Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 20 mai 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 1er quater nouveau

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, tout d’abord, dénoncer la méthode par laquelle l’enseignement agricole a été introduit dans ce projet de loi. Absent dans la version initiale, l’enseignement agricole n’est finalement introduit que par un article additionnel voté en commission.

Il transcrit d’ailleurs cinq des soixante mesures annoncées par le ministère de l’agriculture dans le pacte de décembre 2009, adopté à l’issue des assises de l’enseignement agricole public.

Alors que nous sommes en plein débat sur l’application du Grenelle de l’environnement et dans une dynamique de développement durable indispensable qu’il faut susciter et amplifier dans notre pays, comment imaginer qu’il ne soit pas fait mention de la formation dans un projet de loi dit de modernisation ?

Le Gouvernement n’a de cesse de proclamer que l’enseignement agricole public est une voie d’excellence et de réussite. En effet, les taux de succès aux examens et d’insertion professionnelle des élèves attestent que tel est bien le cas.

L’enseignement agricole participe efficacement à l’insertion et à la lutte contre l’échec scolaire, grâce à des spécificités pédagogiques en lien avec les territoires. Mais, malgré de belles paroles, le Gouvernement maltraite – et je pèse mes mots, monsieur le ministre – l’enseignement agricole par une insécurité budgétaire insupportable.

Depuis plusieurs années, du fait des suppressions de postes et d’une sous-évaluation du plafond des emplois tant administratifs qu’enseignants, nous sommes contraints à de véritables bricolages budgétaires : ponction, notamment de moyens sur l’éducation nationale, déblocage de postes dans l’urgence, comme les soixante postes en septembre dernier.

Et pourtant, grande devrait être notre ambition pour un enseignement agricole innovant, performant, diversifié. Or les mesures avancées dans cet article additionnel vont contribuer à bouleverser en profondeur les structures éducatives existantes.

Outre l’inscription dans le marbre de l’autonomie des établissements d’enseignement agricole, notamment dans le domaine pédagogique, et contre laquelle nous avons déposé des amendements, le bouleversement sous-jacent est celui de la fusion à venir de nombreux établissements existants.

L’article, tel qu’il est formulé, en rendant obligatoire la présence des formations générales, technologiques et professionnelles initiales dans tout établissement d’enseignement agricole, rend de fait inévitable le regroupement de différents établissements, notamment des plus petits et des plus isolés en milieu rural.

Tous les lycées agricoles ne proposent pas de filière générale scientifique : que vont-ils devenir, si ce n’est une annexe, après fusion avec un établissement plus grand, lequel proposera, lui, des filières générales ?

L’innovation pédagogique sert de prétexte à l’application de la RGPP, sans tenir compte des réalités de terrain, de l’importance des lycées professionnels agricoles, du moins si l’on veut obtenir un maillage éducatif fin du territoire national.

Quel est l’intérêt de regrouper des établissements, de mélanger des publics – élèves, étudiants, adultes, apprentis – si ce n’est pour désengager les finances de l’État, en captant les budgets des régions destinés à la formation professionnelle, supprimer des postes, fermer des classes à faibles effectifs et fusionner des filières et des formations ?

Nos amendements ont, en partie, pour objet de permettre aux petites structures de l’enseignement agricole d’être préservées et de continuer à remplir leurs missions de proximité.

Enfin, je souhaite dire un mot de la situation de mise en concurrence des enseignements agricoles public et privé, notamment dans le cadre budgétaire, mais aussi en ce qui concerne la mission d’éducation et de service public, désormais complètement offerte au secteur privé.

Le rapport public-privé dans l’enseignement agricole ne cesse d’évoluer au détriment du public, qui est en recul constant depuis 2002. Ce rapport est, pour résumer, à l’exact opposé de celui qui est constaté dans l’éducation nationale. Dans certaines régions, comme la Picardie et les Pays-de-la-Loire, la part de l’enseignement public est même passée sous la barre des 20 %.

Aujourd’hui, le ministère de l’agriculture répond à la demande sociale de formation en répartissant les formations indistinctement entre public et privé.

Or, mes chers collègues, l’État a une responsabilité : pérenniser et diversifier l’offre publique d’éducation, afin de garantir l’accès à un enseignement public gratuit sur l’ensemble du territoire national.

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