Intervention de Gisèle Gautier

Réunion du 24 janvier 2006 à 21h30
Prévention et répression des violences au sein du couple — Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Gisèle GautierGisèle Gautier :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je le rappelle, l'adoption de la proposition de loi au Sénat, le 29 mars 2005, s'inscrivait dans le prolongement des travaux de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

La convergence des propositions de la commission des lois et des recommandations de la délégation aux droits des femmes, présentées par notre collègue Jean-Guy Branger, avait ainsi permis d'obtenir des avancées considérables en matière de lutte contre les violences au sein du couple, qui constituent un fléau d'autant plus insidieux qu'elles ont longtemps été occultées et qu'elles le demeurent en partie, aujourd'hui encore, car il s'agit d'un sujet tabou et méconnu par beaucoup.

Si je dis que ce sujet est méconnu, c'est parce que, lors de la première lecture dans notre Haute Assemblée, l'un de nos éminents collègues m'a confié être surpris par les chiffres énoncés. Il m'a même paru quelque peu sceptique quant à l'ampleur du phénomène affiché lors de nos discussions, considérant qu'il s'agissait d'un combat d'arrière-garde et que ce phénomène, d'ailleurs connu dans d'autres pays, était peut-être un peu amplifié par les médias.

Nos discussions rappelaient simplement que, tous les quatre jours, en France - il faut le redire en permanence -, une femme meurt des suites des violences subies au sein de son couple et que bien d'autres, malheureusement, gardent des séquelles toute leur vie.

En première lecture, le Sénat avait introduit dans la partie générale du code pénal une définition de la circonstance aggravante liée à la commission d'infractions au sein du couple. Il avait également étendu cette circonstance aggravante, actuellement déjà retenue pour les violences commises par le conjoint ou le concubin de la victime, aux violences commises par le partenaire pacsé ainsi qu'à celles commises par les « ex » de la victime, ancien conjoint, concubin ou pacsé.

Nous avions également voté l'application de la circonstance aggravante en cas de meurtre commis au sein du couple et l'inscription explicite dans le code pénal de la reconnaissance du viol entre conjoints, concubins ou pacsés, dont le fondement n'était jusqu'à présent que jurisprudentiel.

Enfin, pour lutter contre les mariages forcés, nous avions, à la suite d'un amendement présenté par notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, harmonisé l'âge légal du mariage pour les garçons et les filles, en élevant pour celles-ci à dix-huit ans l'âge minimum qui était fixé à quinze ans depuis la rédaction du code civil, il y a plus de deux cents ans, comme vous l'aviez à juste titre rappelé, madame la ministre déléguée.

L'Assemblée nationale, qui a adopté cette proposition de loi le 15 décembre dernier, a considérablement enrichi le texte, qui est ainsi passé de neuf à vingt articles. En clair, cela signifie que ce texte de loi n'a pas laissé indifférent, c'est le moins que l'on puisse dire !

Nos collègues députés ont souhaité conforter très sensiblement la lutte contre les mariages forcés, les dispositions introduites sur ce point ayant notamment été inspirées par les travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits de l'enfant ainsi que par les recommandations du Médiateur de la République et de la Défenseure des enfants.

Le texte a également été complété par deux nouveaux volets, l'un consacré à la lutte contre le tourisme sexuel et l'autre à la lutte contre les mutilations sexuelles.

L'Assemblée nationale a notamment précisé que le champ d'application de la circonstance aggravante de violences conjugales ne serait applicable aux « ex » que si l'infraction a été commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime. Elle a également donné une reconnaissance légale au vol entre époux lorsque celui-ci porte sur des objets ou des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels qu'un document d'identité, un titre de séjour ou un moyen de paiement.

Par ailleurs, les députés ont décidé de limiter le recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales. Ce point, comme j'ai pu le constater, fait débat parmi nous.

Les associations de défense des victimes de violences sont favorables à l'interdiction pure et simple du recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales. Pourquoi tant d'obstination ? Tout simplement, parce qu'il faut à tout prix éviter de mettre sur un pied d'égalité l'auteur des violences et sa victime, alors qu'il existe bien un agresseur et un agressé.

L'agression d'une femme par son conjoint ou par son concubin n'est en effet pas un simple désaccord qu'une discussion pourrait suffire à régler. Faire entrer une victime dans une procédure de médiation reviendrait à relativiser l'agression dont elle a été l'objet et, finalement, à la minimiser. De nombreux témoignages sont là pour le prouver : la médiation aboutit le plus souvent au retrait de la plainte, ce qui entérine le rapport de force entre le conjoint violent et celui qui subit les violences.

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