Deux raisons essentielles justifient notre amendement de suppression.
Nous avons déjà abordé la première lors de notre intervention sur article, et chacun comprendra notre insistance à refuser ce cavalier législatif. Certes, formellement, le Gouvernement a contourné l'obstacle en préférant une lettre rectificative à un amendement, qui aurait certainement été invalidé par le Conseil constitutionnel en application de sa jurisprudence constante. Mais que vient faire un article permettant la cotation en bourse des clubs sportifs dans un projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié ?
L'article 44 ne respecte pas la lisibilité constitutionnelle de la loi, car il est totalement dépourvu de tout lien avec l'objet du texte initialement déposé. En acceptant de légiférer sur cet article, nous acceptons que notre mission et notre responsabilité soient mises en cause, d'autant qu'il s'inscrit dans un projet de loi sur lequel l'urgence a été déclarée, alors que rien ne la justifie pour la modification du code du sport qui nous est proposée.
Pis, on nous demande de modifier un code que nous n'avons toujours pas validé, puisque le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2006-596 du 23 mai 2006 relative à la partie législative du code du sport ne nous a toujours pas été soumis. C'est dire si la précipitation est forte, et l'on s'interroge toujours sur les raisons de celle-ci.
Les pressions de Bruxelles, dont on nous parle tant, ne peuvent tout expliquer, mais parlons-en tout de même.
Son avis motivé date de décembre dernier. Or, nous en sommes persuadés, il y a des exigences bruxelloises qui ne trouvent pas aussi rapidement leur mise en oeuvre. Il nous était encore possible d'y répondre et de justifier notre refus.
Quant au risque de saisine de la Cour de justice des Communautés européennes à la veille d'importantes échéances électorales dans notre pays, il était très faible.
Monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale, vous avez déclaré : «... depuis plus de quatre ans, je m'efforce de convaincre la Commission européenne que la levée inéluctable de l'interdiction de recours à l'épargne publique pour les sociétés sportives devait être assortie de précautions visant à sécuriser l'épargnant ». C'est bien ce que nous vous reprochons ! À aucun moment vous n'avez refusé l'ouverture à l'épargne publique au nom de la spécificité du sport. Or le traité de Nice vous offrait cette possibilité.
En effet, il est écrit dans l'annexe IV des conclusions de la présidence du Conseil européen des 7, 8 et 9 décembre 2000 : « La Communauté doit tenir compte [...] des fonctions sociales, éducatives et culturelles du sport, qui fondent sa spécificité, afin de respecter et de promouvoir l'éthique et les solidarités nécessaires à la préservation de son rôle social ». Le texte poursuit : « Le Conseil européen souhaite notamment que soient préservés la cohésion et les liens de solidarité unissant tous les niveaux de pratiques sportives, l'équité des compétitions [...] ».
Or l'avis motivé de Bruxelles reconnaissait que la promotion d'une certaine égalité sportive était bien un objectif d'intérêt général pertinent. Pourquoi ne pas vous être engouffré dans cette brèche pour l'élargir encore, en soulignant en particulier qu'un seul club est en mesure de faire appel public à l'épargne et que cette mesure porte un coup aux solidarités existantes entre le sport amateur et le sport professionnel ainsi qu'entre les différentes disciplines sportives ?
Nous pouvions d'autant plus le faire que Bruxelles reconnaît également que des restrictions à la libre circulation des capitaux sont possibles si elles respectent quatre exigences : s'appliquer de façon non discriminatoire - c'est le cas ! -, être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général - c'est encore le cas à notre avis, mais peut-être pas au vôtre -, garantir la réalisation de l'objectif défini - c'est toujours le cas ! - et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
Sur ce dernier point, nous vous l'accordons, en d'autres lieux nous aurions pu dire : « C'est plaidable ! ». Mais alors, il aurait fallu avoir la volonté et le courage politiques d'aller à l'encontre de Bruxelles et de faire dire le droit, s'il le fallait, par la Cour de justice des Communautés européennes. Vous savez que, si vous aviez opté pour une telle attitude, vous auriez pu compter sur le soutien de l'immense majorité des clubs sportifs, des fédérations et des sportifs eux-mêmes.
Vous auriez pu aussi vous appuyer sur le signe fort émis par notre peuple contre le projet de Constitution européenne.
Malheureusement, vous n'avez pas fait ce choix. Au contraire, vous avez négocié tout seul avec Bruxelles, dans le dos de la représentation nationale et du mouvement sportif.
Si vous avez agi ainsi, c'est bien parce que sur le fond vous êtes en plein accord avec ce libéralisme débridé qui doit s'étendre, d'après vous, à toutes les sphères de notre société, y compris au sport.
Mes chers collègues, nous savons vos réticences sur cet article, le rapport de la commission des affaires culturelles en témoigne. C'est pourquoi nous vous proposons de le supprimer.