Intervention de Guy Fischer

Réunion du 14 novembre 2007 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 16

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Monsieur le ministre, nous n'en sommes qu'à l'article 16 du PLFSS, et les occasions de renflouer les comptes de la sécurité sociale que vous n'avez pas voulu saisir sont déjà pléthores ! Je ne crois pas trop me tromper en annonçant dès maintenant que, lors du vote solennel qui mettra fin au débat, cette impression ne se sera malheureusement pas dissipée.

Sans vouloir relancer un débat qui mériterait pourtant d'être un jour abordé en profondeur, je souhaiterais tout de même regretter le rôle dans lequel vous entendez cantonner les parlementaires en général, et les sénateurs en particulier. Vous voulez en effet nous réduire à un rôle d'arbitre de touche, nous donnant la seule possibilité de voter pour ou contre la création de nouvelles charges injustifiées et nous refusant le droit de répondre à la satisfaction des besoins du plus grand nombre. C'est sans doute cela que le Président de la République appelle « le renforcement des pouvoirs du Parlement » !

Avec cet article 16, vous décidez donc de poursuivre la banqueroute organisée de notre régime de protection sociale. Pour ce faire, tous les moyens sont bons, y compris les plus grossiers, comme cet article en est le triste témoignage.

Je vous rappelle qu'en 2006, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, le ministre avait juré - je m'en souviens fort bien - que le principe de la compensation obligatoire serait réaffirmé. Or nous constatons qu'il n'en est rien.

Vous me rétorquerez, monsieur le ministre, que les exonérations sont modestes. Et alors ? Les bénéfices des franchises seront également modestes et, pourtant, vous ne vous en privez pas !

Vous me direz aussi que la compensation est difficilement réalisable. Sans doute, mais cela témoigne de l'impérieuse nécessité de revenir immédiatement à une règle simple : plus d'exonération ou, pour le moins, plus d'exonération sans compensation.

Vous savez l'opposition du groupe CRC à ce procédé qui a déjà coûté, en 2006, la modique somme de 23 milliards d'euros ; et, on l'a dit hier, on devrait maintenant atteindre 28 milliards d'euros. Naturellement, dans la situation « formidable » des comptes sociaux, on peut s'en priver...

Nous avions tout de même espoir que, n'écoutant pas votre opposition, vous tendiez au moins l'oreille en direction de la rue Cambon, là même où les magistrats de la Cour des comptes dénonçaient dans leur rapport de 2007, à l'adresse de la commission des finances de l'Assemblée nationale, « un dispositif incontrôlé », au « coût très élevé » et à « l'efficacité quantitative incertaine ».

Je connais un certain nombre de mesures bien moins critiquées dont vous avez écourté la vie - je pense, par exemple, au dispositif du médecin référent -, et je m'étonne qu'après la lecture de ce rapport vous n'ayez pas été saisi d'effroi et n'ayez pas vous-même proposé la suppression de l'article 16.

Je souhaiterais d'ailleurs reprendre à mon compte - une fois n'est pas coutume ! - l'intervention du rapporteur Alain Vasselle, qui, présentant son amendement sur l'article 9 E, rappelait qu'il fallait des recettes nouvelles structurelles et non conjoncturelles.

Avec le refus strict de la non-compensation des exonérations sociales, voilà justement une réforme structurelle, et je me réjouis par avance de pouvoir compter M. Vasselle au nombre des sénateurs qui voteront en faveur de cet amendement.

Je voudrais conclure sur un sentiment. Avec cette « histoire » des exonérations de charges sociales, le Président de la République fait les beaux et les mauvais jours de notre régime de protection sociale. Il en fait surtout les mauvais jours, en s'octroyant le droit de « piocher » dans les recettes prévisibles de la sécurité sociale afin, au choix, ou de tenir ses promesses électorales - et particulièrement ses promesses en direction des plus riches - ou d'appliquer des positions dogmatiques, fussent-elles inefficaces. Pourtant, le Président de la République devrait se souvenir que les comptes de la sécurité sociale ne lui appartiennent pas. Il n'a pas à puiser dedans, comme le ferait un ménage dans ses économies.

Je reconnais toutefois à votre majorité une cohérence : son fil d'Ariane, c'est le transfert du financement des comptes sociaux des employeurs en direction - toujours au choix - des foyers, des salariés ou des consommateurs.

Tout aussi cohérents, nous demandons la suppression de l'article 16, en total accord sur ce point avec M. Vasselle qui, dans son rapport, après avoir évalué l'impact financier à 235 millions d'euros, dit très clairement que « cette décision revient [...] à mettre à la charge de la sécurité sociale des politiques qui sont celles de l'État ».

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