Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget pour 2006 de la mission « Sécurité », qui nous occupe ce soir, confirme à mes yeux l'idéologie répressive voulue par le précédent locataire de la Place Beauvau.
Cette idéologie a été imposée sans réflexion de fond sur les causes de la délinquance, sur son traitement social ni, bien évidemment, sur sa nécessaire prévention. Elle se double d'une obsession sécuritaire que nous retrouvons dans la série de textes réformant le code pénal et le code de procédure pénale que les gouvernements de droite successifs ont fait adopter, en moins de cinq ans, par leur majorité parlementaire ; je ne les énumère pas ici, chacune et chacun les connaît.
Cela étant, à la veille de la présentation d'un nouveau projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité, un constat s'impose : la droite a échoué et n'est pas parvenue à lutter efficacement contre l'insécurité. Au-delà de ma propre réflexion politique, j'en prendrai simplement pour preuve les résultats de l'enquête de victimisation de l'Observatoire national de la délinquance, l'OND, qui montrent qu'en 2005 plus de 9 millions d'atteintes aux biens auraient été commises et que près de 4 millions de personnes auraient été victimes la même année d'au moins une agression, soit au total plus de 12 millions de crimes et délits. On est bien loin des 3, 7 millions de crimes et délits constatés par la Place Beauvau !
Le même constat s'impose en matière de lutte contre la récidive. Sinon, comment expliquer cette nouvelle loi, adoptée à toute allure voilà à peine une quinzaine de jours, qui, in fine, va augmenter encore le nombre de détenus, alors qu'au 1er juin 2007 on recensait 12 000 personnes en surnombre dans les prisons ?
En revanche, ces choix politiques ont réussi à crisper davantage encore les relations entre les populations, singulièrement celles des quartiers dits « sensibles », et les forces de l'ordre. Cela a été mis en lumière par le rapport sénatorial publié après les émeutes de 2005, rapport qui préconise, madame la ministre, le rétablissement de la police de proximité, supprimée par votre prédécesseur dès son arrivée à la tête du ministère de l'intérieur en 2002.
Plusieurs autres études et rapports montrent qu'il est plus que temps de retisser le lien de confiance entre le citoyen et la police. Vous-même, madame la ministre, êtes assurément convaincue de cette nécessité, puisque vous l'avez évoquée non seulement ici même, mais aussi dans un courrier que vous avez récemment adressé au président du conseil général de la Seine-Saint-Denis.
Mais comment ce lien peut-il se nouer quand vos orientations budgétaires continuent de privilégier, d'une part, la culture du chiffre et du résultat, qui contribue à créer un climat délétère dans certains quartiers, et, d'autre part, la répression et l'enfermement, au détriment de la prévention de la délinquance ?
Ayant reçu le rapport de l'Institut national des hautes études de la sécurité, l'INHES, dont vous ne souhaitez pas la diffusion, vous mentionnez, comme tout à l'heure encore, la nécessité d'une police localisée et territorialisée. Dont acte !
La lutte contre l'insécurité mérite, en effet, mieux que le saupoudrage ou que les effets d'annonce auxquels nous avons été habitués ces dernières années. Ne serait-il pas urgent, madame la ministre, d'utiliser l'argent public autrement et d'investir davantage dans la prévention, grâce notamment à la mise en place d'une police de « proximité » et au rétablissement des commissariats au coeur des quartiers, avec des policiers bien formés, bien encadrés ?