Madame la ministre, le projet de loi de règlement du budget de l'année 2006 dont nous sommes amenés à débattre ce soir tend à annuler encore quelque 51 millions d'euros destinés au financement du patrimoine, dont 11, 5 millions d'euros pour la seule action n° 1 « Patrimoine monumental et archéologique ».
La situation est pourtant dramatique dans ce secteur depuis six exercices budgétaires : l'enveloppe destinée au patrimoine monumental et à l'archéologie, hors dépenses en personnel, a baissé de plus de moitié durant cette période, puisqu'elle était de 538 millions d'euros en 2002, et seulement de 249 millions d'euros pour 2007.
En retirant encore quelques millions d'euros au patrimoine monumental, vous allez encore aggraver une situation qui est déjà ingérable.
Je rappellerai quelques faits significatifs illustrant la grande misère du patrimoine français.
Compte tenu du décalage qui existe entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement effectivement versés, les directions régionales des affaires culturelles n'ont aucune visibilité quant au montant réel de leur enveloppe annuelle, d'autant que ces crédits de paiement sont revus ensuite à la baisse par les lois de finances rectificatives, ce que dénonçait d'ailleurs l'an dernier notre collègue Philippe Richert dans son rapport.
Ainsi, à mi-année, ayant souvent dépensé la totalité de leur enveloppe annuelle - au total 195 millions d'euros pour l'année 2006 -, une large majorité des DRAC se retrouvent en cessation de paiement. Il leur faudrait disposer du double de ce montant pour qu'elles puissent mener à bien leurs missions.
Pour corroborer mon propos, je rappellerai l'analyse effectuée par le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques, le GMH, qui a dénombré, pour 2006, quelque 300 chantiers arrêtés dès le mois de juillet faute de moyens, soit près d'un tiers du millier de chantiers annuellement engagés. Ce chiffre n'était « que » de 240 en juillet 2005, un an auparavant. Cela signifie concrètement la suppression de quelque 700 emplois. Certaines des 600 entreprises du secteur ont dû mettre la clef sous la porte. L'effectif des apprentis a décru de 55 % dans ces mêmes entreprises.
À court terme, on s'achemine vers une disparition de compétences et de savoir-faire très pointus qui sont nécessaires dans ces secteurs garants du patrimoine historique et culturel de tous les Français.
Selon les estimations du même GMH, il faudrait un budget annuel de plus de 400 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement pour permettre la restauration et l'entretien des monuments historiques. Or, ce soir, nous votons l'engagement de 284 millions d'euros de crédits à destination non seulement de ce secteur, mais encore de celui de l'archéologie, également très déficitaire. Le compte n'y est pas !
En 2006, le gouvernement précédent avait promis une rallonge - insuffisante - de 100 millions d'euros, hypothétiquement dégagés sur le produit de privatisations. Seuls 40 millions d'euros auraient été versés pour l'entretien des monuments historiques et la quasi-intégralité de cette enveloppe aurait été absorbée par la rénovation du Grand Palais et de Versailles. Deux autres « rallonges » auraient, paraît-il, été versées : 5, 7 millions d'euros en février 2006 et 12 millions d'euros en mars 2006. On reste loin des 100 millions d'euros annoncés...
En effet, sur ces 100 millions d'euros, on sait que 40 millions ont été « détournés » pour combler partiellement le déficit budgétaire récurrent de l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP.