Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 9 novembre 2006 à 15h00
Participation et actionnariat salarié — Article 32

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Cet amendement tend à exclure du décompte des effectifs les salariés des entreprises sous-traitantes et de prestations de service qui interviennent dans une entreprise.

Cette disposition a déjà été introduite en tant que cavalier dans la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes et a été annulée par le Conseil constitutionnel.

La majorité revient à la charge aujourd'hui, avec la volonté de modifier l'article L. 620-10 du code du travail qui prévoit de prendre en considération dans les effectifs « les travailleurs mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure ».

La jurisprudence de la Cour de cassation est également claire sur ce sujet, après s'être formée progressivement depuis l'arrêt du 27 novembre 2001 : « dès lors qu'ils participent au processus de travail de l'entreprise qui les occupe, les travailleurs mis à la disposition de celle-ci entrent dans le calcul de l'effectif ».

Cette rédaction a ensuite été affinée. Nous vous ferons grâce de l'évolution de la jurisprudence pour en venir à la formule finale qui vous pose problème, en date du 12 juillet dernier : l'intégration des salariés au décompte des effectifs suppose qu'ils participent aux activités de l'entreprise utilisatrice, mais aussi « qu'ils soient intégrés à la communauté de travail ».

Ce raisonnement n'est pas nouveau et a été mis en oeuvre dès 1990 pour les démonstrateurs dans les grands magasins. Depuis un arrêt du 23 mai 2006, il s'applique aussi aux fonctionnaires affectés à une entreprise privée : ils sont électeurs et éligibles pour les élections des membres du comité d'entreprise.

Peut-on raisonnablement soutenir que les salariés d'entreprise sous-traitante ou prestataire de service qui travaillent avec les salariés de l'entreprise donneuse d'ordre, sur les mêmes lieux et dans les mêmes conditions, ne sont pas intégrés à la communauté de travail ? Bien évidemment non ! C'est contraire au simple bon sens, sauf à les habiller de couleurs différentes !

Il ne vous reste donc plus, pour porter atteinte à la représentation des salariés dont les conditions sont précisées par la Cour de cassation, qu'à modifier le code du travail. Nous retrouvons la vieille obsession des seuils d'effectifs, toujours trop bas, dissuadant les employeurs d'embaucher, sources de pertes de temps et de tracas multiples, stériles pour les employeurs... comme si les salariés n'avaient pas leurs propres tracas !

Vous faites toutefois une exception à votre volonté d'exclusion de ces salariés. Vous adoptez une disposition minimale en leur faveur afin qu'ils soient décomptés dans les règles de mise en place des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. C'est l'objet de votre référence à l'article L. 236-1 du code du travail. Cet article précise expressément que les salariés des entreprises extérieures sont désignés, parmi les salariés intervenant régulièrement sur le site, par le CHSCT constitué dans leur établissement. Cette représentation est fonction de la durée de l'intervention, de sa nature et des effectifs mobilisés.

Avec cet amendement, nous allons être en présence d'une forme inédite de précarité, celle de la représentation des salariés ! Les salariés des sous-traitants, même s'ils restent longtemps sur un site, n'éliront pas de délégués du personnel, ne seront pas représentés au comité d'entreprise. Ils n'auront leur mot à dire qu'en matière de prévention des risques professionnels, c'est-à-dire pour ce qui concerne leur santé et, parfois, leur vie. Nous en sommes au strict minimum auquel vous ne pouvez déroger, notamment en raison de la réglementation européenne.

Il est pour le moins paradoxal de trouver un tel amendement dans ce texte ; nous sommes loin de la participation et de la concertation des origines ! Selon moi, il s'agit à nouveau d'un cavalier.

Le procédé employé contredit les déclarations de M. le ministre du travail sur le renforcement du dialogue social. Comment pouvons-nous y croire alors que de tels procédés diminueront artificiellement le seuil de représentation des salariés sur le terrain et élimineront les salariés des sous-traitants de toute représentation sur leur lieu de travail ?

De quel dialogue social parle-t-on, monsieur le ministre ? Comment entendez-vous faire vivre le dialogue social avec des salariés non représentés, surtout s'ils sont employés par une entreprise de moins de cinquante salariés ? Comptez-vous ainsi améliorer la représentativité des organisations syndicales et favoriser un dialogue social vivant ?

Je réitère ma question : pourquoi introduire ces dispositions avant le vote de la loi sur le dialogue social ?

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