Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 20 mai 2010 à 9h00
Service public de la télévision — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler les impératifs sur lesquels nous ne transigeons pas concernant France Télévisions : indépendance, garantie d’un financement affecté, conséquent et pérenne, promotion de la diversité et de la création.

La suppression de la publicité entre 20 heures et 6 heures sur les chaînes publiques a fondamentalement remis en question toute l’architecture du financement de France Télévisions. Il est d’ailleurs fort regrettable, à ce titre, que le Parlement ait été mis devant le fait accompli de la suppression de la publicité et, par conséquent, de celle des ressources correspondantes, qui équilibraient le budget des chaînes publiques.

De fait, aujourd’hui, une partie non négligeable du financement de notre audiovisuel public est assurée – si l’on peut dire ! – par une taxe sur les opérateurs de télécommunications qui fait actuellement l’objet, de la part de la Commission européenne, d’une procédure d’infraction contre la France, et par une autre taxe portant sur les recettes publicitaires des opérateurs privés et publics de télévision qui, pour 2009, a été considérablement rabotée : de 3 % à 0, 5 %.

Ces taxes sont supposées alimenter une dotation budgétaire annuelle. Mais si les chaînes publiques devaient initialement bénéficier d’une dotation budgétaire de 450 millions d’euros pour compenser la perte de recettes publicitaires en soirée, seuls 415 millions d’euros ont été budgétés au moment du vote de la loi de finances pour 2009. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’avenir de cette dotation, après l’annonce, par le Gouvernement, du gel des dépenses publiques pour les trois années à venir.

La vente en accéléré de la régie publicitaire France Télévisions Publicité nous paraît aussi pour le moins inopportune, et nous partageons sur ce point la position de notre collègue Ralite. Tant que le choix de la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques n’est pas opéré, il ne faut pas préjuger de l’avenir de la régie publicitaire. Il s’agit d’un outil extrêmement concurrentiel par rapport aux opérateurs privés. En outre, ses bénéfices apportent une contribution significative au budget de France Télévisions : près de 30 % de son chiffre d’affaires.

Cette année, les recettes de France Télévisions Publicité ont dépassé des prévisions pessimistes : les résultats de 2009 montrent que le groupe France Télévisions a généré un bénéfice net de 19, 6 millions d’euros, alors qu’un déficit de 135, 3 millions d’euros était inscrit au budget. France Télévisions a ainsi engrangé 405 millions d’euros de recettes publicitaires sur la tranche 6 heures-20 heures, au lieu des quelque 260 millions d’euros inscrits au budget.

Nous sommes attachés à un service public dégagé des contraintes de la rentabilité commerciale, de façon que la programmation soit libérée de la pression des annonceurs et que la grille des programmes puisse être renouvelée. Mais cet objectif ne pourra être réalisé sans nouvelles ressources, sûres, prévisibles et dynamiques, propres à garantir un financement pluriannuel pérenne et à la hauteur des missions qui lui sont imparties. Or rien n’est prévu pour compenser la suppression totale de la publicité après 2012.

Nous regrettons ici que la visibilité du Parlement soit extrêmement faible sur cette question. L’absence de mise en place du comité de suivi prévu par la loi du 5 mars 2009 et du groupe de travail sur la contribution à l’audiovisuel public, correspondant pourtant à un engagement du Gouvernement, y est pour beaucoup. C’est pourquoi nous plaidons, avec mes collègues sénateurs socialistes, pour que la dotation de l’État soit pérenne, évolutive et affectée. Nous plaidons pour une révision des mécanismes de la contribution à l’audiovisuel public.

Le dispositif proposé ici, qui prévoit que la contribution est due au titre local, qu’il s’agisse de l’habitation principale ou secondaire, est souhaitable. Le non-assujettissement des téléviseurs des résidences secondaires entraîne un manque à gagner de l’ordre de 60 millions d’euros pour l’audiovisuel public.

Enfin, comme le note le rapporteur, la seule indexation de la contribution à l’audiovisuel public ne suffira pas à répondre aux besoins de financement. C’est pourquoi nous sommes favorables à une réévaluation régulière de la contribution, et pas seulement, comme cela est prévu par la loi de finances pour 2009, suivant l’indice des prix. D’autres grands pays européens, comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ont su faire ce choix courageux, et leurs programmations audiovisuelles publiques sont régulièrement citées en exemple pour leur qualité.

Quant aux exonérations, elles doivent être intégralement compensées par l’État, comme l’avait fait le gouvernement de Lionel Jospin, il y a quelques années.

Pour toutes ces raisons, il nous apparaît que la proposition de loi déposée par notre collègue Jack Ralite est de circonstance. Elle constitue surtout un appel pressant, qui devrait encourager le Gouvernement à donner une réponse immédiate sur ce qu’il compte faire, face à l’ampleur de la fragilisation économique et sociale de notre audiovisuel public, pour la pérennisation des ressources de France Télévisions, pour son indépendance financière et éditoriale. Nous soutenons donc ce texte et nous nous opposerons, bien entendu, au renvoi en commission de cette proposition de loi.

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