De même, je dois avouer que je m'interroge sur l'instauration par nos collègues députés d'une circonstance aggravante lorsque le viol est commis par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un PACS. Pour moi, un viol est un viol, c'est-à-dire un crime. Le Sénat, en consacrant la jurisprudence de la Cour de cassation reconnaissant le viol entre époux, avait voté un dispositif satisfaisant, car équilibré.
Enfin, j'ai bien noté, monsieur le garde des sceaux, votre volonté de mettre en oeuvre les recommandations qui avaient été adoptées par la délégation aux droits des femmes afin d'inciter les pouvoirs publics à entreprendre des actions destinées à susciter une prise de conscience de l'opinion publique et des différents intervenants et à améliorer l'efficacité de l'accueil et de la prise en charge des victimes.
Je citerai, à titre d'exemple, la nécessité de mettre en place des statistiques sexuées permettant de chiffrer les infractions liées aux violences au sein du couple. Nous nous sommes en effet déplacés dans les commissariats, dans les associations, et nous avons constaté que les données chiffrées collectées sont très incertaines, voire floues. Nous avons quelques indications, mais elles ne sont pas tout à fait fiables.
Je citerai également la conduite d'une étude sur le coût budgétaire et social de ces violences, qui n'a jamais été réalisée, la constitution de groupes de parole destinés aux hommes violents, mais aussi aux femmes bien sûr, ainsi que l'amélioration de la présence des associations d'aide aux victimes dans les commissariats, associations qui effectuent un travail remarquable, comme nous avons pu le constater avec la délégation lors d'un déplacement à Tours. Je citerai encore l'amélioration de la formation continue à cette problématique des policiers, des magistrats et des personnels médicaux. Il paraît en effet indispensable que les agents soient sensibilisés, puis formés afin de mieux écouter et de mieux accueillir les femmes et les hommes en détresse.
Par ailleurs, mes chers collègues, je soumettrai à votre vote deux amendements qui me tiennent à coeur.
Le premier concerne le troisième alinéa de l'article 373-2 du code civil, qui fait obligation à un parent changeant de résidence d'en informer l'autre parent. Il ne me paraît pas judicieux de maintenir cet alinéa en l'état lorsqu'il s'agit d'une séparation causée par des violences conjugales répétées. En effet, il est alors aisé à l'agresseur de retrouver sa victime et de menacer ainsi sa sécurité et celle des enfants dont elle a la garde. Il conviendrait que le juge puisse se prononcer dans des cas douloureux, et pour une période provisoire, lorsque des enfants vivent au foyer.
Le second amendement, soutenu par de nombreux réseaux associatifs nationaux, concerne l'article 226-10 du code pénal relatif aux dénonciations calomnieuses, qui dispose que la fausseté des faits énoncés résulte « nécessairement » - cet adverbe est important - de la décision de justice antérieure, alors qu'une décision d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu signifie non pas que les faits énoncés sont faux mais bien que la justice n'a pas eu suffisamment d'éléments pour se prononcer. De nombreux cas démontrent que des femmes victimes de violences sexuelles sont déclarées coupables de dénonciations calomnieuses. Coupables d'avoir porté plainte contre les hommes qui les ont harcelées, agressées, violées !
L'article 226-10 concerné viole, c'est patent, la présomption d'innocence des plaignantes et des plaignants. Il rend donc, à mon avis, totalement illusoire le droit de dénoncer les violences vécues et il contraint au silence, par peur d'être condamnées, les femmes victimes. Vous conviendrez avec moi que ce résultat est contraire aux objectifs que nous nous sommes fixés. Je souhaite donc ardemment que le Gouvernement émette un avis favorable sur cet amendement et que le Sénat adopte le dispositif que je propose.
En conclusion, je me félicite à nouveau de la perspective d'un aboutissement rapide de la navette sur cette proposition de loi, qui permettra, je l'espère, de lutter plus efficacement contre un fléau affectant, hélas ! douloureusement la vie quotidienne, non seulement de très nombreuses femmes, mais également, rappelons-le, de leurs enfants, témoins impuissants lorsqu'il y a violence, qu'elle soit physique, verbale ou psychologique.
On ne peut tolérer l'intolérable, lorsque l'on sait que, trop souvent, pour un jeune garçon témoin de violences, le même schéma se reproduit lorsqu'il devient adulte. C'est un choix que nous devons faire.
Mes chers collègues, dans quelle société voulons-nous vivre demain ?
Alors que les formes de violences se multiplient, que ce soit à l'école, dans les stades, dans les rues, nous nous devons, de par cette loi, de démontrer que le foyer doit être un espace de liberté, de respect et, surtout, d'apprentissage de la dignité humaine.