Intervention de Colette Mélot

Réunion du 20 mai 2010 à 9h00
Service public de la télévision — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui est aujourd’hui soumise à notre examen témoigne de l’intérêt profond que nous avons tous pour l’enjeu majeur que constitue l’avenir de l’audiovisuel public et plus particulièrement pour les ressources nécessaires aux missions de service public télévisuel.

Toutefois, je suis réservée à l’idée de revenir sur le processus retenu par la loi du 5 mars 2009.

La loi du 5 mars 2009, un peu plus d’une année après son entrée en vigueur, a permis de répondre à une certaine idée du service public télévisuel, en renouant avec une exigence culturelle de qualité pour le plus grand profit de tous les publics.

La mise en œuvre de cette réforme est un succès tant dans son application par les professionnels que dans la manière dont elle a été accueillie par les téléspectateurs.

L’une des dispositions phare de cette réforme salutaire est, bien évidemment, la suppression progressive de la publicité.

Libérer la télévision publique de la publicité est une nécessité culturelle, mais aussi une nécessité économique, car la publicité n’est pas une manne inépuisable, la crise nous l’a confirmé.

Cette mesure de suppression progressive de la publicité est largement plébiscitée par les téléspectateurs, qui apprécient que les programmes de première partie de soirée puissent débuter dès 20 heures 35 : plus de 70 % d’entre eux s’en déclarent satisfaits. J’ajoute que les programmes de deuxième et de troisième parties de soirée démarrent, eux aussi, plus tôt et rencontrent ainsi un plus large public.

La loi du 5 mars 2009 prévoit que la suppression totale de la publicité en journée sur France Télévisions interviendra au moment où la France aura entièrement basculé dans la diffusion numérique, c’est-à-dire à la fin de 2011. Ce basculement permettra de réaliser des économies importantes sur les coûts de diffusion, économies qui limiteront d’autant le besoin de financement complémentaire apporté par l’État.

Pour compenser la suppression de la publicité, la loi a introduit plusieurs dispositions financières, notamment l’indexation sur l’inflation de la redevance, qui présente l’avantage d’être la seule ressource réellement pérenne.

Je rappelle que la commission de la culture a de longue date engagé une réflexion sur la revalorisation de la redevance, dont le montant était gelé depuis 2001. Ce montant reste par ailleurs inférieur à la moyenne constatée dans d’autres pays d’Europe. Une augmentation de la redevance pourrait être le moyen d’accompagner le passage à la suppression totale de la publicité.

Certes, monsieur le ministre, le débat ouvert en 2008 sur la contribution à l’audiovisuel public, alors dénommée « redevance audiovisuelle », ne se pose plus dans les mêmes termes aujourd’hui puisque des changements importants ont eu lieu. Le montant de la contribution a été indexé sur l’inflation à compter de 2009 et porté à 120 euros en 2010, soit 2 euros supplémentaires. En outre, le programme qui finance le passage à la télévision tout-numérique ne fait plus partie des bénéficiaires de la contribution à l’audiovisuel public.

Nous pourrions réfléchir à l’assiette de cette taxe et à son éventuel élargissement aux nouveaux modes de réception de la télévision. Je rappelle que, lors de l’examen du texte, la commission de la culture avait proposé d’étendre la redevance aux ordinateurs, puisque les habitudes des téléspectateurs ont changé. Je crois que, effectivement, il faudra tenir compte un jour des nouveaux moyens de consommation de l’offre audiovisuelle. Peut-être serait-il également souhaitable d’assujettir à la redevance les propriétaires de résidences secondaires. Ce sont là des pistes à étudier pour garantir l’évolution des ressources de France Télévisions.

Enfin, pour terminer le panorama des ressources dont le service public dispose, il faut citer la subvention spécifique et nouvelle du budget de l’État, inscrite chaque année dans le projet de loi de finances. Comme vous l’avez démontré, monsieur le ministre, le remplacement d’une recette publicitaire incertaine par une recette publique assurée constitue évidemment un facteur de sérénité financière et éditoriale pour France Télévisions.

Le montant de la ressource publique à prévoir pour les années 2009 à 2012 figure dans l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens conclu entre la société et l’État. Il tient compte de l’ensemble des paramètres, dont la suppression de la publicité en soirée en 2009 et, à la fin de 2011, en journée.

À l’extinction de l’analogique, prévue pour la fin de 2011, et avec la suppression de la publicité en journée, la part des fonds publics devrait représenter plus de 95 % des ressources du groupe.

Il faut rappeler que nous sommes dans un moment technologique particulier, celui de la révolution du numérique, de l’usage d’internet et de la généralisation de la TNT gratuite, laquelle permet à chaque Français de recevoir plus de vingt chaînes et oblige le service public à se réinventer. Pour les années à venir, nous devons donc suivre avec vigilance la question du financement de celui-ci, car il est nécessaire pour que France Télévisions devienne un « média global », capable de réunir tous les publics sur tous les supports de diffusion.

La loi a créé les conditions de cette transformation en organisant le groupe en une entreprise unique et en créant le maximum de synergies par la mutualisation des moyens. Cette simplification et cette rationalisation des structures sont le gage d’une plus grande efficacité du groupe et d’une force accrue sur le marché.

Je voudrais maintenant évoquer l’actualité et l’idée qui circule de ne pas réaliser la prochaine étape prévue par la loi : la suppression totale de la publicité sur France Télévisions, qui signifierait pourtant la suppression totale de la dépendance à l’égard des ressources publicitaires.

Je suis assez surprise que la question soit posée, alors que cette décision a été prise à l’issue d’une longue réflexion.

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