Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 23 juillet 2007 à 15h00
Règlement du budget de l'année 2006 — Adoption définitive d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la LOLF annonçait le grand soir de la réforme budgétaire, mais nous n'y sommes pas encore : il est dommage que nous ne consacrions que deux heures et quelques questions à examiner la bonne exécution de mesures que nous avons mis plusieurs dizaines d'heures à voter en loi de finances.

En effet, l'esprit de la LOLF veut que les ministres viennent l'un après l'autre nous rendre des comptes sur la bonne ou mauvaise gestion de leur département, rapport annuel de performance en main. Je me félicite néanmoins que neuf d'entre eux soient venus à notre rencontre, en « petit hémicycle », la semaine dernière.

Monsieur le ministre, le projet de loi de règlement du budget arrête le déficit définitif de l'État à 39 milliards d'euros, contre 46, 9 milliards d'euros en loi de finances initiale, ce qui constitue une bonne nouvelle. Devons-nous cependant nous en réjouir ? Permettez-moi d'hésiter.

En effet, ce n'est pas une politique déterminée de baisse des dépenses qui est à l'origine de cette diminution du déficit, mais l'embellie d'un surcroît de recettes, principalement celles de l'impôt sur les sociétés, toujours susceptible de retournement.

Comment ne pas stigmatiser le nouveau report de la résorption du déficit courant, qui laisse espérer, au mieux, un retour à l'équilibre en 2012 ?

Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous justifiiez ce nouveau report, car il me semble mauvais : économiquement, il maintient l'État englué dans ses déficits et donc sans marge de manoeuvre ; politiquement, il donne un coup de frein à l'élan et fragilise de nouveau la place qu'avait retrouvée la France dans l'Union européenne dès les premiers jours du nouveau quinquennat ; enfin, psychologiquement, pour que les Français soient disposés à fournir l'effort indispensable au redressement de notre pays, il faut que l'État soit exemplaire.

La norme de progression des dépenses de l'État, bien qu'elle soit respectée en apparence, exclut, de fait, un certain nombre de dépenses. En effet, le taux des prélèvements obligatoires a poursuivi en 2006 sa croissance exponentielle, en gagnant 0, 4 point pour se situer à 44, 2 % du PIB, ce qui place notre pays, hélas ! dans le peloton de tête de l'OCDE.

Il faut le remarquer, sur 78 milliards d'euros de richesses nouvelles créées en 2006 en France, 39 milliards d'euros, soit la moitié, ont été absorbés pour financer les administrations publiques qui, en dépit de cette progression révélatrice, présentent toujours un besoin de financement dévorant.

Vers quel modèle de société allons-nous si la croissance des prélèvements obligatoires est supérieure à celle de l'économie ? Toute richesse produite a-t-elle vocation à devenir propriété de l'État ?

Le niveau de la dette publique reste beaucoup trop élevé, à près de 65 % du PIB. À structure constante, son encours est même reparti à la hausse en raison de l'augmentation des taux d'intérêt. Malgré ce niveau de recettes fiscales supérieur aux prévisions et une embellie de l'activité, notre croissance est encore structurellement trop faible pour dépasser le seuil du solde stabilisant.

Nous ne pouvons nous contenter de cautériser les erreurs du passé. Notre capacité de désendettement dépend de l'intensité de la croissance des prochaines années, mais nous devons continuer de faire de la bonne gestion des finances publiques et des économies budgétaires nos priorités. Et pensons aussi à faire revenir les PME et les gros contribuables.

Or nous avons besoin d'au moins 3 % de croissance par an pour passer sous le seuil des 60 % du PIB et obtenir un budget excédentaire d'ici à 2012, ce qui constitue une véritable gageure lorsque la plupart des instituts de prévision tablent sur une fourchette de croissance de 1, 8 à 2, 1 % et que Goldman Sachs prévoit une croissance de 2, 8 % en 2008.

La définition du périmètre de la norme de dépenses de l'État soulève également un certain nombre de questions. Certes, en apparence, les dépenses ont progressé de 1, 9 % en euros courants, soit 0, 1 % en volume, mais pour disposer d'une vision exacte, il est temps d'intégrer à cette norme les prélèvements sur recettes et les dépenses fiscales, comme le recommandent la Cour des comptes et le président de la commission des finances.

Ainsi, le prélèvement sur recettes reversé à l'Union européenne, soit 16 milliards d'euros en 2006, constitue bien une dépense du budget de l'État. L'évolution du financement communautaire et la perspective d'une augmentation de la part liée au PNB amplifieront ce transfert.

De même, la montée en puissance de la loi du 13 août 2004 augmente chaque année les prélèvements opérés au profit des collectivités locales, passés de 46, 4 milliards en 2005 à 48, 2 milliards en 2006, auxquels il convient d'ajouter les 10, 9 milliards de remboursements liés, entre autres, à la réforme de la taxe professionnelle, ainsi que l'allègement de 20 % de la taxe sur le foncier non bâti, tous deux votés dans le projet de loi de finances pour 2006.

En tout état de cause, ce sont 72 milliards d'euros de remboursements et dégrèvements qui manquent au périmètre des dépenses, et je pourrai encore vous citer, mes chers collègues, le cas des affectations aux régions de fractions de la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, ou de la PPE, la prime pour l'emploi. Il est regrettable que la dépense fiscale devienne un mode de gouvernance économique hors de toute nomenclature de contrôle de l'évolution des normes de dépenses.

Certaines mauvaises pratiques budgétaires persistent également. La sous-budgétisation chronique des opérations extérieures de la mission « Défense » s'est maintenue à un niveau regrettable, malgré les avertissements de notre collègue Yves Fréville, rapporteur spécial. Les reports de charges, soit 9, 3 milliards d'euros en 2006, continuent d'altérer la sincérité de la comptabilité de l'État en fin d'exercice. Sur ce point, le passage définitif à la nouvelle nomenclature comptable ne pourra qu'être bénéfique.

Enfin, pour achever ce catalogue quelque peu déprimant, comment ne pas mentionner la dette de 7 milliards d'euros que l'État a contractée vis-à-vis du régime général et du régime agricole de la sécurité sociale, et que nous traînons d'année en année ? S'y ajouteront hélas ! je le rappelle, les 11 milliards d'euros de déficit prévisible de la sécurité sociale pour cette année, sur fond d'une dette sociale de 120 milliards d'euros.

Monsieur le ministre, nous pouvons compter sur vos bonnes intentions, mais pourquoi l'État met-il tant de temps à honorer cette dette, alors que la sécurité sociale, en déficit chronique, risque de ne plus pouvoir couvrir ses besoins de trésorerie ?

Ces dérapages doivent disparaître si nous voulons rendre à notre pays son audience dans une économie mondialisée. Je connais votre détermination à redresser les comptes, mais il faut agir vite !

Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi a présenté le « paquet fiscal » comme un « pari dont les mesures bénéficieront à tous ». Soit, j'en prends acte bien volontiers ! Mais ce pari va d'ores et déjà coûter 13 milliards d'euros à nos finances publiques. Ce dispositif sera-t-il mis en oeuvre ? Les Français en veulent-ils vraiment ?

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