Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 9 novembre 2006 à 15h00
Participation et actionnariat salarié — Article additionnel avant l'article 30, amendement 129

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

L'amendement de notre collègue vise à rétablir le texte initial du projet de loi, qui a été, à notre sens, sagement abandonné par l'Assemblée nationale.

Aujourd'hui, l'indemnisation des conseillers prud'homaux est fondée sur le principe de la déclaration : les conseillers salariés déclarent à leur employeur le nombre d'heures qu'ils consacrent à leur mandat. L'employeur doit, pour ces heures d'absence, maintenir leur salaire. Il demande ensuite au ministère de la justice le remboursement des sommes qu'il a versées.

Cette pratique n'est pas laissée sans contrôle. Par exemple, un président d'audience rédige un jugement en prenant le temps nécessaire et indique la durée. Les feuilles horaires des conseillers sont ensuite contrôlées par le greffe et signées par le président du conseil. Si le nombre d'heures est en décalage avec les pratiques habituelles, le président demande des explications.

Le temps nécessaire à la rédaction d'un jugement peut être variable. En toute hypothèse, cette opération ne peut être bâclée ou effectuée à la chaîne. En effet, ce sont les jugements qui permettent aux justiciables de comprendre la décision du conseil. La durée nécessaire à ce travail dépend à la fois à l'expérience du conseiller et de la complexité du dossier.

C'est aussi après avoir pris connaissance du jugement motivé que les justiciables peuvent décider de l'opportunité de former ou non un recours. Il est à craindre que des jugements insuffisamment motivés n'augmentent le nombre de recours et n'encombrent les cours d'appel.

Le texte proposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, et que vise à reprendre l'amendement n° 129 rectifié, fait suite au rapport d'Henri Desclaux portant sur l'encadrement de l'activité prud'homale, particulièrement sur le plafonnement des temps d'activité.

Le projet de texte, issu de ce rapport, a été soumis au Conseil supérieur de la prud'homie en mai dernier. Il n'a pas permis d'aboutir à un consensus. Dialogue social, dialogue social... Il était donc sage de reporter toute décision et de permettre la prolongation du débat.

De façon plus globale, cette tentative de réforme n'a pas un objectif purement économique. Il est malheureusement connu qu'une frange du patronat nourrit une vive antipathie à l'égard des prud'hommes. Ceux-ci ont, en effet, le tort de faire appliquer le droit et donc, souvent, de rétablir dans leurs droits les salariés victimes d'abus.

De façon cette fois plus prospective, j'ajouterai que les réformes du droit du travail que vous mettez en oeuvre depuis plusieurs années peuvent conduire à une restriction, bien involontaire, de l'activité des conseils de prud'hommes. Les assouplissements en matière de procédure de licenciement, le recours de plus en plus fréquent aux contrats précaires réduisent à tel point les droits des salariés qu'ils réduisent également les possibilités de recours. Quant à la prestation de services, elle ne relève pas de la compétence des prud'hommes, ce qui n'est pas le moindre de ses mérites pour certains employeurs !

Fort heureusement, l'activité des conseils de prud'hommes n'est pas encore asséchée. Elle est même tout à fait indispensable. Il faut rendre hommage à la sagesse de ces juridictions spécifiques et au travail remarquable qu'accomplissent les conseillers, employeurs et salariés. Il est donc très important de maintenir leurs capacités de travail.

C'est pourquoi, allant dans le même sens que l'Assemblée nationale, nous voterons contre cet amendement. À cet égard, nous nous étonnons que, par ce biais, le Gouvernement revienne sur une volonté exprimée par les députés !

Madame la présidente, madame le rapporteur, monsieur le ministre, j'aimerais que, dans sa sagesse, le Sénat décide qu'il faut remettre les choses à plat et que les dispositions relatives aux prud'hommes, qui sont essentielles, doivent faire l'objet d'un consensus, ce qui n'est pas le cas actuellement. Peut-être y parviendrons-nous avant le vote du projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social... Ce ne serait pas le moindre des paradoxes !

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