Intervention de Éric Woerth

Réunion du 10 novembre 2009 à 9h45
Financement de la sécurité sociale pour 2010 — Discussion d'un projet de loi

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’an dernier, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous avais présenté une révision à la baisse des prévisions de recettes pour tenir compte du début de la crise.

Nous savons aujourd’hui que la récession a été beaucoup plus forte que prévue. Nous avons rectifié nos prévisions tout au long de l’année et j’en ai systématiquement informé le Sénat. Alors que nous anticipions au même moment l’année dernière une progression de la masse salariale de 2, 75 %, elle devrait chuter de 2 % en 2009, puis à nouveau de 0, 4 % en 2010.

La récession que nous traversons est sans précédent, chacun le sait, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est la première fois que l’on observe deux années consécutives de recul de la masse salariale. Par comparaison, lors de la récession de 1993, la masse salariale était restée stable, puis elle était repartie à la hausse, de près de 2 %, dès 1994.

La crise a des conséquences graves sur notre système de sécurité sociale. En cumulé, sur 2009 et 2010, nous perdons plus de 21 milliards d’euros de recettes par rapport à la croissance moyenne des années 1998-2007. Le déficit a plus que doublé entre 2008 et 2009. Il atteint le niveau très élevé de 23, 5 milliards d’euros, contre 10, 2 milliards d’euros en 2008. Selon nos prévisions, il sera de 30, 6 milliards d’euros en 2010. Ce choc affectera durablement, il ne faut pas se le cacher, les comptes de la sécurité sociale et il sera difficile à compenser.

L’intégralité de la dégradation des comptes est due à la récession. Le « déficit de crise », comme je l’ai appelé à un moment donné, représente 65 % du déficit de 2009 et 75 % du déficit de 2010.

Nous sommes donc confrontés à une situation véritablement exceptionnelle dans laquelle ce qui est en jeu, c’est l’avenir de notre système de sécurité sociale. Je sais que vous en êtes conscients, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui êtes parmi les plus farouches défenseurs des principes de notre système de sécurité sociale.

Tel est l’objet du débat qui va nous occuper aujourd’hui et dans les jours qui viennent. C’est de cela que je veux vous parler en introduction.

J’en suis convaincu, notre stratégie est la seule possible pour préserver ce formidable atout que constitue notre système de protection sociale. Cette stratégie repose sur deux priorités.

Notre première priorité est de sortir de la crise. L’avenir de notre système repose avant tout sur notre capacité à renouer rapidement avec la croissance. Chacune des solutions que nous mettons sur la table doit être évaluée à l’aune d’une seule et unique question. Ainsi, certains suggèrent d’augmenter tout de suite la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, ou de remettre en cause les allégements de charges. La seule question qu’il faut se poser est la suivante : ces décisions vont-elles faciliter la sortie de crise ou, au contraire, vont-elles nous fragiliser ?

Notre seconde priorité est de poursuivre notre action de réforme. Notre système de protection sociale ne peut avoir d’avenir que si nous continuons inlassablement à le réformer, à le transformer. Nous avons déjà longuement insisté sur les objectifs de cette action de réforme : maîtriser les dépenses ; préserver nos recettes en luttant contre les niches inefficaces ; lutter contre la fraude. Ces réformes correspondent à une vision de la protection sociale sur laquelle je reviendrai.

Réussir la sortie de crise, continuer à réformer pour préparer l’après-crise, tels sont les grands principes autour desquels nous avons bâti le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, que je vais vous décrire plus en détail.

Le premier objectif de ce projet de loi est de nous permettre de réussir la sortie de crise, car notre système ne supportera pas de nouvelles années de baisse de la masse salariale.

Il n’est pas question pour nous de faire peser un poids supplémentaire sur les épaules des Français et des entreprises, au moment où ils luttent pour se maintenir à flot. Le Gouvernement est donc déterminé à refuser trois options qui ne lui paraissent pas être des solutions de sortie de crise.

Premièrement, le Gouvernement refuse d’envisager une baisse des prestations. Nous ne pourrons pas sortir de la crise la plus violente que notre pays connaît depuis la Seconde Guerre mondiale en cassant notre modèle social, à un moment où les Français en ont plus que jamais besoin.

Je le rappelle, notre système de protection sociale, c’est 578 milliards d’euros de prestations en 2008, soit 29, 4 % de notre PIB ! Il n’y a pas d’équivalent dans l’Union européenne et c’est une chance formidable dans la période tourmentée que nous traversons. Il faut préserver ce système, même si des ajustements sont nécessaires. À cet égard, je ne citerai qu’un seul exemple : plutôt que de supprimer des prestations pour compenser la baisse des recettes, nous avons laissé notre système de protection sociale jouer son rôle d’amortisseur. Je ne m’attarde pas sur ce sujet, il en a déjà beaucoup été question.

Deuxièmement, nous ne sortirons pas de la crise en augmentant de façon massive les impôts. Permettez-moi à cet égard de rappeler une évidence : nous sommes déjà le cinquième pays au monde pour le poids des prélèvements obligatoires, et le financement de la protection sociale repose, pour l’essentiel, sur le travail, donc sur l’emploi !

Nous refusons donc les hausses de prélèvements, que ce soit pour compenser la chute des recettes ou pour permettre dès cette année une reprise de la dette de la sécurité sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.

Je sais qu’il s’agit d’un motif d’inquiétude et d’incompréhension pour certains d’entre vous, cher Alain Vasselle, cher Jean-Jacques Jégou. Ce débat est tout à fait légitime.

D’ailleurs, vous avez adopté un amendement tendant à augmenter la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS. Nous aurons l’occasion d’en débattre précisément. Toutefois, du point de vue du Gouvernement, ce serait une erreur. La CRDS constitue avant tout une charge sur les salaires, puisqu’elle est assise à hauteur de 65 % sur les revenus du travail. Une hausse de cette contribution pèserait donc immédiatement sur le pouvoir d’achat et l’emploi à un moment où nous avons besoin de favoriser la reprise. Plus nous éloignons les perspectives de reprise, plus nous compliquons le financement de la sécurité sociale.

En 2010, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, continuera à porter le déficit de la sécurité sociale, grâce à un schéma de financement sécurisé limitant le coût des charges financières. Les montants qu’elle devra financer sont effectivement exceptionnels, mais c’est évidemment parce que la crise l’est aussi. Il ne faut pas l’oublier, l’intégralité de la dette du régime général et du fonds de solidarité vieillesse à la fin de l’année 2008 a été transférée à la CADES au début de l’année 2009. Ce que l’on demande à l’ACOSS d’acquitter en 2010, ce sont donc les besoins de financement pour 2009 et 2010. Il n’y a pas de reliquat du passé. Il ne lui est pas demandé de payer pour les années précédentes.

Je suis d’accord avec vous, une telle solution ne peut pas être pérenne.

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