Certaines femmes victimes de violences sexuelles sont déclarées coupables de dénonciation calomnieuse, autrement dit, coupables d'avoir porté plainte contre les hommes qui les ont harcelées, agressées, violées. Leur condamnation révèle l'absurdité juridique que constitue l'actuelle rédaction du délit de dénonciation calomnieuse.
Cet article permet en effet de faire condamner, de façon quasi automatique, une plaignante, ou un plaignant, pour dénonciation calomnieuse, simplement parce que sa plainte n'a pas abouti à la condamnation de la personne mise en cause. Il viole ainsi la présomption d'innocence des plaignants.
L'article 226-10 du code pénal dispose, en effet, que la fausseté des faits dénoncés résulte « nécessairement » de la décision de justice : ordonnance de non-lieu, relaxe ou acquittement. Or les raisons qui conduisent à une ordonnance de non-lieu, à la relaxe ou à un acquittement sont diverses. Il peut s'agir, par exemple, de prescription du crime ou du délit, de charges insuffisantes, voire d'un doute sur l'intentionnalité de l'auteur des infractions, doute qui profite à ce dernier.
Cela signifie donc non pas que les faits dénoncés sont faux, mais que la justice n'a pas suffisamment d'éléments pour condamner les personnes mises en cause.
Pour autant, si ces dernières ont déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse - et elles le font fréquemment -, l'article 226- 10 du code pénal, il faut le savoir, enjoint les magistrats de condamner la personne qui a dénoncé et qui devient ainsi coupable. En effet, le terme « nécessairement », sur lequel j'ai insisté précédemment, leur interdit d'analyser les violences dénoncées initialement, qui sont, du fait de la décision de justice, réputées fausses.
Comment les plaignants peuvent-ils se défendre si on leur interdit d'évoquer les violences qui les ont poussés à déposer une plainte ?
La présomption d'innocence des plaignants est ainsi bafouée, le code pénal instituant une présomption de culpabilité.
Cet article 226-10 du code pénal, de par l'application qu'en font les magistrats, expose les victimes à une condamnation pénale. Il rend donc illusoire le droit de dénoncer les violences subies et contraint les femmes victimes au silence.
Ce résultat est, évidemment, contraire aux objectifs affichés par le législateur en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.