Intervention de Rachida Dati

Réunion du 6 mars 2009 à 9h45
Loi pénitentiaire — Articles additionnels après l'article 31, amendements 244 122 1

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président Badinter, je rejoins vos observations, à quelques remarques près. C’est la première fois, c’est vrai, que nous avons une politique ambitieuse d’aménagement de peines. C’est la première fois aussi que nous avons une politique ambitieuse en termes de soins en prison.

Quel que soit d’ailleurs le gouvernement, vous savez que nous avons toujours rencontré des difficultés pour faire travailler ensemble la justice et la santé sur le terrain. Cette situation s’explique par des problèmes culturels, mais aussi par des problèmes d’adaptation et de connaissance de l’un et de l’autre métier.

C’est notamment le problème des établissements pénitentiaires pour mineurs, que nous avons évoqué hier. Les premières difficultés que nous avons rencontrées dans la mise en œuvre de ces établissements, c’est de pouvoir faire travailler ensemble des acteurs avec des cultures professionnelles différentes.

Par exemple, le fait de faire travailler des enseignants, des médecins et des psychologues avec l’administration pénitentiaire a été, je le reconnais, très compliqué au départ. Aujourd’hui, cela va beaucoup mieux. Néanmoins c’est important. C’est pour cela qu’hier je me suis vraiment battu pour que l’on ne puisse pas empêcher la pluridisciplinarité dans les établissements pénitentiaires.

C’est également ainsi qu’on lutte contre la récidive. Le taux d’aménagement des peines n’a jamais été aussi élevé que ces deux dernières années. Comme vous le savez, nous souhaitons qu’il n’y ait plus de grâces collectives. Elles n’ont pas de sens, et n’ont jamais eu d’effets positifs sur les personnes détenues. Il n’y a plus de caractère automatique de la réduction de peine, qui était un outil de régulation pénale, et de loi d’amnistie. Ainsi, en un an, entre 2007 et 2008, le nombre des aménagements de peines a triplé.

Vous dites qu’il y a une contradiction dans la politique pénale. Non, il y a complémentarité. Moi, j’assume complètement la fermeté de la politique pénale. Il faut plus de fermeté à l’égard des délinquants. S’ils ne sont pas poursuivis, s’ils ne sont pas sanctionnés, et si la peine n’est pas exécutée, c’est l’impunité. Nous sommes dans un État de droit ; je suis pour que la justice soit la même pour tout le monde et qu’il n’y ait pas de l’impunité. S’il y a de l’impunité, cela devient la loi du plus fort, l’arbitraire. Je suis totalement opposée à un tel système.

Vous affirmez que la peine ferme devient la règle et qu’elle devient automatique. Monsieur le président Badinter, vous avez été président du Conseil constitutionnel ; la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a été validée par le Conseil constitutionnel. Tous les principes constitutionnels ont été respectés dans ce texte. Non seulement la notion d’individualisation des peines, mais également le pouvoir d’appréciation des magistrats ont été préservés.

Les décisions de justice condamnant des délinquants, en particulier des délinquants récidivistes à des peines fermes, sont rendues par des magistrats indépendants. Les instructions de fermeté de politique pénale aux procureurs, je les assume, puisqu’elles font partie de mes prérogatives. Mais la décision ne revient pas au procureur, elle revient au juge. Le juge prononce des peines d’emprisonnement ferme en toute indépendance et en respectant le code pénal, en vertu duquel elles sont l’ultime sanction. Lorsque le juge prononce une telle peine, cela signifie que tout ce qui devait être fait avant a été fait.

J’assume donc totalement cette fermeté. Mais, pour lutter contre la récidive de manière ultime, il faut pouvoir réinsérer les personnes détenues, ce qui passe par l’aménagement des peines.

Voici quelques chiffres sur le taux d’aménagement des peines : il y a près de 7000 condamnés qui bénéficient d’un aménagement de peine, soit près de 13% de l’ensemble des condamnés. Il y a eu, depuis mai 2007 à ce jour, une augmentation des aménagements de peines de plus de 35%.

Vous avez raison, monsieur le président Badinter, cette hausse a été rendue possible notamment grâce au bracelet électronique, qui est une forme moderne de la privation de liberté. C’est donc pour cette raison que nous avons souhaité cette grande loi de modernisation du service pénitentiaire.

Pour les placements sous surveillance électronique, nous avons plus de 40% d’augmentation en un an. Les grandes lignes du projet de loi, c’est vraiment d’assumer la fermeté de la politique pénale, mais également de tout faire pour réinsérer les personnes détenues.

Vous ne pouvez pas nier que c’est notre gouvernement qui a souhaité cette grande loi pénitentiaire. Elle était attendue depuis très longtemps, puisque la dernière date de 1987. Vous ne pouvez pas nier qu’il a tout mis en œuvre pour lutter contre la récidive, non seulement par la fermeté de la politique pénale, mais également par la réinsertion des personnes détenues.

À propos de l’amendement n° 244, je reprendrai les arguments qui ont été évoqués par le rapporteur. Comme l’indique l’article 122-1 du code pénal, l’altération des facultés mentales d’une personne ne constitue pas une cause d’irresponsabilité pénale, mais elle doit être prise en compte pour le choix de la peine. Dès lors qu’il y a altération, il n’y a plus de responsabilité. La peine quand elle est prononcée s’accompagne souvent d’une obligation de soins.

Il n’est pas précisé dans cet article, qui a été adopté à l’unanimité lors de la réforme du code pénal en 1992, qu’une altération donne systématiquement lieu à une atténuation de la peine. C’est le principe même d’individualisation de la peine. On en tient compte dans le prononcé de la peine, mais cela n’est pas automatique.

Pour cette raison, l’objet de votre amendement ne correspond pas à l’esprit du texte et encore moins celui du code pénal. Le Gouvernement y est donc défavorable.

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