Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 6 mars 2009 à 9h45
Loi pénitentiaire — Article 48

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L’article 48 prévoit le placement de droit sous surveillance électronique de condamnés à une très courte peine d’emprisonnement ou en fin de détention. Il s’agit de prévenir les « sorties sèches », objectif que nous partageons.

Mais pourquoi s’en tenir au seul placement sous surveillance électronique et ne pas laisser au juge le soin de décider du type d’aménagement de peine le mieux adapté à chaque détenu concerné, comme nous le proposons par cet amendement ? C’est d’ailleurs aussi le souhait de l’Association nationale des juges de l’application des peines.

Quelques années d’utilisation du bracelet électronique, en France comme dans d’autres pays, ont montré que ce n’est pas la panacée, le remède miracle applicable à tout détenu. Nous l’avons déjà indiqué.

En l’occurrence, ce système visera, pour l’essentiel, un public fragile, « désinséré » ou encore en voie de réinsertion. Or la technologie seule ne peut pas prendre en charge le comportement des délinquants. À défaut de soutien par un encadrement socioéducatif étroit, tant dans la préparation de la mesure que dans son suivi, le risque d’échec sera grand.

Là encore, l’expérience montre que, si le placement sous surveillance électronique a bien fonctionné au début, alors qu’il était rare et concernait des personnes choisies, sa généralisation conduit aujourd’hui à des échecs.

Ce placement sous surveillance électronique exige une stabilité familiale et sociale et ne convient pas à de nombreux délinquants condamnés à de courtes peines.

Le placement sous surveillance électronique n’est pas, comme on l’entend parfois, « la prison chez soi, peinard, au milieu des siens », si je puis me permettre cette expression. C’est une véritable prison à domicile, au vu de la famille, comportant, de fait, des obligations pesant sur la famille elle-même.

Si l’on ne tient pas compte du caractère humain, ce placement revient, en quelque sorte, à une mise en prison sans barreaux.

Dans la mesure où il sert à sécuriser l’aménagement de peine, il accroît la contrainte pénale. Par déplacement de son utilisation, il devient un simple outil de contrôle et de surveillance, au détriment de la prévention sociale.

Le nombre de bracelets électroniques est passé de 679 en 2004 à 3 431 au 1er janvier 2009. Plusieurs réformes successives ont visé à développer le placement sous surveillance électronique.

Madame le garde des sceaux, je sais que vous avez souvent les yeux rivés sur la Grande-Bretagne, où environ 57 000 personnes sont équipées d’un bracelet électronique.

Avec l’article 48, on risque de transformer le juge en un « distributeur automatique » de bracelets électroniques, avec finalement, pour nombre de condamnés, le retour à la prison.

Les États-Unis montrent l’exemple d’un marché de la sécurité en pleine expansion ; des sociétés privées gèrent les placements sous surveillance électronique, réalisant des profits croissants. De surcroît, les applications techniques sont de plus en plus larges, à l’image de ce bracelet qui mesure en permanence le taux d’alcoolémie des personnes condamnées pour un acte lié à leur alcoolisme. Charge à elles de rester sobres sous peine de repasser par la case prison.

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