Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, la Charte de l'environnement va sans doute prendre place ce soir aux côtés de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946. Cette innovation constitutionnelle est la bienvenue, même si certains sont en droit d'estimer que l'on aurait pu se dispenser de la proclamation liminaire de l'article 2, dépourvue de valeur juridique : cette déclaration tout à la fois scientifique et philosophique n'a sans doute pas sa place dans le texte constitutionnel.
La Charte s'imposait non seulement en raison de nos engagements européens et internationaux, mais aussi pour clarifier l'état de notre droit en matière d'environnement. Il fallait intégrer dans notre corpus constitutionnel les droits de l'homme de la troisième génération, comme l'ont déjà fait de nombreux États aux Constitutions récentes. Compte tenu de la structure de notre bloc de constitutionnalité, il était nécessaire d'adopter un texte qui fût différent du texte de la Constitution proprement dit : il s'agit donc d'un texte annexe auquel renvoie le préambule, comme c'est déjà le cas pour le texte de 1789 et celui de 1946. Il importait en effet de se doter d'une nouvelle déclaration de droits dans le respect de notre tradition constitutionnelle.
Cette charte ne crée pas de principes nouveaux : on sait déjà ce que signifie le droit à l'environnement. Mais le texte a l'avantage de définir, sous la forme d'objectifs constitutionnels, des droits et des devoirs qui méritaient d'être constitutionnellement garantis et être juridiquement clarifiés : ainsi en est-il du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, du droit d'accès aux informations sur l'environnement ou du droit de participer à l'élaboration des décisions publiques qui lui sont relatives. En contrepartie de ces droits, de nouveaux devoirs sont définis, comme celui de participer à la préservation de l'environnement, celui de prévenir les atteintes qui pourraient lui être portées ou d'en limiter les conséquences, et celui de répondre des dommages causés.
Mais il y a plus intéressant. Les autorités publiques sont dorénavant investies d'une mission spécifique : elles doivent assurer le respect du principe de précaution face aux risques hypothétiques, non encore confirmés scientifiquement mais qui peuvent être identifiés à partir des connaissances empiriques et scientifiques du moment. Cette responsabilité impose aux autorités de stimuler la recherche scientifique et de prendre des mesures provisoires et proportionnées pour faire face aux risques éventuels. Elles sont aussi responsables du développement durable, qui vise à concilier protection de l'environnement et développement économique et social.
La Charte innove également en insistant sur le devoir d'éducation et de formation et sur la nécessité d'inciter au développement de la recherche et de l'innovation appelées à concourir à la sauvegarde de l'environnement. Elle affirme donc clairement la volonté des générations actuelles de préparer l'avenir des générations futures en s'efforçant de sauvegarder les équilibres de notre planète et en responsabilisant les décideurs et les usagers. En cela, nous agissons pour le mieux-être de nos populations.
La ratification de cette charte implique aussi de nouvelles responsabilités pour le Parlement. Désormais, investi du rôle consistant à adopter des principes fondamentaux en matière de préservation de l'environnement, il doit être le garant de l'application de la Charte.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union pour un mouvement populaire du Sénat, dans son immense majorité, votera la Charte de l'environnement.