Cet article est issu d'un amendement déposé par le président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, M. Pierre Méhaignerie, et il n'a pas le caractère modeste que son auteur a décrit. Au contraire, il s'agit d'une brèche ouverte dans le droit de la négociation collective, mais aussi dans celui de la durée du travail.
Le paragraphe II de l'article L. 212-5 du code du travail dispose ceci : « Une convention ou un accord collectif [...] ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut [...] prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations [...], par un repos compensateur équivalent. »
Cette disposition, issue de la loi quinquennale sur l'emploi de 1993, ou loi Balladur, a été reprise par la loi Aubry relative à la réduction négociée du temps de travail du 19 janvier 2000, ainsi que par la loi Fillon du 17 janvier 2003.
Or M. Méhaignerie propose qu'un salarié puisse, individuellement, avec l'accord de son employeur, convertir en heures supplémentaires le repos compensateur consécutif à des heures supplémentaires qu'il a déjà réalisées.
Cette proposition appelle plusieurs observations.
Tout d'abord, « accord » signifie ici en réalité « initiative », sinon « exigence » de l'employeur, puisque, je le rappelle, les heures supplémentaires s'effectuent à la demande de ce dernier.
Ensuite, l'intérêt de ce dispositif est assez hypothétique pour l'employeur, qui sera incité, comme c'est déjà souvent le cas, à flexibiliser le temps de travail, c'est-à-dire à accorder des repos compensateurs quand l'activité de l'entreprise est ralentie, plutôt qu'à alourdir sa dépense salariale, fût-elle exonérée de cotisation. En effet, pourquoi payer quand on peut éviter de le faire en organisant mieux la production et donc en améliorant la productivité des salariés ?
Par ailleurs, la présence d'une telle disposition est assez surprenante dans une loi de financement de la sécurité sociale. Les repos compensateurs ont été créés dans une logique de prévention, au bénéfice de la santé des salariés. Or la fatigue et les conditions de travail sont totalement ignorées par cet article, qui vise seulement à faire travailler davantage les salariés, dont il n'est pas certain d'ailleurs qu'ils gagneront plus !
Le dispositif va même totalement à l'encontre des négociations sur la pénibilité, dont chacun sait que le patronat les a délibérément enlisées afin d'arriver à la négociation de 2008 sur les retraites sans avoir conclu le moindre accord sur cette question.
Travailler plus, certes, mais pour gagner quoi, au final, si ce revenu supplémentaire doit s'accompagner de problèmes de santé dus à une fatigue excessive ? Sans même évoquer l'aspect humain, qui demeure fondamental, quel sera le bénéfice social de cette politique ? Quel est l'impact des horaires excessifs sur l'augmentation des accidents du travail et des maladies professionnelles ? N'est-ce pas de ce problème que nous devrions d'abord discuter aujourd'hui ?
On voit bien quel sera le bénéfice de ce dispositif pour l'employeur ; mais pour le salarié qui devra payer des franchises afin de se faire soigner et pour la collectivité qui devra toujours financer l'assurance maladie, c'est beaucoup moins clair !
J'en viens à la seconde question que soulève cet article. Alain Vasselle, à la page 84 du tome VI de son rapport, souligne ceci : « Dans certaines entreprises, en application d'accords collectifs qui n'ont pas été renégociés, les heures supplémentaires ne font pas l'objet d'une majoration salariée, mais d'une compensation sous la forme d'un repos compensateur de remplacement. »
Toutefois, mon cher collègue, si les accords que vous évoquez n'ont pas été renégociés, pourquoi ne pas inviter les partenaires sociaux à le faire maintenant ?