Intervention de Nicolas About

Réunion du 24 janvier 2006 à 11h00
Déductibilité de la pension alimentaire — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Nicolas AboutNicolas About :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en déposant en mai dernier la proposition de loi visant à prolonger la déductibilité de la pension alimentaire, que nous examinons aujourd'hui, j'ai surtout voulu dénoncer une inégalité de traitement en matière fiscale qui me paraissait particulièrement injuste.

En effet, comment comprendre qu'un parent divorcé ou séparé bénéficiant d'une déduction fiscale déplafonnée pendant toute la minorité de son enfant du fait qu'il verse une pension alimentaire pour son entretien puisse se voir appliquer un plafond dès les dix-huit ans de son enfant ?

L'obligation alimentaire, qui lie moralement et légalement un parent à ses enfants, ne cesse pas, quant à elle, à la majorité de ces derniers. On le sait bien, l'entrée beaucoup plus tardive des jeunes dans la vie active, la poursuite des études, les difficultés pour trouver un logement nécessitent aujourd'hui un soutien parental prolongé. Ce soutien est même souvent bien plus important lorsque l'enfant devient adulte, car les charges sont alors décuplées.

Appliquer un plafond est alors non seulement une injustice financière pour le parent débiteur, mais également une injustice morale dans la mesure où cela vient, en quelque sorte, taxer un lien symbolique qui unit un parent à son enfant dans des situations familiales complexes où la séparation laisse bien souvent des traces et crée des manques dans les liens affectifs.

Mais revenons à l'aspect financier.

Pour atteindre une réelle équité, il faudrait que l'opération soit parfaitement neutre pour l'administration fiscale. Or un rapide calcul à partir du barème de 2005 montre que, si l'on part de l'hypothèse d'un revenu imposable de 2 500 euros par mois pour les deux parents, soit 30 000 euros par an, avec le versement mensuel d'une pension alimentaire d'un parent à l'autre de 800 euros, on constate que ce qui était au départ une opération blanche, quand l'enfant était mineur - le parent débiteur déduisant la pension de ses revenus imposables et le parent receveur déclarant la pension dans ses revenus, tout en bénéficiant d'une demi-part supplémentaire -, apporte en fin de compte un gain de 112 euros à l'État, si mes calculs sont exacts, quand l'enfant devient majeur. Ce gain n'a pas de justification fiscale, puisque, je le rappelle, l'opération pour être plus juste aurait dû rester neutre.

J'ai également suivi les débats qui ont eu lieu dans cette enceinte autour de l'amendement que j'avais déposé sur le projet de loi de finances. Celui-ci, qui était identique à cette proposition de loi, fut repris et défendu avec talent par M. Philippe Marini, que je remercie à cette occasion.

Je comprends l'argument qui a été avancé par M. le ministre lors de ce débat et selon lequel le maintien d'un tel plafond s'explique par la nécessité de ne pas instaurer une nouvelle inégalité de traitement entre les contribuables : les uns, séparés ou divorcés dont les enfants majeurs seraient rattachés au foyer de leur autre parent, bénéficieraient d'un déplafonnement et les autres, contribuables de « droit commun » souhaitant pour des raisons fiscales - M. le rapporteur l'a rappelé - rattacher leur enfant majeur dans leur déclaration, n'en bénéficieraient pas. Ne remplaçons pas une inégalité fiscale par une autre !

L'objectif visé n'est certainement pas non plus d'accorder une déductibilité déplafonnée à tout le monde, ce qui, sous prétexte d'égalité « par le haut », offrirait un bon moyen d'évasion fiscale et créerait ainsi indirectement de plus graves inégalités en raison de la perte de recettes induites pour la collectivité.

En ce sens, la position adoptée par la commission des finances me paraît particulièrement sage et équilibrée. Accepter de prolonger la déductibilité des pensions alimentaires lorsque l'enfant devient majeur est une grande avancée. Limiter cette prolongation aux montants des pensions alimentaires fixés par le juge est une garantie nécessaire et suffisante pour éviter d'éventuelles ententes fiscales entre les ex-conjoints.

L'objectif de notre vote, mes chers collègues, doit rester clair : une plus grande équité fiscale, certes, mais dans le seul but de favoriser la permanence des liens de solidarité entre les parents et les enfants issus d'une séparation ou d'un divorce. N'offrons pas l'occasion à certains de se servir d'une situation de divorce comme d'une source d'économies fiscales supplémentaires, mais agissons dans l'intérêt même des familles !

Pour conclure, je tiens à remercier la commission des finances, en particulier son rapporteur et son président, ainsi que le Gouvernement, car la position qui a été adoptée devrait apporter un peu plus de sérénité dans nos familles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion