Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 24 janvier 2006 à 21h30
Droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections municipales — Rejet d'une demande de discussion immédiate d'une proposition de loi constitutionnelle

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Il est trop simple d'afficher des positions pour séduire telle ou telle frange de l'électorat et de ne pas les assumer au moment du vote.

Je considère qu'un éventuel refus de discussion de la part de la majorité sénatoriale serait grave à deux titres : sur le plan de la forme, tout d'abord, car cela signifierait une nouvelle fois le refus d'accorder tout pouvoir d'initiative digne de ce nom à l'opposition.

Je rappelle que la demande d'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi est récurrente ; jamais elle n'a été acceptée par la conférence des présidents du Sénat. Sachez, monsieur le président, que nous prendrons date et que nous n'aurons de cesse de faire respecter nos droits dans cette institution qui doit enfin rompre ave une conception monolithique, archaïque et antidémocratique du fait majoritaire.

Quel est le sens de notre assemblée, quel sera son devenir s'il ne peut supporter d'aborder un tel sujet dans la sérénité ? Le Sénat, qui se prévaut d'assurer la représentation des collectivités territoriales, offre pourtant un cadre tout désigné pour débattre des conditions de mise en oeuvre du mode de scrutin pour les élections municipales.

Ce refus de discuter serait grave, ensuite, sur le fond, car la majorité sénatoriale bloquerait la possibilité d'entamer un débat fondamental sur l'évolution de la citoyenneté, sur les rapports entre citoyenneté et nationalité, sur l'intégration.

La toute récente explosion de violence dans les quartiers difficiles manifeste, au-delà du caractère répréhensible des dégradations perpétrées à cette occasion, un mal-être, une crise d'appartenance qui interpelle fortement l'ensemble de la société. Que les jeunes concernés soient Français - ce qu'ils sont pour la plupart - ou non, tous vivent leur rapport à l'immigration comme une exclusion, comme un facteur de discrimination.

Cette explosion, comme l'ont noté les premières études, y compris celles de la police elle-même, n'avait pas de caractère communautariste. C'était un cri que la majorité devra bien entendre un jour.

Bien entendu, la réponse doit être apportée sur le plan de la formation, de l'emploi, de l'accès à la culture, du logement, de la lutte contre la pauvreté et les discriminations. En un mot, il doit s'agir d'une réponse globale. L'envoi d'un signe fort d'ouverture de la société française, la manifestation franche d'une volonté d'intégration permettront sans nul doute d'établir un dialogue avec cette jeunesse trop souvent méprisée et exclue.

Le droit de vote est l'un de ces signaux tant attendus par de nombreux jeunes, pour leurs parents et leurs grands-parents.

Monsieur le président, mes chers collègues, le Sénat va devoir trancher entre une attitude de progrès, d'épanouissement démocratique, et une posture de repli, de fermeture, d'exclusion.

Nous souhaitons que la Haute Assemblée opte pour le débat, qui permettra d'échanger et de confronter nos points de vue.

Mes chers collègues, sachons montrer une conception ouverte de notre nation, fidèle aux promesses universalistes de la République ; sachons relever le défi du vivre ensemble.

Sachons aussi être les héritiers de ceux qui ont fait la République, qui en ont diffusé le rayonnement de par le monde ; sachons démontrer, à l'instar de Jean Jaurès, que la République est un acte permanent de confiance en l'homme.

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