Intervention de Philippe Richert

Réunion du 23 juillet 2007 à 21h45
Règlement du budget de l'année 2006 — Débat de contrôle de l'exécution des crédits de la mission « culture »

Photo de Philippe RichertPhilippe Richert, rapporteur pour avis :

Je ne vois que deux possibilités.

Soit les travaux ont commencé avant le dégel des crédits, sans qu'on ait la certitude de pouvoir les payer, ce qui ne participe tout de même pas d'une bonne gestion ; de là, aujourd'hui encore, une dette d'environ 280 millions d'euros, j'y reviendrai.

Soit le ministère a engagé une succession de petits chantiers, et il se trouve alors dans l'impossibilité de réaliser une véritable gestion prévisionnelle de la politique culturelle patrimoniale de notre pays ! C'est le constat que nous avons dressé, et il est important, me semble-t-il, d'apporter des réponses à ce problème.

Enfin, et nous pouvons le regretter, contrairement aux déclarations de l'époque, qui avaient suscité beaucoup d'espoir, les 100 millions d'euros de recettes extrabudgétaires issues, en résumé, des privatisations d'autoroutes, n'ont pas été affectés en totalité aux monuments historiques : ceux-ci n'ont reçu en réalité que 29 millions d'euros environ, si l'on s'en tient au périmètre de la loi de finances pour 2006.

Vous le voyez, madame la ministre, toutes ces approximations et reports de crédits d'une année sur l'autre ou à l'intérieur même d'un exercice budgétaire ne peuvent que conduire à une gestion chaotique, c'est le moins que l'on puisse dire, de la politique patrimoniale.

Le bilan que l'on peut tirer du passé doit nous permettre d'éclairer le présent et d'interroger l'avenir : naturellement, il ne s'agit pas seulement pour nous de constater, mais aussi de nous projeter dans le futur !

Le projet de loi de finances pour 2007 a relevé le montant global des crédits ouverts en faveur des monuments historiques, en complétant les 220 millions d'euros de crédits budgétaires par les 140 millions d'euros de la recette affectée au Centre des monuments nationaux, dont l'essentiel est reversé à votre budget, madame la ministre, à titre transitoire, comme M. le rapporteur spécial l'a souligné.

Ce montant global est conforme à nos recommandations. Néanmoins, a-t-il permis de remettre à flot, dès cette année, la politique du patrimoine, ou l'exercice 2007 reste-t-il entravé, et dans quelles proportions, par le passif de 2006, c'est-à-dire par les engagements qui n'ont pas encore été honorés ?

D'après certaines informations, pour les monuments n'appartenant pas à l'État, il faudrait encore combler un écart de plus de 280 millions entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement disponibles, soit l'équivalent d'une année d'exercice !

Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser le montant, au 31 décembre dernier, de la dette du ministère, c'est-à-dire des charges à payer qu'il n'a pu honorer, ainsi que les « restes à payer », soit l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiements versés, en distinguant bien la situation des monuments historiques de l'État de celle des édifices qui appartiennent à d'autres propriétaires, collectivités territoriales ou personnes privées ?

À ce propos, il nous semble, mes chers collègues, que l'État a privilégié la restauration de ses propres monuments au détriment des chantiers qui concernent d'autres propriétaires, qu'ils soient publics ou privés.

Je le rappelle, la mission d'information avait souhaité que les propriétés privées, qui représentent plus de la moitié des 41 000 monuments protégés, puissent bénéficier d'au moins 10 % du montant des subventions. Or, d'après les associations, nous nous éloignons de plus en plus de cette proportion, qui était à peu près respectée en 2000, mais qui est tombée en 2004 à 6, 5 %, et qui, j'en ai le sentiment, peut encore diminuer. Madame la ministre, comment réagir ?

En outre, tirant partie de la fongibilité des crédits, les services déconcentrés ont systématiquement favorisé les opérations sous maîtrise d'ouvrage de l'État financées par le titre V, au détriment de celles que l'État se contente de subventionner par des crédits du titre VI.

Je comprends cette priorité donnée au désendettement de l'État, mais je relève qu'elle va à l'encontre de la volonté affichée par l'ordonnance du 8 septembre 2005, qui restitue au propriétaire la maîtrise d'ouvrage tout en lui garantissant un appui financier. On ne peut pas donner la responsabilité de la maîtrise d'ouvrage aux propriétaires privés tout en les privant des crédits qui permettent de la financer ! On ne peut pas, d'une part, obliger le propriétaire privé à réaliser ces travaux, et d'autre part, ne pas mettre en place les financements nécessaires !

S'agissant toujours de la situation des propriétaires privés, j'évoquerai également le chèque emploi service universel, dont nous avons souhaité, madame la ministre, qu'il puisse profiter au recrutement de guides saisonniers.

Je sais que le ministère de l'économie et des finances n'est pas très favorable à cette mesure, qui permettrait pourtant à certains lieux privés ouverts au public de fonctionner dans de meilleures conditions, et il est donc important que nous puissions compter sur votre appui, madame la ministre.

Enfin, les monuments privés bénéficient aujourd'hui de crédits dont nous avons vu qu'ils représentaient à peine 6, 5 % du montant total des subventions, mais auxquels s'ajoutent des exonérations fiscales. Or il est impossible aujourd'hui de se faire une idée du coût de ces exonérations : le ministère de l'économie et des finances ne dispose pas des outils de suivi nécessaires pour connaître leur impact réel !

Nous serions donc heureux de bénéficier d'informations à cet égard, madame la ministre, et en tout cas nous souhaiterions que soient mis en place les outils permettant de connaître l'impact financier de ces exonérations, car des pertes de recettes pour l'État correspondent à des dépenses en subvention.

Je ne reviendrai pas sur l'appréciation du taux de consommation des crédits, ni sur leur justification au premier euro, car mon éminent collègue Yann Gaillard a déjà évoqué ces questions.

Aujourd'hui, madame la ministre, il est particulièrement difficile de préparer la politique du patrimoine architectural des années à venir. Ainsi, en 2008, il faudra compenser une baisse de 70 millions d'euros de la recette affectée, puisque la contribution exceptionnelle de 140 millions d'euros de crédits accordée en 2007 sera diminuée de moitié. Compte tenu des problèmes que je viens de rappeler, il nous serait extrêmement difficile de faire face en outre à une telle baisse de crédits !

Madame la ministre, nous souhaitons donc savoir comment vous comptez affronter cette difficulté. Sachez en tout cas que la commission des affaires culturelles et le Sénat tout entier seront à vos côtés pour y réfléchir et vous accompagner dans votre démarche.

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