Intervention de Catherine Vautrin

Réunion du 24 janvier 2006 à 16h00
Prévention et répression des violences au sein du couple — Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Catherine Vautrin, ministre déléguée :

La prise de conscience publique des violences au sein du couple est récente car, malheureusement, très peu de victimes portent plainte.

Le phénomène a pourtant une ampleur et une gravité considérables, que deux enquêtes approfondies ont récemment mises en évidence.

La première, menée en 2000, a montré que, dans notre pays, une femme sur dix est victime de violences conjugales.

La seconde, que j'ai rendue publique au mois de novembre dernier, a révélé qu'en France une femme meurt tous les quatre jours des suites de violences au sein du couple.

Les hommes aussi sont victimes puisque près d'un quart des violences ayant entraîné la mort sont commises par des femmes.

Une situation aussi dramatique, dont la prise de conscience est si tardive, appelle une mobilisation de l'ensemble de notre société pour mettre un terme à des actes insupportables, et quelquefois particulièrement barbares.

C'est pourquoi, au mois de novembre dernier, j'ai souhaité donner une impulsion nouvelle à l'action que conduit le Gouvernement pour prévenir et lutter contre ces violences et pour mieux accompagner les femmes - et les hommes - qui en sont victimes.

Cette action est globale : elle concerne tout à la fois les victimes, le grand public et les professionnels, ainsi que les auteurs de violences eux-mêmes.

Nous devons d'abord répondre au premier besoin qu'éprouvent les victimes de violence : se mettre à l'abri pour mieux se protéger.

C'est pourquoi nous allons mettre en place une nouvelle mesure, qui complétera la palette des dispositions existantes. Il s'agit de rendre possible l'hébergement dans des familles d'accueil. Cette formule, différente, est mieux adaptée à la période de nécessaire reconstruction à laquelle sont notamment confrontées les femmes victimes de violences.

En étroite collaboration avec Xavier Bertrand, nous allons également améliorer leur accompagnement médical. En effet, comme chacun le sait, au-delà des blessures physiques, qu'il convient bien sûr de soigner, apparaît très souvent un drame moral, qu'il faut également prendre en considération, pour permettre à ces victimes de « redémarrer » et de se reconstruire.

Pour ce faire, nous allons mettre en place de nouveaux protocoles de prise en charge, afin de nous assurer, notamment, que ces femmes bénéficient d'un suivi moral, à l'hôpital comme chez les praticiens de ville. Des parcours de soins vont être organisés, à travers la mise en place de réseaux d'accueil.

La prévention des violences et le traitement des victimes exigent aussi que nous renforcions la formation des acteurs institutionnels tout comme la sensibilisation du public.

Au second semestre de cette année, nous allons lancer une campagne de communication pour le grand public parce que si l'on veut que les victimes dénoncent les faits, il faut les y inciter.

Par ailleurs, mon ministère a élaboré un document en direction des professionnels afin de les aider à appréhender ces difficultés.

Enfin, le troisième axe de mon action porte sur les auteurs de violence. En partenariat avec le garde des sceaux, je souhaite que nous puissions non seulement renforcer les sanctions, mais aussi favoriser le soin et la prévention. On sait en effet que 51 % des victimes succombant à la suite de violences ont déjà subi de tels actes auparavant. L'idée est de pouvoir intervenir beaucoup plus tôt, dès le début des violences, afin de pouvoir mieux y remédier.

À cet effet, j'ai confié une mission au docteur Roland Coutanceau dont les résultats me seront communiqués dès le mois de février prochain. Il s'agit de pouvoir avancer rapidement.

Selon les experts, 20 % des hommes violents changent profondément de comportement lorsqu'ils s'engagent dans un processus de soins.

Mesdames, messieurs les sénateurs, incontestablement, il n'y a pas de fatalité irrémédiable à la répétition de la violence.

Le volet répressif doit s'inscrire dans un dispositif plus complet, qui s'attache également à prévenir et à soigner.

Cette proposition de loi, enrichie par les travaux de l'Assemblée nationale, comporte de nouvelles mesures essentielles qui complètent notre action.

Elle renforce, tout d'abord, la possibilité d'éloignement du conjoint auteur de violences.

L'obligation d'éloignement adresse un signal fort aux agresseurs et aide les victimes à se sentir mieux entourées pour prendre au plus vite les décisions qui s'imposent, pour leur bien comme pour celui de leurs enfants. C'est à l'auteur des violences qu'il revient de déménager, et non à la victime, qu'il est indispensable de protéger.

La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a instauré une mesure d'éloignement et d'obligation de soins dans le cas des couples mariés ou des concubins.

Cependant, comme nous le savons tous, 31 % des décès dus à des violences conjugales surviennent au moment de la rupture ou postérieurement à celle-ci, et la violence n'est pas cantonnée aux couples mariés ou aux concubins. Nous devons donc encore étendre la mesure d'éloignement aux pacsés ainsi qu'aux anciens conjoints, aux anciens concubins et aux anciens pacsés, c'est-à-dire à tous ceux qui, en raison des relations qu'ils ont pu avoir à un moment ou à un autre, sont conduits à avoir ce type d'attitude.

L'attention du législateur doit aussi porter sur les relations au sein du couple.

C'est pourquoi le texte légalise la jurisprudence de la Cour de cassation qui reconnaît la notion de viol entre époux.

Mais il convient également de prévenir autant que possible les violences, qui trouvent essentiellement leur origine dans l'absence de reconnaissance et de respect.

Depuis son origine, le code civil mentionne le respect que l'enfant doit à ses père et mère. La loi du 4 mars 2002 y a ajouté le respect que doivent les parents à la personne de l'enfant.

Ajouter aujourd'hui la notion de respect au devoir mutuel de fidélité, de secours et d'assistance que se doivent les époux permettrait de parachever l'évolution de notre droit en matière de relations intrafamiliales.

Cet ajout donnerait l'occasion à l'officier d'état civil, lorsqu'il célèbre un mariage, de mettre l'accent sur cette valeur fondamentale. C'est aussi un moyen de lutter contre toute violence ultérieure.

Cette prévention suppose enfin de garantir la liberté du consentement des époux.

C'est pourquoi je suis particulièrement attachée à l'une des dispositions de cette proposition de loi qui vise à supprimer l'une des dernières discriminations fondées sur le sexe encore présentes dans le code civil en harmonisant l'âge nubile à dix-huit ans, aussi bien pour les jeunes filles que pour les jeunes gens, et en renforçant le contrôle de la liberté d'expression du consentement matrimonial. Nous savons effectivement que le mariage forcé reste une préoccupation dans notre pays.

La prévention de tels mariages passe aussi par la sensibilisation des jeunes et de leur famille. C'est pourquoi j'ai souhaité que leur interdiction soit explicitée dans un guide général sur les droits des femmes de l'immigration.

Mon ministère apporte aussi un soutien appuyé aux associations de terrain qui accompagnent ces jeunes femmes et ces jeunes hommes dans leur parcours vers l'autonomie.

Il s'agit non pas de les pousser à une rupture avec leur famille mais de faciliter et de renforcer le dialogue avec l'entourage.

Par ailleurs, j'ai pris contact avec mon collègue Gilles de Robien pour que l'information auprès des adolescents soit renforcée dans le cadre scolaire. La liberté matrimoniale est une liberté fondamentale. Nous devons aider les jeunes à comprendre qu'ils ont toutes et tous le droit de l'exercer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en conclusion je veux remercier la commission des lois du Sénat pour le travail qu'elle a bien voulu effectuer et je souhaite, comme M. le garde des sceaux, que les mesures que nous examinons aujourd'hui puissent être adoptées dans les toutes prochaines semaines pour que leur entrée en vigueur permette à la France, pays des droits de l'homme, d'être ainsi, plus que jamais, fidèle à son image.

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