Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 18 mai 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 1er, amendement 92

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

L’amendement n° 92 rectifié vise à supprimer les dispositions du projet de loi créant les citoyens assesseurs.

Si la réforme ne suffira sans doute pas, à elle seule, à garantir une meilleure compréhension de la justice pénale, elle devrait pourtant y contribuer. La présence de citoyens assesseurs devrait conduire à mieux faire accepter les décisions de justice, plus particulièrement celles qui concernent l’aménagement de peine. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

Le neuvième alinéa de l’article 1er que tend à supprimer l’amendement n° 4 prévoit la présence des citoyens assesseurs au sein des tribunaux correctionnels et paraît indispensable. La commission est donc défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 5 a pour objet de supprimer la disposition qui prévoit la présence des citoyens assesseurs au sein des juridictions de l’application des peines.

À l’occasion de l’examen des amendements portant sur l’article 9, j’exposerai les raisons qui me paraissent justifier une telle participation. La commission émet également un avis défavorable.

L’amendement n° 6 vise à supprimer les dispositions concernant le mode de désignation des citoyens assesseurs, que la commission s’est pourtant efforcée d’améliorer.

La détermination du mode de désignation des citoyens assesseurs constitue un exercice délicat pour deux raisons.

En premier lieu, quelle que soit la juridiction, les citoyens assesseurs seront appelés à y siéger au nombre de deux seulement. Une éventuelle inaptitude ne connaîtra pas les correctifs que l’effet du nombre peut apporter dans le cadre du jury d’assises.

En second lieu – cette observation vaut pour le jugement des délits –, la procédure devant le tribunal correctionnel, plus contrainte par les délais, a fortiori lorsque la juridiction est saisie dans le cadre de la comparution immédiate, suppose du citoyen assesseur qu’il se familiarise rapidement avec un dossier qui peut être juridiquement complexe.

En conséquence, le Gouvernement, lors de la rédaction du projet de loi, n’a pas entendu s’en remettre totalement au hasard du tirage au sort. Le citoyen assesseur doit certes émaner d’un éventail de population aussi large que celui dont le jury provient – cela explique la désignation à partir de la liste préparatoire, tirée au sort sur les listes électorales –, mais aussi répondre à des critères d’aptitude plus stricts que ceux qui sont exigés des jurés.

Cependant, le mécanisme proposé dans le texte du Gouvernement n’a pas paru pleinement satisfaisant à la commission pour plusieurs raisons.

D’abord, aux critères déjà réclamés pour les jurés étaient ajoutées de nouvelles conditions concernant l’aptitude, l’impartialité et la moralité dont le contenu demeurait flou.

Ensuite, le choix d’adresser un « questionnaire » aux personnes inscrites sur la liste préparatoire pour mesurer ces critères pouvait sembler intrusif.

Enfin, la possibilité d’entendre la personne qui n’aurait pas répondu au questionnaire ou qui y aurait répondu de manière incomplète, doublée avec l’exigence d’une enquête préalable à toute inscription sur la liste annuelle de citoyens assesseurs, aurait constitué une procédure lourde, susceptible de connaître de nombreux retards.

La commission a retenu un système plus simple.

S’agissant des conditions requises, elle a supprimé les critères autres que ceux qui sont fixés pour les jurés de manière objective par les articles 255 à 257 du code de procédure pénale, que nous avons d’ailleurs complétés et modifiés.

S’agissant de la procédure, elle a substitué un « recueil d’informations » au questionnaire destiné à recueillir des éléments de fait, et non quelque opinion que ce soit.

Au vu des éléments figurant dans ce recueil ou résultant de la consultation du fichier Cassiopée ou des fichiers de police, la commission départementale, composée de magistrats et de conseillers généraux et chargée d’établir la liste du jury, devra écarter les personnes qui ne lui paraissent manifestement pas en mesure d’exercer les fonctions de citoyen assesseur.

La commission a maintenu la possibilité pour la commission susvisée d’entendre ou de faire entendre les personnes avant leur inscription sur la liste annuelle de citoyens assesseurs.

Étant donné l’ensemble des précautions que j’ai tenu à rappeler, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.

Par coordination, la commission est également défavorable aux amendements n° 93 rectifié et 94 rectifié.

J’en viens à l’amendement n° 95 rectifié.

Comme je l’ai indiqué précédemment, la commission a substitué le recueil d’informations au questionnaire initialement prévu par le texte. Dans l’esprit de ses membres, cette modification a pour objet de recueillir des informations strictement factuelles. Nous pourrons bien sûr interroger le garde des sceaux sur le contenu des informations qu’il entend voir réunir dans ce document. Au demeurant, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 96 rectifié vise à supprimer les dispositions concernant le mode d’inscription des citoyens assesseurs sur la liste annuelle. Eu égard aux explications que j’ai fournies tout à l’heure et par coordination, la commission y est défavorable.

L’amendement n° 97 rectifié tend à supprimer les dispositions relatives aux conditions dans lesquelles le président de la cour d’appel peut décider le retrait d’une personne inscrite sur la liste de citoyens assesseurs.

Les hypothèses dans lesquelles ce magistrat prend une telle décision, par exemple en cas d’incompatibilité prévu par la loi, paraissent difficilement contestables. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 98 rectifié a pour objet de supprimer les dispositions concernant la répartition des audiences entre citoyens assesseurs. Cette répartition constituera une charge lourde qui devrait peser principalement sur le greffe de la juridiction. C’est l’un des motifs pour lesquelles M. le garde des sceaux a annoncé en commission qu’il avait obtenu la création de 108 postes de greffier.

La commission a amélioré ces dispositions en prévoyant que les citoyens assesseurs ne peuvent être appelés sans préavis qu’avec leur accord.

Pour toutes ces raisons, elle est défavorable à l’amendement en cause.

L’amendement n° 99 rectifié vise la suppression des dispositions relatives aux citoyens assesseurs supplémentaires, dont la présence ne s’imposera dès le début du procès que si le président estime que celui-ci devrait entraîner de longs débats.

Cette disposition permet de garantir la présence de citoyens assesseurs pendant toute la durée du procès. Elle est indispensable et doit être conservée. La commission émet par conséquent un avis défavorable.

L’amendement n° 100 rectifié tend à supprimer les dispositions qui prévoient que, si les citoyens assesseurs siègent en principe dans une juridiction située dans leur département, ils peuvent, en cas de nécessité et avec l’accord de celle-ci, siéger dans une juridiction voisine.

Ces mesures introduisent un élément de souplesse permettant éventuellement de pallier l’insuffisance du nombre de citoyens assesseurs dans certaines juridictions relevant du ressort de la même cour d’appel. La commission est donc défavorable à leur suppression.

L’amendement n° 101 rectifié a pour objet de supprimer la disposition qui fixe à huit jours d’audience le temps pendant lequel le citoyen assesseur peut être appelé à siéger, cette limite ne pouvant être dépassée que pour permettre au citoyen assesseur de participer, jusqu’à son terme, au procès. La commission y est défavorable.

L’amendement n° 152 rectifié bis vise à « spécialiser » les citoyens assesseurs, soit dans la juridiction correctionnelle, soit dans la juridiction de l’application des peines, soit dans le tribunal correctionnel des mineurs.

Une telle spécialisation paraît intéressante pour permettre de familiariser autant que possible les citoyens assesseurs aux procédures auxquelles ils seront associés.

Néanmoins, la commission s’est demandée si cette disposition, rendant nécessaire le recrutement d’un plus grand nombre de citoyens assesseurs, ne soulèverait pas des difficultés pratiques. Aussi a-t-elle souhaité recueillir l’avis du Gouvernement.

L’amendement n° 102 rectifié tend à supprimer les mesures relatives au serment des citoyens assesseurs.

Le projet de loi exige de ces derniers qu’ils prêtent serment devant le tribunal de grande instance avant d’exercer leurs fonctions. Il leur est demandé de « fidèlement remplir leurs fonctions et de conserver le secret des délibérations ».

En outre, le projet de loi prévoit, à l’article 3, que le président rappelle aux citoyens assesseurs, avant l’ouverture des débats relatifs à la première affaire inscrite au rôle de l’audience, qu’ils sont tenus de respecter les prescriptions contenues dans le serment que prêtent les jurés des cours d’assises, en application de l’article 304 du code de procédure pénale. La lecture des dispositions d’un serment que les citoyens assesseurs n’auront pas à prêter a suscité la perplexité de plusieurs de nos interlocuteurs lors des auditions de la commission.

Il est indispensable de maintenir le principe d’un serment. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur le présent amendement. En revanche, il peut être opportun d’aligner, avec certaines adaptations, le serment des citoyens assesseurs sur celui des jurés, comme le proposent les auteurs de l’amendement n° 103 rectifié déposé à l’article 3.

L’amendement n° 104 rectifié a pour objet de supprimer les dispositions du projet de loi relatives à la procédure de récusation des citoyens assesseurs.

La récusation est possible pour l’une des causes de récusation applicables aux magistrats. Cette procédure n’a donc pas le caractère discrétionnaire que revêt, devant la cour d’assises, le droit ouvert au ministère public ou à l’accusé de récuser les jurés sans avoir à en donner les motifs. En effet, l’exercice d’un tel droit devant le tribunal correctionnel citoyen impliquerait de mobiliser un effectif important de citoyens assesseurs, ce qui ne paraît pas réalisable en pratique.

La commission émet par conséquent un avis défavorable.

L’amendement n° 105 rectifié vise à aligner la procédure de récusation des citoyens assesseurs sur celle des jurés. Pour les motifs que je viens d’indiquer, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.

L’amendement n° 106 rectifié tend à supprimer la disposition du projet de loi selon laquelle l’exercice des fonctions de citoyen assesseur constitue un devoir civique.

Il paraît nécessaire de la maintenir dans la mesure où elle peut servir de support à l’édiction de l’amende qui figurait initialement dans le projet de loi, mais que la commission a supprimée compte tenu de son caractère réglementaire.

L’amendement n° 107 rectifié a pour objet de supprimer les dispositions renvoyant à un décret en Conseil d’État les modalités d’application de l’article 1er, en particulier l’information dont les citoyens assesseurs doivent bénéficier avant d’exercer leurs fonctions.

Les auteurs de cet amendement attirent de manière tout à fait légitime l’attention sur la préparation des citoyens assesseurs. Il semble nécessaire d’obtenir de la part du garde des sceaux des précisions sur le contenu qu’il entend donner à cette information. Selon la commission, celle-ci doit aller au-delà d’une simple action de communication. C’est pourquoi elle est défavorable à cet amendement. En revanche, elle émet un avis favorable sur l’amendement n° 149 rectifié, qui vise à substituer la notion de « formation » à celle d’« information », même s’il est indispensable de respecter les contraintes de disponibilité des citoyens assesseurs comme des magistrats.

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