire, quand bien même celles-ci apprennent le métier.
Par conséquent, la commission est défavorable à ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 28 rectifié tend à supprimer la référence à la rétribution, pour étendre la protection des sources à ceux qui travaillent dans la presse militante. Certes, on peut être journaliste à titre régulier, publier des articles et ne pas être rétribué, et ce notamment grâce au développement de nouveaux médias.
Faut-il pour autant élargir encore davantage la définition donnée par le code du travail et la référence au statut du journaliste à laquelle nous tenons ? En l’état, il me paraît difficile de cerner très précisément les conséquences qu’entraînerait l’adoption de ce sous-amendement. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 26 rectifié tend à préciser les cas dans lesquels il est porté atteinte au secret des sources. Nous nous sommes déjà suffisamment expliqués sur cette question tout à l’heure, notamment lors de la discussion générale, en précisant la position des uns et des autres et celles, entre autres, de la législation belge et de la Cour européenne des droits de l’homme. Je ne reviendrai donc pas sur les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 19 a pour objet de définir ce qu’est une atteinte directe au secret des sources. Or cela me paraît évident : c’est le fait de demander à un journaliste de révéler sa source. Ce qui l’est moins, c’est de définir l’atteinte indirecte, pour pouvoir mieux la cerner. C’est ce que la commission a fait dans son amendement, lequel vise à protéger la chaîne de l’information et à définir ce qu’est une source indirecte.
À mon sens, il était tout de même plus important de clarifier ce qu’est une source indirecte que de définir ce qu’est une source directe, dans la mesure où celle-ci, si j’ose dire, coule de source !