Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 24 janvier 2006 à 21h30
Prévention et répression des violences au sein du couple — Article 5 bis B

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Lors de la première lecture de cette proposition de loi devant notre assemblée, Mmes Dini et Gautier avaient déposé un amendement tendant à supprimer la médiation en cas de violences conjugales, lequel avait été rejeté. L'Assemblée nationale, quant à elle, a adopté en première lecture un amendement tendant à interdire au procureur de la République, dans ces mêmes cas, de proposer une nouvelle médiation pénale lorsque la première a échoué.

Je voudrais rappeler un certain nombre de points sur ce sujet.

À l'exception des cas dans lesquels la durée de l'incapacité temporaire totale de travail, ou ITT, était importante ou les blessures graves, les violences conjugales ont longtemps été banalisées par les services de police et la justice.

Si de nombreux parquets ont effectivement une politique pénale en la matière, force est de constater que ces directives sont très disparates d'un tribunal de grande instance à l'autre ; une telle absence de cohérence est très dommageable et incompréhensible pour les victimes et les associations qui les soutiennent.

Les réponses judiciaires mises en place dans les différentes politiques pénales font appel à l'ensemble de la palette des mesures existantes. En effet, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, le « procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner ». Les critères d'appréciation pour l'orientation vont s'articuler essentiellement autour de l'incapacité temporaire totale de travail et de la réitération ou non desdites violences.

Même si, depuis le nouveau code pénal de 1994, les violences sur les conjoints ont été érigées en circonstance aggravante, force est de constater que le critère de la durée de l'incapacité temporaire totale de travail est déterminant dans l'orientation de la procédure. Ainsi, en cas d'une durée d'ITT importante, des poursuites sont généralement exercées à l'encontre du conjoint violent, avec déferrement à l'issue de la garde à vue et présentation au magistrat du parquet. En présence d'une faible durée, la mise en oeuvre de mesures alternatives reste un axe majeur des politiques pénales.

Parmi ces mesures, se trouve donc le recours à la médiation pénale. Or le traitement de ces violences est-il compatible avec un appel à la médiation pénale ?

Justice de proximité, préventive, éducative et réparatrice plus que répressive, la médiation a pour objectif d'aboutir à la satisfaction de la victime, avec son accord, et à la restauration de l'ordre public, sans recours aux poursuites pénales et à la peine. Elle est régulatrice de petits désordres sociaux par le recours à un tiers qui favorise la confrontation des points de vue des deux parties, pour rechercher une solution au conflit et une réparation du trouble causé. Les gouvernements socialistes successifs ont contribué à son développement, et je m'en félicite.

Toutefois, à partir de la définition de la médiation, je m'interroge sur la pertinence de son emploi en matière de violences conjugales.

En effet, dans un tel contexte, les critères de la médiation, tels que la volonté de coopération, le respect de l'autre dans la recherche de solutions, la reconnaissance des faits, deviennent difficilement applicables. Ces critères font référence à un état d'esprit absent chez les conjoints violents, à un contexte de liberté de pensée et de parole impossible pour les victimes, de même qu'à une égalité de pouvoir inexistante dans ces couples. Ainsi, la médiation constituera alors une arme supplémentaire pour le conjoint violent, un outil lui permettant à la fois de raffermir son pouvoir et son contrôle et de se soustraire au processus judiciaire. Elle aura pour conséquence de renforcer la vulnérabilité de la victime et le sentiment d'impunité et de toute puissance de l'auteur.

En effet, la médiation pénale aboutit le plus souvent au retrait de la plainte par la plaignante et induit une dépénalisation de la procédure.

Le problème du couple est mis au premier plan au détriment du phénomène de délinquance, qui est relégué au second plan., la médiation entérine le rapport de force entre le conjoint violent et celui subissant les violences, au lieu d'y mettre un terme. Le ministère de la justice lui-même, dans son guide de l'action publique relative à la lutte contre les violences au sein des couples, met l'accent sur le fait que la médiation pénale n'est pertinente que dans certains cas bien définis.

Certes, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale circonscrit le recours à la médiation, puisque que le procureur de la République ne pourra pas proposer une nouvelle médiation si la précédente a échoué. Cette disposition n'accentue-t-elle pas le recours à la médiation en en faisant une première solution à essayer avant les poursuites pénales ? Les victimes, alors qu'elles ont eu enfin le courage de faire appel à la justice, sont en fait déboutées !

Convaincue par les associations, je propose de supprimer purement et simplement le recours à la médiation pour les violences conjugales. Cet amendement a donc pour objet de modifier l'article 41-1, cinquième alinéa, du code de procédure pénale pour interdire au procureur de la République de proposer une médiation pénale en cas de violences conjugales.

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