Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 23 juillet 2007 à 15h00
Règlement du budget de l'année 2006 — Adoption définitive d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou :

Enfin, certaines pratiques, notamment l'« agencisation » croissante de l'État doivent être mieux encadrées.

Avec une présentation sincère des dépenses, c'est-à-dire élargie, le rapporteur général estime que la croissance des dépenses atteindrait plutôt 5, 6 % entre 2005 et 2006.

Concernant la dette de l'État, outre son montant inacceptable, tant il met en jeu l'avenir des générations futures, je déplore qu'elle ne diminue pas encore. Je tiens à rappeler que la présentation qui en est faite occulte les engagements financiers pris par l'État, qui constituent ce que l'on nomme la « dette implicite ».

Il serait plus sincère, là encore, de présenter également le montant des engagements hors bilan.

Ainsi, les pensions civiles et militaires, les régimes spéciaux, les partenariats public-privé, ou encore les prêts à taux zéro atteignent, monsieur le ministre, 1 200 milliards d'euros. Ces engagements doublent quasiment une dette officielle qui atteint déjà 1 142, 2 milliards d'euros.

À cela s'ajoute la dette sociale, qui s'est encore dégradée en 2006, pour atteindre 121 milliards d'euros, soit 6, 8% du PIB ; nous en reparlerons demain, lors du débat d'orientation budgétaire.

Tout cela m'amène à penser qu'il nous faudra être très vigilants pour les années à venir. La situation économique de notre pays n'est pas du tout satisfaisante. Notre croissance économique atteint à peine 2 %, ce qui est très inférieur à la moyenne de la zone euro, soit 2, 7 %. La France est, avec l'Italie, parmi les plus mauvais élèves de cette zone. Peut-on vraiment imaginer relancer notre économie en aggravant encore notre dette ?

Les solutions qui s'offrent à nous sont incontournables.

Nous ne pouvons plus augmenter les recettes. Avec un taux de 44, 2 % de prélèvements obligatoires en 2006, nous avons atteint un pourcentage record à travers le monde. Ce taux s'est même aggravé de 1, 5 point sur les dix dernières années, alors que d'autres pays, qui avaient un taux de prélèvements obligatoires déjà inférieur au nôtre, l'ont diminué. Ainsi, l'Allemagne a aujourd'hui un taux de 34, 7 %.

Nous ne pouvons plus que diminuer nos dépenses. Nous devons donc non seulement faire des choix clairs de politiques publiques, mais également être très vigilants quant à leur efficacité.

La notion d'efficacité m'amène naturellement à parler de la LOLF : le leitmotiv a été d'introduire la culture du résultat dans la gestion de nos finances publiques.

Comme je le rappelais en introduction, le débat que nous avons aujourd'hui nous permet également de faire le point sur la mise en oeuvre de la LOLF. Nous nous réjouissons tous que les résultats et la gestion de l'État puissent être jugés selon le nouveau cadre budgétaire et comptable, avec en point de mire la mesure de la performance dans l'action et la gestion publique.

Néanmoins, je regrette, malgré les efforts importants de la commission des finances, notamment du président et du rapporteur général, la faible durée du débat d'aujourd'hui.

J'entends beaucoup parler du fameux « chaînage vertueux » entre la loi de règlement et la loi de finances initiale. Il serait cependant souhaitable, pour qu'il y ait vertu, donc pour que nous tirions les conséquences de l'exécution du budget de l'année n-1 avant les prévisions pour l'année n+1, que nous puissions réellement examiner le projet de loi de règlement et ses annexes, plutôt que de les « expédier » en une journée, au cours de cette session extraordinaire un peu tardive ; il s'agit toutefois d'un cas de figure exceptionnel, j'en conviens.

Je souhaiterais également vous faire part, monsieur le ministre, de notre déception quant à la mise en oeuvre de la LOLF. Peut-être sommes-nous impatients, mais quelques points ne sont pas à la hauteur de nos attentes.

Les rapports annuels de performances annexés à ce texte sont, certes, très utiles, mais, là encore, nous manquons de temps pour les étudier à fond.

Les indicateurs de performance utilisés sont très nombreux, trop nombreux, et parfois assez peu significatifs. Je ne suggère pas la mise en place d'indicateurs de la performance des indicateurs, mais comment peut-on juger de la pertinence de ceux qui sont déjà mis en place ?

En outre, j'aimerais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les changements de périmètre des missions budgétaires pour les années à venir.

II ne nous a pas échappé que les contours ministériels avaient largement évolué dans le gouvernement dont vous faites partie, notamment en matière de développement durable ou d'immigration. Je suis conscient du fait que les missions ne sont pas liées de façon immuable à des ministères. Néanmoins, j'aimerais être rassuré sur la pérennité des périmètres des missions pour les prochaines lois de finances.

Il me semble nécessaire, afin de pouvoir comparer au mieux les évolutions de nos finances publiques, de conserver, à long terme, les mêmes cadres budgétaires.

Afin de contrebalancer ces propos, je tiens à me réjouir de la tenue du séminaire de lancement de la révision générale des politiques publiques le 10 juillet dernier. Il importe d'aller plus loin dans la modernisation de l'État, notamment en matière d'audits ou d'amélioration des systèmes d'information, ainsi que l'a relevé la Cour des comptes dans ses réserves sur la certification des comptes de l'État pour 2006.

À cet égard, je tiens à saluer les efforts qui ont été accomplis par vos prédécesseurs, monsieur le ministre, sur les audits, qui ont apporté de nombreuses informations, sans doute au gouvernement d'aujourd'hui, mais aussi aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Enfin, à un moment où la réforme des institutions est largement à l'honneur, il me semble important d'insister sur la nécessaire augmentation du pouvoir budgétaire du Parlement.

Nous pouvons le constater, l'équilibre des pouvoirs évolue dans notre pays. Si l'on peut admettre que le pouvoir du Président de la République croît, il convient alors de renforcer simultanément celui du Parlement. Ce renforcement passe par diverses mesures institutionnelles, notamment en matière financière.

II importe de rendre véritable notre pouvoir de contrôle de l'utilisation des fonds publics. Pour cela, nous avons besoin de temps pour nous rendre sur place, dans les administrations. Mais nous avons aussi besoin de plus de moyens, tant humains que financiers.

Ce n'est certes pas une idée très originale, mais je tiens encore à solliciter - je sais que tel est le désir de la commission des finances - un véritable rapprochement de la Cour des comptes et des deux commissions des finances, de l'Assemblée nationale et du Sénat.

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