Tout le monde s'accorde à reconnaître que ces exonérations ciblées sur les faibles rémunérations ont un effet pervers, celui de créer des « trappes à bas salaires ». C'est d'ailleurs inévitable, puisque le mécanisme n'incite guère les employeurs à augmenter la rémunération de leurs salariés. Au contraire, il les pousse à licencier pour recruter à des salaires plus faibles.
Si j'en crois les propos que vous avez tenus hier soir, monsieur le ministre, la suppression de ces exonérations ciblées et le rétablissement des cotisations entraîneraient la perte de 800 000 emplois. Je ne sais sur quelles études vous vous fondez pour avancer un tel chiffre, mais je serais très heureux d'en connaître la source afin de m'y reporter, car, à ma connaissance, il n'existe pas d'enquête portant sur l'efficacité des mesures d'exonérations en matière d'emplois.
Par le passé, notamment au cours de l'examen des précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons régulièrement demandé que le Gouvernement diligente un rapport évaluant le lien entre les exonérations sociales et la création d'emplois. Malheureusement, nous n'avons jamais pu obtenir satisfaction. Je crois qu'une telle démonstration est d'ailleurs impossible.
En revanche, certaines études, notamment celles de l'INSEE, établissent l'existence du phénomène de « trappe à bas salaires ». De surcroît, personne ne nie plus aujourd'hui l'écrasement du bas de la hiérarchie salariale.
Il est donc aujourd'hui possible de réunir tout un faisceau de preuves tendant à confirmer que le système d'exonération de cotisations patronales a des effets pervers. Ses conséquences sont d'autant plus néfastes que, dans le même temps, on néglige de prendre des mesures visant à stimuler la formation des employés, ce qui, en soi, est une menace à plus long terme pour notre économie et la productivité.
En outre, on peut s'interroger sur le fondement même du système d'exonérations de cotisations, tel qu'il est actuellement mis en oeuvre. En effet, son principe repose exclusivement sur un effet d'aubaine, puisque les entreprises peuvent bénéficier de ce soutien public sans aucune contrepartie. C'est la raison pour laquelle de très sérieux doutes pèsent sur l'efficacité de ce dispositif en termes de créations d'emplois.
On peut en conclure que l'effort demandé aux travailleurs faiblement rémunérés ne correspond pas à l'objectif invoqué pour le légitimer. Les mesures d'exonérations de cotisations patronales ne stimulent en aucun cas l'emploi. En revanche, elles contribuent à réduire le coût du travail.
Alors qu'il n'est actuellement question que de l'augmentation du pouvoir d'achat des Français, on comprend bien que ce n'est pas celui des plus faibles qui est au coeur des préoccupations, bien au contraire. Les exonérations de cotisations patronales que le Gouvernement s'évertue à maintenir et à développer ont le mérite de l'illustrer.