Cet objectif est-il maintenu ? Si tel est le cas, comment pensez-vous y arriver, alors que ces prélèvements sont passés de 43, 8 % du PIB en 2005 à 44, 2 en 2006 ? À ce titre, je rappelle que le rapport Pébereau, largement cité en ce moment, préconisait, quant à lui, de ne pas toucher au niveau des prélèvements obligatoires avant d'avoir rétabli durablement la situation des comptes publics.
S'agissant du solde budgétaire, qui est au coeur de l'exercice qui nous occupe aujourd'hui, le déficit budgétaire pour 2006, que vous affichez en baisse significative, mérite quelques développements.
Aux termes du projet de loi de règlement, le déficit budgétaire de l'État pour 2006 s'établit à 39 milliards d'euros, soit près de 8 milliards d'euros de mieux que vos prévisions en loi de finances initiale.
L'affichage favorable du solde budgétaire relève pour une part non négligeable d'opérations de caisse.
L'analyse de la Cour des comptes est sans concession et riche d'enseignements en la matière : elle démontre que des décaissements ont été repoussés au-delà de l'exercice 2006 et que des encaissements ont été anticipés.
Plusieurs dépenses n'ont pas été prises en compte dans le règlement du budget de l'année 2006 : elles s'élèvent à plus de 500 millions d'euros. Les reports de charges sur l'exercice 2007 ont été largement augmentés, au premier rang desquels figurent les dettes, de plus d'un an, vis-à-vis de la sécurité sociale, à hauteur de plus de 5 milliards d'euros selon la Cour des comptes.
Enfin, le budget de 2006 a bénéficié de recettes exceptionnelles.
Les rentrées fiscales ont été objectivement sous-estimées lors de la construction de la loi de finances. Les recettes fiscales, en hausse de 20 milliards d'euros, ont connu une dynamique supérieure de 10 milliards d'euros à ce qui était prévu, principalement en raison de l'augmentation du produit de l'impôt sur les sociétés de plus de 6 milliards d'euros.
Et qu'avez-vous fait de ces recettes fiscales supplémentaires ? Si j'en crois les propos tenus par M. Carrez, rapporteur général à l'Assemblée nationale, lors de la discussion générale du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, seuls 30 % de ces recettes ont été affectés à la réduction des déficits, en dépit de vos promesses de consacrer tout surplus de recettes à la baisse des déficits.
Ces recettes exceptionnelles ne sont pas reconductibles.
La Cour des comptes nous indique que vous avez utilisé les soldes excédentaires de plusieurs opérateurs publics, à hauteur de 4, 75 milliards d'euros, pour réduire le déficit de l'État. Et je ne parle pas du prélèvement exceptionnel que vous avez opéré sur le Fonds de garantie de l'accession sociale, à hauteur de 1, 4 milliard d'euros. Ce prélèvement avait d'ailleurs été vivement contesté par notre groupe lors de la discussion du projet de loi de finances et dénoncé par la Cour des comptes.
Vous avez affiché avec aplomb le respect de la norme de dépenses fixée en 2006. Mais cette situation n'a été rendue possible que par des débudgétisations massives.
Des dépenses importantes ont été financées de manière extra-budgétaire, notamment les primes PEL, ou le financement complémentaire du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.
Je note, par ailleurs, une forte tendance au remplacement des dépenses budgétaires par des affectations de recettes qui, depuis 2004, ont augmenté de 50 %.
C'est un artifice commode pour afficher une évolution contenue des dépenses. La mission « Écologie et développement durable » et, en son sein, le financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, est d'ailleurs emblématique de ce constat. Mais cela contrevient au principe d'universalité budgétaire.
Je souhaite enfin insister sur un point concernant la régulation budgétaire. En 2006, le Gouvernement a plus que jamais détourné l'utilisation des décrets d'avance, portant ainsi préjudice à la sincérité du budget de l'État. Cette pratique non seulement est contraire au droit, mais encore réduit l'efficacité des politiques mises en oeuvre au travers des missions et programmes du budget de l'État, en modifiant en cours d'année les équilibres budgétaires adoptés au Parlement.
La Cour des comptes elle-même souligne que la majorité des ouvertures de crédits opérées par le biais de ces décrets d'avance, normalement justifiés par un critère d'urgence, sont en fait emblématiques de la sous-évaluation « significative et récurrente » des dotations budgétaires initiales.
Permettez-moi de citer en exemple les crédits inscrits au titre des opérations extérieures, les OPEX, et des opérations de maintien de la paix, les OMP, les crédits du Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, les dotations du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, pour l'exécution des contrats de plan, les crédits destinés au financement de l'hébergement d'urgence et de la prise en charge des personnes en situation de précarité et les dotations des dispositifs d'aide à l'emploi, pour un total d'un peu plus d'un milliard d'euros. Or ce montant représente 70 % des crédits ouverts par décret d'avance en 2006.
De surcroît, il s'avère que, dans plusieurs cas, les crédits qui ont été annulés pour financer ces ouvertures ont dû être de nouveau abondés dans la loi de finances rectificative. C'est notamment le cas au sein de la mission « Défense », qui a bénéficié de 323 millions d'euros de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative, après avoir subi des annulations en cours d'exécution à hauteur de 491, 6 millions d'euros. Une telle pratique ne répond pas aux exigences de la LOLF. Il s'agit d'un détournement pur et simple des outils de régulation budgétaire.
En raison des irrégularités constatées dans les comptes d'exécution, tant en recettes qu'en dépenses, le fait que le niveau de déficit ait été réduit par rapport aux prévisions initiales n'est donc pas un gage d'amélioration effective des comptes publics ; les premières tendances pour 2007 le confirment.
En résumé, de nombreuses opérations budgétaires et comptables n'ont eu pour seule visée que de masquer la réalité budgétaire.
Monsieur le ministre, ce projet de loi de règlement du budget de 2006 ne respecte pas le principe de sincérité, cher aux auteurs de la LOLF.
En définitive, la France reste donc dans une situation d'endettement et de déficit élevés et non maîtrisés. Or le niveau de la dette et des déficits publics est préoccupant, parce que ces fonds ne servent pas à financer des dépenses d'avenir ou à alimenter la croissance économique.
Ce projet de loi de règlement du budget de 2006 désobéit au principe d'équité entre les générations, puisqu'en laissant filer la dette publique vous faites payer aux générations futures le poids des dépenses actuelles non financées.
Les conséquences de cette situation sont néfastes pour la France. Cet état de fait rend notre pays vulnérable à la remontée des taux d'intérêt entamée depuis la fin de l'année 2005. L'absence de maîtrise de l'endettement limite fortement les marges de manoeuvres financières et fiscales des gouvernants non seulement pour relancer notre économie, mais aussi pour faire face au surcroît de dépenses lié au vieillissement de la population.
Cela ne semble pas arrêter votre gouvernement, qui va bientôt présenter au Sénat un « paquet fiscal » estimé à 15 milliards d'euros de moindres recettes fiscales annuelles. Or ces mesures s'adressent à une population qui, majoritairement, n'en a pas besoin.
Vous multipliez, en parallèle, les annonces qui ne manqueront pas de générer de nouvelles dépenses pour le budget de l'État.
Vous avez repoussé les engagements pris par la France en matière de réduction des déficits publics à 2012.
Le pari - puisqu'il s'agit d'un pari -que vous faites pour la France est très risqué et repose sur des hypothèses bancales. Si vous ne remplissez pas vos objectifs, ce seront, une nouvelle fois, les plus fragiles qui, vous le savez, en feront les frais.
En matière de politique économique et budgétaire, vous semblez être non pas dans la rupture, mais bien dans la continuité aggravée avec vos prédécesseurs.
Dans ces conditions, les membres du groupe socialiste ne voteront pas ce projet de loi de règlement du budget de 2006.