Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, la branche accidents du travail-maladies professionnelles, AT-MP, est la plus petite des quatre branches de la sécurité sociale puisqu’elle représente 3 % seulement de ses dépenses, soit, en 2010, environ 12, 9 milliards d’euros, dont 11, 4 milliards pour le régime général.
Pour autant, sa situation est un bon reflet de l’état des risques professionnels. Les statistiques récentes indiquent une stabilisation du nombre d’accidents du travail mais une augmentation des maladies professionnelles.
Le nombre d’accidents du travail, qui avait beaucoup augmenté entre 2006 et 2007, tend de nouveau à baisser. Du fait de cette bonne nouvelle pour 2008, conjuguée à la hausse des effectifs en activité sur la même période, la fréquence des accidents, et notamment de ceux qui occasionnent un arrêt de travail, n’a jamais été aussi faible.
Le nombre d’accidents du trajet, en revanche, continue hélas ! de croître depuis 2005, mais on constate que leur niveau de gravité, mesuré par le nombre d’incapacités permanentes et de décès, est moindre.
Le tableau est plus sombre du côté des maladies professionnelles, dont la prévalence est toujours en augmentation à un rythme soutenu, de même que les incapacités permanentes et le nombre de décès qui en résultent. Les cas demeurent concentrés sur un petit nombre de pathologies : 74 % sont des affections péri-articulaires, causées par des gestes ou des postures de travail, 12 % des maladies de l’amiante et 6 % des affections du rachis lombaire.
Il reste difficile de déterminer si l’augmentation du nombre de malades tient à la dégradation de la santé au travail ou à l’amélioration du taux de déclaration et de reconnaissance des maladies professionnelles. Nous savons qu’un nombre non négligeable d’entre elles ne sont pas déclarées aux caisses de sécurité sociale ou ne sont pas reconnues comme telles, pour des raisons diverses : les médecins pensent rarement à rechercher l’éventuelle origine professionnelle d’une maladie, qui n’est pas non plus toujours facile à établir du point de vue scientifique ; des salariés s’abstiennent de déclarer leur maladie de peur de perdre leur emploi ; des pathologies ne sont pas prises en compte dans les tableaux des maladies professionnelles à cause d’un manque d’actualisation.
Une commission, présidée par Noël Diricq, se réunit régulièrement pour évaluer l’ampleur de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance et son coût pour la branche maladie. Dans son rapport de juillet 2008, elle l’a chiffré entre 564 millions et 1 milliard d’euros ; en 2010 comme en 2009, la branche AT–MP effectuera donc un versement de 710 millions d’euros à la branche maladie à titre de compensation.
Cette analyse des risques m’amène aux données financières de la branche AT–MP du régime général.
Longtemps à l’équilibre ou légèrement excédentaire, elle est malheureusement à son tour contaminée par le déficit : 650 millions d’euros en 2009, 800 millions d’euros prévus pour 2010.
Ce retournement de situation s’explique par la conjonction de deux facteurs. Tout d’abord, la crise économique, qui a réduit les recettes, même si elle a également limité les dépenses en contenant la revalorisation des différents indices. Ensuite, et sans doute plus durablement, les charges nouvelles que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a fait assumer à la branche.
Certes, le montant de ces charges sera stable en 2010, mais la progression des dépenses restant supérieure à celle des recettes, le déficit va forcément se creuser. Il faudra donc nécessairement que les partenaires sociaux qui gèrent la branche envisagent une augmentation des cotisations, dont le taux moyen est resté stable depuis 2006.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 propose une amélioration du système de « bonus-malus » qui caractérise les cotisations de la branche, ce qui devrait avoir des effets bénéfiques en permettant une sanction plus efficace des entreprises qui exposent sciemment leurs salariés au risque et une incitation renforcée à la prévention. Cette réforme traduit, sur le plan législatif, l’accord interprofessionnel de mars 2007 relatif à la prévention, à la tarification et à la réparation des risques professionnels, qui appelle aussi plusieurs textes réglementaires.
L’Assemblée nationale a toutefois modifié dans un sens restrictif la procédure initialement envisagée pour que les risques soient appréciés au niveau du seul établissement, plutôt qu’à celui de l’entreprise. Il est vrai que cela peut affaiblir l’incitation à la prévention à laquelle nous souhaitons engager certaines entreprises, dans des secteurs comme le nettoyage, mais je pense que nous devons faire confiance au choix des partenaires sociaux qui gèrent la branche.
Je souhaite aborder brièvement les autres enjeux liés à la branche.
Une nouvelle convention d’objectifs et de gestion liant l’État et la branche a été signée le 29 décembre 2008 pour la période 2009-2012.
Je retiendrai trois de ses objectifs principaux.
Premièrement, renforcer la prévention : un plan national d’actions coordonnées va être déployé dans toutes les régions. Il se concentre sur les quatre risques considérés comme prioritaires, à savoir les troubles musculo-squelettiques, les cancers d’origine professionnelle, le risque routier et les risques psychosociaux, ainsi que sur les trois activités à forte sinistralité que sont le BTP, la grande distribution et l’intérim.
Deuxièmement, accompagner la victime : la convention d’objectifs et de gestion poursuit l’objectif de lutte contre la désinsertion professionnelle consécutive à un arrêt prolongé du travail.
Troisièmement, traiter de manière homogène les dossiers sur l’ensemble du territoire : il s’agit de répondre aux critiques répétées, émanant notamment de la Cour des comptes, sur les écarts de reconnaissance des pathologies d’origine professionnelle. Ainsi, selon les caisses, la reconnaissance des troubles musculo-squelettiques peut varier de 40 % à 85 %.
Plus généralement, l’actualité a posé de manière dramatique la question de la santé au travail. Le plan Santé au travail 2010-2014 devrait permettre, vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre, de placer résolument la santé au travail au sein de la santé publique. Il se concentrera sur les risques à moyen terme que sont les troubles musculo-squelettiques, les cancers et les risques psychosociaux. Un suivi des objectifs sera désormais possible au travers de la mise en place d’indicateurs chiffrés, ce qui était une lacune importante du plan précédent.
Cela étant, il faut regretter que les négociations entre les partenaires sociaux sur la médecine du travail aient échoué le 11 septembre dernier, après sept séances de négociation qui n’ont pas permis d’aboutir à un accord, aucune organisation syndicale n’ayant accepté de s’engager. Sur ce point crucial, il me semble que les pouvoirs publics devront prendre leurs responsabilités pour permettre un véritable suivi de la santé au travail. La commission des affaires sociales du Sénat a constitué, le 28 octobre dernier, une mission d’information sur le mal-être au travail et cette question sera nécessairement au cœur de nos travaux.