Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de règlement du budget 2006, que j'ai l'honneur de vous soumettre, est le premier à être présenté dans les conditions fixées par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances.
À ce titre, il marque le point d'orgue des réformes portées par notre nouvelle constitution budgétaire, dont je salue l'un des pères fondateurs, M. Alain Lambert. Nous disposons maintenant d'un outil budgétaire entièrement renouvelé et en ordre de marche.
Avec ce projet de loi, la discussion du règlement définitif du budget change radicalement de sens.
Nous passons d'un exercice comptable, puisqu'il s'agissait simplement d'arrêter les comptes de l'année n - 1, à un véritable exercice politique d'évaluation des résultats atteints par nos politiques publiques.
Nous passons aussi d'un exercice statique, centré sur une seule année, à un exercice dynamique, où les résultats de l'année n - 1 permettent d'éclairer les résultats prévisionnels de l'année n et de préparer la définition des objectifs de l'année n + l.
Ce coup de projecteur sur le passé prépare ainsi le scénario de l'année à venir. Plus rien, par conséquent, ne justifie le caractère assez confidentiel qu'avait, jusqu'à présent, la discussion d'un tel texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi montre, de façon exemplaire, que le contenu très technique des réformes initiées par la LOLF a une portée politique approfondie. Il s'agit bien d'une avancée décisive en matière de gestion des finances publiques.
Tout d'abord, une telle avancée répond aux demandes des Français, qui veulent un État plus fiable, plus performant, plus transparent et plus économe de l'argent public.
Ensuite, elle constitue un levier majeur de modernisation de l'État, grâce à la présentation du budget par politiques publiques et non plus uniquement par simples budgets ministériels, et grâce à la nouvelle logique de résultats et de performance annuels.
Enfin, elle vous apporte, à vous parlementaires, des moyens de contrôle nouveaux et approfondis : les pouvoirs du Parlement sont renforcés et, par conséquent, notre démocratie progresse.
Pour que cette avancée porte tous ses fruits, une dernière réforme s'impose, celle de la procédure parlementaire, afin que les discussions budgétaires que nous aurons à l'avenir soient pleinement en phase avec notre nouvelle constitution budgétaire. J'évoquerai cette question un peu plus tard, après vous avoir présenté les résultats de l'exercice 2006.
Ceux-ci sont très satisfaisants, et je tiens à rendre hommage à mon prédécesseur, qui en a été le maître d'oeuvre, ainsi qu'à la commission des finances du Sénat, notamment à son président, M. Jean Arthuis, et à son rapporteur général, M. Philippe Marini.
Le déficit budgétaire de l'État demeure, certes, élevé mais il est nettement inférieur aux prévisions initiales, puisqu'il atteint 39 milliards d'euros, contre 45, 7 milliards d'euros prévus par la loi de finances rectificative de fin d'année.
Cette amélioration est le fruit d'une stricte maîtrise de la dépense sur le budget général. Pour la quatrième année consécutive, l'autorisation parlementaire a été respectée et la progression des dépenses contenue au niveau de l'inflation. L'objectif « zéro volume » a donc bien été tenu.
Le respect du plafond de dépenses s'accompagne également du respect du plafond d'emplois, ce qui témoigne d'un effort très important de maîtrise des effectifs et de la masse salariale de chaque ministère.
La baisse du nombre d'emplois en équivalents temps plein est en effet de 9 500, contre 5 300 prévus en loi de finances initiale.
Maîtrise de la dépense et maîtrise des effectifs : ces deux règles de bonne conduite auxquelles nous nous sommes pliés l'an dernier sont les deux piliers, les deux éléments clés de la crédibilité de notre politique budgétaire. Elles seront assidûment poursuivies. Vous pourrez d'ailleurs le constater demain, lors de notre débat d'orientation budgétaire portant sur les finances de l'année 2008.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'amélioration du montant du déficit est aussi le fruit d'une dynamique marquée et soutenue des recettes fiscales, principalement de l'impôt sur les sociétés. Ces recettes augmentent de plus de 10 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Conformément à la règle que vous aviez fixée dans cette loi, l'intégralité de ce surplus fiscal a été consacrée à la réduction du déficit budgétaire.
Ces résultats satisfaisants ne doivent, bien sûr, pas occulter le fait que la situation de nos finances publiques demeure fragile et que l'équilibre des comptes publics et la réduction de la dette demanderont des efforts considérables sur toute la durée de la législature.
La situation est suffisamment préoccupante, me semble-t-il, pour que nos discussions ne tournent pas de nouveau aux querelles de clocher ni aux sempiternels procès en responsabilité. Arrêtons de ressasser le passé, tournons-nous vers l'avenir et réfléchissons aux politiques que nous devons conduire pour conforter le maintien de notre cap budgétaire afin de réduire des déficits devenus aujourd'hui structurels. Ce projet de loi nous donne justement les moyens de cette ambition : profitons-en !
En effet, comme je vous le disais en introduction, l'intérêt de ce texte dépasse de beaucoup le seul et unique enregistrement des résultats budgétaires de l'année 2006 : non seulement il entérine une véritable révolution comptable, mais il devient aussi l'étape clé de l'amélioration des performances de l'action publique.
La première rupture est donc d'ordre comptable. Le Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, a parlé, à juste titre, d'un véritable big-bang comptable pour l'État.
Je veux rendre un hommage appuyé à celles et à ceux qui en ont été les artisans. Les administrations, qu'elles soient gestionnaires ou comptables, ont fait un travail considérable, dont témoigne la qualité de ces premiers comptes.
Pour la première fois, les comptes de l'État sont présentés non plus selon une comptabilité de caisse, comme cela était le cas jusqu'à présent, mais selon une comptabilité générale, avec, à l'égal des entreprises, un bilan, un compte de résultat et un tableau des flux de trésorerie.
L'intérêt est double : ces nouveaux comptes donnent à la fois une vision beaucoup plus précise et détaillée du résultat de l'exercice budgétaire et une vision beaucoup plus juste du patrimoine de l'État français.
Côté actif, les immobilisations font désormais l'objet d'un recensement plus systématique, qui nous a conduits à augmenter l'actif immobilisé de près de 200 milliards d'euros, après réévaluation, notamment, du patrimoine routier, des participations financières ou des stocks.
Côté passif, les provisions comptables sont désormais enregistrées.
Au total, le bilan fait apparaître, au 31 décembre 2006, un actif net des amortissements et des dépréciations de 538 milliards d'euros, pour un passif de 1 131 milliards d'euros, constitué à 80 % de dettes financières.
En marge du bilan, les comptes de l'État retracent aussi plus fidèlement les engagements de ce dernier. Un travail analogue au recensement des actifs a été entrepris pour mieux les identifier et, lorsque cela était possible, pour mieux les valoriser. Des informations nombreuses et enrichies ont ainsi été portées dans l'annexe au bilan. Pour ne citer qu'un exemple, le besoin de financement des régimes spéciaux de retraite subventionnés par l'État fait désormais l'objet d'une évaluation, fixée à 230 milliards d'euros.
Une telle réforme, qui apporte plus de fiabilité et plus de transparence dans les comptes, n'a donc pas une portée simplement comptable et n'apparaît pas comme un pur exercice de style destiné aux seuls experts, contrôleurs financiers de l'État, magistrats de la Cour des comptes, parlementaires expérimentés ou journalistes spécialisés.
Sa portée est bien plus vaste, car la réforme répond à une exigence démocratique profonde, inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, laquelle mentionne, dans son article XIV, le droit pour tout citoyen de suivre l'emploi de la contribution publique qu'il acquitte, et, plus largement, le fait que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », ainsi que le précise l'article XV.
Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, le chantier comptable n'est évidemment pas terminé. Les efforts devront être poursuivis pour améliorer la qualité de l'information et parvenir, à terme, à lever les réserves qui ont été faites par la Cour des comptes. C'est tout le sens des engagements que nous avons pris à l'égard des certificateurs. Nous avons là une tâche de longue haleine, qui doit nous inciter, collectivement, à ne pas relâcher notre effort. Assurément, vous ne manquerez pas vous-mêmes, avec raison d'ailleurs, de vous montrer vigilants à ce sujet, pour que nous assurions l'achèvement de ce chantier dans des délais raisonnables.
Après le big-bang comptable, l'autre nouveauté et la seconde rupture de ce projet de loi de règlement tiennent aux rapports annuels de performances qui lui sont annexés.
Ces « RAP », comme on les appelle de façon abrégée, transforment profondément la portée du texte dont nous discutons : ils en font un moment phare, celui où seront jugés, pour chaque politique publique, les résultats atteints et les moyens mis en oeuvre.
La loi de règlement sort ainsi de l'ombre comptable pour devenir le moment privilégié du contrôle approfondi de l'exercice budgétaire : contrôle de la clarté des comptes et contrôle de l'efficacité des politiques publiques conduites tout au long de l'année antérieure.
Elle devient, par conséquent, une étape majeure dans le cycle de préparation de la procédure budgétaire, un peu à l'image de ces étapes de montagne qui constituent le point fort du Tour de France. La métaphore me semble d'autant plus appropriée que, comme pour les cyclistes arrivés en haut du col, cette loi nous donnera de la visibilité pour le chemin qu'il faudra ensuite parcourir.