Même si le temps nous a paru long entre la première lecture au Sénat et la première lecture à l'Assemblée nationale, puisque neuf mois se sont écoulés entre les deux, nous n'allons pas bouder notre satisfaction devant la rapidité avec laquelle le texte a été inscrit en deuxième lecture à l'ordre du jour du Sénat.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur les chiffres relatifs aux violences à l'égard des femmes au sein du couple, chiffres que nous avons amplement présentés lors de la première lecture et qui soulignent cruellement que ces violences ne doivent pas être prises à la légère.
Je ferai simplement quelques remarques sur ce phénomène indigne de la France des droits de l'homme, en rappelant d'abord que, selon certaines études, cette violence serait la première cause d'invalidité ou de décès, bien avant le cancer et les accidents de la route, chez les femmes de seize à quarante-quatre ans.
Deuxième remarque, dans 68 % des cas, les violences ont lieu devant les enfants et, dans 10 % des cas, sur les enfants...
Troisième remarque, si plusieurs dizaines de milliers d'hommes exercent des violences sur leur compagne, seulement quelques centaines d'entre eux font l'objet de soins et sont accueillis dans des centres spécialisés.
Enfin, doit-on encore rappeler que nous avons affaire à un mal qui touche tous les milieux sociaux sans exception ? Chassons donc l'idée selon laquelle les violences seraient propres à certaines catégories sociales ou à certaines pratiques culturelles ou religieuses.
Un tel phénomène n'est pas une affaire privée mais bien l'affaire de tous. Manifestement, un signe fort s'imposait, la loi pouvant effectivement constituer dans ce domaine un vrai moteur de changement.
Cependant, force est de constater que, jusqu'alors, nous n'avions que des réponses partielles dans des textes de loi épars, preuve s'il en est du peu d'importance que l'on attribuait à un tel problème, peut-être par ignorance, mais peut-être aussi parce que l'on considérait que le meilleur moyen de s'accommoder d'un mal qui dérangeait était de l'ignorer. Songez, mes chers collègues, qu'il fallut attendre 1989 et les premières initiatives prises en ce domaine par notre collègue Michèle André, que je salue, alors secrétaire d'État chargée des droits des femmes, pour que l'on se préoccupe enfin de ce mal.
De même fallut-il attendre 1994 pour que l'on reconnaisse, dans le nouveau code pénal, les violences comme un délit spécifique lorsqu'elles sont commises par le conjoint ou le concubin.
Mais depuis, plus rien ! En tout cas, plus rien jusqu'à ce 29 mars 2005 où, sur décision de la conférence des présidents, le Sénat inscrivait à l'ordre du jour de sa séance mensuelle notre proposition de loi ainsi que celle de Nicole Borvo Cohen-Seat.
C'était la première fois, et c'est tout à l'honneur du Sénat, qu'un texte spécifique portant sur la prévention et la répression des violences au sein du couple était soumis à l'examen du Parlement. Enfin osions-nous regarder la vérité en face. Enfin osions-nous nous saisir d'un des problèmes les plus préoccupants au regard tant de la santé publique que du respect de la dignité humaine !
Mieux encore, par une sorte d'union des volontés pour porter, selon la formule d'un de nos collègues, la lutte contre les violences conjugales au rang des grandes priorités, nous avons adopté le texte - certes, après des modifications - à l'unanimité et sous les applaudissements, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.
Je le dis avec satisfaction, même si, mes chers collègues, le groupe socialiste n'a pas été totalement suivi dans ses propositions sur les volets « prévention » et « aide aux victimes, » ainsi que dans sa volonté d'aller plutôt vers une loi-cadre complète comme ont su s'en doter l'Espagne ou encore l'Allemagne, l'Autriche ou le Canada.
Telle était l'ambition de notre proposition de loi initiale, car, pour reprendre certains propos, nous restons convaincus que la violence contre les femmes « est souvent la conséquence de certains conditionnements socioculturels [...], les causes étant probablement à rechercher dans un modèle de société qui situe les femmes dans une position d'infériorité naturelle ».
Mais peut-être, je l'espère en tout cas, parviendrons-nous à améliorer encore le texte au cours de cette deuxième lecture. À cette fin, nous proposerons plusieurs amendements au Sénat, à commencer par l'amendement, porté par Robert. Badinter, visant à compléter l'article 212 du code civil en prévoyant que les époux se doivent mutuellement non seulement fidélité, secours et assistance, mais également respect. Peut-être aurions-nous dû commencer par là, ...