Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que l'on puisse dire est que le rapport qui présente les conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi visant à prolonger la déductibilité de la pension alimentaire versée en cas de divorce est quelque peu contradictoire.
En effet, « M. Philippe Marini, rapporteur général, a identifié deux raisonnements concurrents, l'un consistant à rechercher l'équité horizontale en comparant la situation fiscale des couples mariés et des couples séparés, ce qui aboutissait au rejet de la proposition et tendait même à remettre en cause la déductibilité intégrale des pensions alimentaires versées au titre d'enfants mineurs, l'autre consistant à s'attacher à la continuité du traitement fiscal des situations en cours, ce qui aboutissait à accueillir favorablement la proposition. »
Pour ma part, je me bornerai à faire quelques observations soulevées par la proposition de loi de M. About.
En cas de divorce, le versement d'une pension alimentaire est déterminé par principe, en matière civile, à concurrence de la faculté contributive du parent assumant cette charge au bénéfice de celui qui assure l'essentiel de l'éducation du ou des enfants du ménage séparé.
L'allongement de la scolarité des enfants est probablement au coeur de la question posée - M. About vient de le rappeler -, d'autant que, face à la précarité de l'emploi des jeunes, l'exigence d'une formation initiale sérieuse apparaît comme un garde-fou. D'ailleurs, au moment même où se trouve mis sur orbite le contrat « première embauche », on ne peut que souligner que ce n'est malheureusement pas ce qui réduira la précarité, bien au contraire !
On doit aussi le souligner, comme nous l'avons vu lors du débat budgétaire, l'action sociale en direction des étudiants est dans une crise profonde, qu'il s'agisse du système des bourses d'études comme de l'aide sociale sous toutes ses formes, et je pense ici notamment à la question du logement étudiant.
Nous ne pouvons donc regarder le texte que sous le seul angle de la fiscalité.
Il y a aujourd'hui neutralité fiscale du versement des pensions. La déduction admise pour le débiteur, quel que soit son montant, est symétriquement reproduite en tant que revenu pour le créancier.
Dans l'absolu, un contribuable déduisant 6 000 euros par an pour un enfant mineur bénéficie d'une remise d'impôt plus ou moins importante, selon son niveau d'imposition.
Aujourd'hui, cette remise peut atteindre 2 885 euros au niveau de la tranche supérieure d'imposition, tandis que le créancier ou, plus souvent d'ailleurs, l'ex-épouse recevant la pension compte tenu de la réalité d'aujourd'hui peut se retrouver avec une imposition marginale de quelques dizaines ou centaines d'euros du fait du versement de cette pension.
Lorsque l'enfant atteint sa majorité, cette pension est plafonnée à 4 489 euros, au barème actuel, mais elle l'est dans les deux sens. Par conséquent, si notre contribuable débiteur ne peut plus déduire un peu plus de 1 500 euros, soit environ 727 euros de droits à payer en moins, le créancier n'a plus à déclarer le montant antérieur.
Autoriser demain, comme le prévoit la proposition de loi, même modifiée par la commission des finances, la déductibilité de la totalité de la pension alimentaire versée conduirait à permettre au débiteur de continuer à optimiser fiscalement ses obligations civiles et contraindrait le créancier à supporter une partie du coût de cette optimisation.
L'effet pervers induit par l'adoption et la mise en oeuvre de la présente proposition de loi pourrait donc être une demande de réduction du montant de la pension versée. Est-ce l'effet recherché ? Ce n'est pas ce que j'ai cru comprendre des propos de notre collègue !
À la vérité, on peut même se demander si une telle proposition de loi a vraiment un sens et un intérêt profond pour les contribuables.
En effet, pour assurer la neutralité fiscale du dispositif, on contraindrait les enfants majeurs à déposer une déclaration en leur nom propre, l'essentiel de leurs revenus imposables étant, dès lors, constitué par la pension alimentaire.
De fait, cette proposition de loi est discutable du point de vue de la justice fiscale et elle risque de ne jouer pleinement son rôle que pour les contribuables dont les obligations alimentaires excèdent le montant forfaitairement admis pour l'impact du quotient familial.
Cette proposition de loi ne peut donc véritablement intéresser que les contribuables les plus aisés. De plus, elle risque de pénaliser, même si ce n'est que marginalement, les parents ayant finalement assumé l'éducation des enfants.
Nous ne savons pas s'il convient de donner force de loi à ce qui n'est qu'une « niche fiscale » supplémentaire en faveur de tous ceux qui usent et abusent déjà de manière significative de ce genre de dispositif !
Nous n'approuvons ni le texte initial de la proposition de loi ni celui qui ressort des conclusions de la commission des finances et voterons contre.