Intervention de Rachida Dati

Réunion du 6 mars 2009 à 9h45
Loi pénitentiaire — Article 47

Rachida Dati, garde des sceaux :

Ces amendements tendent à instaurer, d’une part, une libération conditionnelle automatique, à mi-peine ou aux deux tiers de la peine, et, d’autre part, un régime unique en matière de quantums de peine pour l’octroi de cette mesure.

La libération conditionnelle est, à mon sens, le meilleur outil de réinsertion et de lutte contre la récidive. Mais si elle devient automatique, pourquoi un condamné sachant qu’il sera automatiquement libéré à mi-peine ferait-il des efforts de réinsertion au cours de sa détention ? Telle est la réalité !

Je prendrai l’exemple de l’affaire Evrard. Francis Evrard, qui est toujours présumé innocent, avait été condamné à vingt-sept ans d’incarcération et en a effectué dix-neuf. Il a ensuite bénéficié d’une libération conditionnelle, alors qu’il n’avait fourni aucun effort de réinsertion au cours de sa détention.

Pour que la libération conditionnelle produise pleinement ses effets, il faut tout de même qu’un certain nombre de critères de bonne conduite soient remplis et qu’aient été accomplies des démarches en termes d’apprentissage, d’éducation, de formation ou de suivi de soins. Sinon, cela n’aurait aucun sens ! Ainsi l’octroi de mesures de libération conditionnelle pour les délinquants sexuels est-il subordonné à une obligation de soins.

La libération automatique, au terme de dix ans d’incarcération, d’un détenu condamné à vingt ans d’emprisonnement serait totalement injuste et dépourvue d’effet sur le plan de la réinsertion. Nous devons donc prévoir des critères objectifs de réinsertion permettant de bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle. Je suis, pour ma part, totalement défavorable à l’automaticité de cet aménagement de peine.

Le nombre de libérations conditionnelles a augmenté de plus de 10 % entre 2007 et 2008, après avoir stagné lors des années précédentes. Il faut que les détenus donnent des gages de réinsertion pour pouvoir bénéficier de cette mesure. J’ajoute qu’il est d’autant moins question de rendre la libération conditionnelle automatique que cette mesure concerne souvent des cas très lourds.

Quant à la différence faite entre les détenus en termes de quantums applicables pour l’octroi de la libération conditionnelle – mi-peine pour les primo-délinquants, deux tiers de peine pour les récidivistes –, elle est tout à fait légitime : les récidivistes ont déjà bénéficié de plusieurs chances de réinsertion, mais n’en ont pas profité ; le fait d’être soumis à un quantum de peine plus important avant de pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle les incitera peut-être à donner davantage de gages de réinsertion.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion