Sensibles aux histoires tragiques, au caractère versatile de « l'action foot », nos supporters français accepteront-ils de prendre un tel pari ? Je n'en suis pas sûr. D'ailleurs, une étude récente démontre que seuls 8 % des Français seraient prêts à investir dans le football.
Quant aux incidences juridiques et déontologiques que j'évoquais, j'y reviens un instant.
L'article 44, s'il propose d'ouvrir la possibilité aux clubs sportifs d'émettre des droits de vote ou des parts de capital ou de les céder au public, il le fait sans aucun garde-fou, si bien que l'on peut se poser la question du véritable objectif poursuivi par une introduction en bourse.
S'agit-il vraiment d'une valorisation des actifs des sociétés sportives, tels que leurs équipements sportifs ? Ce texte ne risque-t-il pas plutôt de permettre un enrichissement personnel des actionnaires dans la mesure où l'article 44 ne pose ni condition ni obligations préalables sérieuses, telles que la propriété du stade - actif tangible -, à l'obtention de l'autorisation de l'Autorité des marchés financiers, qui a du coup carte blanche ?
En outre, par dérogation à la législation actuelle, cet article autorise les sociétés anonymes à objet sportif qui font appel public à l'épargne à procéder au partage des bénéfices. Qui vérifiera que les clubs utiliseront les fonds levés pour rénover ou construire leurs équipements sportifs ? Malheureusement, personne ! Aussi le risque existe-t-il de voir se creuser un fossé encore plus important entre les petits et les grands clubs, d'où une accentuation du phénomène d'un championnat à plusieurs vitesses.
Enfin, je m'interroge sur la compatibilité de l'article 44 avec le maintien des dispositions issues de la loi Buffet du 6 juillet 2000, qui permet aux clubs sportifs de recevoir des subventions publiques des collectivités territoriales pour l'accomplissement de missions d'intérêt général, formation, actions sociales, et pour des prestations de service, telles que l'achat de places et de loges lors des matchs et d'espaces publicitaires.
Par mon intervention, je souhaite faire part de mes craintes au Gouvernement. Qu'il sache qu'elles sont partagées par mes collègues du groupe socialiste.
Si nous regrettons que le Gouvernement ait sans cesse reculé sur le dossier de la cotation des clubs sportifs en bourse, laissant ainsi carte blanche aux clubs sportifs, nous connaissons également l'obligation faite à la France par la Commission européenne de modifier notre législation. C'est pourquoi, dans le cadre de la transposition qui nous est imposée et malgré ses fortes réticences, le groupe socialiste s'abstiendra sur l'article 44.