Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 14 novembre 2007 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 28

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Avec la question des dépassements d'honoraires, c'est la question de l'accès aux soins et de l'égalité face à la maladie qui est posée, mais également celle de la responsabilisation des médecins devant les difficultés de notre système.

Longtemps, cette question n'a suscité qu'indifférence de la part du Gouvernement, plus prompt à taxer les assurés et les malades qu'à encadrer les pratiques médicales. Il est vrai que, ces dépassements étant à la charge des malades ou, parfois, des assurances complémentaires, il a préféré ne pas s'en préoccuper. Le problème, c'est que cette pratique est devenue courante : elle se chiffre chaque année à plus de 2 milliards d'euros, et encore ne s'agit-il là que des dépassements connus, déclarés !

Quand une personne de votre entourage vous raconte que, à la suite d'un rendez-vous au cours duquel une opération a dû être envisagée, on lui a donné le choix entre un an d'attente pour une intervention à l'hôpital et une opération dès la semaine suivante en clientèle privée, à condition qu'elle donne 800 euros au chirurgien et 400 euros à l'anesthésiste, on se dit qu'elle n'a pas eu de chance, ou qu'elle est mal tombée, ou qu'elle s'est mal débrouillée...

Mais quand la question est abordée dans un cercle plus large et que chacun y va de son anecdote, on reste troublé. Lorsque, en outre, des enquêtes de la Cour des comptes, de la presse..., démontrent l'ampleur du phénomène, on se dit que l'on ne peut pas refuser d'agir. Il me semble du moins qu'il devrait en être ainsi.

La notion de tact et mesure censée prévaloir dans les pratiques de ce type a été abandonnée depuis longtemps. Alors que des discussions sont en cours sur le secteur optionnel et que des états généraux de la santé doivent s'ouvrir prochainement, il est temps d'affronter ce sujet sans tabou.

En effet, comment demander aux médecins d'entrer volontairement dans des systèmes de pratiques contractualisées s'il suffit de s'affranchir de toute responsabilité pour multiplier ses revenus ? Comment lutter contre la désertification médicale si celle-ci est en partie liée à des choix d'implantation subordonnés à l'existence d'une clientèle aisée susceptible d'acquitter de tels dépassements ?

Selon la Cour des comptes, l'essentiel des dépassements est imputable aux seuls spécialistes : ils facturent 81, 3 % des dépassements constatés. La majeure partie des dépassements est le fait des spécialistes du secteur 2, qui représentent 69 % du montant total constaté.

La Cour des comptes fait également remarquer que, dans un département, plus le nombre de médecins exerçant en secteur 2 est important, plus le taux des dépassements pratiqués est élevé - calcul basique s'il en est !

Face à cette situation, les partenaires conventionnels n'ont guère réagi. L'action de la CNAMTS reste marginale ; quant au Conseil de l'ordre, il s'en tient à la notion de tact et de mesure en se gardant bien de la définir et, plus encore, de se saisir des cas d'abus même flagrant.

L'importance des dépassements impose une réaction de la part des pouvoirs publics et des partenaires conventionnels. C'est autour du plafonnement de ce système qu'il est temps de travailler.

L'article 28 se borne à imposer aux médecins d'informer les patients du montant des dépassements d'honoraires. C'est bien la moindre des choses, et que cela n'ait pas été le cas jusqu'à présent n'est pas vraiment à la gloire de la profession ! Mais quelles sanctions seront appliquées aux fraudes de ce type alors que les contrôles pesant sur les praticiens sont quasi inexistants et les sanctions encore plus marginales ? En témoigne cet extrait de la Synthèse du rapport sécurité sociale 2005 de la Cour des comptes :

« Le contrôle des professions de santé, concernant par exemple les dépassements d'honoraires [...], s'appuie sur une pluralité de sanctions possibles (disciplinaire, pénale, civile). Mais celles-ci restent rares : si chaque année 0, 15 % des professionnels de santé libéraux font l'objet de saisines, les sanctions infligées par l'ordre ne concernent que 0, 05 % des cas [...]. De plus, comme l'a montré l'abandon en décembre 2004 des poursuites contre divers professionnels de santé qui pratiquaient des dépassements abusifs, les caisses manifestent une certaine réticence à mener à terme les procédures pouvant aboutir à des sanctions. »

Hélas, le Gouvernement, si prompt à s'attaquer à la fraude dès lors qu'elle concerne les titulaires de la CMU ou les salariés en arrêt de travail, ne se montre guère zélé dès qu'il s'agit des acteurs de santé.

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