La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.
La séance est reprise.
J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
M. le président du Sénat a été saisi de deux demandes tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner des missions d'information par :
- M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, en vue, d'une part, de mener des missions de contact dans plusieurs capitales de l'Union européenne avec les parlementaires de ces pays sur le processus de ratification de la Constitution européenne et, d'autre part, d'organiser des déplacements en Allemagne et aux Pays-Bas afin d'approfondir la question des mesures de sûreté vis-à-vis des personnes considérées comme dangereuses ;
- M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, en vue de se rendre en Chine pour apprécier les objectifs de la politique étrangère de ce pays ainsi que l'évolution de son outil militaire.
Le Sénat sera appelé à statuer sur ces demandes dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
En application de l'article 30 du règlement, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC, et M. Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, rattachés et apparentés, demandent la discussion immédiate de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (n° 167, 2005-2006).
Cette demande est signée par au moins trente sénateurs.
Conformément au quatrième alinéa de l'article 30 du règlement, il va être procédé à l'appel nominal des signataires.
Huissiers, veuillez procéder à l'appel nominal.
(R
La présence d'au moins trente signataires ayant été constatée, il va être procédé à l'affichage de la demande de discussion immédiate sur laquelle le Sénat sera appelé à statuer, conformément à l'article 30 du règlement, au cours de la présente séance, après l'expiration du délai minimum d'une heure et après la fin de l'examen du dernier point inscrit par priorité à l'ordre du jour réservé du Sénat.
La demande va être communiquée sur-le-champ au Gouvernement.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 7 de M. Jean-Paul Emorine à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'application de la loi relative au développement des territoires ruraux.
La parole est à M. Jean-Paul Emorine, auteur de la question.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la bonne application des lois constitue une préoccupation constante de la commission des affaires économiques du Sénat, laquelle est également très attentive au monde rural et à son développement.
La double vigilance que je viens d'évoquer amène donc fort logiquement notre commission à s'intéresser tout particulièrement à la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, dite « loi DTR », qui l'a beaucoup mobilisée en 2004 et en 2005, à l'occasion des lectures successives du projet de loi au Sénat.
Première loi destinée spécifiquement à l'espace rural, la loi DTR, qui comporte des avancées majeures sur de nombreux aspects de la vie de nos campagnes, a fait naître beaucoup d'espoirs.
Or, sur plusieurs points, un certain désenchantement commence à sourdre, car les mesures réglementaires qui permettraient la mise en oeuvre concrète des dispositions attendues tardent à être publiées.
C'est pourquoi, en l'absence du rapport sur la mise en application de la loi DTR qui aurait dû être remis au Parlement au titre de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, la commission des affaires économiques souhaite maintenant obtenir des précisions sur les dates prévisionnelles de publication des nombreux décrets restant à paraître.
En effet, le taux d'application de la loi demeure bas, en dépit de la volonté exprimée initialement d'agir au plus vite.
Sans entrer dans les détails des discussions chiffrées, je signale que, près d'un an après l'adoption définitive de la loi DTR par le Parlement, deux tiers des décrets nécessaires à son application complète - une petite cinquantaine ! - restent à prendre. C'est beaucoup !
Pourtant, lors de la discussion du projet de loi, il avait été annoncé que la quasi-totalité des mesures d'application seraient adoptées avant la fin de l'année 2005. Nous en sommes loin !
Cela paraît d'autant plus paradoxal que l'engagement du Gouvernement d'agir le plus rapidement possible en matière d'application des lois a été clairement énoncé à plusieurs reprises. Le Premier Ministre l'a ainsi rappelé dans sa réponse à ma lettre de novembre dernier sur le problème de la résorption du « stock » des décrets attendus pour les lois relevant de la compétence de la commission des affaires économiques.
De surcroît, le Gouvernement a défini et encadré de manière générale les modalités d'application des lois dans la circulaire du 1er juillet 2004 et dans le guide légistique destiné à l'administration. Ces documents prévoient que le calendrier prévisionnel de publication des textes d'application ne doit pas comporter, en principe, d'échéance allant au-delà des six mois suivant la parution de la loi.
En outre, s'agissant de la loi DTR, le ministère de l'agriculture avait expliqué, le 12 mai 2005, à l'occasion d'une réponse à une question écrite de notre collègue M. Alain Fouché, que certains décrets seraient préparés parallèlement à la discussion du projet de loi. Une telle procédure aurait dû, à première vue, permettre de respecter le délai de six mois. Tel n'est malheureusement pas le cas !
Parmi les vingt-trois textes réglementaires adoptés, seuls huit ont été publiés dans le délai de six mois, les quinze autres l'ayant été dans un délai moyen de dix mois. Or ce délai moyen, certes honorable, ne peut que s'allonger s'agissant des textes réglementaires - deux tiers des décrets nécessaires à l'application complète de la loi - restant à prendre.
Il apparaît d'ores et déjà impossible que le délai ne soit pas supérieur au délai moyen actuellement constaté - huit mois - pour l'application des lois promulguées pendant la législature. On ne peut que le regretter !
En revanche, on doit, bien entendu, se féliciter de la parution des mesures réglementaires relatives aux zones de revitalisation rurale, les ZRR, ainsi que de celles qui portent sur l'attribution d'aides à l'installation des professionnels de santé dans les zones déficitaires.
Cependant, monsieur le ministre, je me dois d'insister sur les mesures législatives qui ne sont pas encore applicables et qui, pour nombre d'entre elles, sont d'une grande portée. Le monde rural et agricole attend en effet avec impatience que les dispositions les plus importantes entrent en vigueur.
Ainsi, nous avons du mal à comprendre pourquoi l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale, prévue à l'article 233, n'est pas encore créée. Cette agence doit contribuer à revaloriser l'image des agriculteurs, si injustement malmenée aujourd'hui et permettre ainsi à l'opinion de mieux comprendre leur situation ; d'où le grand intérêt qui s'attache à la mise en place de cette agence. Or, en dépit des précisions apportées par le Sénat lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, elle reste virtuelle !
Il en va de même s'agissant des unités touristiques nouvelles, prévues à l'article 190. Les enjeux de cette disposition pour le développement des zones de montagne, ainsi que le fait que le projet de décret d'application avait été transmis aux parlementaires au mois de janvier 2005, auraient dû, a priori, conduire à une parution rapide du décret en question. Or il n'en a rien été puisque nous attendons toujours ce texte, qui a pourtant été assez longuement évoqué au cours des débats législatifs.
Quels sont donc les obstacles à sa parution ?
Ce projet de décret avait même fait l'objet, voilà maintenant un an, d'un accord des élus de la montagne. Dans ces conditions, vous comprendrez, je l'espère, monsieur le ministre, nos interrogations et nos inquiétudes face à tant de retard.
Je vous l'ai dit, les exemples de retard sont nombreux et divers. Ainsi, dans un contexte général de multiplication des aléas et de variation du revenu des agriculteurs, les modalités d'indemnisation de ces derniers pour les dommages causés à leurs récoltes par des organismes nuisibles, prévues à l'article 36 de la loi, sont naturellement très attendues.
Dans un tout autre domaine, nous souhaiterions également connaître l'état d'avancement des décrets d'application des articles 85 et 90, qui réforment en profondeur l'aménagement foncier, ainsi que les raisons du retard pris.
Certes, je n'ignore pas les difficultés auxquelles vous êtes confronté, monsieur le ministre. La nécessaire concertation interministérielle ainsi que la prise en compte des contraintes du droit communautaire peuvent compliquer les procédures et engendrer bien des retards. Cependant, il serait souhaitable que la loi relative au développement des territoires ruraux puisse être un exemple de l'effort accompli par le Gouvernement en matière d'application des lois au cours des dernières années.
Légiférer, c'est bien, mais appliquer les décisions du législateur, c'est encore mieux !
Comment répondre aux accusations d'inflation législative, qui portent atteinte à la crédibilité du travail normatif, quand de nombreux points d'un texte aussi important que la loi DTR sont dépourvus d'effets concrets ?
En conséquence, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer le calendrier que vous envisagez aujourd'hui pour la sortie des deux tiers des mesures réglementaires restant à prendre pour la pleine application de cette loi et nous préciser quelles seront vos priorités ?
Nous vous remercions par avance des réponses que vous voudrez bien nous apporter.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes ;
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie tout d'abord mon collègue Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, d'avoir déposé cette question orale, qui nous permet aujourd'hui de débattre de l'application de la loi relative au développement des territoires ruraux, mais également, d'une manière générale, de la faible application des textes votés par les parlementaires, faiblesse qui soulève un problème de fond.
L'application des lois est un sujet que le Sénat, particulièrement la commission des affaires économiques, connaît bien. Celle-ci publie en effet chaque année une note sur ce sujet, laquelle est intégrée au rapport de notre assemblée concernant ce problème. C'est en effet principalement dans les secteurs économiques que la production réglementaire semble avoir le plus de mal à suivre le travail législatif.
La question qui nous occupe en est une illustration. Elle traduit la préoccupation de son auteur de ne pas laisser des secteurs de notre économie dans l'incertitude et sa volonté de résorber le décalage entre annonce et mise en oeuvre des mesures, un tel décalage aggravant, chacun le sait, la désaffection de l'opinion pour la vie publique.
Dans sa dernière étude, la commission des affaires économiques a pointé les bilans semestriels effectués par les ministères. Elle n'a pas manqué de souligner que les indicateurs de suivi étaient appliqués de façon inégale par le Gouvernement et que les échéanciers étaient souvent incomplets, voire inexacts.
Par ailleurs, même si elle a reconnu la volonté du Gouvernement de résorber le retard pris dans les décrets d'application des lois votées, qui s'est traduite par la mise en place de procédures et d'outils de suivi, force lui est de constater que leurs effets n'ont jusqu'à présent été que partiellement visibles.
D'ailleurs, le taux d'application global des dispositions législatives pour lesquelles un texte réglementaire est prévu demeure très faible : 35 % seulement. Parallèlement, le « stock » des lois partiellement applicables s'est accru : trente-six en 2004-2005, contre trente-deux pour la session précédente.
En outre, comme l'indique encore la commission des affaires économiques, le principe d'une parution des décrets d'application dans les six mois paraît davantage ressortir du simple voeu que d'un objectif impérieux.
Quant à l'élaboration simultanée des lois et de leurs décrets, si j'en mesure la difficulté, je note tout de même qu'elle figure parmi les objectifs de la circulaire du 1er juillet 2004 sans pour autant trouver d'application concrète.
Dès lors, le Gouvernement doit encore fournir des efforts et, monsieur le ministre, cela est vrai notamment dans le secteur agricole. Vous allez probablement dire que des efforts ont été accomplis s'agissant de la loi qui fait l'objet de la question de notre éminent collègue. Au demeurant, cette loi a également motivé la création, au sein du ministère de l'agriculture et de la pêche, d'une mission spéciale pour la publication de ses décrets.
Quoi que je pense de l'efficacité de la loi relative au développement des territoires ruraux, qui constitue en fait une juxtaposition de dispositions dans des domaines variés liés au monde rural, sans ligne de conduite vraiment porteuse d'espoir, j'aborderai trois points particuliers.
Le premier concerne la pluriactivité, qui constitue le quotidien des éleveurs des zones de montagne. Celle-ci doit être favorisée, car les campagnes françaises connaissent un changement important, le champ d'application des politiques rurales s'étant progressivement étendu, notamment au tourisme et au commerce. À ce titre, l'État a contractualisé des crédits en faveur de la diversification dans les territoires ruraux.
Ces politiques contractuelles ont été réaffirmées par la loi relative au développement des territoires ruraux. Comment seront-elles mises en oeuvre, monsieur le ministre, alors que le jaune budgétaire « Aménagement du territoire » présente des crédits en baisse pour 2006, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, notamment pour ce qui concerne le ministère de l'agriculture et de la pêche ?
Le deuxième point a trait à l'emploi en zone rurale. Lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi, nous avions examiné un article instituant des groupements d'employeurs composés d'adhérents de droit privé et de collectivités locales, ce qui constitue le principe même de la vie en zone rurale.
J'avais alors déposé un amendement concernant le statut de l'employé rural en tant que multisalarié et nous nous étions alors mis d'accord sous le bénéfice d'un engagement pris par le secrétaire d'État de l'époque M. Nicolas Forissier. Le rapporteur de notre commission, en l'occurrence le président Jean-Paul Emorine, s'était dit très intéressé. Le secrétaire d'État avait déclaré qu'il comprenait la motivation de l'amendement et qu'il partageait le sentiment du rapporteur sur la nécessité de mettre de l'ordre dans les statuts liés aux groupements d'employeurs, plus particulièrement en zone rurale. Il avait ajouté que cette question devrait faire l'objet d'une étude - maintenant, quand on nous dit qu'une étude sera engagée, nous nous méfions ! - et, sur la foi de ces déclarations, j'avais retiré mon amendement. Or, monsieur le ministre, je n'ai eu aucune nouvelle depuis, alors que je vous ai sensibilisé sur l'article 59 à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.
Le décret d'application prévu par l'article 59 n'ayant toujours pas été publié, le statut de l'employé rural figurera-t-il, monsieur le ministre, dans ce futur règlement ?
Enfin, monsieur le ministre, le troisième aspect important du développement rural concerne la place de l'homme dans ces territoires. Pour ma part, je suis très attaché à la préservation et au développement de la notion de services, services publics bien sûr, mais aussi services privés d'utilité publique dans les zones rurales ; je songe à la présence des médecins, par exemple.
A cet égard, les articles 108 et suivants traduisent une certaine attention vis-à-vis des zones médicalement dépeuplées. Le dispositif prévu ne diffère de la proposition de loi que j'avais déposée à ce sujet que par le fait que ce sont les collectivités locales qui paient !
Elle souffrait pourtant d'une crise d'asthme, que le grand-père a pu diagnostiquer avec l'aide de son épouse, qui est sage-femme. Aurait-il dû appeler les pompiers ou se rendre de lui-même aux urgences du centre hospitalier du chef-lieu du département, situé à plus de vingt-cinq minutes de chez lui ?
Je sais bien que, face à l'insécurité médicale ressentie de plus en plus vivement par nos populations, le décret en Conseil d'État qui est attendu pour l'application de l'article 108 ne permettra pas de changer la face du monde. J'aimerais néanmoins savoir où on en est à cet égard.
Pour terminer, qu'il me soit permis d'évoquer la sécurité des tracteurs anciens, dont le retournement intempestif cause encore, malheureusement, de trop nombreux décès dans la population agricole. À ce sujet, un amendement a été voté à l'unanimité par le Sénat lors du débat sur la loi du 23 février 2005. Une opération pilote est en cours dans mon département, le Tarn, concernant la mise en oeuvre de cet article. Cela signifie-t-il, monsieur le ministre, que l'arrêté prévu à l'article 72 et devant fixer les prescriptions techniques et les conditions de vérification n'interviendra qu'à l'issue de cette expérimentation ? Où en est-on s'agissant de l'application de cet article et de la publication de cet arrêté ?
M. le président du Conseil constitutionnel l'a clairement indiqué lors de ses voeux au Président de la République, voilà quelques jours : « [Les] mécanismes [démocratiques de prise de décision] arbitrent avec difficulté lorsque la problématique devient complexe. La griserie de l'annonce l'emporte bien souvent sur les contraintes austères de l'arbitrage et de la prévision. [...] D'où ces lois d'affichage dont on mesure après coup les conséquences décevantes ou inopportunes. »
Je suis persuadé, monsieur le ministre, que, disant cela, M. Pierre Mazeaud ne faisait pas allusion à la loi relative au développement des territoires ruraux. Il appartient au Gouvernement, et à vous-même désormais, de nous le démontrer.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le ministre, vous vous êtes fortement impliqué, avec M. Forissier, à l'époque secrétaire d'Etat, dans la loi relative au développement des territoires ruraux. Vous avez su en effet mener à bien la préparation, puis le vote de ce texte. Grâce à la volonté du Premier ministre d'alors, Jean-Pierre Raffarin, que je suis heureux de saluer, vous avez aussi fait voter un texte capital, la loi d'orientation agricole. Ces deux démarches sont complémentaires.
À mon sens, en effet, ces deux textes marquent une rupture
M. Gérard Delfau s'esclaffe
oui, mon cher collègue, et d'abord parce que, pendant des années, les territoires ruraux ont été laissés à l'abandon.
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.
La loi relative au développement des territoires ruraux est venue traduire une volonté politique forte du Gouvernement et de ses soutiens de mettre un terme à la désertification d'un certain nombre de nos territoires, situés en particulier dans les zones de montagne.
M. Jacques Blanc. Nous entendions donner des chances nouvelles à ces territoires ruraux : les discours sont aujourd'hui transformés en actes législatifs, en décrets et en réalisations.
M. Raymond Courrière rit.
Sous les gouvernements que vous avez soutenus, chers collègues de l'opposition, le pays rural était abandonné !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Il est vrai que nous sommes parfois impatients de voir publier l'ensemble des décrets d'application, d'autant que le Sénat a joué un rôle positif important dans l'élaboration du texte. J'en félicite le président de la commission des affaires économiques, également rapporteur du projet de loi en question.
Nous sommes intervenus avec force au cours des débats, notamment pour défendre un certain nombre d'amendements qui ont été acceptés par la commission des affaires économiques et par le Gouvernement. Le Sénat exprime donc aujourd'hui sa reconnaissance pour la loi, ainsi que pour les décrets déjà parus.
Nous vous apportons notre soutien, monsieur le ministre, en vue de l'achèvement du travail d'élaboration de ces décrets.
On ne peut pas laisser dire qu'il s'agit là d'un texte d'affichage dans la mesure cette loi manifeste un volontarisme politique en matière d'aménagement du territoire.
Notre pays en avait bien besoin.
Évidemment, ceux d'entre nous qui avaient montré beaucoup de réticence lors des débats sur le projet de loi sont maintenant les premiers à estimer que la prise des décrets traîne en longueur ! N'est-ce pas, monsieur Courrière ? Mais cette impatience prouve qu'il s'agit d'un bon texte ! Il faut aller plus vite précisément parce que cette loi est bonne et parce que le travail accompli est positif !
Sourires sur les travées de l'UMP.
Voilà ce que nous devions d'emblée affirmer, en soulignant que ce texte a redonné un fondement aux zones de revitalisation rurale. Sur ce point, les décrets ont déjà été publiés.
En outre, dans sa sagesse, le Gouvernement a prolongé, pour les communes n'ayant pu entrer aussi vite que cela était souhaité dans une structure intercommunale, le délai accordé pour continuer à bénéficier des avantages liés aux zones de revitalisation rurale. Ayant défendu un amendement portant sur ce thème, je me réjouis de ce que la situation de ces communes ait été prise en compte. En effet, il leur est parfois difficile de rejoindre une communauté de communes, surtout quand elles faisaient jusqu'alors partie de syndicats intercommunaux à vocation multiple ou à vocation spécifique.
En tout état de cause, le problème de la rénovation des zonages est donc réglé puisqu'un décret concernant cette matière a paru en novembre 2005.
Par ailleurs, l'organisation des services publics en milieu rural a fait l'objet d'une circulaire en date du 3 mars 2005 et visant à encadrer les choses. Permettez-moi, mes chers collègues, de juger positifs les débats qui ont été ouverts sur ce sujet, s'agissant en particulier de La Poste.
Cela étant, on nous dit qu'il existe une pénurie de médecins. Excusez-moi, chers collègues de l'opposition, mais ce n'est pas cette loi qui peut corriger les erreurs monumentales accumulées par le passé dans le domaine de la formation des médecins ou des personnels de santé !
M. Jacques Blanc. Soit dit entre nous, si les responsabilités sont partagées à cet égard, elles vous incombent néanmoins pour la plus grande part !
« Oui ! » sur les travées de l'UMP.
M. Jacques Blanc. En effet, à l'époque où M. Jospin était Premier ministre, les facultés de médecine auraient pu être ouvertes à davantage d'étudiants : nous ne serions pas aujourd'hui en situation de pénurie ! Il faut tout de même le dire !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
M. Jacques Blanc. En effet, combien de jeunes originaires de nos campagnes ont été écartés à l'issue du concours de fin de première année organisé dans les facultés de médecine, alors qu'ils auraient pu faire de remarquables praticiens ? À l'heure actuelle, nous sommes obligés d'aller recruter des médecins à l'étranger, et la pénurie est générale ! Cela est vrai aussi pour les infirmières, pour les kinésithérapeutes, pour l'ensemble des professions médicales !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Ce n'est tout de même pas la faute de Dominique Bussereau ou de Jean-Pierre Raffarin si nous nous trouvons aujourd'hui dans cette situation !
Réjouissons-nous que, pour une fois, on ait osé aborder dans la loi la question des incitations à l'installation de professionnels de santé ou à la construction d'équipements sanitaires, qu'on ait donné la possibilité à des collectivités territoriales d'intervenir sur ce plan, ce que l'on aurait dû faire voilà bien des années, qu'on ait permis aux collectivités qui investissent dans ce domaine de récupérer la TVA. C'était, là aussi, une révolution culturelle.
Eh bien, un décret relatif à l'article 108, qui concerne les aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien des professionnels de santé, a été publié.
J'ajoute que le Sénat, dans sa sagesse, a inséré des dispositions visant à faciliter, par des mécanismes fiscaux, la transmission des entreprises commerciales, artisanales ou libérales.
Nous avions mené, vous vous en souvenez, monsieur Émorine, un combat assez intense pour que soient étendus à la transmission des entreprises libérales les avantages qui étaient prévus dans le cadre des politiques territoriales : le Gouvernement nous a écoutés et entendus.
Par ailleurs, un décret du 14 décembre dernier tire les conséquences du vote de la loi pour la composition et le fonctionnement du Conseil national de la montagne.
M. Jacques Blanc. La moitié d'entre eux concernent des modifications du code rural, d'autres sont relatifs au code général des impôts, au code de l'urbanisme, au code de l'environnement, au code général des collectivités territoriales, au code du travail, au code de la sécurité sociale ou même au code de procédure pénale.
Rires sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Cela dénote, mes chers collègues, l'ampleur du champ de cette loi, dont le texte a été enrichi par l'Assemblée nationale et, dans une large mesure, par le Sénat.
Le caractère interministériel de nombre des thèmes abordés explique d'ailleurs en partie les temps de latence constatés pour la parution des décrets. Cependant, nous voulons dire aujourd'hui à M. le ministre qu'il a bien travaillé, qu'il faut continuer dans cette voie en allant un peu plus vite, afin que l'ensemble des décrets nécessaires puissent paraître rapidement et qu'entrent en application des mesures positives, attendues et porteuses d'espérance pour le pays rural.
Cela étant, un certain nombre d'interrogations demeurent. Sans revenir sur les débats que nous avons eus, je voudrais rappeler certaines d'entre elles.
Par exemple, où en sommes-nous exactement s'agissant de l'extension aux professions libérales des dispositions fiscales que j'évoquais à l'instant, visant à favoriser les reprises ? Je souhaite, en effet, que nous adressions un message fort à un pays rural où la place des activités agricoles est reconnue, mais où les activités commerciales, artisanales et libérales ont été trop longtemps négligées, alors qu'elles sont indispensables à la vie en milieu rural.
Je voudrais également vous interroger, monsieur le ministre, sur l'application de certaines des mesures d'exonération de charges patronales aux employeurs associatifs.
En effet, les articles 15 et 16 de la loi prévoient que le bénéfice d'un certain nombre d'exonérations de charges patronales peut être accordé à ces derniers. Or, dans certains départements ou régions, des questions peuvent se poser à cet égard. Je souhaiterais, pour ma part, que de telles dispositions, qui sont incitatives bien que de portée limitée, puissent s'appliquer aux associations qui gèrent, dans les espaces ruraux classés en zone de revitalisation rurale, des structures telles que des maisons de retraite, des centres d'aide par le travail, des établissements pour personnes handicapées ou des résidences pour vacanciers.
Il me semble nécessaire d'apporter des précisions et des éclaircissements sur ce point, eu égard à l'intérêt que nous avions témoigné, au cours des débats, à ce tissu associatif dont la vocation sociale est évidente, s'agissant en particulier du secteur de l'enfance handicapée, qui a toujours reçu dans le milieu rural un accueil très favorable et généreux. Il est à mes yeux légitime que des associations rendant un service d'une utilité manifeste à des populations en difficulté et contribuant, en même temps, à animer les espaces ruraux puissent bénéficier des allégements de charges inscrits dans la loi.
De même, je souhaiterais que vous puissiez, monsieur le ministre, accélérer les processus interministériels concernant la réduction d'impôts en faveur des résidences de tourisme situées dans les zones de revitalisation rurale, prévue à l'article 20 à la suite de l'adoption d'un amendement que nous avions présenté.
En outre, il me paraît essentiel que les ORIL, les opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisir, à propos desquelles le Sénat s'était fortement mobilisé, puissent faire l'objet de mesures concrètes correspondant aux objectifs que nous avions fixés et qui ont été repris dans la loi. Sur des territoires donnés, les ORIL permettent d'inciter des propriétaires privés, regroupés au sein d'associations ou de sociétés, à améliorer un patrimoine qui représente un capital pour le pays rural, en particulier dans les zones de montagne, ainsi que des structures d'accueil très appréciées d'une clientèle familiale.
M. Jacques Blanc. C'est l'État, mon cher collègue ! Cela a été inscrit dans les textes. Là encore, c'est le Premier ministre de l'époque, M. Jean-Pierre Raffarin, aujourd'hui présent parmi nous, qui l'a voulu. Quel chantier avez-vous ouvert là, monsieur le Premier ministre !
Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Rires sur les travées du groupe socialiste.
L'histoire le retiendra : le chantier de la décentralisation n'est pas facile, mais vous avez tenu bon et vous avez avancé, comme sur d'autres sujets !
M. Jacques Blanc. Eh oui, monsieur Delfau, vous n'avez pas eu la chance de soutenir des premiers ministres de cette qualité !
Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.
M. Jacques Blanc. Je passe à un autre sujet qui me préoccupe, celui des sociétés d'investissement pour le développement rural. La loi prévoit qu'une part de leur capital doit être prise par une ou des régions. Cependant, quand des régions bloquent...
Ah ? sur les travées de l'UMP.
Sourires
... de la hauteur, en effet, mon cher collègue.
Dans un tel cas, ne serait-il pas envisageable que des structures régionales puissent se substituer aux régions ? La loi ne dit pas que c'est le conseil régional qui doit intervenir.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez expliciter le texte à cet égard, dans la fidélité à la volonté manifestée par le législateur, qui entendait non pas octroyer un pouvoir de blocage aux conseils régionaux, mais donner une dimension régionale au dispositif, au travers de la répartition du capital.
Dans cette perspective, la solution que j'ai évoquée permettrait à la fois de contourner l'obstacle et de satisfaire à l'objet des sociétés visées, à savoir le développement des investissements dans le milieu rural, selon une approche régionale. Je me permets de soulever ce problème, car il s'avère, hélas, que nous le rencontrons sur le terrain.
Je voudrais enfin vous demander, monsieur le ministre, si les dispositions relatives au soutien des activités agricoles, qui portent sur les contrats de fourniture et qui concernent le plus souvent les interprofessions du secteur des vins, cidres et spiritueux, vont pouvoir entrer en application. Le décret d'application de l'article en cause, qui résulte d'un amendement que nous avions soutenu, n'est, à ma connaissance, pas encore publié.
Nous pourrions attirer votre attention sur un certain nombre d'autres points, monsieur le ministre, mais, connaissant votre détermination, je n'abuserai pas du temps de parole qui m'a été imparti.
Vous me permettrez néanmoins de dire en conclusion que, dans nos sociétés où nous avons besoin d'exprimer des volontés politiques fortes, il était utile et même nécessaire de traduire la nécessité de changer de cap et l'ambition d'aboutir à un aménagement équilibré et harmonieux de notre territoire.
Les femmes et les hommes de notre siècle ont besoin de se réconcilier avec eux-mêmes en retrouvant un environnement naturel. Pour ce faire, il est nécessaire de maintenir certains équilibres. La politique d'aménagement du territoire n'est pas un gadget ; c'est la concrétisation d'un choix politique fondamental : offrir à nos concitoyens la possibilité de choisir leur vie, de s'implanter dans l'espace rural, dans les zones de montagne, et d'apporter ainsi une espérance nouvelle, une espérance pour nos territoires.
C'est une grande satisfaction et un grand bonheur pour l'élu de la Lozère que je suis de voir se repeupler les zones rurales de ce département qui, après avoir subi les drames des grandes guerres, qui ont saigné la région et fait fuir les populations, a connu la désertification.
Encore faut-il que ce mouvement puisse bénéficier d'un accompagnement. C'est ce qui a conduit le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin à nous soumettre ce texte de loi, c'est ce qui a justifié nos débats, c'est ce qui a poussé le Sénat à prendre un certain nombre de positions très fortes.
Aujourd'hui, nous constatons que, si nous avons avancé, ...
M. Jacques Blanc. ... une bonne partie du chemin reste à parcourir, mais nous savons que nous pouvons compter sur vous, monsieur le ministre, pour progresser dans cette voie : c'est la bonne ! Merci, monsieur le ministre !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2002, la loi relative au développement des territoires ruraux a été sans aucun doute l'un des textes les plus attendus par les élus de la ruralité : faut-il rappeler notre implication, notre motivation sans faille, de la première lecture, en avril 2004, à la deuxième lecture, en janvier 2005 ?
Faut-il rappeler que le nombre d'articles a triplé, soulignant le nombre des projets, des attentes, des revendications ?
Cette loi devait contribuer au rééquilibrage du territoire en prenant en compte les difficultés des zones à forte urbanisation et en stimulant l'attractivité des zones rurales. Elle devait notamment compenser par les nouvelles technologies les infrastructures de transports insuffisantes.
Qu'en est-il, près d'un an après la publication de cette loi ?
Il est inutile de lister les vingt-six mesures réglementaires prises, ou les cinquante mesures non encore prises. Soulignons néanmoins que les décrets relatifs à l'amélioration de l'offre de soins médicaux dans les zones rurales ont été publiés. Il est toutefois patent qu'en ne prenant pas les textes réglementaires dans le délai de six mois, le Gouvernement crée une forte déception et que nous devons, nous qui avons adopté ce texte, veiller à la réelle application de la loi et également peser sur les conditions de cette application.
Dans la palette des nouvelles dispositions contenues dans cette loi, je m'attacherai à deux points : les zones de revitalisation rurale et les services publics en milieu rural.
Alors que nous avons considéré positivement la nouvelle définition des zones de revitalisation rurale, forte de critères socio-économiques pertinents, d'une large prise en compte de l'intercommunalité permettant de faire bénéficier certaines communes des dispositions favorables dont elles seraient autrement exclues, il aura fallu neuf mois pour que le nouveau zonage soit enfin connu.
Cela retarde la mise en oeuvre de mesures pour la création ou la reprise d'entreprises. Est-ce cohérent avec la volonté affirmée de mener la bataille pour l'emploi ? Pourquoi les mesures de réduction d'impôt pour les résidences de tourisme en ZRR, ne sont-elles pas encore prises ?
Plus grave, sur le fond : alors que les maires viennent souvent s'enquérir des moyens de se protéger contre les délocalisations, le remboursement des aides, en cas de délocalisation hors de la ZRR avant la durée légale, n'est toujours pas organisé.
Les élus comme les contribuables considèrent à juste titre que ces effets d'aubaines sont scandaleux lorsque le contrat n'est pas respecté : quand auront-ils une réponse ?
Sur la question des services publics en milieu rural, la loi a réformé le dispositif de concertation nationale et départementale, permettant de fixer pour chaque organisme en charge d'une mission de service public des objectifs d'aménagement du territoire dans le but d'assurer « l'égal accès de tous aux services publics ».
Une circulaire du 3 mars 2005, puis une autre, du 2 août 2005, ont mis en place une concertation locale sous l'autorité des préfets. Alors que la conférence nationale sur les services publics en milieu rural a rendu son rapport en novembre, quelles décisions va prendre le Gouvernement et avec quel appui budgétaire ?
Nous sommes, monsieur le ministre, très déçus de ces lenteurs, sans doute non imputables à votre ministère, et nous voulons que ce débat provoque un sursaut salutaire, entraîne des réactions concrètes et permette au rapport qui doit être déposé devant le Parlement avant le 23 février de dresser un bilan positif de l'application de cette loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de la loi relative au développement des territoires ruraux a montré l'intérêt de tous les parlementaires, et en particulier des sénatrices et sénateurs, pour une ruralité réinventée et moderne.
Les premiers résultats du recensement de l'INSEE, publiés la semaine dernière, sont intéressants puisqu'ils soulignent que les communes de moins de 2 000 habitants sont celles qui jouissent du plus important dynamisme démographique et que notamment les plus petites d'entre elles, celles de moins de 500 habitants, ont vu leur population tripler depuis 1999.
Elles attirent de plus en plus de monde. Qualité de vie, proximité, possibilité d'avoir plus d'espaces : autant d'atouts qui incitent nombre de jeunes couples à se réinstaller dans à la campagne.
L'étude souligne un second point intéressant : les communes rurales, malgré leur éloignement du centre urbain, retrouvent une certaine attractivité. En effet, les communes rurales continuent à se développer et leur développement s'étend de plus en plus : de 15 kilomètres d'un centre urbain entre 1990 et 1999, il est passé à 25 kilomètres aujourd'hui. Je ne peux que me réjouir de ce regain d'intérêt.
Ces nouveaux comportements, récemment confirmés par l'INSEE, entraînent une modification des attentes des citoyens vis-à-vis des services mis à leur disposition, modification que les élus ruraux ont déjà observée. C'est certainement là que se situent les défis auxquels nous devons faire face.
La loi relative au développement des territoires ruraux, adoptée il y a presque un an, avait pour but de donner des nouvelles perspectives à la ruralité française. Le Parlement a activement participé à son élaboration puisque, au terme des deux lectures, la loi contient 240 articles d'importance et d'ampleur très diverses.
S'il est aujourd'hui trop tôt pour évaluer ses effets, j'approuve pleinement l'initiative du président Emorine de nous réunir pour en évaluer l'application. Qu'en est-il de la mise en place de cette « boîte à outils » destinée à aider tous les acteurs du milieu rural ?
En premier lieu, je souhaite dire quelques mots sur l'application des lois en général et de la loi relative au développement des territoires ruraux en particulier.
En ce début d'année, il est de tradition de prendre de bonnes résolutions. Je forme donc le voeu, au demeurant tout à fait raisonnable, que l'amélioration, constatée par le Sénat, de l'application des lois votées lors de la session antérieure, se poursuive de manière nettement plus marquée.
Pour mémoire, j'indique que le taux d'application est de 14, 4 % pour la session 2003-2004 et de 16, 4 % pour la session 2004-2005 !
D'un point de vue global, le taux d'application de la loi relative au développement des territoires ruraux est loin d'être satisfaisant puisque, près d'un an après son adoption, seulement un tiers des mesures réglementaires ont été prises.
Cet état de fait est d'autant plus regrettable que, auditionné par la commission des affaires économiques en novembre 2004, Hervé Gaymard, alors ministre de l'agriculture, avait exprimé le souhait que les décrets d'application soient élaborés en même temps que la loi, afin de ramener à un mois leur transmission au Conseil État
Ce n'est, certes, pas toujours chose facile, nous en sommes conscients. Cela peut même parfois s'avérer contre-indiqué, une concertation étant souhaitable entre les différentes parties intéressées afin d'appliquer le dispositif adéquat.
Cependant, onze mois se sont écoulés depuis la promulgation de la loi, soit un laps de temps suffisant pour la concertation, l'élaboration et la publication des décrets.
La question orale de M. Emorine est d'autant plus justifiée que l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit impose au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur la mise en application de chaque loi à l'issue d'un délai de six mois. Ce rapport doit non seulement nous présenter l'état d'application de la loi, mais également nous permettre de connaître les raisons et les blocages qui empêchent la publication des décrets. C'est une source d'information essentielle pour les parlementaires.
A l'instar de M. Emorine et des collègues de mon groupe, je forme le voeu que cette disposition soit prise en considération par le Gouvernement. En effet, la loi pour le développement des territoires ruraux n'est malheureusement pas le seul texte de loi pour lequel le rapport d'application n'est pas remis.
Toutefois, les torts sont certainement partagés entre le Gouvernement et les parlementaires, ce que le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises.
Il l'a rappelé, d'abord, lors de la cérémonie de voeux au chef de l'État, l'année dernière, par l'intermédiaire de son président Pierre Mazeaud. Ce dernier avait en effet déclaré qu'il fallait « lutter plus activement contre les intrusions de la loi dans le domaine réglementaire » et qu' « une chose est que la loi soit claire, précise et normative, une autre qu'elle soit surchargée de détails ».
Il l'a rappelé, ensuite, dans sa dernière décision concernant la loi relative à la lutte contre le terrorisme. Le Conseil constitutionnel a en effet averti que, dorénavant, la règle dite « de l'entonnoir » serait applicable en deuxième lecture et qu'elle concernerait aussi bien les amendements des parlementaires que les amendements du Gouvernement
Je souhaite, monsieur le ministre, attirer l'attention du Gouvernement sur plusieurs dispositions de la loi. Certaines mesures ne relèvent pas directement de votre compétence, mais j'espère qu'en tant que représentant du Gouvernement vous pourrez m'éclairer sur le calendrier de leur application.
Premier point sur lequel je voudrais particulièrement attirer votre attention : les dispositions concernant la parution des décrets d'application des articles L. 145-8 à L. 145-11 du code de l'urbanisme. Ces articles, qui réforment en profondeur la procédure des unités touristiques nouvelles sont issus de l'article 190 de la loi relative au développement des territoires ruraux. Or, en l'absence de décret fixant les seuils financiers de déclenchement de la procédure des unités touristiques nouvelles, cette disposition est inapplicable.
C'est une situation d'autant moins acceptable que l'article 194 de la loi prévoit expressément que les dispositions de l'article 190 entreront en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État et, au plus tard, un an après la publication de la présente loi, à savoir le 24 février 2006.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner quelques explications sur le calendrier de mise en oeuvre des unités touristiques nouvelles ? Les décrets seront-ils prêts à temps ?
Le deuxième point sur lequel je souhaite obtenir des précisions concerne les réductions d'impôt pour les contribuables investissant dans des logements touristiques. En effet, aux termes de l'article 20 de la loi relative au développement des territoires ruraux, et notamment sur votre initiative, monsieur le ministre, la politique d'incitation fiscale en matière de logements touristiques a été améliorée sur deux volets.
D'une part, une réduction d'impôt est prévue pour les personnes qui investissent dans des résidences de tourisme neuves en zones de revitalisation rurale et en zones éligibles à l'objectif 2 des fonds structurels, à l'exception des communes de plus de 5 000 habitants.
D'autre part, un avantage fiscal est créé pour les réhabilitations d'immeubles de tourisme de plus de quinze ans situés dans les stations classées et dans les communes touristiques dont la liste est fixée par décret. Or, à ce jour, le décret établissant cette liste de communes pouvant offrir des mesures d'incitation fiscale pour la réhabilitation d'immeubles touristiques anciens n'a toujours pas été publié. Pourriez-vous nous en donner les raisons ?
Enfin, ce même article prévoit que l'exploitant de la résidence de tourisme réserve, dans des conditions fixées par décret, un pourcentage d'au moins 15 % de logements pour les salariés saisonniers.
Cette mesure avait suscité de nombreux débats au Parlement. Je n'y étais personnellement pas favorable, avec plusieurs collègues de mon groupe, car cette obligation, si elle est compréhensible pour les grandes stations, est plus difficilement applicable dans les petites. En effet, les saisonniers des petites stations sont souvent des résidents permanents et n'ont donc pas besoin d'un logement. Pour autant, cette disposition ayant été votée, il serait souhaitable d'avoir des éléments d'information sur son application.
Le troisième axe sur lequel je souhaite obtenir des précisions concerne la mise en place de plusieurs dispositifs destinés à favoriser l'emploi en milieu rural. L'emploi était un axe fort de cette loi et je regrette que, au terme d'un an, tous les dispositifs votés ne soient pas opérationnels.
Ainsi, l'article 59 permet la création de groupements d'employeurs, sous une forme associative, entre des collectivités locales ou leurs établissements publics et des personnes physiques ou morales. Cette mesure est destinée à faciliter l'organisation des services publics en milieu rural en assouplissant les règles de cumul d'emplois public et privé. Or, en la matière, le décret en Conseil d'État déterminant les modalités de choix de la convention collective applicable au groupement n'est pas encore publié.
De même, l'article 64 prévoyait d'améliorer les conditions des travailleurs saisonniers, notamment en rendant plus attractive la pluriactivité. Cependant, le décret définissant les conditions d'application de cet article, qui permet, en cas de pluriactivité entre activité principale et activité saisonnière, de rattacher le salarié au régime correspondant à son activité principale, n'a pas non plus été pris.
Ces dispositifs s'intégraient dans une politique globale en faveur de l'emploi en milieu rural et, surtout, procédaient d'une adaptation des règles du travail à la situation que connaissent les collectivités, les associations, les entreprises et les salariés de ces zones. Pourriez-vous me dire, monsieur le ministre, quels blocages empêchent la publication de ces décrets, qui étaient attendus pour septembre 2005 ?
Enfin, je terminerai mon propos sur une note positive concernant un secteur qui m'intéresse particulièrement, à savoir la gestion des crises dans le secteur des fruits et légumes.
Sur l'initiative du Gouvernement et du législateur, un ensemble de mesures a été adopté afin de limiter les crises récurrentes que connaissent ces produits. Certaines de ces mesures nécessitaient un décret d'application. Monsieur le ministre, en la matière et sur ce sujet éminemment sensible, je tiens à vous féliciter.
Dès le mois de mai, les produits pour lesquels un encadrement des remises, rabais et ristournes est prévu par la loi étaient listés. En outre, le mécanisme de coefficient multiplicateur est opérationnel depuis le mois de juillet. Il n'a cependant pas encore été utilisé. Pour autant, son existence est déjà un facteur dissuasif qui peut contribuer à limiter la chute des prix des fruits et légumes lors des crises et inciter les distributeurs à adopter un comportement plus responsable.
Enfin, je sais, puisque vous avez bien voulu m'y associer, que vous menez des consultations pour ajuster efficacement les seuils de déclenchement de ce coefficient que vous envisagez d'utiliser si la situation l'exige.
Monsieur le ministre, j'espère que vous pourrez nous apporter, en votre nom ou au nom des ministres concernés, des réponses sur ces quelques points.
Je remercie vivement le président de la commission des affaires économiques, M. Emorine, également rapporteur de la loi relative au développement des territoires ruraux, car son initiative nous permet de renouer une discussion intéressante sur les mesures votées l'année dernière.
Par ailleurs, monsieur le ministre, j'espère que vous nous informerez régulièrement sur l'application de cette loi ainsi que sur l'évaluation de ses effets.
Pour conclure, monsieur le ministre, l'élu rural que je suis vous félicite pour cette loi et vous remercie en particulier de votre capacité d'écoute des parlementaires. Je salue également l'action courageuse que vous menez à la tête d'un ministère dont l'administration est loin d'être facile.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à féliciter le président de la commission des affaires économiques, M. Emorine, d'avoir initié ce débat sur l'application de la loi relative aux territoires ruraux et le Gouvernement de l'avoir accepté.
Dans le passé, des retards très importants ont souvent été constatés. Un an après l'adoption de ce texte, il me semble donc utile que nous fassions publiquement le point. Cette piqûre de rappel stimulera peut-être M. le ministre s'agissant de la publication des décrets d'application.
J'espère surtout que cette initiative sera reprise pour d'autres textes. Pour ne prendre qu'un exemple, la loi d'orientation agricole que nous venons de voter appelle de très nombreux décrets d'application. Il serait donc intéressant qu'une séance de ce type nous permette, à intervalle régulier, de faire le point avec le Gouvernement sur l'application des lois.
Tout à fait ! Je le ferai devant la commission.
Une telle initiative grandirait le rôle du Parlement.
Au-delà du comptage des décrets qui ne sont pas encore parus, je voudrais insister plus particulièrement, de manière très générale, sur quatre points.
Le premier, évoqué par M. Soulage, concerne l'ampleur du mouvement de populations vers les zones rurales, en particulier en zones périurbaines, confirmée par le dernier recensement partiel.
De nombreuses zones rurales connaissent une immigration spectaculaire, avec l'installation de jeunes foyers qui cherchent un cadre de vie plus agréable, plus sûr, en profitant d'une offre foncière à des prix nettement moins élevés. L'installation de nouvelles populations s'inscrit dans un rayon plus ou moins grand, pouvant atteindre jusqu'à cent kilomètres, par rapport aux agglomérations, en fonction des moyens de transport existants sur le territoire.
Ce phénomène pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, comment accompagner les communes ou les intercommunalités dans la maîtrise de leur sol ? Beaucoup de communes rurales sont contraintes de réviser leur plan local d'urbanisme pour augmenter l'offre foncière ; d'autres, dépourvues de PLU ou de carte communale, souhaitent en élaborer un.
Aujourd'hui, l'administration de l'État, en clair la DDE, manque de moyens financiers et humains pour accompagner ces communes. Cela est dommage car l'attente des communes est forte, sous la pression des demandes de terrains en vue de bâtir des logements. Je souhaite donc que des moyens exceptionnels soient dégagés dans les secteurs géographiques les plus démunis.
J'évoquerai brièvement la difficulté de faire vivre ensemble des populations qui ont une culture et un mode de vie différents. Il conviendrait peut-être d'ajuster notre législation afin de mieux protéger l'activité économique traditionnelle de nos territoires, surtout en face de juges qui ont une culture urbaine.
Ainsi, dans un petit village du Cambrésis, un métier à broder a été condamné au silence - ce qui revient à condamner l'entreprise à disparaître - sous prétexte que le bruit trop élevé gênait le voisin. Et je passe sur le chant du coq, la sonnerie de l'angélus qui perturbe le sommeil de paisibles retraités, les odeurs insupportables de fumier, de pulpe de betterave, ou encore les salissures provoquées par les roues des tracteurs...
L'arrivée de ce flot de nouvelles populations nous contraint également à redéfinir les transports collectifs - cars, bus, trains. À cet égard, je souhaite que tous les partenaires s'impliquent dans une meilleure définition du réseau de transport.
Ensuite, je m'inquiète beaucoup de la poursuite de la politique de « déménagement » du territoire par certains services publics, au nom des nécessaires progrès de la productivité. Comme j'ai pu en être le témoin ces dernières semaines, on oublie, malgré la loi, les intérêts primordiaux des territoires, et on continue de proposer des suppressions de classes et d'écoles. Dans le Nord et au sein de mon propre canton, le nombre de suppressions de classes me fait vraiment frémir.
De même, voilà quelques jours, le directeur de La Poste de l'arrondissement d'Avesnes me proposait de transformer un bureau de poste en agence postale. Il convient d'ajouter les menaces qui pèsent sur certaines lignes ferroviaires, la dernière en date, la ligne Maubeuge-Paris, concernant les zones rurales de l'Avesnois.
Il serait tout de même temps d'inverser la tendance et de redonner élan et dynamisme aux services publics, en adoptant par exemple des horaires d'ouverture plus appropriés, en informant de façon plus percutante et répétée des services rendus par ces derniers.
Lorsqu'on ferme des services publics, c'est en quelque sorte de la substance de notre territoire qui s'en va, et peut-être regrettera-t-on, demain, cette disparition, comme on a pu regretter la disparition dans les zones urbaines, voilà une trentaine d'années, des réseaux de tramways ou des lignes de chemin de fer, que l'on tente aujourd'hui de rétablir à grands frais.
Le troisième point que je veux évoquer concerne les pôles d'excellence rurale, qui ont été annoncés par le Gouvernement après le vote de la loi relative au développement des territoires ruraux. Trois cents d'entre eux seraient programmés en 2006 et l'appel à candidatures a été lancé.
Les élus, toutes tendances politiques confondues, ont salué la pertinence de cette initiative. Plusieurs questions restent cependant en suspens : les moyens financiers seront-ils réellement dégagés ? Le zonage prendra-t-il en compte la singularité des territoires ruraux ? Qu'en sera-t-il de la concertation avec les collectivités territoriales qui devront obligatoirement participer au financement de ces pôles d'excellence rurale ? J'espère donc que cette idée, loin d'être un gadget, sera un outil susceptible de provoquer l'activité économique en milieu rural.
Mon dernier point concerne la téléphonie mobile. Monsieur le ministre, je veux exprimer ma colère devant la publicité mensongère des grands groupes de téléphonie mobile, qui font croire, par exemple lors du congrès des maires de France, que d'immenses territoires sont couverts.
Dans l'Avesnois, de nombreux villages ne sont que très partiellement couverts, pour peu qu'il se trouve une vallée d'un dénivelé de dix ou vingt mètres à une altitude de cent vingt mètres !
J'aurais également pu évoquer le manque de médecins, ou les médecins introuvables le week-end. En effet, la situation s'est encore aggravée ces derniers mois sur mon territoire.
M. Jacques Blanc nous a fait tout à l'heure un numéro extraordinaire !
Chacun peut réécrire l'histoire : la gauche comme la droite sont responsables de l'incapacité du pouvoir politique à résister au corporatisme d'un certain nombre de professions.
Qui a inventé le numerus clausus dans les facultés de médecine ? Ensuite, tout le monde a continué, à gauche comme à droite. Aujourd'hui, on manque de médecins et la situation est devenue dramatique, au point que je me demande si les mesures d'incitation proposées par la loi, qui peuvent paraître intéressantes, permettront de résoudre le problème. Dans mon secteur, cinq médecins qui ont entre 55 et 60 ans vont partir à la retraite et ils n'ont pas de successeurs. Il n'y a pas un médecin pour reprendre leur clientèle.
Notre responsabilité est réellement engagée par rapport aux décennies précédentes.
En conclusion, j'espère, monsieur le ministre, que vous aurez la possibilité de faire publier plus de décrets. Convenez tout de même qu'au-delà de cette loi des problèmes de fond subsistent, comme la diminution importante du revenu des agriculteurs au cours de l'année qui vient de s'écouler. C'est la raison pour laquelle, outre la nécessité d'appliquer ce texte à travers des décrets, il me semble nécessaire de prévoir d'autres avancées.
De ce point de vue, la réflexion sur les pôles d'excellence rurale me paraît une mesure intelligente, même si l'on constate aujourd'hui que l'évolution des zones rurales ne va plus dans le sens de ce que l'on a connu au cours des décennies précédentes, en raison de la spéculation foncière et de la volonté de nombre de nos concitoyens de venir habiter en milieu rural.
Par conséquent, monsieur le ministre, il nous faudra, me semble-t-il, redéfinir les fondamentaux de la politique des territoires ruraux dans les mois et les années à venir.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, tout d'abord, remercier le président de notre commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, d'avoir pris l'initiative de ce débat qui me paraît très important pour nos territoires ruraux.
Je souhaite, pour ma part, intervenir sur un dossier qui me tient particulièrement à coeur et qui joue un rôle essentiel dans le développement des territoires ruraux - dossier qui a été évoqué très rapidement, sans doute trop rapidement, d'ailleurs, par l'orateur qui m'a précédé à cette tribune -, je veux parler de la couverture du territoire en matière de téléphonie mobile.
Lors de la discussion du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, le Sénat a, sur mon initiative, et grâce au Gouvernement qui avait inscrit ce texte à l'ordre du jour, après que l'Assemblée nationale l'eut voté, adopté un dispositif qui devait permettre, d'ici à juillet 2007, la couverture de l'essentiel des centres-bourgs ainsi que des grands axes de circulation. Dès lors, tout notre territoire devait être couvert, en particulier par le biais de l'itinérance locale en zone blanche.
Certes, je suis conscient que ce thème déborde quelque peu le cadre de la seule loi relative au développement des territoires ruraux, encore que nous ne soyons pas du tout éloignés du sujet qui renvoie aux mêmes questions de fond, à savoir l'attractivité des zones rurales et l'application des lois.
Or, de ce point de vue, je ne puis, monsieur le ministre, vous cacher ma vive préoccupation.
Je rappelle en effet que, selon l'article 52 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, le Gouvernement devait présenter, chaque année, devant le Parlement l'état d'avancement de la couverture en téléphonie mobile. Il s'agissait là d'un engagement tout à fait louable, mais qui, malheureusement, n'a pas été tenu.
Je dois rappeler que la première phase de déploiement de la téléphonie mobile devait couvrir 1 250 sites en 2003 et 2004, la seconde phase devant permettre de compléter le maillage de 2005 à 2007. Puis-je, en outre, souligner ici que la liste nationale établie et signée le 15 juillet 2003 ne comprenait pas les bourgs-centres ou les centres de bourgs concernés par la loi Marcellin, je veux parler des communes en fusion- association.
Certes, je comprends que le Gouvernement et l'administration les aient oubliées, puisque ces communes ayant perdu leur numéro INSEE n'existaient plus.
En effet, monsieur le ministre.
À cet égard, mon département, la Haute-Marne, est particulièrement concerné, puisqu'il est le champion en la matière, devant la Meuse.
Dès lors, force est de constater que l'article 52 de ce projet de loi tel qu'il a été présenté au Parlement n'a pas été tout à fait respecté.
Par conséquent, monsieur le ministre, j'aimerais savoir si l'objectif que nous nous étions fixé, à savoir la couverture de 99 % de la population - 100 % étant la perfection, ce qu'il est probablement impossible d'atteindre - est à notre portée dans les dix-huit mois à venir, ainsi que nous l'avions prévu. Je dois, pour ma part, vous avouer mon inquiétude sur ce point.
C'est la raison pour laquelle je tiens dès à présent à informer le Sénat et le Gouvernement que j'ai, à mon tour, déposé une question orale avec débat concernant l'application de l'article 52 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Cela devrait aussi être pour nous, parlementaires, l'occasion de faire le point avec le Gouvernement sur la couverture du territoire en infrastructures de haut débit. J'émets le voeu que cette question orale soit rapidement inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'attention accrue portée à l'application des lois que nous avons votées me semble très positive et nos efforts dans ce domaine doivent être poursuivis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi initial sur le développement des territoires ruraux était sans véritable contenu et manquait d'ossature, tant il est vrai que ni la place du rural par rapport à l'urbain ni la dimension européenne de la PAC n'étaient clairement prises en compte. Heureusement, ce texte a été largement enrichi par la Haute Assemblée.
Un an après le vote de cette loi, où en sommes-nous ? Nous devons à l'heureuse initiative de M. le président de la commission des affaires économiques de pouvoir faire le point sur ce sujet aujourd'hui.
Or le constat est le suivant : beaucoup d'articles, mais peu de décrets parus, les deux tiers d'entre eux restant en attente, certains devant le Conseil d'État, alors que d'autres semblent tout simplement perdus de vue par votre administration, monsieur le ministre, ce qui, soit dit en passant, ne peut que renforcer la mauvaise humeur de M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, lequel stigmatise régulièrement l'inflation des textes législatifs sans pour autant en convaincre le Gouvernement qu'il soutient !
Il convient de souligner qu'entre le dépôt de cette question par la commission des affaires économiques et le débat d'aujourd'hui, une dizaine de décrets sont parus en rafale durant les fêtes de fin d'année.
Ces décrets concernent des mesures destinées à favoriser l'installation des personnels de santé ainsi que la constitution d'établissements privés hospitaliers en zone de montagne ou dans des territoires peu peuplés. Si, du point de vue des délais, cela est satisfaisant, je ne puis toutefois que redire mon inquiétude quant au contenu de ces textes.
En effet, comment demander à des collectivités territoriales qui ne bénéficient pas de moyens financiers suffisants de contribuer au financement d'un service public aussi vital - et j'emploie le mot à dessein - que la présence sur leur territoire d'un médecin, d'une infirmière, d'un kinésithérapeute, voire la construction d'un établissement de soins privés ?
Il s'agit là d'un tournant dans la politique de santé publique qui a été menée depuis la Libération et je tenais à souligner en cet instant à quel point tout cela me paraît à la fois déraisonnable et peu efficace.
Cela étant dit, je voudrais vous poser trois questions, monsieur le ministre.
L'article 106 concerne la présence de services publics de proximité en milieu rural, en zone de montagne notamment. Le texte, long et diffus, n'a donné lieu à aucune application concrète. Le rapport de la conférence nationale des services publics en milieu rural demeure très vague. Les objectifs que devait arrêter le Gouvernement ne sont pas connus. Quant à la concertation locale, elle n'a pas empêché la fermeture de nombreux services publics, ainsi que plusieurs de mes collègues l'ont dit à cette tribune avant moi.
Dès lors, c'est ma première question, le moment n'est-il pas venu, monsieur le ministre, de réfléchir à la mise en place de lieux polyvalents, regroupant des services publics et/ou privés, dont les maisons des services publics pourraient esquisser l'esprit ? Ne faudrait-il pas généraliser les maisons de garde médicale, qui, en favorisant le regroupement des professionnels de la santé, permettraient d'assurer la permanence des soins la nuit, durant les week-ends et pendant la pause estivale ? J'ai récemment fait adopter un amendement à ce sujet. Envisagez-vous de saisir cette opportunité ?
Par ailleurs, et cela fera l'objet de ma deuxième question, le développement des territoires ruraux souffre d'un handicap majeur, et que nul ne conteste, à savoir la faiblesse des ressources de ses collectivités. En effet, l'écart ne cesse de se creuser entre, d'une part, les villes et les départements riches et, d'autre part, les territoires ruraux dépourvus de taxe professionnelle et qui sont frappés par la crise de l'agriculture.
Par conséquent, monsieur le ministre, le moment n'est-il pas venu de mettre à plat les inégalités de richesses entre collectivités et ne convient-il pas de proposer une nouvelle avancée en matière de péréquation horizontale et verticale, la dernière grande étape en la matière remontant à 1992-1993 ?
Ma troisième et dernière question est la suivante. Je ne puis faire autrement que d'évoquer un sujet qui se situe au coeur du développement des territoires ruraux pour beaucoup de départements du Midi de la France, je veux parler du maintien d'une viticulture de qualité, aujourd'hui menacée dans son existence même.
J'ai déjà eu l'occasion d'attirer votre attention sur l'aggravation de la crise. Ne pourriez-vous saisir, monsieur le ministre, l'opportunité de ce débat pour réitérer votre engagement dans ce domaine, mais aussi et surtout pour esquisser les mesures que vous comptez prendre à court et à moyen terme ?
M. Gérard Delfau. En conséquence, monsieur le ministre, nous attendons de vous des réponses précises, de nature à redonner espoir à l'ensemble des territoires ruraux quelles que soient leur diversité et leur spécificité.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout en prenant acte du rythme de parution des décrets d'application de la loi relative au développement des territoires ruraux, je tiens à souligner, comme l'ont d'ailleurs fait un certain nombre de mes collègues, la diversité des thématiques contenues dans ces décrets, diversité qui renforce le sentiment que nous avions exprimé lors du débat parlementaire portant sur un projet de loi manquant de ligne directrice et comportant de nombreuses mesures sectorielles, même si ces dernières pouvaient parfois constituer un progrès.
S'agissant des zones de revitalisation rurale, les ZRR, qui concernent les parties les plus fragilisées de nos territoires, l'application de l'article tendant à étendre l'exonération dans ces zones aux créations d'activités commerciales ou aux reprises d'activités commerciales et artisanales constitue sans doute une avancée pour les porteurs de projets, même s'il n'en va pas de même pour les communes ou leurs groupements puisque leurs rentrées fiscales seront moins importantes.
Quant à la circulaire sur « le service public en milieu rural », si elle définit, certes, la mise en oeuvre de mécanismes de concertation, elle n'a de sens que s'il existe une volonté réelle de maintien des services publics de proximité, ce que ne laissent pas augurer un certain nombre de textes qui ont été votés depuis la publication de ce texte, je pense en particulier à la restructuration du réseau postal, sujet sur lequel mon collègue Pierre-Yvon Trémel a beaucoup travaillé.
M. Pierre-Yvon Trémel opine.
Par ailleurs, dans un contexte de crise conjoncturelle particulièrement sévère en cette saison 2005-2006, notamment en ce qui concerne l'arboriculture, le décret relatif à la mise en oeuvre d'un mécanisme de coefficient multiplicateur entre l'achat et la vente de fruits peut prendre tout son sens ; le temps nous dira si tel est le cas.
Pourtant, force m'est de constater que de nombreuses mesures n'ont pas encore pu trouver une traduction concrète et M. le rapporteur au fond a d'ailleurs beaucoup insisté sur ce point dans son propos.
Pour ma part, j'aborderai, en premier lieu, les espaces qui ne concernent pas la montagne, puis j'évoquerai les problèmes liés à la montagne proprement dits.
En dehors de l'espace montagne, s'agissant de la thématique de protection des espaces naturels, en particulier celle de la mise en valeur des espaces agricoles périurbain, à un moment où les recensements partiels de population effectués font apparaître l'image d'une France périurbaine, avec les conséquences sur le paysage et sur l'agriculture que l'on sait, l'article 73 concernant la protection et la mise en valeur des espaces agricoles périurbains n'a toujours pas fait l'objet d'un décret.
Il en va de même des mesures significatives concernant les zones humides ou les zones Natura 2000 qui n'ont pas toutes été mises en application, je pense en particulier à l'exonération de taxe foncière des propriétés dès lors qu'a été pris un engagement de gestion de l'avifaune.
Concernant les ZRR, alors que l'opinion s'interroge sur le bien-fondé des aides aux entreprises, encouragée en cela par plusieurs exemples très médiatisés de suppressions d'emplois au sein d'unités de production qui avaient pourtant fait l'objet d'un accompagnement des pouvoirs publics, l'article 6 relatif remboursement des aides en cas de délocalisation d'une entreprise ou d'un organisme n'a toujours pas fait l'objet d'un décret.
En ce qui concerne la montagne, trois points me semblent particulièrement importants.
Il s'agit tout d'abord de l'économie, et notamment de l'activité touristique des territoires. À un moment où le Gouvernement affirme sa volonté de lutter contre le phénomène dit des « volets clos », car le remplissage permet d'éviter la densification de l'urbanisation, l'article 20 de la loi, relatif à la réduction d'impôt dans les résidences de tourisme en ZRR, tout comme le régime des opérations de rénovation de l'immobilier de loisir, ne se trouve pas encore complètement appliqué, notamment parce que la liste des communes touristiques concernées n'a toujours pas été établie.
Sur ce point, je rappellerai à notre collègue Jacques Blanc qu'un dispositif a déjà été mis en place dans le passé. Je suis bien placé pour l'affirmer, puisque le hasard de mes pérégrinations d'élu m'a conduit la semaine dernière en Haute-Maurienne, notamment dans la vallée des Arves, à Valmeinier et à Aussois, afin d'inaugurer des résidences touristiques, qui se développent aujourd'hui. Or, les panneaux publicitaires qui vantaient l'achat de plusieurs résidences faisaient référence au régime de défiscalisation dit « Demessine ». Même si notre collègue Michelle Demessine ne se trouve pas présente aujourd'hui, il me semble qu'il faut rendre à César ce qui lui appartient...
Sourires
...et que la vertu se rencontre partout.
Je développerai en deuxième lieu l'exemple du logement social. Au moment où celui-ci se trouve érigé en priorité nationale et où la presse se fait l'écho des conditions de logement souvent difficiles, et parfois inadmissibles, des salariés saisonniers dans les stations, le dispositif qui permet de réserver au profit de ces derniers au moins 15 % des logements ne dispose toujours pas de fondement légal !
Nous sommes très attachés à cette disposition. En effet, s'il faut tout mettre en oeuvre pour garantir l'attractivité touristique de notre pays, essentielle pour notre balance des paiements, nous devons, parallèlement, assurer des conditions de vie décentes à celles et ceux qui se trouvent à l'origine de cette attractivité, par la qualité de leurs services et de leurs prestations.
Ainsi, nous contribuerons en même temps à rendre attrayants les métiers du tourisme dans nos territoires, et notamment dans les zones de montagne, où la question du logement, chacun peut le comprendre, prend une acuité toute particulière pendant la période hivernale.
Je rappellerai également une disposition qui date de 2000 et fut, à l'époque, l'oeuvre commune de la secrétaire d'État au tourisme, Michelle Demessine, et du secrétaire d'État au logement, Louis Besson. Après concertation avec les partenaires sociaux, les syndicats et les principaux employeurs saisonniers, tous deux avaient élaboré un plan dans lequel ils s'engageaient à susciter la création de 5000 logements dans les stations de sports d'hiver.
Sous la houlette du ministère de l'équipement, nous sommes en train de dresser le bilan de cet engagement. Or il apparaît que plus de 4000 logements ont déjà été réalisés, dont 70 % en montagne. Vous le voyez, une nouvelle fois, il arrive que la vertu se rencontre partout, ce que vous avez tendance à oublier, même si je ne doute pas que dans cette omission n'entre aucune malice.
En outre, depuis l'entrée en vigueur de la loi SRU, il n'est plus possible de déposer un dossier tendant à la création d'une UTN, c'est-à-dire d'une unité touristique nouvelle, sans que soit traitée spécifiquement la question du logement des saisonniers.
S'agissant justement des UTN, et ce sera mon troisième point, les règles régissant leur procédure n'ont pas non plus été définies, alors que nous connaissons leur importance pour le développement des territoires de montagne.
Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à favoriser la concertation entre les acteurs de la montagne, les parlementaires qui étaient intervenus dans le débat et les différents ministères concernés, afin de clarifier la mise en oeuvre de ce dispositif. Vous savez combien les enjeux sont ici importants. Comment les différents acteurs seront-ils représentés, par exemple au sein des commissions départementales ? Le système retenu sera-t-il proche de celui qui existe à l'échelle des massifs ?
De même, quel seuil de déclenchement sera retenu pour les remontées mécaniques, et quelles procédures mises en oeuvre, tant à l'échelle des massifs qu'à celle des départements ? Quelles dispositions s'appliqueront au projet d'installation des « ascenseurs », qui assurent la liaison, par exemple, entre un parking et un site de loisir de neige, ou entre deux hébergements éloignés ?
Vous connaissez l'importance des seuils de déclenchement des procédures pour les débits et les dénivelés pris en compte. Le projet de décret, qui n'a guère fait l'objet de concertation, a été, dit-on, « bleui » la semaine dernière. Monsieur le ministre, pourriez-vous dévoiler son contenu à la représentation nationale ? Il intéresse, en effet, tous les porteurs de projets, mais aussi les partenaires associatifs, présents sur les territoires, ou les regroupements d'élus et d'acteurs tels que l'ANEM, l'association nationale des élus de montagne, chère au coeur de nombreux membres de cette assemblée, l'association des maires de stations, voire le syndicat national des téléphériques de France.
Enfin, monsieur le ministre, même si depuis quelques mois cette question ne relève plus de votre responsabilité, me semble-t-il - le confirmerez-vous ? -, vous ne serez pas étonné que de nombreux maires dans nos territoires attendent le décret qui dressera la liste des communes urbaines figurant en annexe du code général des collectivités territoriales.
En effet, cette liste désigne, a contrario, les communes classées « rurales » et ainsi éligibles aux subventions du FNDAE, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, ainsi qu'à la DGE, la dotation globale d'équipement. En septembre dernier, vous assuriez, à moi et à d'autres parlementaires, à l'occasion de questions écrites, que le décret paraîtrait au bout de quelques mois. Or nous y sommes ! Nous attendons donc vos réponses.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste - M. Gérard Delfau applaudit également.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite que M. Emorine ait pris l'initiative de cette question orale, qui pourrait d'ailleurs, me semble-t-il, être répétée dans quelques mois au sujet de la loi d'orientation agricole. En effet, il s'agit là d'un bon moyen pour les ministres d'administrer à leurs services des piqûres de rappel.
Sourires
Bien sûr que c'est nécessaire, monsieur Revet, vous le savez comme moi : vous connaissez le fonctionnement d'une grande administration, même départementale, puisque vous avez été président de conseil général, et du reste un excellent président.
Ce type de question permet utilement de suivre l'état d'avancement des décrets d'application de la loi du 23 février 2005, d'autant que la Haute Assemblée a très fortement contribué à enrichir ce texte, dont le ministère de l'agriculture et de la pêche a coordonné l'élaboration.
Je remercie chacun des orateurs de la qualité des réflexions et des échanges, qui ont tracé des perspectives nouvelles pour le développement de nos territoires ruraux.
De fait, en adoptant la loi d'orientation agricole, vous avez souhaité procéder, par rapport au texte sur le développement des territoires ruraux, à des avancées complémentaires. Celles-ci ont porté, notamment, sur le renforcement des politiques de soutien à l'emploi dans les campagnes, grâce aux pôles d'excellence rurale. Ces dispositions complètent le socle législatif que constitue la loi du 23 février 2005. Elles permettront d'en prolonger les effets dès 2006.
Je rappellerai que la loi relative au développement des territoires ruraux a été le fruit d'une volonté politique forte. Elle découle d'un souhait du Président de la République, qui a conduit le Gouvernement à lancer, dès 2003, sous la tutelle d'Hervé Gaymard et de Nicolas Forissier, une nouvelle dynamique au profit des espaces ruraux.
Cette loi a été complète, abordant des thèmes multiples, de nature interministérielle. Elle a cherché à souligner la spécificité des besoins et des solutions à apporter aux problèmes ruraux. Elle a rappelé les objectifs du développement de ces territoires et défini les actions à mener autour de trois grands principes, qui sont le développement de l'économie et de l'emploi, l'offre de services au public et la préservation des espaces spécifiques et sensibles.
Ces enjeux étant posés, il est nécessaire, en effet, que tous les instruments d'application soient le plus complètement et le plus rapidement mis en place.
Je partage naturellement votre souci de disposer des textes nécessaires dans les meilleurs délais. J'ai été député suffisamment longtemps pour savoir que rien n'est plus exaspérant pour la représentation nationale que de voter des lois et constater que les textes d'application ne suivent pas.
Souvenez-vous : quand ce texte est venu devant le Parlement - les discussions ont commencé au Sénat, me semble-t-il, alors que je n'étais pas encore chargé du ministère de l'agriculture -, il comportait 76 articles, dont l'application nécessitait plus d'une vingtaine de décrets. Or, au terme d'un débat parlementaire que vous avez vous-même qualifié de riche, et que nous pourrions même dire opulent, le texte promulgué compte 240 articles et requiert la publication d'environ 70 décrets ! Nous avons changé de dimension.
Comme je l'avais annoncé, pour suivre régulièrement l'avancement de ces textes d'application, nous avons installé une mission spécifique interministérielle, placée auprès du ministère de l'agriculture et de la pêche. J'attire votre attention sur la complexité particulière de la tâche, puisque onze ministères sont conjointement impliqués dans la rédaction des textes d'application.
S'agissant du ministère de l'agriculture et de la pêche, au risque de paraître immodeste, je tiens à souligner que, sur 32 décrets à prendre, 27 sont parus ou doivent prochainement être signés. Aujourd'hui même, et c'est un hasard, a été publié le décret relatif au financement de la médecine du travail, qui complète l'article 71 de la loi. Les cinq décrets qui sont de ma responsabilité et n'ont pas encore été publiés le seront tous d'ici à la fin du mois d'avril.
Bien sûr, la parution des décrets d'application dépend également de la progression du travail au sein du Conseil d'État, qui a fort à faire. En effet, sur les 69 décrets nécessaires, 47 doivent être pris en Conseil d'État.
Vous l'avez souligné dans vos interventions, la pluralité des intervenants concernés par la loi est la condition de l'efficacité des mesures en faveur du monde rural. Certes, celles-ci doivent dépasser les cloisonnements administratifs habituels. Toutefois, à l'évidence, il s'agit d'une difficulté supplémentaire pour une publication rapide des textes d'application.
J'ai vu, ici ou là, dans les médias, qui se sont fondés sur une dépêche de l'Agence France-presse, qu'au terme du bilan d'étape les deux tiers des textes d'application n'auraient pas été pris. C'est faux ! En réalité 80 % des articles de la loi sont applicables à ce jour et 92 % le seront très prochainement.
Un tiers des décrets, ceux qui dépendent de mon ministère, sont d'ores et déjà publiés ; un deuxième tiers se trouve en cours d'examen au Conseil d'État ou dans le circuit de signature des différents ministères. Je l'affirme solennellement devant la Haute Assemblée : le Gouvernement s'engage désormais à publier l'ensemble des décrets dans des délais raisonnables.
Je visais déjà un tel objectif. Après vous avoir entendu, je travaillerai encore davantage en ce sens. Je vous rendrai compte des progrès accomplis quand vous le souhaiterez.
Compte tenu de la richesse de cette loi, je porterai seulement quelques coups de projecteur sur des thèmes importants pour l'avenir de la ruralité, en commençant naturellement, parce qu'elles se situent au coeur de l'action du Gouvernement, par les dispositions qui contribuent à nous faire gagner la bataille de l'emploi.
Outil essentiel de dynamisation des territoires et de rééquilibrage en faveur des espaces les plus défavorisés, les zones de revitalisation rurale constituent véritablement l'essence de la loi. Le chapitre qui leur est consacré se trouve à peu près complètement opérationnel, car le décret sur les critères d'actualisation des ZRR a été publié le 21 novembre dernier.
L'arrêté qui dresse la liste des communes classées en ZRR, répondant à une préoccupation de MM. Jean-Paul Emorine et Jacques Blanc, a été publié le 31 décembre 2005. Vous avez donc pu le lire pendant la soirée du réveillon.
Sourires
Un décret doit encore être finalisé pour permettre l'application de l'article 6 de la loi, qui a été proposé par le Parlement et qui est relatif au remboursement des avantages consentis aux entreprises installées en ZRR, lorsqu'elles décident...
...de cesser leur activité dans ces zones. Toutes les autres mesures concernant les ZRR sont d'ores et déjà applicables.
Monsieur Jacques Blanc, pour vous répondre plus précisément, et s'agissant tout d'abord de l'exonération des charges sociales pour les employeurs associatifs dans les ZRR, je précise que les associations qui gèrent les centres pour handicapés, dont je sais qu'ils vous sont chers - une grande loi porte votre nom -, les maisons de retraite ou les centres de vacances pourront bénéficier des exonérations prévues à l'article 15 de la loi relative au développement des territoires ruraux, sous réserve qu'elles aient leur siège en ZRR, n'exercent pas d'activité lucrative et ne fonctionnent pas au bénéfice d'un cercle trop restreint de personnes.
Quasi immédiatement, monsieur Repentin !
Monsieur Jacques Blanc, vous m'avez également posé une question sur l'extension aux professions libérales du dispositif d'exonération fiscale favorisant les reprises d'activité. Ce point ne nécessitant pas de texte d'application particulier, la mesure est donc applicable depuis la publication de la loi, et même pour les revenus fiscaux de l'année 2004.
S'agissant des autres activités économiques en milieu rural, les dispositions sont toutes applicables. À cet égard, cela a été évoqué, la loi a permis de définir, grâce à la concertation, quatre mesures exemplaires pour répondre aux difficultés du secteur des fruits et légumes. Les textes réglementaires concernant l'encadrement de l'annonce de prix, les remises commerciales, la définition des crises et, enfin, monsieur Soulage, le coefficient multiplicateur, projet dont vous avez été l'un des porteurs, ont tous été publiés avant l'été dernier. Certes, nous n'avons pas utilisé cet outil, peut-être à tort, d'ailleurs, pendant les crises de l'été, de la fin de l'été en particulier. Nous devons donc porter un regard attentif sur ce point et c'est pourquoi nous travaillons avec vous sur une meilleure régulation du coefficient multiplicateur. Cela étant, son existence même, un peu à la manière d'une arme de dissuasion, a certainement permis de renouer le dialogue interprofessionnel et de fonder la restructuration de l'interprofession des fruits et légumes, ce dont je me félicite.
Le dispositif présente, c'est vrai, des insuffisances. Nous avons donc organisé des réunions de travail, auxquelles vous avez bien voulu participer, monsieur Soulage, avec les représentants du nouvel office VINIFHLOR, pour évaluer et faire évoluer le mécanisme avec les professionnels. Je le répète et je le redirai encore devant les professionnels des fruits et légumes que je rencontrerai en Isère à la fin de la semaine, je suis prêt à adapter les textes réglementaires, en particulier sur le délai et le seuil de déclenchement du coefficient multiplicateur. Pour l'avenir, nous associerons tous les parlementaires aux réunions programmées en vue de définir les modalités de déclenchement du coefficient multiplicateur lorsque le seuil d'alerte est atteint.
En ce qui concerne toujours le domaine économique, la mesure sur la régulation de l'offre par les interprofessions viticoles a été évoquée par M. Jacques Blanc et intéresse notamment M. Delfau, qui connaît bien ces sujets. Cette mesure a bien été prise et le décret a été publié le 5 novembre dernier.
Monsieur Emorine, vous m'avez interrogé sur l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale, l'AFICAR. Elle constitue en effet un enjeu important pour promouvoir l'image de l'agriculture et de la ruralité. J'ai le plaisir de vous annoncer que mes collègues Thierry Breton et Jean-François Copé ont signé le décret aujourd'hui même, ce qui devrait permettre une publication très rapide au Journal officiel.
Pour aller un peu plus loin que le volet économique, j'aborde maintenant le volet emploi la loi relative au développement des territoires ruraux. Dans ce domaine, nous constatons une véritable avancée, puisque, sur vingt-quatre articles concernant l'emploi, vingt, soit 85 %, disposent des textes d'application.
Le décret attendu sur l'extension des services de remplacement aux chefs d'entreprise est publié. S'agissant des trois décrets nécessaires à la totalité de l'application de ces mesures, ils sont devant le Conseil d'État. C'est notamment le cas du décret, à propos duquel s'inquiétait M. Pastor, sur l'ouverture des groupements d'employeurs aux collectivités ou les règles de rattachement social des pluriactifs. L'arrêté sur la sécurité des tracteurs, également cité par M. Pastor, est prêt. Il a été notifié à la Commission européenne, qui, vous le savez, pour ce type de mesures, dispose d'un délai suspensif de trois mois. Ce délai s'achève le 16 février. Si rien n'intervient d'ici là, cet arrêté pourra être publié dans la foulée. Mesdames, messieurs les sénateurs, le volet emploi, priorité du Gouvernement et de la majorité qui le soutient, sera donc rapidement applicable en totalité.
Au cours des débats, les dispositions relatives à la gestion foncière et à la rénovation du patrimoine bâti rural ont suscité des échanges intéressants et importants. Le décret concernant la procédure d'aménagement foncier et, notamment, les modalités de décentralisation aux départements a été transmis au Conseil d'État en octobre dernier, après un large travail de concertation. Monsieur Emorine, celui-ci devrait se prononcer le 31 janvier et le décret sera, alors, publié en février. Nous déplorons donc un léger retard, mais il n'aura eu, heureusement, que peu de conséquences. L'État restant compétent pour toutes les procédures lancées avant le 1er janvier, le transfert du personnel concerné se fera progressivement.
Quant à la procédure de périmètre de protection des espaces agricoles et naturels - dispositif prévu à l'article 73 -, monsieur Repentin, le projet de décret est au Conseil d'État depuis décembre. D'après les informations à ce jour en ma possession, il devrait être publié en mars prochain.
Les services au public, qui ont été évoqués par nombre d'entre vous, constituent un autre élément déterminant de l'attractivité des territoires ruraux. Je voudrais, en particulier, rassurer MM. Pastor et Delfau. En effet, les mesures relatives à l'installation des professionnels de santé et à l'action sanitaire et sociale sont toutes applicables. D'ailleurs, MM. de Montesquiou et Jacques Blanc l'ont justement relevé dans leurs interventions respectives.
Seul, c'est vrai, le décret relatif à l'organisation des maisons de services publics, qui est un sujet important, n'a pas été publié à ce jour. Cela sera fait prochainement puisqu'il est venu en section de l'intérieur du Conseil d'État le 10 janvier dernier. De plus, de nombreuses dispositions ont déjà inspiré fortement les travaux conduits en matière de services publics et de services au public, notamment au sein de la Conférence nationale des services publics en milieu rural, qui s'est réunie il y a quelque temps.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai très vigilant, notamment dans le cadre de la future Conférence de la ruralité, aux préoccupations que vous avez tous exprimées, en particulier M. Raoult, sur le maintien des services publics en milieu rural.
Concernant, monsieur Repentin, les exonérations de taxe sur le foncier non bâti pour les zones humides et les zones Natura 2000, le décret préparé par ma collègue Nelly Olin est actuellement soumis à la concertation interministérielle et l'instruction fiscale devrait être prête dans les meilleurs délais.
Enfin, connaissant l'intérêt du Sénat pour la montagne, je conclurai ce tableau, cette « feuille de route » des applications de la loi, par l'examen des dispositions relatives à la montagne. Vingt-quatre des vingt-sept articles concernés sont aujourd'hui applicables et donnent à la montagne des outils nouveaux de développement économique.
Quant au décret touchant les unités touristiques nouvelles, les fameuses UTN, sur lesquelles MM. Emorine, Jacques Blanc, Soulage et Repentin m'ont interrogé, il a fait l'objet, vous le savez, d'une longue concertation avec les élus et les professionnels de la montagne, qui a été menée par mes collègues chargés de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Cette concertation est achevée et le décret sera transmis dans les prochains jours au Conseil d'État. Je peux vous l'assurer, dans l'état actuel de sa rédaction, ce décret permettra une véritable simplification. Ne seront désormais soumis à la procédure prévue que les projets de grande ampleur et ceux qui concernent des sites jusqu'à présent vierges. De même, la procédure sera supprimée pour les communes inscrites dans un schéma de cohérence territoriale et dont les documents d'urbanisme correspondent à un tel schéma à l'échelle d'une intercommunalité.
Pour répondre à MM. Soulage, Jacques Blanc, Repentin et de Montesquiou, mes collègues Jean-François Copé et Léon Bertrand m'ont assuré que les deux décrets concernant les exonérations fiscales pour les investissements dans les résidences de tourisme en zones de revitalisation rurale et le logement des travailleurs saisonniers seraient prêts d'ici à la fin du mois.
D'ailleurs, s'agissant de la situation des travailleurs saisonniers, monsieur Repentin, si l'État peut effectivement jouer un rôle, il convient également de tenir compte des initiatives des collectivités territoriales. Je suis élu d'une intercommunalité, sur le littoral atlantique, dans laquelle nous avons décidé de construire des logements pour les travailleurs saisonniers. Nous utilisons ces logements principalement l'été puisque, dans ces régions, la saison touristique est avant tout estivale. L'hiver, nous les mettons à la disposition d'associations de personnes âgées et de tourisme populaire, afin d'en faire des lieux d'accueil. Les collectivités concernées ont pris en charge le financement, avec une participation du département et de la région.
En outre, monsieur Repentin, certaines collectivités de mer et de montagne peuvent décider de mettre en place des échanges entre elles. J'ai pu le constater dans ma région et vous-même devez connaître ce phénomène.
M. Thierry Repentin acquiesce.
Un autre point a été évoqué et concerne la liste des communes rurales qui servait à l'attribution des aides du FNDAE, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, et de la dotation globale d'équipement deuxième part. À la suite de la suppression du FNDAE, il existe un problème de base législative. Nous avons donc mené un travail commun, entre mes services, ceux de ma collègue Brigitte Girardin chargée de l'outre-mer et ceux de mon collègue ministre des collectivités territoriales, qui est désormais chargé de ce dossier. Cette affaire est semble-t-il réglée. Un décret sera prochainement soumis au Comité des finances locales, qui l'examinera, je l'espère, lors de sa réunion prévue en février, et devrait paraître rapidement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces diverses dispositions permettent de relever le défi de l'attractivité des territoires et, donc, de la cohésion nationale. Mais nous devons aller plus loin. À ce titre, j'insisterai sur trois points : la programmation du développement rural, la Conférence de la ruralité et les pôles d'excellence rurale.
En ce qui concerne, d'abord, la programmation du développement rural, vous connaissez toutes et tous l'accord du 17 décembre dernier sur les perspectives financières de l'Europe. Comme le président Barroso l'a évoqué cet après-midi devant vos collègues de l'Assemblée nationale, il s'agissait en effet d'un moment historique pour l'avenir de l'Europe.
Nous savons maintenant quelles sont les perspectives financières pour l'Europe. En la matière, pour la France, elles consistent dans le maintien, d'une part, des aides du premier pilier, c'est-à-dire les 8 milliards d'euros prévus pour la politique d'aide au monde rural, et, d'autre part, des aides du deuxième pilier, soit 2 milliards d'euros.
Nous connaissons le niveau de la dotation du FEADER, le Fonds européen de développement agricole et rural, et, grosso modo, le montant de l'enveloppe destinée à la France, sous réserve de l'accord du Parlement européen. Or, vous l'avez noté, celui-ci a rejeté pour l'instant ces perspectives financières. Il y aura donc une négociation entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen.
Nous disposerons, chaque année, d'une enveloppe moyenne d'environ 846 millions d'euros. Il nous faudra bien la gérer puisqu'elle sera sensiblement en baisse par rapport à la programmation précédente. Nous devrons donc définir de vraies priorités pour l'action du FEADER et prévoir, en contrepartie, des moyens au niveau de l'État.
Quant à la programmation nationale, nous devons, d'ici au mois de mars, conclure le plan stratégique national pour le développement rural. Quatre axes sont prévus : l'amélioration de la compétitivité des secteurs agricole et forestier ; l'amélioration de la gestion de l'espace ; la diversification de l'économie rurale et la qualité de vie ; la mise en oeuvre de stratégies de développement local dans le cadre des programmes LEADER.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je mène actuellement une concertation avec les associations d'élus et les organisations professionnelles sur le choix du niveau de programmation. J'attire votre attention sur ce point pour susciter votre réflexion, car les décisions ne sont pas encore prises. En effet, nous devons opter pour un niveau de programmation soit national, soit régional. Les régions me soutiennent que le niveau régional permet de gérer les priorités locales avec plus de proximité et de mieux articuler le FEADER avec le FEDER, le Fonds européen de développement régional. La programmation nationale présente quant à elle l'avantage d'assurer une plus grande complémentarité entre la gestion du deuxième pilier et celle du premier pilier.
Il y a donc débat, et je serais heureux de connaître les réflexions de la Haute Assemblée sur ce point, puisque nous devrons soumettre dans quelque temps au Premier ministre le niveau de programmation qui sera retenu.
Ensuite, le 23 février prochain, j'installerai la très importante Conférence de la ruralité. Trois sénateurs et trois députés, proposés par leurs assemblées, participeront aux travaux de cette conférence.
Monsieur Sido, vous avez évoqué, parmi d'autres, l'essor des technologies de l'information et de la communication. C'est un sujet très important. M. le Président de la République, vous l'avez entendu, a fixé l'objectif de permettre l'accès de toutes les communes de France à l'Internet haut débit à l'horizon 2007.
Le plan de résorption des zones blanches pour la téléphonie mobile concerne plus de 3 000 communes rurales, qui ne sont couvertes actuellement par aucun opérateur de téléphonie mobile. Monsieur Sido, il est vrai que la Haute-Marne est sans conteste le département le plus touché par ce phénomène puisqu'il concentre à lui seul près de 180 communes non couvertes. Ayant été votre hôte, j'ai pu le constater moi-même, non pas de visu, mais avec les oreilles, même si je ne connais pas l'expression équivalente en latin !
Le ministre délégué à l'aménagement du territoire, Christian Estrosi, a donné une nouvelle impulsion à ce programme. Seules 91 communes « zones blanches » avaient été couvertes au 31 mai. Elles sont désormais plus de 500, dont 90 en Haute-Marne, grâce aux politiques que vous avez accompagnées avec votre collectivité territoriale.
Enfin, je veux attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les pôles d'excellence rurale.
Il s'agit d'un sujet très important. Ces pôles d'excellence rurale, qui ont fait l'objet d'une communication en conseil des ministres mercredi dernier, sont destinés à renforcer l'attractivité des zones rurales en matière d'emploi. Comme certains d'entre vous l'ont dit, le taux de progression de l'emploi depuis 1990 en zone rurale, hors agriculture, atteint presque 10 %.
Les dossiers de candidature devront être remis soit au 1er mars, soit au 1er septembre 2006. Il s'agit, dans un premier temps, de retenir et de labelliser 300 pôles, et d'y consacrer 150 millions d'euros entre 2006 et 2008, l'État pouvant financer certains projets à hauteur de 50 %.
De quoi pourra-t-il s'agir ? De tout ce qui concerne la valorisation du patrimoine culturel, l'emploi, les PME. Dans le domaine de l'agriculture, je suis bien sûr intéressé par tous les projets concernant la forêt, le bois et la valorisation de la biomasse, qui est une des priorités de la présidence autrichienne de l'Europe. Il y a là de formidables gisements d'emplois et cela contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les projets seront très nombreux. J'ajouterai le tourisme. Nous allons travailler dans cette direction. Aussi, mesdames et messieurs les sénateurs, puisque vous avez une vision d'ensemble de vos départements et de vos territoires, je me permets de vous engager, avec les intercommunalités qui sont proches de vous, à être les porteurs de ces projets dans les délais que je viens de vous rappeler.
Les départements, monsieur Doligé, peuvent s'y associer d'une manière ou d'une autre, notamment par le biais de leurs comités départementaux du tourisme. Les mécanismes sont en nombre suffisant pour permettent aux départements de s'engager pleinement dans les pôles d'excellence rurale afin d'en favoriser l'éclosion sur leur territoire. Je suis persuadé que, dans le Loiret, l'imagination sera au pouvoir.
La politique des territoires ruraux est très importante et la loi dont nous avons débattu de nouveau est un élément fondamental. Avoir une loi, c'est bien ; encore faut-il l'appliquer.
Le bilan de l'application de la loi, après sa publication il y a un an à peine, me semble positif. Néanmoins, je vous assure de mon engagement personnel, et de celui de l'ensemble des ministres du Gouvernement, à mener un suivi vigilant des textes d'application.
Comme le montre le dernier recensement de l'INSEE, les territoires ruraux, avec leurs richesses et leur vitalité, sont un atout pour le développement de notre pays.
Nous devons accompagner cette évolution au service de nos concitoyens. S'ils vivent en milieu rural, c'est parce qu'ils s'y plaisent, c'est parce qu'ils l'aiment. Nous devons les aider à y être plus heureux encore et à y avoir des emplois. Puissions-nous, ensemble, concrétiser cette ambition.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le ministre, merci pour ces informations très précises. Ce débat a été utile.
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs (nos 138, 160).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une femme sur dix est victime de violences conjugales, vous vous souvenez des constats qui avaient été faits lors de la première lecture.
Consciente de ces drames, la justice a fait de la lutte contre les violences au sein du couple une de ses priorités.
Je ne peux donc que me féliciter de l'examen en deuxième lecture par votre assemblée de la proposition de loi sénatoriale renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
Cette proposition de loi, adoptée initialement par votre assemblée le 29 mars 2005, fait suite au plan « Dix mesures pour l'autonomie des femmes » présenté en conseil des ministres le 24 novembre 2004.
Les amendements adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale ont permis de prolonger la réflexion engagée par la Haute Assemblée.
D'une manière générale, il importe de souligner la remarquable complémentarité du travail des deux assemblées et la communauté de vue sur les moyens juridiques nécessaires pour atteindre les objectifs visés.
Avant d'examiner le contenu de ce texte, je voudrais en quelques mots rappeler la mobilisation et la sensibilisation des juridictions en cette matière.
Le ministère de la justice, en liaison avec les autres départements ministériels concernés et les associations, est intervenu à plusieurs reprises au cours des dernières années pour améliorer l'efficacité de la réponse judiciaire contre les violences conjugales.
Le volume du contentieux des violences au sein du couple ne doit pas, pour autant, conduire les parquets à automatiser la réponse pénale.
Derrière chaque violence, il y a des femmes, des hommes et des enfants qui souffrent.
C'est la raison pour laquelle le ministère de la justice a élaboré et diffusé l'année dernière un guide de l'action publique sur la lutte contre les violences au sein du couple.
Ce guide, qui est consultable sur le site Internet du ministère de la justice, formule de nombreuses recommandations.
Ces préconisations portent notamment sur la révélation des faits, avec la création d'un protocole de recueil de la plainte.
Elles portent également sur l'élaboration des procédures, en donnant par exemple des précisions sur les protocoles de rédaction des certificats médicaux et sur les conditions de prise en compte de la situation des enfants du couple.
Elles concernent aussi les réponses pénales, puisqu'elles rappellent la possibilité d'éviction du conjoint ou concubin violent du domicile familial à tous les stades de la procédure et encouragent l'élaboration d'un protocole de recours à la médiation pénale.
La Direction des affaires criminelles et des grâces participe aux travaux interministériels en cours relatifs à l'élaboration par le ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle d'un précis sur les droits des femmes récapitulant l'ensemble des dispositions législatives existantes.
Enfin, lors de la journée de la femme, le 8 mars dernier, le ministère de la justice a diffusé sur les chaînes hertziennes le film contre les violences conjugales intitulé .
Je voudrais maintenant évoquer avec vous les dispositions de nature civile et de nature pénale prévues par la proposition de loi.
S'agissant des dispositions civiles, permettez-moi tout d'abord de revenir sur la modification d'ores et déjà adoptée de l'article 144 du code civil, élevant de quinze ans à dix-huit ans l'âge du mariage des filles.
C'est à votre assemblée que revient l'initiative de cette mesure.
Je me réjouis du consensus qui s'est établi autour de cette question, qui a permis de mettre fin à une distinction d'un autre temps entre hommes et femmes.
Cette mesure permettra également de lutter plus efficacement contre les mariages forcés, car, il faut le redire, les mariages forcés sont l'une des pires - sinon la première - forme de violence conjugale.
Les chiffres qui ont été avancés par plusieurs associations, puis largement repris, sont certes difficiles à vérifier. Ils sont en tout cas suffisamment alarmants pour que nous réagissions et que nous trouvions des solutions afin de lutter plus efficacement contre cette pratique intolérable.
C'est pourquoi je me félicite que l'examen de ce texte soit également l'occasion de faire évoluer notre législation sur ce point.
Les mesures qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale, à la suite des propositions formulées par sa mission d'information sur la famille et les droits des enfants, rejoignent les travaux engagés depuis plusieurs mois par le Gouvernement pour défendre la liberté dans le mariage.
Ainsi, les conditions dans lesquelles se déroule l'audition des futurs époux en vue du mariage seront simplifiées afin de permettre sa généralisation. En outre, les pouvoirs du procureur de la République en matière de lutte contre les mariages forcés seront clarifiés.
Je me réjouis du travail accompli sur ce point par la commission des lois du Sénat qui, par plusieurs amendements, propose de préciser ces dispositions, notamment dans le cas des mariages célébrés à l'étranger.
Toutes ces mesures constituent un symbole fort de notre volonté commune d'empêcher que des femmes et des hommes, de tous âges et de toutes conditions, ne soient contraints de se marier contre leur volonté.
S'agissant des dispositions de nature pénale, l'Assemblée nationale a procédé aux modifications ou ajouts suivants.
Elle a précisé, à l'article 1er, la définition de la circonstance aggravante des violences commises au sein du couple.
Cette modification permet, je le crois, de répondre à la légitime interrogation formulée par le Sénat en première lecture.
En ce qui concerne l'article 4 sur le viol entre époux, l'Assemblée nationale a décidé d'en faire une circonstance aggravante, comme pour le meurtre ou pour les violences.
Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question lors de l'examen des amendements de votre commission.
L'Assemblée nationale a par ailleurs réécrit les dispositions relatives à l'éloignement du conjoint ou du concubin violent du domicile familial à tous les stades de la procédure pénale, afin de tenir compte des dispositions identiques adoptées dans le cadre de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
Les députés leur ont substitué des dispositions permettant la révocation du contrôle judiciaire des conjoints ou concubins qui n'ont pas respecté l'obligation d'éloignement.
L'Assemblée nationale a en outre pris en compte la volonté du Sénat de réprimer la privation des pièces d'identité d'une personne par son conjoint ou par son concubin.
Les députés ont toutefois estimé qu'il n'était pas nécessaire de créer à cette fin une incrimination spécifique comme l'avait décidé la Haute Assemblée, mais qu'il suffisait de limiter le champ d'application de l'article 311-12 du code pénal qui interdit de poursuivre le vol entre époux. Ils ont donc modifié en conséquence l'article 2 de la proposition de loi. Cette solution recueille l'accord de votre commission, et je m'en félicite.
L'Assemblée nationale a également complété la proposition de loi par plusieurs dispositions, qui étaient toutes particulièrement opportunes.
Ainsi, la répression des mutilations sexuelles, et notamment l'excision, sera désormais facilitée grâce à la possibilité de poursuivre les faits commis à l'étranger sur une mineure étrangère mais résidant habituellement en France, grâce également à la levée du secret médical dans de tels cas et grâce à l'allongement de la prescription, laquelle sera celle qui est applicable en matière d'inceste.
De même, l'article 5 transpose dans notre droit la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 23 décembre 2003 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et à la lutte contre la pédopornographie, en aggravant notamment les peines applicables en ces matières.
Enfin, les articles 5 quater et 5 sexies renforcent la lutte contre le tourisme sexuel, en créant la peine d'interdiction du territoire en matière de viol ou d'agression sexuelle sur mineur et en permettant l'inscription au fichier des empreintes génétiques des Français ou des personnes résidant habituellement en France condamnés à l'étranger pour des infractions sexuelles.
En conclusion, je veux remercier les membres de la commission des lois du Sénat et, par l'intermédiaire de M. le président Hyest, M. Henri de Richemont pour l'excellent travail qu'ils ont accompli.
La proposition de loi que nous examinons répond en effet à une indéniable nécessité juridique. Elle présente en outre un caractère symbolique fort. Dans l'intérêt des victimes comme de celui de leurs enfants, nous nous devons de mettre en place un arsenal législatif plus cohérent et plus efficace.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande en conséquence d'adopter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme chacun le sait, l'humanité progresse à mesure que la violence diminue.
Votre assemblée s'honore une fois de plus avec cette proposition de loi, qui a été déposée par les groupes socialiste et communiste et que vous avez adoptée à l'unanimité en première lecture.
Elle a été reprise par l'Assemblée nationale, dont les membres l'ont approuvée quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, tant il est des sujets qui font d'emblée consensus parce qu'ils touchent à un enjeu de civilisation.
La prise de conscience publique des violences au sein du couple est récente car, malheureusement, très peu de victimes portent plainte.
Le phénomène a pourtant une ampleur et une gravité considérables, que deux enquêtes approfondies ont récemment mises en évidence.
La première, menée en 2000, a montré que, dans notre pays, une femme sur dix est victime de violences conjugales.
La seconde, que j'ai rendue publique au mois de novembre dernier, a révélé qu'en France une femme meurt tous les quatre jours des suites de violences au sein du couple.
Les hommes aussi sont victimes puisque près d'un quart des violences ayant entraîné la mort sont commises par des femmes.
Une situation aussi dramatique, dont la prise de conscience est si tardive, appelle une mobilisation de l'ensemble de notre société pour mettre un terme à des actes insupportables, et quelquefois particulièrement barbares.
C'est pourquoi, au mois de novembre dernier, j'ai souhaité donner une impulsion nouvelle à l'action que conduit le Gouvernement pour prévenir et lutter contre ces violences et pour mieux accompagner les femmes - et les hommes - qui en sont victimes.
Cette action est globale : elle concerne tout à la fois les victimes, le grand public et les professionnels, ainsi que les auteurs de violences eux-mêmes.
Nous devons d'abord répondre au premier besoin qu'éprouvent les victimes de violence : se mettre à l'abri pour mieux se protéger.
C'est pourquoi nous allons mettre en place une nouvelle mesure, qui complétera la palette des dispositions existantes. Il s'agit de rendre possible l'hébergement dans des familles d'accueil. Cette formule, différente, est mieux adaptée à la période de nécessaire reconstruction à laquelle sont notamment confrontées les femmes victimes de violences.
En étroite collaboration avec Xavier Bertrand, nous allons également améliorer leur accompagnement médical. En effet, comme chacun le sait, au-delà des blessures physiques, qu'il convient bien sûr de soigner, apparaît très souvent un drame moral, qu'il faut également prendre en considération, pour permettre à ces victimes de « redémarrer » et de se reconstruire.
Pour ce faire, nous allons mettre en place de nouveaux protocoles de prise en charge, afin de nous assurer, notamment, que ces femmes bénéficient d'un suivi moral, à l'hôpital comme chez les praticiens de ville. Des parcours de soins vont être organisés, à travers la mise en place de réseaux d'accueil.
La prévention des violences et le traitement des victimes exigent aussi que nous renforcions la formation des acteurs institutionnels tout comme la sensibilisation du public.
Au second semestre de cette année, nous allons lancer une campagne de communication pour le grand public parce que si l'on veut que les victimes dénoncent les faits, il faut les y inciter.
Par ailleurs, mon ministère a élaboré un document en direction des professionnels afin de les aider à appréhender ces difficultés.
Enfin, le troisième axe de mon action porte sur les auteurs de violence. En partenariat avec le garde des sceaux, je souhaite que nous puissions non seulement renforcer les sanctions, mais aussi favoriser le soin et la prévention. On sait en effet que 51 % des victimes succombant à la suite de violences ont déjà subi de tels actes auparavant. L'idée est de pouvoir intervenir beaucoup plus tôt, dès le début des violences, afin de pouvoir mieux y remédier.
À cet effet, j'ai confié une mission au docteur Roland Coutanceau dont les résultats me seront communiqués dès le mois de février prochain. Il s'agit de pouvoir avancer rapidement.
Selon les experts, 20 % des hommes violents changent profondément de comportement lorsqu'ils s'engagent dans un processus de soins.
Mesdames, messieurs les sénateurs, incontestablement, il n'y a pas de fatalité irrémédiable à la répétition de la violence.
Le volet répressif doit s'inscrire dans un dispositif plus complet, qui s'attache également à prévenir et à soigner.
Cette proposition de loi, enrichie par les travaux de l'Assemblée nationale, comporte de nouvelles mesures essentielles qui complètent notre action.
Elle renforce, tout d'abord, la possibilité d'éloignement du conjoint auteur de violences.
L'obligation d'éloignement adresse un signal fort aux agresseurs et aide les victimes à se sentir mieux entourées pour prendre au plus vite les décisions qui s'imposent, pour leur bien comme pour celui de leurs enfants. C'est à l'auteur des violences qu'il revient de déménager, et non à la victime, qu'il est indispensable de protéger.
La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a instauré une mesure d'éloignement et d'obligation de soins dans le cas des couples mariés ou des concubins.
Cependant, comme nous le savons tous, 31 % des décès dus à des violences conjugales surviennent au moment de la rupture ou postérieurement à celle-ci, et la violence n'est pas cantonnée aux couples mariés ou aux concubins. Nous devons donc encore étendre la mesure d'éloignement aux pacsés ainsi qu'aux anciens conjoints, aux anciens concubins et aux anciens pacsés, c'est-à-dire à tous ceux qui, en raison des relations qu'ils ont pu avoir à un moment ou à un autre, sont conduits à avoir ce type d'attitude.
L'attention du législateur doit aussi porter sur les relations au sein du couple.
C'est pourquoi le texte légalise la jurisprudence de la Cour de cassation qui reconnaît la notion de viol entre époux.
Mais il convient également de prévenir autant que possible les violences, qui trouvent essentiellement leur origine dans l'absence de reconnaissance et de respect.
Depuis son origine, le code civil mentionne le respect que l'enfant doit à ses père et mère. La loi du 4 mars 2002 y a ajouté le respect que doivent les parents à la personne de l'enfant.
Ajouter aujourd'hui la notion de respect au devoir mutuel de fidélité, de secours et d'assistance que se doivent les époux permettrait de parachever l'évolution de notre droit en matière de relations intrafamiliales.
Cet ajout donnerait l'occasion à l'officier d'état civil, lorsqu'il célèbre un mariage, de mettre l'accent sur cette valeur fondamentale. C'est aussi un moyen de lutter contre toute violence ultérieure.
Cette prévention suppose enfin de garantir la liberté du consentement des époux.
C'est pourquoi je suis particulièrement attachée à l'une des dispositions de cette proposition de loi qui vise à supprimer l'une des dernières discriminations fondées sur le sexe encore présentes dans le code civil en harmonisant l'âge nubile à dix-huit ans, aussi bien pour les jeunes filles que pour les jeunes gens, et en renforçant le contrôle de la liberté d'expression du consentement matrimonial. Nous savons effectivement que le mariage forcé reste une préoccupation dans notre pays.
La prévention de tels mariages passe aussi par la sensibilisation des jeunes et de leur famille. C'est pourquoi j'ai souhaité que leur interdiction soit explicitée dans un guide général sur les droits des femmes de l'immigration.
Mon ministère apporte aussi un soutien appuyé aux associations de terrain qui accompagnent ces jeunes femmes et ces jeunes hommes dans leur parcours vers l'autonomie.
Il s'agit non pas de les pousser à une rupture avec leur famille mais de faciliter et de renforcer le dialogue avec l'entourage.
Par ailleurs, j'ai pris contact avec mon collègue Gilles de Robien pour que l'information auprès des adolescents soit renforcée dans le cadre scolaire. La liberté matrimoniale est une liberté fondamentale. Nous devons aider les jeunes à comprendre qu'ils ont toutes et tous le droit de l'exercer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en conclusion je veux remercier la commission des lois du Sénat pour le travail qu'elle a bien voulu effectuer et je souhaite, comme M. le garde des sceaux, que les mesures que nous examinons aujourd'hui puissent être adoptées dans les toutes prochaines semaines pour que leur entrée en vigueur permette à la France, pays des droits de l'homme, d'être ainsi, plus que jamais, fidèle à son image.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame le ministre, mes chers collègues, je supplée bien volontiers notre excellent collègue M. de Richemont, empêché, qui a beaucoup travaillé sur ce texte.
Comme vous l'avez souligné, madame le ministre, il s'agit d'un texte d'initiative sénatoriale, élaboré par la commission des lois à partir de deux propositions de loi, la première déposée par M. Roland Courteau et plusieurs des membres du groupe socialiste, la seconde présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen. Je rappelle que ce texte a été adopté par notre assemblée en première lecture le 29 mars 2005. Bien entendu, je ne saurais oublier que nombre de nos collègues ont apporté leur concours à l'élaboration de ce texte, je pense notamment à la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
S'agissant d'une proposition de loi, il est à noter une relative célérité dans le déroulement de la procédure, certains ayant même voulu aller très vite. Un consensus s'est dégagé tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ce qui montre bien la volonté du législateur de faire aboutir le plus rapidement possible ce texte.
Je rappelle aussi l'accord intervenu en commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales. L'Assemblée nationale avait cru bon d'adopter un certain nombre de dispositions relatives à l'éloignement du conjoint violent qui figuraient déjà dans le texte d'initiative sénatoriale. Mes chers collègues, vous vous souvenez sans doute que nous avions accepté de voter lesdites dispositions à condition que l'Assemblée nationale se saisisse de la proposition de loi émanant du Sénat. L'engagement pris en la matière par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale a été respecté puisque ce texte a été examiné par l'Assemblée nationale au cours de ses séances des 13 et 15 décembre dernier.
Au fil de la procédure parlementaire, et même si le Sénat souhaitait mettre davantage l'accent sur le thème des violences conjugales, la portée du texte a été progressivement étendue.
D'abord, et vous l'avez souligné, madame le ministre, le Sénat a adopté en première lecture, par voie d'amendement, sur l'initiative notamment de Mme Garriaud-Maylam et de M. Courteau, un article additionnel portant de quinze à dix-huit ans l'âge légal du mariage des femmes.
Pour leur part, les députés ont introduit des dispositions renforçant, d'une part, la lutte contre les mariages forcés et, d'autre part, la répression contre les violences faites aux mineurs, qui, bien qu'utiles, étaient un peu hors sujet, mais je ne proposerai pas pour autant de les supprimer. C'est pourquoi l'intitulé de la proposition de loi a été modifié et vise non plus seulement les violences au sein du couple mais également celles qui sont commises à l'encontre des mineurs.
Comme je l'ai rappelé, les lectures successives au sein des deux assemblées se sont traduites par une constante, à savoir le consensus de la représentation nationale. En effet, la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale. C'est le signe le plus évident de la volonté de dénoncer l'extrême gravité de ces formes de violences, que vous avez rappelée, madame la ministre, et de mettre en place l'arsenal juridique le plus efficace pour les prévenir et les réprimer.
Tel est l'esprit général dans lequel la commission vous propose, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, de poursuivre l'examen de ce texte, en confortant encore le dispositif issu des travaux de l'Assemblée nationale, dont je me permets de rappeler la teneur.
Si les députés ont adopté sans modification le relèvement de l'âge du mariage des femmes, ils ont inséré plusieurs dispositions nouvelles destinées à renforcer la lutte contre les mariages forcés, dispositions qui nous paraissent fort bonnes.
Ces mesures visent, tout d'abord, à préciser que l'audition des futurs époux pour s'assurer de leur consentement et la saisine du procureur de la République, en cas de doute, s'appliquent non seulement aux mariages de complaisance, mais aussi aux mariages forcés.
Par ailleurs, ils ont cherché à faciliter l'annulation des mariages forcés en permettant au ministère public d'engager une action en nullité et en portant le délai de recevabilité de cette action en nullité, qu'elle soit engagée par les époux ou par le procureur de la République, à deux ans, au lieu de six mois antérieurement, lorsque les époux cohabitent.
Enfin, les députés ont précisé que l'article 1114 du code civil - « La seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu'il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat » - ne peut faire obstacle à l'annulation d'un mariage pour vice du consentement.
En matière pénale, les députés ont confirmé, pour l'essentiel, le dispositif adopté par le Sénat.
Ils ont ainsi adopté dans les mêmes termes les dispositions permettant l'application des circonstances aggravantes, d'une part, aux faits commis par la personne liée à la victime par un PACS, d'autre part, au meurtre perpétré au sein du couple.
Ils l'ont également précisé en prévoyant que l'application de la circonstance aggravante aux « ex » ne pourrait être retenue que si « l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime ».
Les députés ont proposé une nouvelle rédaction pour deux dispositions, que vous avez évoquées l'un et l'autre, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée.
Ils ont, tout d'abord, s'agissant du délit de privation de pièces d'identité au sein du couple, prévu que les dispositions de l'article 311-12 du code pénal, selon lesquelles le vol ne peut donner lieu à des poursuites pénales quand il est commis au préjudice du conjoint, ne seraient pas applicables lorsque le vol porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime.
Ensuite, alors que le Sénat avait prévu, à l'article 4, que la qualité de conjoint ne saurait être, en matière de viol, une cause d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité, les députés ont fait de la qualité de conjoint une circonstance aggravante du viol et des agressions sexuelles commises au sein du couple.
En outre, ils ont modifié l'article 5, prévoyant l'éloignement du domicile du couple de l'auteur des violences.
En effet, je le rappelle, ces dispositions ont été adoptées par le Parlement, sous une forme encore plus complète, dans la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales ; elles n'ont donc pas été retenues dans la présente proposition de loi par l'Assemblée nationale, ce qui est dans la suite logique de nos travaux.
Enfin, les députés ont souhaité compléter le dispositif pénal sur cinq points.
Ils ont décidé d'interdire au procureur de la République de proposer une seconde médiation en cas de violences conjugales si la première médiation a été sans effet, d'étendre aux couples non mariés ayant un enfant commun mineur le dispositif civil d'éviction du conjoint violent du domicile conjugal, et d'étendre la répression de l'excision et des autres mutilations sexuelles à celles qui sont commises à l'étranger à l'encontre d'une victime mineure résidant habituellement en France.
Ils ont profité de l'occasion pour transposer la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie.
Ils ont, enfin, voulu renforcer la lutte contre le tourisme sexuel.
J'en viens maintenant aux propositions de la commission des lois du Sénat.
En ce qui concerne le volet civil, la commission partage bien entendu le souci de l'Assemblée nationale de mieux lutter contre les mariages forcés et propose, à ce titre, deux mesures principales.
Madame la ministre déléguée, vous vous en réjouissiez à l'avance
Mme la ministre déléguée fait un signe d'assentiment
Sourires sur les travées de l'UMP.
Cette précision est, bien sûr, symbolique, mais le respect est en tout état de cause à la base des relations humaines, de la vie en société.
Tout individu doit être respecté et aucun ne doit être abaissé par rapport à un autre, a fortiori au sein d'un couple. Le respect mutuel me paraît être indispensable dans la vie sociale, en particulier dans la vie du couple. Or, notre société oubliant trop souvent cette notion de respect, la rappeler symboliquement aux futurs époux me paraît tout à fait bienvenu.
Il convient aussi de porter le délai de recevabilité de l'action en nullité pour vice du consentement à cinq ans, tant pour les époux que pour le procureur de la République. Je rappelle qu'il s'agit d'une nullité relative.
En ce qui concerne le volet pénal, la commission propose de compléter ou de modifier le texte sur trois points.
Elle souhaite, tout d'abord, revenir à la position qu'avait adoptée le Sénat en première lecture afin de prévoir explicitement que le viol et les autres agressions sexuelles peuvent être incriminés au sein du couple sans faire, cependant, comme l'a prévu l'Assemblée nationale, de la qualité d'époux une circonstance aggravante de cette infraction.
Néanmoins, la commission a modifié substantiellement la rédaction initiale, en tenant le plus grand compte de la jurisprudence de la Cour de cassation, avec laquelle le texte issu de la première lecture aurait pu sembler légèrement en contradiction. La rédaction à laquelle nous sommes parvenus devrait satisfaire tout le monde.
Ensuite, la commission a prévu que les mesures d'éloignement du domicile conjugal, adoptées dans la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, peuvent s'appliquer aux personnes pacsées ainsi qu'aux « ex ».
Enfin, la commission a tenu à supprimer l'interdiction de proposer une deuxième médiation pénale afin de ménager au procureur de la République toute sa liberté d'appréciation, une médiation pénale étant, en tout état de cause, tout à fait inopportune dès lors que les violences présentent une certaine gravité.
Comme vous l'avez dit, madame la ministre déléguée, il faut essayer de lutter contre les violences conjugales le plus tôt possible, avant qu'elles ne s'aggravent. Il faut agir tant qu'il s'agit d'actes de peu de gravité.
Je m'entretenais, hier soir, avec le procureur de Douai, qui mène une expérience tout à fait positive...
...et, certes, remarquable. Il me rapportait que, si l'on intervient dès le premier incident, les violences peuvent alors s'arrêter.
C'est un fait constaté qu'il convient de prendre en compte, car il est d'importance.
En conclusion, mes chers collègues, la commission vous invite à adopter la proposition de loi ainsi modifiée. Ces dispositions sont tout à fait indispensables, et je souhaite que, comme lors de la première lecture, elles suscitent un vote unanime de notre assemblée.
Madame la ministre déléguée, vous avez évoqué toute la politique menée par le Gouvernement, notamment les instructions : mes collègues souhaiteront évoquer un certain nombre de dispositions - j'espère que vous pourrez les satisfaire sur ce point - qui, manifestement, ne relèvent pas du domaine de la loi. Comme nous avons eu l'occasion de le souligner en première lecture, il faut nous en tenir à ce qui relève du domaine de la loi, à savoir le code civil, le code pénal et, éventuellement, des dispositions de procédure pénale.
Monsieur le garde des sceaux, comme nous désirons que cette proposition de loi soit adoptée définitivement le plus rapidement possible, il nous reste à trouver une solution pour être parfaitement d'accord avec l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Goujon.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, le constat est sans appel : dans notre pays, 1 400 000 femmes sont victimes au quotidien de violences au sein de leur couple, et 164 en sont mortes en 2004, ce qui représente un décès tous les quatre jours.
Notre condamnation de l'inacceptable est également sans appel.
Depuis la présentation, en conseil des ministres, le 24 novembre 2004, de « dix mesures pour l'autonomie des femmes », le Gouvernement a fait de la lutte contre les violences conjugales une de ses priorités. Vous venez de le rappeler, madame la ministre déléguée.
Sous votre impulsion, le plan d'action global mis en oeuvre établit un lien indissociable entre prévention et répression, ce qui permet d'intégrer tout le parcours de martyre des victimes.
Pour adapter la réponse judiciaire, un guide de l'action publique a été élaboré et diffusé, des efforts importants ont été engagés en faveur d'un meilleur accompagnement des victimes, des logements d'urgence sont mobilisés pour les femmes victimes de violences conjugales, et un hébergement en familles d'accueil - c'est une innovation tout à fait opportune - est également rendu possible.
Les associations qui interviennent en ce domaine ont vu leurs moyens considérablement renforcés. Des actions de communication seront, par ailleurs, entreprises à destination du grand public. Les acteurs médico-sociaux, quant à eux, feront l'objet d'une sensibilisation toute particulière. Enfin, des parcours de soins seront prévus.
Dans cet esprit, le ministre de l'intérieur a décidé de doubler le nombre de travailleurs sociaux dans les commissariats, afin que les victimes de ces violences y trouvent la mise en confiance dont elles ont besoin, et d'expérimenter, dans trois départements, l'intervention de psychologues aux côtés des policiers pour apaiser les tensions intrafamiliales.
Faut-il encore l'ajouter, pour lutter contre les violences à l'intérieur du cercle familial, lesquelles représentent une part très importante des violences aux personnes et expliquent pour partie leur augmentation, des services spécialisés sont en cours de développement depuis l'automne sur l'ensemble du territoire.
Pour ne citer que le seul exemple de Paris, cent quarante référents policiers ont été formés
Mme la ministre déléguée fait un signe d'assentiment
La mobilisation de tous les acteurs impliqués dans la lutte contre les violences conjugales est aujourd'hui une réalité, même s'il faut encore faire évoluer les mentalités à l'école, améliorer la formation des médecins pour qu'ils décèlent mieux ces violences, ainsi que celle des policiers, qui n'orientent pas encore assez souvent les victimes vers le dépôt de plainte, et même celle des magistrats, monsieur le garde des sceaux, afin de développer le recours aux mesures alternatives aux poursuites.
À cette volonté, la représentation nationale entend aujourd'hui donner les moyens juridiques adaptés, de telle sorte que le problème puisse être efficacement traité dans sa globalité.
Cette démarche est consacrée par la proposition de loi qui nous est soumise en deuxième lecture et qui, je l'espère, sera adoptée à l'unanimité, comme elle l'a été, en première lecture, dans les deux assemblées.
À ce stade, qu'il me soit permis de saluer l'esprit d'ouverture, résolument constructif, qui a caractérisé les travaux de notre commission des lois, notamment celui de son président, M. Jean-Jacques Hyest, et de son rapporteur, M. Henri de Richemont. Sur un sujet aussi difficile, l'un et l'autre sont parvenus à formuler des propositions équilibrées qui permettent de faire passer un message fort : il n'existe pas de violences privées qui pourraient être tolérées, ...
... mais seulement des violences qui intéressent toute la société parce qu'elles sont constitutives de délits et de crimes.
Il importe, tout d'abord, que notre droit positif ne légitime pas les situations d'infériorité d'un membre du couple.
À ce titre, d'ailleurs, la commission des lois du Sénat a fort opportunément ajouté, à l'article 212 du code civil, comme l'a rappelé M. le rapporteur, le devoir de respect entre époux.
C'est aussi la raison pour laquelle la première mesure d'importance de ce texte est, sans conteste, le relèvement de l'âge du mariage des femmes de quinze ans à dix-huit ans ; nous la devons à l'initiative, notamment, de notre collègue Mme Joëlle Garriaud-Maylam, qui aura beaucoup fait avancer la cause des femmes grâce à cette proposition.
Après avoir approuvé cette disposition fondamentale, les députés ont souhaité renforcer la lutte contre les mariages forcés, car la première violence est bien celle qui consiste à contraindre ses propres enfants à une union non désirée.
Souvent célébrés à l'étranger, entre une femme française ou binationale et un ressortissant étranger, ces mariages contreviennent au principe d'égalité entre époux comme à celui du libre consentement au mariage posé par l'article 146 de notre code civil.
Alors que 70 000 femmes se verraient ainsi imposer le choix de leur conjoint, il est primordial de garantir à toutes les femmes vivant sur notre territoire le droit de se marier librement.
Suite à l'audition des futurs époux, l'officier d'état civil ou l'agent diplomatique ou consulaire pourra saisir le ministère public en cas d'indices sérieux d'absence de consentement. L'annulation des mariages forcés sera ainsi facilitée, l'action en nullité étant recevable dans un délai de deux ans lorsque les époux cohabitent.
Sur ce sujet délicat, c'est le choix de la responsabilité et de l'efficacité qui a été fait, là aussi.
Il est néanmoins une absence de consentement bien singulière, mes chers collègues, que nous devons aborder sans polémique et donc sans stigmatiser telle ou telle religion, telle ou telle origine, mais en ayant seulement à l'esprit la nécessaire dignité de la femme : c'est celle qui caractérise les 20 000 à 30 000 ménages polygames qui résideraient sur notre territoire.
La polygamie est incontestablement un asservissement de la femme, puisqu'elle est pour l'épouse un mariage forcé, donc une violence en soi.
Force est de constater que si, selon le droit français, la bigamie est passible de prison, l'administration tolère depuis longtemps la polygamie pour les étrangers, en vertu du respect traditionnel du statut personnel des étrangers, dont l'arrêt du Conseil d'État du 11 juillet 1980, l'arrêt Montcho, fut la traduction logique.
En autorisant le regroupement familial d'une famille polygame, cette décision du Conseil d'État a ouvert la brèche et fait jurisprudence.
Il serait grand temps de revenir à plus de réalisme et de mettre sous tutelle les prestations familiales dans les cas de polygamie.
En instituant un tuteur aux prestations familiales, le juge pourrait s'assurer que les intérêts des enfants sont préservés et aider à la « décohabitation » des mères.
Cela étant, placée en situation d'égalité, la victime de violences conjugales bénéficie de la protection que lui confère la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui permet d'éloigner le conjoint violent du domicile conjugal.
En intégrant tous les stades de la procédure, le dispositif d'éloignement sera désormais complet. La victime ne subira donc plus le traumatisme supplémentaire d'un déménagement, souvent ressenti comme une « double peine ».
En revanche, madame la ministre déléguée, après l'éloignement du conjoint violent, il faut aider la victime à se reconstruire, et c'est tout l'objet de votre action.
Pour ce faire, il convient de favoriser la mobilité géographique des femmes qui ont un emploi, en faisant de la démission consécutive à des violences de couples avérées un cas de démission légitime, ouvrant droit aux allocations chômage.
De même, un droit prioritaire à la mutation devrait être reconnu aux fonctionnaires qui se trouvent dans ces situations.
L'idée de ce travail de reconstruction, forcément long et difficile, me conduit logiquement à aborder la question, délicate, de la médiation pénale.
Il est pour le moins légitime en effet de se demander comment une personne victime de violences physiques et psychologiques, les secondes étant souvent le préalable des premières, peut accepter le principe même d'une médiation.
Une telle procédure ne revient-elle pas, en fait, à demander à la victime de commencer à partager la responsabilité de ce qui lui arrive ?
La médiation suspend la pénalisation, ce que les victimes ressentent très mal. De plus, on ne peut exercer de médiation qu'entre des protagonistes dont la situation est égale par rapport à la loi. Or, en l'espèce, l'agresseur n'est évidemment pas dans la même position que la victime. J'ai cependant bien entendu les propos de M. Hyest, et je suis sensible à ses arguments.
Il nous est par conséquent suggéré de supprimer l'interdiction de proposer une deuxième médiation pénale en cas de violences conjugales, afin de ne pas restreindre la marge d'appréciation du magistrat. Cela va incontestablement dans le bon sens.
Il pourrait également paraître opportun de recourir plus systématiquement à l'injonction de soins qui, selon les experts, amène 20 % des hommes à changer de comportement, comme vous le rappeliez, madame la ministre déléguée. Certes, c'est encore insuffisant, mais ce pourcentage est une première réussite.
La prévention des violences conjugales ne saurait prendre tout son sens sans l'existence d'un volet répressif, aussi efficace que dissuasif.
Le principe général d'aggravation de la peine pour les infractions commises au sein du couple et l'extension de cette circonstance aggravante aux faits commis par l'ancien conjoint, concubin ou pacsé, s'imposent ainsi comme une nécessité.
L'incrimination explicite du viol entre conjoints, concubins ou pacsés, relève de la même logique.
En première lecture, la Haute Assemblée avait souhaité incriminer la privation des pièces d'identité, des titres de séjour ou de résidence d'un étranger par le conjoint, concubin ou pacsé, de la victime ou par l'ex de celle-ci.
L'Assemblée nationale a rattaché la privation des documents d'identité au vol, en prévoyant une exception au principe d'immunité fixé par l'article 311-12 du code pénal.
La privation des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime serait ainsi passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
En outre, le champ d'application de cette proposition de loi a été étendu à la lutte contre les violences à l'égard des mineurs, ce qui relève d'une nécessité hélas ! corroborée par une actualité récente.
La répression de l'excision et des autres mutilations sexuelles sera ainsi étendue à celles qui seraient commises à l'étranger à l'encontre d'une victime mineure résidant habituellement en France.
Faut-il le rappeler, l'excision relève d'une tradition que l'on peut qualifier d'arriérée et qui est toujours très vivace. Près de 150 millions de femmes sont ainsi mutilées de par le monde. Dans notre pays, 10 000 à 20 000 petites filles seraient exposées au risque d'excision, selon différentes associations.
Aussi l'extension de la répression doit-elle inciter les femmes et les mères des ethnies concernées à abandonner ces pratiques, afin que ces femmes ne soient plus victimes, mais actrices de leur destin.
Le renforcement de la protection des mineurs est également concrétisé par la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 décembre 2003, relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie.
Enfin, le tourisme sexuel est, à juste titre, plus fortement réprimé, puisque l'interdiction de sortie du territoire pourra être prononcée à l'encontre de l'auteur d'un viol ou d'une autre agression sexuelle commis à l'étranger sur un mineur.
Le procureur de la République pourra ordonner l'inscription des empreintes génétiques d'une personne condamnée par une juridiction étrangère pour des infractions de nature sexuelle dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
Cette proposition de loi témoigne donc de la volonté commune de la représentation nationale de hisser la lutte contre les violences au sein du couple et contre les mineurs au rang des priorités de l'action gouvernementale.
Prenons donc acte de ce qui nous rassemble, et sachons dépasser nos clivages, comme ce fut le cas à l'occasion de la réforme du dispositif de protection de l'enfance. Il est important de dépasser ces clivages : la famille n'est-elle pas le fondement même de notre société ?
Certes, la loi ne peut pas tout. Les moeurs évoluent à leur rythme. Pour la première fois toutefois, ce fléau social sera ainsi reconnu, et il sera traité avec justice et efficacité, au moyen de règles qui garantiront, dans la patrie des droits de l'homme, le respect et la dignité de chacun.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à vingt-et-une heures trente.