Madame la ministre, une fois rappelés les grands traits de l'exécution budgétaire de la mission « Sécurité » en 2006, je concentrerai mon propos sur un certain nombre de questions qui me paraissent centrales en matière de sécurité et sur lesquelles je souhaiterais recueillir votre jugement et vos intentions.
Il convient, tout d'abord, de se féliciter de ce que le budget de la mission « Sécurité » ait été « tenu » au cours de l'exercice 2006. Avec 15, 9 milliards d'euros consommés en autorisations d'engagement et 15, 3 milliards d'euros consommés en crédits de paiement, la mission présente des taux de consommation très proches de 100 %, respectivement 97, 5 % et 99, 3 % des crédits ouverts en 2006.
Je souhaite souligner que chacun des deux programmes décline cette bonne maîtrise de la dépense. L'entrée en vigueur de la LOLF aura certainement contribué à ce résultat, en particulier par une politique de plus grande responsabilisation des gestionnaires, qu'il convient ici de saluer.
Les efforts déployés en 2006 pour mobiliser les moyens en faveur de l'opérationnel ont permis, en outre, d'accroître de façon significative le niveau de performance de chacun des deux programmes. Ainsi, notamment, l'objectif de réduction de la délinquance générale en zone police a été atteint. Le nombre de crimes et délits constatés a reculé de 1, 35 %, pour une prévision comprise entre 1 % et 4 % dans le projet annuel de performances pour 2006, tandis que le taux global d'élucidation est passé à 31, 5 %, pour une prévision fixée à 30, 4 %.
Au regard du débat récurrent sur les statistiques de la délinquance, je crois nécessaire de rappeler de nouveau que les indicateurs de performance du programme « Police nationale » sont renseignés à partir de l'état 4001, qui est utilisé depuis 1973, soit depuis plus de trente ans, ce qui permet de couper court à toute insinuation sur ce sujet. Cette situation a le mérite d'assurer une réelle stabilité pour établir des comparaisons dans le temps.
Ce tableau d'ensemble tout à fait positif désormais dressé, je souhaite insister tout particulièrement sur certains points, qui sont, me semble-t-il, au coeur du pilotage stratégique de la mission « Sécurité ».
J'évoquerai tout d'abord le caractère interministériel de cette mission. Il s'agit là d'une spécificité qui répond parfaitement à l'esprit de la LOLF et dont nous connaissons l'une des manifestations les plus concrètes : la coopération entre les forces de sécurité via les groupements d'intervention régionaux, les GIR. Précisément, quel bilan tirez-vous à ce jour, madame le ministre, de ces groupements constitués à parité de policiers et de gendarmes ? Plus largement, quelles avancées ont pu être réalisées pour consolider l'interministérialité de la mission en 2006 ? Et quelles sont les perspectives pour 2007 et 2008 ?
Comme vous le savez, il convient de jouer autant que possible sur les effets d'échelle entre la police et la gendarmerie, tant par la mutualisation des moyens que par des stratégies d'achats groupés susceptibles d'engendrer des économies substantielles pour les administrations et par des échanges d'informations.
J'insiste sur ce point, les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » ne peuvent se contenter de coexister ; leurs actions doivent être coordonnées au mieux. De ce point de vue, la coopération opérationnelle entre les forces de police et de gendarmerie est une priorité. Aussi, je souhaiterais également vous interroger, madame le ministre, sur l'état d'avancement de l'interconnexion des réseaux informatiques et de la communication de ces deux forces ; c'était une véritable préoccupation voilà quelques années.
Par ailleurs, le pilotage de la mission « Sécurité » s'appuie sur la mise en oeuvre de la LOPSI du 29 août 2002.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, j'anticipais un taux de création d'emplois pour la police nationale, à la fin de 2007, de 95, 4 %, et de 86, 4 % pour la gendarmerie nationale, au regard de l'objectif fixé par la LOPSI.
L'exercice 2006 constitue une balise supplémentaire pour estimer la capacité d'atteindre finalement l'objectif arrêté par la loi de programmation. À cet égard, le taux de création d'emplois s'élève, respectivement pour la police nationale et pour la gendarmerie nationale, à 66, 6 % et à 72, 8 % à la fin de l'année 2006.
En s'appuyant sur les prévisions retenues en loi de finances pour 2007, ce taux atteindra 82 % pour la police nationale et 86, 4 % pour la gendarmerie nationale à la fin de l'année 2007.
Madame le ministre, dans la mesure où la densité policière en France est supérieure à celle de la plupart des autres pays comparables, l'objectif initialement fixé par la LOPSI en termes de création d'emplois n'était-il pas finalement situé au-delà du niveau nécessaire ?
Certes, le contexte d'insécurité qui prévalait au début des années 2000 pouvait justifier un tel niveau. Mais aujourd'hui, par souci d'une meilleure gestion des finances publiques, ne peut-on considérer que nous avons atteint un seuil satisfaisant ?
Par ailleurs, la LOPSI produisant ses effets jusqu'en 2007, avez-vous l'intention, madame le ministre, de présenter au Parlement un nouveau cadre pluriannuel pour anticiper et encadrer la dépense en matière de sécurité ?
Si la LOLF permet une plus forte responsabilisation des gestionnaires, d'autres leviers sont également au service de la mobilisation et de la performance des fonctionnaires. En particulier, le ministère de l'intérieur a joué un rôle précurseur, au cours des dernières années, en matière de « prime au mérite ».
Pouvez-vous préciser, madame le ministre, les conditions d'attribution de cette prime en 2006 ainsi que le bilan quantitatif, mais aussi qualitatif, de ce dispositif depuis son entrée en vigueur ?
En outre, au moment où des inquiétudes se font jour concernant le niveau de rémunération des fonctionnaires de police, il conviendrait certainement de travailler à une meilleure lisibilité de la politique salariale au sein de la mission.
Il en va de même pour les primes. Je me rappelle certaines conversations avec les représentants des syndicats, qui, au départ très rétifs à ce système de primes, se sont ensuite faits à cette idée pour, finalement, l'accepter.
En effet, cette rémunération apparaît comme relativement opaque du fait de la multiplication - pour ne pas dire l'enchevêtrement - des mesures catégorielles et statutaires.
Au sein du programme « Police nationale », des efforts importants ont été accomplis en 2006 en faveur de l'équipement des fonctionnaires de police : achat de 32 000 Sig-Sauer et de 1 100 pistolets Taiser à impulsions électriques, acquisition de 40 000 tenues, etc. Au total, une enveloppe de 34, 2 millions d'euros a été consacrée à ce poste de dépenses.
Ces efforts sont nécessaires, car l'efficacité des forces de police repose notamment sur leur image, accessoirement sur la qualité de leur tenue, plus objectivement sur leur niveau d'équipement et sur leur capacité à s'adapter aux innovations technologiques.
Dans cette perspective, pouvez-vous faire le point, madame le ministre, sur les grands axes de la politique menée en 2006 en faveur de la police technique et scientifique ?
Les investigations conduites à l'issue des attentats de Londres, en 2005, ont amplement démontré l'utilité - pour ne pas dire la nécessité - des systèmes de vidéosurveillance, en particulier dans les grands centres urbains. Quelques semaines après sa prise de fonction, le nouveau préfet de police de Paris, Michel Gaudin, s'est d'ailleurs prononcé en faveur du développement de cet outil à Paris.
La vidéosurveillance présente un double avantage : d'une part, elle exerce un incontestable effet dissuasif ; d'autre part, elle constitue un remarquable outil d'aide à l'élucidation. Déjà, grâce aux milliers de caméras des réseaux SNCF et RATP, une proportion croissante d'agressions sont élucidées à Paris et leurs auteurs interpellés.
Aussi, je souhaiterais vous interroger, madame le ministre, sur vos intentions quant au développement de cet outil vidéo, qui doit naturellement s'envisager dans le strict respect des droits et des libertés publiques, comme l'a récemment rappelé la CNIL. Il faut trouver le meilleur équilibre possible entre la sécurité de tous et la liberté de chacun.
Enfin, dans un monde où les distances tendent à se rétrécir sous l'effet des formidables progrès des moyens de transport et de communication, la sécurité ne peut plus se penser sans une coopération internationale renforcée. Les frontières naturelles sont, en quelque sorte, déplacées et parfois gommées, et d'autres, plus immatérielles, apparaissent et doivent être protégées. De nouvelles menaces surgissent aussi.
Comme vous le savez, madame le ministre, je conduis actuellement, en ma qualité de rapporteur spécial, une mission de contrôle sur la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Parce qu'il s'agit là d'une dimension désormais essentielle de la sécurité nationale, je serai tout particulièrement attentif aux grands axes que vous définirez dans ce domaine, ainsi qu'aux moyens mis à la disposition de cette politique, via notamment le service central de coopération technique internationale de police, le SCTIP.
Tels sont, madame le ministre, les quelques points sur lesquels je souhaitais recueillir votre jugement et connaître vos intentions en ce début de législature, dans le cadre d'une mission « Sécurité » qui, je le répète, a su remplir ses obligations de résultats et de performances en 2006.