Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 23 juillet 2007 à 15h00
Règlement du budget de l'année 2006 — Débat de contrôle de l'exécution des crédits de la mission « sécurité »

Michèle Alliot-Marie, ministre :

...mais ce n'est pas pour me déplaire !

Après avoir oeuvré au sein du ministère - et déjà un peu à l'échelon interministériel, il faut bien le dire, puisque la gendarmerie relève de deux ministères -, nous avons réussi à faire avancer les choses. Ce sera une nouvelle frontière s'agissant des actions à engager, vous avez tout à fait raison de l'indiquer.

Vous le savez, je suis très attachée à ce que j'appelle « la chaîne de la sécurité » : pour être efficace, chacun doit exercer pleinement ses attributions, mais également coopérer avec les autres. Quand bien même la police et la gendarmerie obtiendraient les meilleurs résultats, si la justice n'a pas les moyens, comme c'est le cas aujourd'hui, de répondre aux nombreuses interpellations auxquelles il est procédé, il y aura toujours un embouteillage.

Ce n'est pas la seule raison, mais c'est une raison majeure. Il existe des marges d'amélioration, et avec Rachida Dati nous avons l'intention d'agir ensemble. Ce dossier sera certainement l'un de ceux sur lesquels nous pourrons essayer d'avancer concrètement ; cela profitera à la fois à la justice et à la sécurité.

S'agissant de la vidéosurveillance, conformément aux orientations fixées par le Président de la République, je compte lancer un programme ambitieux pour les forces de sécurité, afin de les doter de caméras embarquées à bord des véhicules et des hélicoptères.

Ce qui s'est récemment passé en Grande-Bretagne a souligné l'utilité de recourir à la vidéosurveillance, à toutes les vidéosurveillances, y compris, par exemple, celles des autoroutes. Ce système a été utilisé pour remonter la chaîne des personnes qui ont conduit les deux voitures remplies d'explosifs à Londres.

Nous devons travailler dans ce sens, qu'il s'agisse de la RATP, des autoroutes ou d'un certain nombre d'institutions, publiques ou privées ; certaines d'entre elles sont d'ores et déjà, et conformément à la loi, dotées de vidéosurveillance. C'est ainsi que, notamment dans la perspective d'attaques terroristes, nous serons mieux à même de pouvoir anticiper et de réagir.

Ces nouveaux moyens permettront de lutter plus efficacement non seulement contre le terrorisme, mais également contre la délinquance et les violences urbaines.

Je réunirai dans quelques jours les associations d'élus et les opérateurs de transports publics pour définir les grands axes du projet que je viendrai vous présenter dans quelque temps.

Je souhaite également insister sur un point qui me paraît très important à la fois en ce qui concerne les victimes, mais également en termes de dissuasion : il s'agit du taux d'élucidation. Finalement, une victime est doublement victime si l'on n'arrive pas à retrouver l'auteur des violences qu'elle a subies. En outre, lorsque des délinquants ont le sentiment que, de toute façon, ils ne seront pas pris, ils sont en quelque sorte encouragés à récidiver.

Le taux d'élucidation n'a cessé de progresser au cours de ces dernières années, pour atteindre aujourd'hui 34, 6 %. C'est nettement mieux qu'avant, mais c'est encore insuffisant, et je ne m'en contente pas. Il faut résolument conforter et, surtout, amplifier ces résultats.

Parmi les moyens utilisés, figure notamment la police technique et scientifique. Le fichier automatisé des empreintes digitales et celui des empreintes génétiques sont aujourd'hui exploités indistinctement par la police et par la gendarmerie. Il s'agit là d'un élément de mutualisation extrêmement important.

Au 1er juillet 2007, nous disposons d'un fichier de 2, 7 millions d'empreintes digitales alors que le fichier national automatisé des empreintes génétiques totalise désormais 500 000 profils génétiques enregistrés. Tous deux ont permis que plus de 8 000 affaires soient résolues, dont 2 800 pour le seul premier semestre de 2007. Je m'en réjouis, car les victimes qui voient leurs agresseurs confondus reprennent confiance dans l'État.

Ce sont ces résultats, ces projets et ce développement qui nous permettront de faire progresser considérablement le taux d'élucidation.

Le bilan que je viens de dresser de notre action dans le domaine de la sécurité montre comment nous nous sommes efforcés de répondre à votre attente, en utilisant, avec nos prédécesseurs, les moyens qui ont été mis à notre disposition. À l'évidence, nous devons poursuivre dans cette voie.

C'est la raison pour laquelle je présenterai prochainement au Parlement un projet de loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure, qui traduira plus nettement encore les axes stratégiques de mon ministère.

En effet, a fortiori dans un domaine comme celui-ci, une loi d'orientation permet de donner à l'action projetée de la visibilité, ce qui constitue un élément de notre efficacité.

Je vous livre d'ores et déjà les trois objectifs prioritaires autour desquels ce texte sera construit, à savoir la modernisation, la mutualisation et le management.

Tout d'abord, la modernisation sera marquée par l'instauration d'un dispositif d'analyse et d'anticipation. En effet, mon ministère a besoin d'une délégation aux affaires stratégiques, capable d'imaginer ce que seront les principaux risques demain, afin de nous permettre de les anticiper.

En outre, le recours aux technologies les plus avancées figurera parmi nos priorités, en particulier dans le domaine de la police scientifique et technique, qui n'en est qu'à ses débuts.

Ensuite, des actions seront proposées en matière de mutualisation. Ainsi, une complémentarité accrue entre la police et la gendarmerie nationale, dans le respect des spécificités de chacune, sera recherchée à travers l'ajustement des compétences géographiques, à partir d'un bilan sur lequel je vous interrogerai. Par ailleurs, s'agissant des moyens d'investigation, le rapprochement entre les services chargés du renseignement de sécurité intérieure permettra de renforcer leur efficacité.

Enfin, le management et la gestion des ressources humaines constitueront la troisième priorité du projet de loi, l'objectif étant la fidélisation des policiers, qui constitue une des conditions de l'efficacité. Notre rôle est de favoriser la consolidation du lien social, afin que les Françaises et les Français aient le sentiment de bien vivre dans ce pays, car la sécurité fait partie de ce « bien vivre ».

C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de fonctionnaires bien intégrés, qui accomplissent la mission pour laquelle ils ont été engagés, bien centrés sur leur coeur de métier. Nous avons besoin d'une police localisée, qui connaisse le lieu où elle intervient - le quartier, la population, les responsables politiques.

C'est, d'ailleurs, dans ce sens que j'ai lancé les conférences de cohésion au plus près du terrain, associant la police, les élus locaux, les associations, mais également l'ensemble des services de l'État susceptible d'intervenir. J'ai mené cette conférence en Seine-Saint-Denis et je continuerai à le faire dans d'autres départements. J'ai également demandé aux préfets de les organiser à leur tour.

Enfin, comme vous l'avez dit, nous ne pourrons assurer une protection efficace et durable des Français que si nous nous inscrivons désormais dans la dimension européenne et, au-delà, internationale, car notre priorité est bien d'organiser la lutte contre la menace terroriste, ainsi que contre certains produits dérivés de la mondialisation - le blanchiment, le crime organisé - souvent liés, d'ailleurs, au terrorisme. Là encore, notre capacité d'anticipation et d'analyse stratégique, ainsi que notre aptitude à utiliser les nouvelles sources de la technologie sont essentielles.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons beaucoup de travail à accomplir, mais je m'en réjouis, car nous avons aussi des perspectives positives.

Cependant, notre conception de la sécurité intérieure et extérieure ne peut s'arrêter à la seule logique des moyens, des ressources en hommes, en matériels, et des technologies. Notre sécurité implique aussi la formation du citoyen pour la mise en oeuvre d'une relation nouvelle avec les institutions et les forces chargées de sa sécurité au quotidien.

Nous avons besoin de recréer du lien et d'établir une relation de confiance entre le citoyen, les agents de la sécurité et tous ceux qui, à travers nos institutions, représentent l'État.

Cette perspective ambitieuse nous concerne tous dans nos responsabilités et dépasse les clivages politiques. Elle est nécessaire dans le monde actuel, et j'entends l'inscrire dans la vision stratégique du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales.

L'outil de la programmation la portera, mais on ne peut porter que ce à quoi l'on croit. Nous sommes tous ici parce que, quels que soient les groupes auxquels nous appartenons, nous pensons pouvoir faire avancer les choses pour les Français et pour la France.

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