Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 9 novembre 2006 à 15h00
Participation et actionnariat salarié — Article 45

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Il nous paraît important de revenir sur le titre V de ce projet de loi, qui vise à créer le chèque-transport.

Si nous ne pouvons que souscrire à une proposition visant à améliorer la participation des employeurs aux frais de transports des salariés, nous avons pourtant de sérieuses réserves sur ce nouveau dispositif, ainsi que M. Guy Fischer l'a souligné tout à l'heure.

La mise en oeuvre du chèque-transport vise à répondre à plusieurs problèmes.

Le premier tient à la hausse exorbitante des tarifs des produits pétroliers observée depuis plusieurs mois et à ses répercussions sur le pouvoir d'achat des salariés

Cependant, cette hausse est directement liée au mode de gestion de la ressource pétrolière. En effet, laisser à de grandes firmes, et donc à des actionnaires avant tout soucieux de leurs marges, le monopole de gestion du pétrole ne permet pas de répondre aux enjeux de diversification et de maîtrise de la consommation de cette ressource. Alors que sa gestion devrait être publique au regard des enjeux énergétiques et environnementaux, l'explosion du tarif au baril a permis au premier groupe pétrolier français d'engranger des bénéfices nets de 9 milliard d'euros.

Il est vrai que la réponse du marché à l'épuisement des ressources fossiles réside dans l'augmentation des marges par les actionnaires. La pénurie est l'occasion d'accroître fortement la rentabilité à court terme. C'est autant d'argent qui ne servira pas à financer la recherche sur les énergies renouvelables, qui ne permettra pas d'améliorer l'efficacité énergétique, notamment dans les secteurs des transports et du logement.

Face à l'accroissement de cette dépense dans le budget des ménages, vous voulez mettre en oeuvre le chèque-transport, pour que, dans certaines conditions, l'employeur prenne en charge, à raison de 100 euros par an, les frais d'essence de ses salariés, ou une partie de l'abonnement à un mode de transport collectif. Il pourra aussi ne rien financer du tout !

Comment penser qu'il s'agit là d'une véritable solution d'avenir ?

Si votre gouvernement était réellement soucieux de l'incidence de la hausse du prix du pétrole sur le budget des ménages, il aurait pu décider de mettre en oeuvre la TIPP flottante.

Pourtant, vous refusez de revenir à la TIPP flottante, supprimée en 2003. Il faut bien dire que ce sont directement les ressources fiscales de l'État qui seraient touchées : la TIPP lui rapporte chaque année la modique somme de 25 milliards d'euros...

Vous ne posez donc pas la question de la réforme de la fiscalité sur les produits pétroliers, fiscalité qui, soit dit en passant, est particulièrement injuste.

Par ailleurs, si votre gouvernement souhaite concrètement renforcer le pouvoir d'achat des salariés, il devrait proposer non la mise en oeuvre de mécanismes laissés à la libre discrétion de l'entreprise, mais le relèvement global du niveau des salaires, notamment celui du SMIC.

En effet, ce nouveau dispositif ne permettra pas de répondre aux vraies questions de perte de pouvoir d'achat des ménages.

Le second objectif de cette nouvelle mesure est d'inciter les employeurs à financer les frais de transports collectifs de leurs salariés, afin de répondre aux impératifs environnementaux liés à l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto, qui impose aux pouvoirs publics des mesures fortes en vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Si des financements doivent, selon nous, inciter à l'utilisation des moyens collectifs de transport, nous estimons cependant qu'il est principalement de la responsabilité du Gouvernement d'accroître les financements publics en faveur des transports collectifs, à l'inverse de ce qu'il fait aujourd'hui.

Ainsi, le budget accordé au transport ferroviaire est en baisse constante depuis de nombreuses années. L'an dernier, le financement des transports ferroviaires a perdu un milliard d'euros. L'État n'a pas rempli l'ensemble de ses obligations en termes de financement des contrats de plan et vingt projets ont ainsi été abandonnés.

L'aide au transport combiné est passée - faut-il vous le rappeler ? - de 96 millions d'euros en 2002 à 32 millions d'euros cette année. Et vous venez aujourd'hui nous annoncer la mise en oeuvre du chèque-transport, comme une grande mesure susceptible de répondre à ces enjeux de rééquilibrage modal !

On est loin du compte, surtout si l'on considère le caractère facultatif de sa mise en oeuvre. En outre, comment ne pas remarquer les lacunes de ce dispositif ?

Si l'objectif est de donner un avantage au transport collectif, il serait nécessaire de faire certifier l'impossibilité d'utiliser les transports en commun lorsqu'ils n'existent pas ou lorsque les horaires de travail ne permettent pas leur utilisation. Mais, dans le dispositif que vous proposez, rien n'est prévu. Ce sera donc à l'employeur, de manière tout à fait discrétionnaire, de constater que cette condition est remplie.

De plus, je souligne qu'en Île-de-France, où le financement par l'employeur de l'abonnement aux transports urbains est obligatoire, 70 % des salariés continuent de prendre leur voiture. Comment l'expliquez-vous ?

Cette situation tient à deux raisons : soit la qualité de l'offre est moindre, soit la desserte n'est pas suffisante.

De larges progrès restent donc à accomplir pour renforcer la qualité de service, mais également pour permettre un maillage plus fin du territoire. Cela passe principalement par des investissements lourds de la puissance publique.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que ce nouveau chèque-transport, loin de répondre aux enjeux de développement des transports collectifs au regard des impératifs énergétiques et environnementaux, n'a qu'une valeur d'effet d'annonce.

Voilà pourquoi nous jugeons que ce titre V est scandaleux.

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