Nous présentons sans grandes illusions cet amendement visant à garantir que la gestion prévisionnelle des emplois et compétences, la GPEC, soudainement redécouverte, ne sera pas utilisée comme une sorte cataplasme destiné à masquer de simples licenciements dépourvus de toute garantie.
La jurisprudence récente est déjà explicite sur ce point. Ainsi, le 5 octobre dernier, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par trois syndicats, suspendait le plan de restructuration de Nextira One, ex-filiale d'Alcatel, « jusqu'à ce que la consultation sur la GPEC soit menée à bien ». Au mois de septembre, le tribunal de grande instance de Nanterre avait déjà rejeté le plan social de Capgemini bien qu'un accord de GPEC ait été signé avec une partie des syndicats en mai 2005 ; le tribunal constatait en effet que la GPEC n'avait pas été mise en oeuvre et qu'aucune des dispositions prévues n'avait été suivie d'effet.
La loi impose en la matière une négociation triennale de bonne foi, ce qui suppose que l'on ne se contente pas d'un catalogue de banalités mais que soient au moins identifiés les secteurs d'activité et les catégories d'emplois et de salariés susceptibles de connaître des difficultés dans ce délai. Il est raisonnable de la part des dirigeants d'une entreprise d'être en mesure de prévoir les évolutions en termes de produits, donc de main-d'oeuvre et d'investissements, sur un délai aussi bref.
Nous l'avions déjà dit à l'époque de l'adoption des textes portant sur la GPEC, et la jurisprudence adopte une position analogue : c'est bien le minimum que l'on puisse exiger des employeurs, dans la mesure où la gestion prévisionnelle des emplois est appelée, dans l'esprit des auteurs du projet de loi, à progressivement se substituer aux procédures de reclassement. Elle doit donc être considérée avec sérieux, et la négociation doit être menée à son terme, sauf à considérer qu'il n'y a plus rien désormais entre le salarié et la rupture d'un commun accord de son contrat de travail avec une simple indemnité.
Nous proposons donc que le congé de mobilité ne puisse être mis en oeuvre que si un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois a été signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans l'entreprise ou le groupe d'entreprises.
Nous profitons de cette occasion pour évoquer les élections de représentativité de branche - auxquelles nous sommes attachés -, indispensables pour garantir la représentativité effective et indiscutable des syndicats. Nous reviendrons très certainement sur cette question lors de l'examen du projet de loi relatif au dialogue social.