Intervention de Jean-Pierre Plancade

Réunion du 20 mai 2010 à 9h00
Bouclier fiscal — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade :

Or, depuis trois ans, je le répète, le Gouvernement a pris toute une série de mesures en faveur des catégories les plus aisées. On peut citer le bouclier fiscal, puisque c’est de lui qu’il est question aujourd'hui, l’exonération des droits de succession, les niches fiscales, la baisse de la TVA pour les restaurateurs, la suppression de la publicité à la télévision... Autant de réformes qui n’ont fait que grever le budget et aggraver le déficit.

D'ailleurs – c’est là un point essentiel –, de façon constante, les déficits créés l’ont été en majeure partie au bénéfice des couches les plus aisées de la population, ce qui est indécent dans la période de crise sociale que nous traversons !

Comme mes collègues membres du RDSE l’ont exprimé à plusieurs reprises, la suppression du bouclier fiscal est devenue une mesure de bon sens et d’équité ; elle doit avoir lieu aujourd'hui, et pas demain !

Cette mesure serait de bon sens, car l’État n’a plus les moyens financiers de pratiquer une politique de cadeaux fiscaux à l’égard de ceux dont le cœur est peut-être en France, même si j’en doute de plus en plus, mais dont le porte-monnaie se porte toujours mieux sous des cieux plus attractifs…

Au passage, je rappellerai que la suppression du bouclier fiscal, qui n’a toujours pas fait revenir en France les grandes fortunes – elles partent même en plus grand nombre à l’étranger –, pourrait dégager une plus-value fiscale susceptible – pourquoi pas ? – d’approvisionner en partie le Fonds de réserve pour les retraites.

Cette mesure serait aussi d’équité, parce que, dans son essence même, ce dispositif est injuste : comment demander toujours plus aux centaines de milliers de chômeurs et aux ménages les plus modestes, et cela dans une période de forte baisse du pouvoir d’achat, sans obtenir, par ailleurs, la garantie que les exilés fiscaux et les entreprises délocalisées participeront, eux aussi, aux efforts de la nation ?

Aujourd’hui, ce sont la Grèce, l’Espagne et le Portugal qui se trouvent dans l’œil du cyclone. Demain qu’en sera-t-il réellement pour notre pays ?

Alors que le Gouvernement s’efforce, avec raison – je le reconnais –, de minimiser l’impact de la crise sur notre économie et ses conséquences sociales, de même qu’il a agi avec pertinence – je le reconnais également – au cœur de la crise bancaire, il devient urgent d’arrêter cette hémorragie financière en prenant des mesures de bon sens, à commencer par la suppression du bouclier fiscal, qui, madame la secrétaire d'État, joue le rôle d’une niche de plus, d’une niche de trop.

Cette proposition de loi de nos collègues du groupe CRC-SPG a donc le mérite de la clarté. La suppression du bouclier fiscal, ce dispositif inopérant et dépourvu d’effet économique avéré, est une nécessité objective. Bien plus, elle est devenue un impératif social !

Je le répète, le mécanisme du bouclier fiscal a autorisé l’État à rembourser aux contribuables les plus aisés de ce pays 368 millions d’euros en 2008 et 586 millions d’euros en 2009, et l’on annonce pour 2010 de 700 à 800 millions d'euros !

Dans un contexte de crise financière, de récession économique, de hausse du chômage, de plans sociaux, de déficit budgétaire, de crise de nos systèmes de retraite, de mesures de rigueur et d’austérité qui seront appliquées aux Français, quoi que vous en disiez, madame la secrétaire d'État, comment justifier politiquement, économiquement et surtout socialement le maintien de ces avantages accordés aux plus riches ?

Ce texte est pour moi l’occasion de rappeler que l’impôt possède de réelles vertus républicaines, puisqu’il permet de faire contribuer chacun justement, en fonction de ses possibilités, à l’œuvre commune. Par sa fonction redistributive, il doit jouer un rôle de cohésion sociale ; toutefois, je dois admettre qu’il remplit de moins en moins cette fonction.

Selon moi, une politique fiscale à la fois juste et efficace doit donc permettre de revenir à des principes fondamentaux : l’égalité devant l’impôt et la progressivité de celui-ci.

Parce qu’il limite à 50 % de leurs revenus les impôts versés par une catégorie de Français, le bouclier fiscal porte atteinte au principe de progressivité de l’impôt, donc à l’effort de solidarité nationale, qui devrait correspondre à l’exacte capacité de chacun des contribuables.

Dans ces conditions, les sénateurs radicaux de gauche et la majorité des membres du groupe du RDSE sont favorables à la suppression du bouclier fiscal et militent pour une politique fiscale différente, plus juste, plus équitable, plus efficace et plus progressive, a fortiori quand notre pays traverse une crise économique grave, au bénéfice des Français les plus démunis.

Pour résumer, je le répète avec force, à un moment où nous sommes confrontés à des mesures de rigueur très fortes et où nous devons assurer l’équilibre de nos retraites, le Gouvernement traîne comme un boulet ce bouclier fiscal, qui empêche toute évolution de la pensée sur l’impôt dans ce pays et interdit d’avancer dans la bonne direction.

Pourtant, face à cette crise, mes chers collègues, nous devrions nous rejoindre, que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition, pour défendre la cohésion nationale et écarter le risque d’une sortie de la zone euro, qui, quoi que l’on prétende, est bien réel. Mettons-nous d’accord sur la suppression du bouclier fiscal et sur la nécessité de revisiter les niches fiscales ; réfléchissons à l’impôt sur la fortune et à la mise en place d’un nouveau système fiscal, plus juste, plus efficace et plus progressif.

C'est pourquoi le groupe du RDSE, dans sa quasi-totalité, votera la proposition de loi de nos collègues du groupe CRC-SPG.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion