Séance en hémicycle du 18 mai 2011 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • assesseur
  • citoyens assesseurs
  • correctionnel
  • cours d’assises
  • délit
  • d’assise
  • juré
  • tribunal
  • tribunal correctionnel

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (projet n° 438, texte de la commission n° 490, rapport n° 489).

Titre Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PÉNALE

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux citoyens assesseurs

Hier, le Sénat a entamé l’examen de l’article 1er, dont je rappelle les termes :

Le titre préliminaire du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions générales » ;

2° Il est créé un sous-titre Ier intitulé : « De l’action publique et de l’action civile » comprenant les articles 1er à 10 ;

3° Il est ajouté un sous-titre II ainsi rédigé :

« SOUS-TITRE II

« DE LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU JUGEMENT DES AFFAIRES PÉNALES

« Art. 10-1. – Les citoyens peuvent être appelés, comme jurés, à composer le jury de la cour d’assises constitué conformément aux articles 254 à 267 et 288 à 305-1.

« Ils peuvent également être appelés, comme citoyens assesseurs :

« 1° À compléter le tribunal correctionnel et la chambre des appels correctionnels dans les cas prévus par les articles 399-2 et 510-1 ;

« 2° À compléter le tribunal de l’application des peines et la chambre de l’application des peines de la cour d’appel dans les cas prévus par les articles 712-13-1, 720-4-1 et 730-1 ;

« 3°

Supprimé

« Les règles relatives à la désignation des citoyens assesseurs sont fixées par les dispositions du présent sous-titre.

« Art. 10-2. – Il est établi annuellement, pour chaque tribunal de grande instance, une liste de citoyens assesseurs dont le nombre est fixé par arrêté du ministre de la justice.

« Art. 10-3. – Peuvent seules être inscrites sur la liste annuelle des citoyens assesseurs établie pour chaque tribunal de grande instance les personnes remplissant les conditions suivantes :

« 1° Ne pas avoir été inscrites la même année sur la liste annuelle du jury d’assises en application des articles 263 et 264 ;

« 2° Ne pas avoir exercé les fonctions de juré ou de citoyen assesseur au cours des cinq années précédant l’année en cours et ne pas avoir été inscrites, l’année précédente, sur une liste annuelle du jury ou sur une liste annuelle des citoyens assesseurs ;

« 3° Satisfaire aux conditions prévues par les articles 255 à 257 ;

« 4° Résider dans le ressort du tribunal de grande instance ;

« 5°

Supprimé

« 6°

Supprimé

« Art. 10-4. – Les citoyens assesseurs sont désignés parmi les personnes ayant été inscrites par le maire sur la liste préparatoire de la liste annuelle du jury d’assises établie, après tirage au sort sur les listes électorales, dans les conditions prévues par les articles 261 et 261-1.

« Les personnes inscrites sur la liste préparatoire en sont avisées par le maire qui les informe :

« 1° Qu’elles sont susceptibles d’être désignées soit comme juré, soit comme citoyen assesseur ;

« 2° Qu’elles peuvent demander au président de la commission prévue à l’article 262 le bénéfice des dispositions de l’article 258.

« Le maire adresse en outre aux personnes inscrites sur la liste préparatoire un recueil d’informations dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État. Les réponses au recueil d’informations sont adressées directement par les personnes concernées au président de la commission instituée par l’article 262.

« Art. 10-5. – La liste annuelle des citoyens assesseurs de chaque tribunal de grande instance est dressée, après établissement de la liste annuelle du jury d’assises, par la commission instituée par l’article 262. La commission est alors présidée par le président du tribunal de grande instance. Le bâtonnier siégeant au sein de la commission est celui de l’ordre des avocats de ce tribunal.

« La commission examine la situation des personnes figurant sur la liste préparatoire dans un ordre déterminé par le tirage au sort. La commission exclut les personnes qui ne remplissent pas les conditions prévues par l’article 10-3, celles auxquelles a été accordée une dispense en application de l’article 258, ainsi que celles qui, au vu des éléments figurant dans le recueil d’informations ou résultant de la consultation des traitements prévus par les articles 48-1 et 230-6, ne paraissent manifestement pas être en mesure d’exercer les fonctions de citoyens assesseurs. Elle peut procéder ou faire procéder à l’audition des personnes avant leur inscription sur la liste annuelle.

« La commission délibère dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l’article 263.

« La liste annuelle des citoyens assesseurs est arrêtée lorsque le nombre de personnes inscrites atteint celui fixé en application du second alinéa de l’article 10-2. Elle est alors adressée au premier président de la cour d’appel et aux maires des communes du ressort du tribunal de grande instance.

« Le premier président s’assure que la liste a été établie conformément aux exigences légales et avise les personnes retenues de leur inscription.

« Art. 10-6. – À la demande du président du tribunal de grande instance ou du procureur de la République, le premier président de la cour d’appel, après avoir convoqué le citoyen assesseur et l’avoir mis en mesure de présenter ses observations, se prononce sur son retrait de la liste annuelle :

« 1° Lorsqu’il se trouve dans l’un des cas d’incompatibilité ou d’incapacité prévus par la loi ;

« 2° Lorsque, sans motif légitime, il s’est abstenu à plusieurs reprises de répondre aux convocations l’invitant à assurer son service juridictionnel ;

« 3° Lorsqu’il a commis un manquement aux devoirs de sa fonction, à l’honneur ou à la probité.

« Si, en raison du nombre des retraits décidés en application du présent article ou des décès constatés, le bon fonctionnement de la justice se trouve compromis, le premier président convoque la commission mentionnée à l’article 10-5 afin de compléter la liste.

« Art. 10-7. – Le service des audiences de la chambre des appels correctionnels et de la chambre de l’application des peines est réparti entre les citoyens assesseurs par le premier président de la cour d’appel.

« Le service des audiences du tribunal correctionnel et du tribunal de l’application des peines est réparti entre les citoyens assesseurs par le président du tribunal de grande instance, siège de ces juridictions.

« Il est procédé à la répartition prévue aux deux premiers alinéas pour chaque trimestre. Les citoyens assesseurs doivent être avisés quinze jours au moins avant le début du trimestre de la date et de l’heure des audiences au cours desquelles ils sont appelés à siéger comme titulaires ou peuvent être appelés comme suppléants. Toutefois, le premier président de la cour d’appel ou le président du tribunal de grande instance peut appeler à siéger sans délai, avec son accord, un citoyen assesseur soit en cas d’absence ou d’empêchement du titulaire et de ses suppléants, soit lorsque la désignation d’un citoyen assesseur supplémentaire apparaît nécessaire en application de l’article 10-8, soit en cas de modification du calendrier des audiences imposée par les nécessités du service.

« Art. 10-8. – Lorsqu’un procès paraît devoir entraîner de longs débats, le premier président de la cour d’appel ou le président du tribunal de grande instance peut décider qu’un ou plusieurs citoyens assesseurs supplémentaires assistent aux débats. Ces citoyens assesseurs supplémentaires remplacent le ou les citoyens assesseurs qui seraient empêchés de suivre les débats jusqu’au prononcé de la décision.

« Art. 10-9. – Les citoyens assesseurs appelés à siéger au sein de la chambre des appels correctionnels et de la chambre de l’application des peines sont désignés parmi les citoyens assesseurs inscrits sur les listes annuelles des tribunaux de grande instance du département où la cour a son siège. En cas de nécessité, ils peuvent être désignés, avec leur accord, sur les listes annuelles des autres tribunaux de grande instance du ressort de la cour d’appel. Le premier président informe les présidents des tribunaux de grande instance de son ressort des désignations auxquelles il a procédé.

« Les citoyens assesseurs appelés à siéger au sein du tribunal correctionnel ou du tribunal de l’application des peines sont choisis parmi les citoyens assesseurs figurant sur la liste annuelle du tribunal de grande instance, siège de la juridiction. En cas de nécessité, ils peuvent être désignés, avec leur accord, sur la liste annuelle de l’un des tribunaux de grande instance limitrophes appartenant au ressort de la même cour d’appel. Le président de ce tribunal en est informé.

« Art. 10-10. – Chaque citoyen assesseur ne peut être appelé à siéger, y compris comme assesseur supplémentaire, plus de huit jours d’audience dans l’année.

« Toutefois, lorsque l’examen d’une affaire se prolonge au-delà de la limite prévue au premier alinéa, le citoyen assesseur est tenu de siéger jusqu’à l’issue du délibéré.

« Art. 10-11. – Avant d’exercer leurs fonctions, les citoyens assesseurs inscrits sur la liste annuelle prêtent serment devant le tribunal de grande instance de bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de conserver le secret des délibérations.

« Art. 10-12. – Les citoyens assesseurs désignés pour siéger à une audience ne peuvent être récusés que pour l’une des causes de récusation applicables aux magistrats.

« Cette récusation peut être demandée par le ministère public ou les parties avant l’examen au fond.

« Les trois magistrats de la juridiction statuent sur la demande de récusation.

« Le citoyen assesseur qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir le fait connaître avant l’examen au fond. Le président de la juridiction peut alors l’autoriser à se faire remplacer par un citoyen assesseur dans les formes prévues par l’article 10-7. En début d’audience, le président rappelle les dispositions du présent alinéa.

« Art. 10-13. – L’exercice des fonctions de citoyen assesseur constitue un devoir civique.

« Art. 10-14. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent sous-titre. Il précise, en particulier :

« 1° Les modalités selon lesquelles les citoyens assesseurs doivent bénéficier, avant d’exercer leurs fonctions, d’une information sur le fonctionnement de la justice pénale ;

« 2° Les modalités et le calendrier des opérations nécessaires à l’établissement de la liste annuelle des citoyens assesseurs ;

« 3° Les modalités de l’indemnisation des citoyens assesseurs. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Au sein de cet article, vingt amendements en discussion commune ont été présentés. J’en redonne lecture :

L'amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 7 à 12

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 4, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 5, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 6, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 12 à 53

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 93 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 94 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 14 à 20

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 95 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 21 à 25

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 96 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 26 à 30

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 31 à 35

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 36 à 38

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 99 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 39

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 100 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 40 et 41

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 101 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 42 et 43

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 152 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Détraigne, Zocchetto et Amoudry, Mme Morin-Desailly, MM. Merceron et Biwer, Mme Férat et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours de cette période, les citoyens assesseurs désignés pour siéger au sein d’une chambre des appels correctionnels ou d’un tribunal correctionnel ne peuvent être appelés à siéger au sein d'une chambre de l'application des peines, d’un tribunal de l'application des peines ou d'un tribunal correctionnel pour mineurs. Les citoyens assesseurs désignés pour siéger au sein d'une chambre de l'application des peines ou d’un tribunal de l'application des peines ne peuvent être appelés à siéger au sein d’une chambre des appels correctionnels ou d’un tribunal correctionnel ou d'un tribunal correctionnel pour mineurs. Les citoyens assesseurs désignés pour siéger au sein d'un tribunal correctionnel pour mineurs ne peuvent être appelés à siéger au sein d'une juridiction correctionnelle pour majeurs ou d'une juridiction de l'application des peines.

L'amendement n° 102 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 44

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 104 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 45 à 48

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 105 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 45 et 46

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

« Art. 10-12. - Avant l’examen au fond, les citoyens assesseurs désignés pour siéger peuvent être récusés par le prévenu ou son avocat d’abord, le ministère public ensuite.

« Ni le prévenu, ni son avocat, ni le ministère public ne peuvent exposer leurs motifs de récusation.

« L’accusé ou son avocat non plus que le ministère public ne peuvent récuser plus de deux citoyens assesseurs chacun.

« S'il y a plusieurs prévenus, ils peuvent se concerter pour exercer leurs récusations ; ils peuvent les exercer séparément.

« Dans l'un et l'autre cas, ils ne peuvent excéder le nombre de récusations déterminé pour un seul prévenu.

« Si les prévenus ne se concertent pas pour récuser, le sort règle entre eux le rang dans lequel ils font les récusations. Dans ce cas, les citoyens assesseurs récusés par un seul, et dans cet ordre, le sont pour tous jusqu'à ce que le nombre des récusations soit épuisé.

L'amendement n° 106 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 49

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 107 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 50 à 53

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. Maurey, Détraigne et Zocchetto, Mmes Gourault et Morin-Desailly, MM. Merceron et Biwer, Mme Férat et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 51

Remplacer le mot :

information

par le mot :

formation

Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L’amendement n° 92 rectifié vise à supprimer les dispositions du projet de loi créant les citoyens assesseurs.

Si la réforme ne suffira sans doute pas, à elle seule, à garantir une meilleure compréhension de la justice pénale, elle devrait pourtant y contribuer. La présence de citoyens assesseurs devrait conduire à mieux faire accepter les décisions de justice, plus particulièrement celles qui concernent l’aménagement de peine. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

Le neuvième alinéa de l’article 1er que tend à supprimer l’amendement n° 4 prévoit la présence des citoyens assesseurs au sein des tribunaux correctionnels et paraît indispensable. La commission est donc défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 5 a pour objet de supprimer la disposition qui prévoit la présence des citoyens assesseurs au sein des juridictions de l’application des peines.

À l’occasion de l’examen des amendements portant sur l’article 9, j’exposerai les raisons qui me paraissent justifier une telle participation. La commission émet également un avis défavorable.

L’amendement n° 6 vise à supprimer les dispositions concernant le mode de désignation des citoyens assesseurs, que la commission s’est pourtant efforcée d’améliorer.

La détermination du mode de désignation des citoyens assesseurs constitue un exercice délicat pour deux raisons.

En premier lieu, quelle que soit la juridiction, les citoyens assesseurs seront appelés à y siéger au nombre de deux seulement. Une éventuelle inaptitude ne connaîtra pas les correctifs que l’effet du nombre peut apporter dans le cadre du jury d’assises.

En second lieu – cette observation vaut pour le jugement des délits –, la procédure devant le tribunal correctionnel, plus contrainte par les délais, a fortiori lorsque la juridiction est saisie dans le cadre de la comparution immédiate, suppose du citoyen assesseur qu’il se familiarise rapidement avec un dossier qui peut être juridiquement complexe.

En conséquence, le Gouvernement, lors de la rédaction du projet de loi, n’a pas entendu s’en remettre totalement au hasard du tirage au sort. Le citoyen assesseur doit certes émaner d’un éventail de population aussi large que celui dont le jury provient – cela explique la désignation à partir de la liste préparatoire, tirée au sort sur les listes électorales –, mais aussi répondre à des critères d’aptitude plus stricts que ceux qui sont exigés des jurés.

Cependant, le mécanisme proposé dans le texte du Gouvernement n’a pas paru pleinement satisfaisant à la commission pour plusieurs raisons.

D’abord, aux critères déjà réclamés pour les jurés étaient ajoutées de nouvelles conditions concernant l’aptitude, l’impartialité et la moralité dont le contenu demeurait flou.

Ensuite, le choix d’adresser un « questionnaire » aux personnes inscrites sur la liste préparatoire pour mesurer ces critères pouvait sembler intrusif.

Enfin, la possibilité d’entendre la personne qui n’aurait pas répondu au questionnaire ou qui y aurait répondu de manière incomplète, doublée avec l’exigence d’une enquête préalable à toute inscription sur la liste annuelle de citoyens assesseurs, aurait constitué une procédure lourde, susceptible de connaître de nombreux retards.

La commission a retenu un système plus simple.

S’agissant des conditions requises, elle a supprimé les critères autres que ceux qui sont fixés pour les jurés de manière objective par les articles 255 à 257 du code de procédure pénale, que nous avons d’ailleurs complétés et modifiés.

S’agissant de la procédure, elle a substitué un « recueil d’informations » au questionnaire destiné à recueillir des éléments de fait, et non quelque opinion que ce soit.

Au vu des éléments figurant dans ce recueil ou résultant de la consultation du fichier Cassiopée ou des fichiers de police, la commission départementale, composée de magistrats et de conseillers généraux et chargée d’établir la liste du jury, devra écarter les personnes qui ne lui paraissent manifestement pas en mesure d’exercer les fonctions de citoyen assesseur.

La commission a maintenu la possibilité pour la commission susvisée d’entendre ou de faire entendre les personnes avant leur inscription sur la liste annuelle de citoyens assesseurs.

Étant donné l’ensemble des précautions que j’ai tenu à rappeler, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.

Par coordination, la commission est également défavorable aux amendements n° 93 rectifié et 94 rectifié.

J’en viens à l’amendement n° 95 rectifié.

Comme je l’ai indiqué précédemment, la commission a substitué le recueil d’informations au questionnaire initialement prévu par le texte. Dans l’esprit de ses membres, cette modification a pour objet de recueillir des informations strictement factuelles. Nous pourrons bien sûr interroger le garde des sceaux sur le contenu des informations qu’il entend voir réunir dans ce document. Au demeurant, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 96 rectifié vise à supprimer les dispositions concernant le mode d’inscription des citoyens assesseurs sur la liste annuelle. Eu égard aux explications que j’ai fournies tout à l’heure et par coordination, la commission y est défavorable.

L’amendement n° 97 rectifié tend à supprimer les dispositions relatives aux conditions dans lesquelles le président de la cour d’appel peut décider le retrait d’une personne inscrite sur la liste de citoyens assesseurs.

Les hypothèses dans lesquelles ce magistrat prend une telle décision, par exemple en cas d’incompatibilité prévu par la loi, paraissent difficilement contestables. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 98 rectifié a pour objet de supprimer les dispositions concernant la répartition des audiences entre citoyens assesseurs. Cette répartition constituera une charge lourde qui devrait peser principalement sur le greffe de la juridiction. C’est l’un des motifs pour lesquelles M. le garde des sceaux a annoncé en commission qu’il avait obtenu la création de 108 postes de greffier.

La commission a amélioré ces dispositions en prévoyant que les citoyens assesseurs ne peuvent être appelés sans préavis qu’avec leur accord.

Pour toutes ces raisons, elle est défavorable à l’amendement en cause.

L’amendement n° 99 rectifié vise la suppression des dispositions relatives aux citoyens assesseurs supplémentaires, dont la présence ne s’imposera dès le début du procès que si le président estime que celui-ci devrait entraîner de longs débats.

Cette disposition permet de garantir la présence de citoyens assesseurs pendant toute la durée du procès. Elle est indispensable et doit être conservée. La commission émet par conséquent un avis défavorable.

L’amendement n° 100 rectifié tend à supprimer les dispositions qui prévoient que, si les citoyens assesseurs siègent en principe dans une juridiction située dans leur département, ils peuvent, en cas de nécessité et avec l’accord de celle-ci, siéger dans une juridiction voisine.

Ces mesures introduisent un élément de souplesse permettant éventuellement de pallier l’insuffisance du nombre de citoyens assesseurs dans certaines juridictions relevant du ressort de la même cour d’appel. La commission est donc défavorable à leur suppression.

L’amendement n° 101 rectifié a pour objet de supprimer la disposition qui fixe à huit jours d’audience le temps pendant lequel le citoyen assesseur peut être appelé à siéger, cette limite ne pouvant être dépassée que pour permettre au citoyen assesseur de participer, jusqu’à son terme, au procès. La commission y est défavorable.

L’amendement n° 152 rectifié bis vise à « spécialiser » les citoyens assesseurs, soit dans la juridiction correctionnelle, soit dans la juridiction de l’application des peines, soit dans le tribunal correctionnel des mineurs.

Une telle spécialisation paraît intéressante pour permettre de familiariser autant que possible les citoyens assesseurs aux procédures auxquelles ils seront associés.

Néanmoins, la commission s’est demandée si cette disposition, rendant nécessaire le recrutement d’un plus grand nombre de citoyens assesseurs, ne soulèverait pas des difficultés pratiques. Aussi a-t-elle souhaité recueillir l’avis du Gouvernement.

L’amendement n° 102 rectifié tend à supprimer les mesures relatives au serment des citoyens assesseurs.

Le projet de loi exige de ces derniers qu’ils prêtent serment devant le tribunal de grande instance avant d’exercer leurs fonctions. Il leur est demandé de « fidèlement remplir leurs fonctions et de conserver le secret des délibérations ».

En outre, le projet de loi prévoit, à l’article 3, que le président rappelle aux citoyens assesseurs, avant l’ouverture des débats relatifs à la première affaire inscrite au rôle de l’audience, qu’ils sont tenus de respecter les prescriptions contenues dans le serment que prêtent les jurés des cours d’assises, en application de l’article 304 du code de procédure pénale. La lecture des dispositions d’un serment que les citoyens assesseurs n’auront pas à prêter a suscité la perplexité de plusieurs de nos interlocuteurs lors des auditions de la commission.

Il est indispensable de maintenir le principe d’un serment. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur le présent amendement. En revanche, il peut être opportun d’aligner, avec certaines adaptations, le serment des citoyens assesseurs sur celui des jurés, comme le proposent les auteurs de l’amendement n° 103 rectifié déposé à l’article 3.

L’amendement n° 104 rectifié a pour objet de supprimer les dispositions du projet de loi relatives à la procédure de récusation des citoyens assesseurs.

La récusation est possible pour l’une des causes de récusation applicables aux magistrats. Cette procédure n’a donc pas le caractère discrétionnaire que revêt, devant la cour d’assises, le droit ouvert au ministère public ou à l’accusé de récuser les jurés sans avoir à en donner les motifs. En effet, l’exercice d’un tel droit devant le tribunal correctionnel citoyen impliquerait de mobiliser un effectif important de citoyens assesseurs, ce qui ne paraît pas réalisable en pratique.

La commission émet par conséquent un avis défavorable.

L’amendement n° 105 rectifié vise à aligner la procédure de récusation des citoyens assesseurs sur celle des jurés. Pour les motifs que je viens d’indiquer, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.

L’amendement n° 106 rectifié tend à supprimer la disposition du projet de loi selon laquelle l’exercice des fonctions de citoyen assesseur constitue un devoir civique.

Il paraît nécessaire de la maintenir dans la mesure où elle peut servir de support à l’édiction de l’amende qui figurait initialement dans le projet de loi, mais que la commission a supprimée compte tenu de son caractère réglementaire.

L’amendement n° 107 rectifié a pour objet de supprimer les dispositions renvoyant à un décret en Conseil d’État les modalités d’application de l’article 1er, en particulier l’information dont les citoyens assesseurs doivent bénéficier avant d’exercer leurs fonctions.

Les auteurs de cet amendement attirent de manière tout à fait légitime l’attention sur la préparation des citoyens assesseurs. Il semble nécessaire d’obtenir de la part du garde des sceaux des précisions sur le contenu qu’il entend donner à cette information. Selon la commission, celle-ci doit aller au-delà d’une simple action de communication. C’est pourquoi elle est défavorable à cet amendement. En revanche, elle émet un avis favorable sur l’amendement n° 149 rectifié, qui vise à substituer la notion de « formation » à celle d’« information », même s’il est indispensable de respecter les contraintes de disponibilité des citoyens assesseurs comme des magistrats.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le rapporteur, vous m’avez posé deux questions.

La première était motivée par l’amendement n° 95 rectifié déposé par M. Mézard.

Le livret qui sera envoyé par le maire aux personnes tirées au sort comportera deux parties.

La première contiendra des informations obligatoires, nécessaires pour vérifier que la personne ne présente aucune incompatibilité avec la fonction de citoyen assesseur, en raison de sa profession, de l’existence de mandats électifs, d’un placement sous tutelle, etc.

La seconde partie, à laquelle la réponse ne sera que facultative, comportera des informations de nature à faciliter l’exercice des fonctions de citoyen assesseur si la personne est désignée. Il pourra par exemple lui être demandé les périodes de l’année, du mois ou de la semaine pendant lesquelles sa participation à des audiences pénales lui poserait le moins de problèmes. Il pourra également lui être demandé si elle fait partie d’une association d’aide aux détenus ou aux victimes ou si elle a récemment été partie civile dans une procédure pénale ; dans ces différents cas, en effet, les exigences conventionnelles sur la composition d’une juridiction impartiale interdisent de la désigner comme citoyen assesseur.

La seconde question portait sur la formation des citoyens assesseurs. Dispensée par des magistrats, celle-ci durera une journée. Elle comportera une partie générale destinée à mieux faire connaître l’institution judiciaire, et une seconde partie portant sur le procès correctionnel lui-même, son déroulement, la façon dont les choses se présentent, le rôle de chacun, afin de familiariser les citoyens assesseurs avec le tribunal dans lequel ils vont officier.

Vous m’avez également demandé, monsieur le rapporteur, l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 152 rectifié bis. Cet amendement peut certes constituer un facteur de rigidité, mais il ne me semble pas sans intérêt. Aussi le Gouvernement s’en remet-il à la sagesse du Sénat.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’amendement n° 149 rectifié, je me range à votre opinion et émets donc un avis favorable.

Enfin, s'agissant de l’ensemble des autres amendements déposés, qui sont tous peu ou prou des amendements de suppression, mon rôle étant de défendre le texte, je suis conduit, quelle que soit mon envie d’être agréable à MM. Michel et Mézard

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Sans reprendre les explications que nous avons données hier sur le fond de cet article 1er, je voudrais répondre à M. le rapporteur, qui déclarait que l’objet de cet article, et de la création des citoyens assesseurs, était « de mieux faire accepter les décisions de justice ». J’en conclus que vous considérez, monsieur le rapporteur, que, dans notre République, les décisions de justice sont aujourd'hui mal acceptées.

Je ne partage pas ce constat. Je considère, en accord avec M. le garde des sceaux, que, en dépit de ses problèmes, qui sont des problèmes de moyens matériels et humains, ainsi que nous l’avons évoqué lors du débat sur son classement, notre justice repose sur de bonnes bases. Il serait donc très dangereux de modifier son orientation générale, pour se rapprocher d’autres systèmes, tels que le système anglo-saxon, actuellement en vogue.

En outre, quand bien même les décisions de justice seraient effectivement mal acceptées dans notre pays, la création de citoyens assesseurs ne constituerait pas pour autant la bonne méthode pour résoudre ce problème. La bonne méthode serait de donner à notre justice les moyens de mieux fonctionner. Elle donnerait ainsi davantage satisfaction à l’ensemble de nos concitoyens. Tel est le véritable débat de fond qui devrait nous occuper, plutôt que cette accumulation de réformes, cette avalanche de textes, souvent contradictoires et même parfois incohérents, sous lesquelles est noyé le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je ne donnerai pas notre avis sur les différents amendements, même si nous n’adhérons pas à tous.

J’interviendrai plutôt sur les réponses que vous avez données monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, à ces amendements, qui cherchaient à améliorer, ou en tout cas à rendre plus compréhensible, le fonctionnement de cette nouvelle juridiction. En effet, ces réponses ne sont pas du tout satisfaisantes. Vous ne répondez pas à certaines des questions que nous vous avons posées, les uns et les autres, et qui sont au cœur de nos incompréhensions et donc de l’opposition que nous manifestons.

Vous avez déclaré, mais sans le justifier de manière satisfaisante, préférer la création de deux citoyens assesseurs à une forme d’échevinage, qui a pourtant fait la démonstration de son efficacité. Vous dîtes vous rapprocher, ce faisant, du système des jurés d’assises, alors qu’il n’en est rien, ne serait-ce que pour une raison essentielle, à savoir que votre proposition ne permet pas de garantir une véritable représentativité des citoyens. Celle-ci tient en effet – nous aurons d’ailleurs l’occasion d’en débattre lors de la discussion des dispositions portant sur la cour d’assise –, au nombre, à la possibilité de récusation, ou encore à la forme du procès.

Il est donc évident que ces citoyens assesseurs constituent un système assez bancal, qui réunit beaucoup d’inconvénients au regard d’avantages incertains qui, pour l’instant, se résument en réalité – vous ne pouvez pas me contredire – à l’introduction de l’opinion publique dans les tribunaux.

Or l’opinion publique est aussi différente de la citoyenneté que la démocratie d’opinion l’est de la démocratie. Être citoyen et refléter l’opinion publique à un moment donné, ce n’est pas du tout la même chose. L’opinion publique peut en effet varier fortement selon les événements, les faits divers, les personnes jugées.

Il y a donc quelque chose de préoccupant dans le système que vous proposez. Vous avez beau nous dire que le but n’est pas de rendre les jugements plus sévères, il est évident – vous le savez bien – que c’est la seule motivation de votre texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je souhaite m’associer aux propos de notre collègue Mézard, et ajouter simplement une remarque.

S’il y a véritablement, aujourd'hui, un besoin de mieux faire accepter les décisions de justice par les citoyens, il me semble qu’il existe pour ce faire une autre méthode, certainement plus efficace que des réformes complexes auxquelles personne ne comprend rien et qui ne seront pas applicables faute de moyens.

Il faudrait d’abord que l’exemple vienne d’en haut, qu’au plus haut niveau de l’État on s’abstienne de commenter les décisions de justice à la va-vite, qui plus est sans connaître les affaires.

Il faudrait également que les avocats, notamment ceux qui ne sont rétribués que grâce à l’aide juridictionnelle et qui n’ont généralement que peu de temps à accorder à leurs clients, soient correctement rémunérés et disposent de plus de temps pour expliquer, d’une manière individualisée, les décisions de justice à M. ou Mme Tout le monde, aux citoyens lambda qui en font les frais ou les subissent. Non seulement ce serait bien plus efficace, mais en outre cela coûterait moins cher.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’idée qui est à l’origine de ce texte repose sur un bon sentiment, à savoir la volonté de mettre fin aux incompréhensions de nos concitoyens et ainsi de réduire le fossé qui existe entre leurs attentes et les décisions des instances judiciaires. De fait, le lien qui les unit ne cesse de se distendre. Les magistrats sont sans arrêt critiqués, à tous les niveaux – cela vient d’être rappelé.

Toutefois, si le but poursuivi est louable, les moyens mis en œuvre pour l’atteindre demeurent à mon sens très critiquables. Rapprocher les citoyens de la justice ne nécessite pas forcément de leur demander de la rendre. L’introduction de citoyens assesseurs au sein des tribunaux correctionnels pose en effet de nombreux problèmes.

Je mentionnerai tout d'abord le manque d’expérience et de formation professionnelle de ces citoyens. Vous conviendrez avec moi que la fonction de magistrat ne s’improvise pas après une formation de quelques heures et l’acquisition de quelques informations sur l’affaire traitée. On ne peut pas se contenter de cela, en effet, alors que l’enjeu est capital : il s’agit bel et bien de prononcer, parfois, une peine de prison.

Avec ce projet de loi, vous faites donc à l’évidence fausse route. Il est certes nécessaire d’ouvrir et de diversifier le corps judiciaire, qui est manifestement trop fermé, mais pas de cette façon. Contrairement à ce que ce projet de loi énonce, le niveau de qualification des personnes qui jugent les justiciables doit être revu à la hausse plutôt qu’à la baisse. Dans le système britannique, par exemple, seuls des avocats confirmés jouissant d’une excellente réputation professionnelle accèdent aux fonctions de magistrat professionnel. Dans le système que vous proposez, les citoyens assesseurs, même s’ils ne sont pas placés exactement au même rang que les magistrats, auraient des responsabilités qui pourraient dépasser leurs facultés.

Comme mon collègue Pierre Fauchon et moi-même le constations en 2007 dans notre rapport d’information sur le recrutement et la formation initiale des magistrats de carrière, la question est de savoir si les règles actuelles en la matière garantissent que la justice est rendue par des juges possédant les qualités, intellectuelles mais également humaines, nécessaires à l’acte de juger.

Par ailleurs, n’ayant ni la formation, ni l’expérience, ni le statut de magistrat, ces citoyens ne pourraient être récusés que pour l’une des causes de récusation applicables aux magistrats. Ainsi, loin de rendre la justice plus efficace, ce projet de loi induit une confusion des genres qui ajoute encore à son illisibilité, déjà plus que patente.

Les personnes amenées à juger au nom du peuple français – je le rappelle – ne peuvent le faire qu’après avoir acquis les compétences juridiques et l’expérience nécessaires à l’exercice de cette fonction. La tâche des citoyens assesseurs est présentée comme un devoir civique. Ces citoyens doivent présenter des garanties d’impartialité et de moralité. Ils doivent également prêter serment devant le tribunal de grande instance. Ces conditions apparaissent très nettement insuffisantes.

Ces citoyens assesseurs sont également censés faire partie du tribunal de l’application des peines, où ils doivent se prononcer sur les demandes de libération conditionnelle et d’aménagement de peine. Il est prévu qu’ils soient aussi présents en appel. Or ce domaine ne doit pas relever de la compétence de citoyens inexpérimentés et, pour certains, très jeunes, a fortiori si vous envisagez d’abaisser l’âge requis. Les carences de ces citoyens assesseurs en matière de technique juridique et de culture pénitentiaire les empêcheront en effet d’être en mesure de rendre des décisions pertinentes.

Par ailleurs, les moyens de la justice étant déjà insuffisants – cela a été souvent rappelé –, l’introduction de jurys populaires ne pourrait qu’entraver davantage son fonctionnement général. La mise en place de ce système entraînerait donc avant tout une détérioration des conditions de jugement, au détriment des personnes jugées.

Enfin, l’instauration de ces jurys populaires donnerait une part plus importante au caractère oral des débats et augmenterait la durée des délibérés. Loin de rendre la procédure plus fluide, cela ralentirait de manière considérable le déroulement des audiences, qui, rappelons-le, sont déjà surchargées.

Je pense donc que ce texte n’est pas le bon moyen pour renforcer ou plutôt pour recréer le lien censé unir les instances judiciaires et nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur Mézard, ne vous méprenez pas sur le sens de mes propos : lorsque je souhaitais que les décisions de justice soient mieux acceptées par nos concitoyens, je pensais aux arrêts des cours d’assises, qui, en général, sont bien reçus et ne font guère l’objet de critiques, tout simplement parce que des jurés siègent dans ces formations et que nos concitoyens s’y sentent donc davantage représentés. Grâce à la présence des citoyens assesseurs, il devrait en aller de même en correctionnelle.

Ce raisonnement vaut aussi pour l’application des peines. Lorsqu’une affaire se passe mal, par exemple lorsqu’un récidiviste est libéré et qu’il commet ensuite un crime, les juges de l’application des peines sont stigmatisés, non par la majorité, l’opposition ou le Gouvernement d'ailleurs, mais par la population et les médias, ce qui est totalement injuste. Grâce à la présence de citoyens dans la formation de jugement, ces magistrats ne devraient plus servir de bouc-émissaires.

Pour le reste, un élément m’étonne dans ces explications de vote : chacun considère que les citoyens sont capables d’intervenir dans des procès criminels quand ils sont jurés mais pas de juger des affaires correctionnelles quand ils sont assesseurs. Or, théoriquement, le crime est l’infraction la plus grave. Sur ce point, je ne suis donc pas totalement convaincu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Monsieur le rapporteur, excusez mes propos, mais vous avez une vision quelque peu irénique de la cour d’assises !

Mon cher collègue, je vous invite à fréquenter davantage les palais de justice. Vous y verrez que, à l’issue des procès d’assises, il y a d’un côté les victimes, ivres de rage parce que l’on n’a pas assez condamné, et, de l’autre, les amis de l’accusé, hors d’eux parce que la sanction a été trop lourde.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

C’est vrai pour tous les procès !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

M. Robert Badinter. Pour ma part, je me souviens d’avoir dû quitter des palais de justice par des escaliers dérobés, à la demande des magistrats : on redoutait que ne me soit fait un mauvais sort, tout simplement parce qu’une vie humaine avait été sauvée, celle de l’accusé.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er est adopté.

I. – À l’article 255 du même code, les mots : « vingt-trois » sont remplacés par les mots : « dix-huit ».

II. – Au deuxième alinéa () de l’article 256 du même code, les mots : « à une peine égale ou supérieure à six mois d’emprisonnement » sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 7, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Charles Gautier.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Le débat sur l’abaissement de 23 à 18 ans de la condition d’âge requise pour être juré n’est pas nouveau. Certains d’entre nous ont déjà eu à s’interroger sur l’opportunité d’une telle mesure lors de l’examen du projet de loi portant réforme de la procédure criminelle, en 1996.

En 1972, le législateur avait déjà fait le choix d’abaisser de 30 à 23 ans l’âge requis. Toutefois, aujourd’hui, les auteurs de cet article voudraient aller plus loin encore, en alignant la condition d’âge requise pour être juré sur celle qui est nécessaire à la majorité civile. Or il ne faut pas confondre cette dernière avec les capacités que requiert la qualité de juré.

On ne peut pas demander à un jeune citoyen qui vient d’avoir 18 ans d’avoir la maturité nécessaire pour affronter la réalité, souvent sordide, évoquée au cours des débats de cours d’assises.

En effet, la majorité des citoyens âgés de 18 à 23 ans sont de jeunes adultes qui ne travaillent pas, n’ont pas encore fondé de famille et n’ont guère d’expérience. Tous les sociologues s’accordent à le dire, si, aujourd’hui, nos jeunes sont adolescents plus tôt, ils deviennent adultes plus tard. La plupart d’entre eux ne possèdent pas encore le recul nécessaire afin d’appréhender l’ensemble des éléments auxquels ils devront faire face.

Il ne faut pas non plus oublier que le législateur a toujours cherché à assurer un équilibre entre les jurés citoyens et les magistrats professionnels. Ces derniers, vous le savez, mes chers collègues, commencent leur carrière tardivement et ont bien plus de 18 ans lors de leur prise de fonction.

L’exigence d’un âge de 23 ans vise aussi à garantir que les jurés ne pourront être excessivement plus jeunes que les magistrats. En effet, avec l’abaissement de l’âge requis pour être juré, les juges pourraient avoir une trop grande influence sur les trop jeunes membres du jury.

Si nous, membres du groupe socialiste, avons toujours cherché à associer les jeunes citoyens au fonctionnement de nos institutions, il ne nous semble pas approprié aujourd'hui, vu la gravité et la complexité des cas abordés aux assises, d’abaisser la condition d’âge requise pour être juré.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je comprends tout à fait les objections qui viennent d’être formulées par M. Gautier.

Cependant, la commission a proposé de moderniser les conditions d’âge pour exercer les fonctions de juré ou de citoyen assesseur en les abaissant de 23 à 18 ans, c'est-à-dire l’âge de la majorité civique. Cette modification nous a semblé conforme à l’évolution des mœurs. En effet, un jeune majeur peut voter et assurer des mandats électifs. Il est susceptible de devenir maire, député et même Président de la République

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

C’est seulement pour être sénateur, en effet, qu’il devra attendre l’âge de 24 ans, puisque six années d’expérience municipale sont requises. Par conséquent, on ne voit pas pourquoi on lui interdirait de participer à l’œuvre de justice.

Il nous semble qu’il doit exister un lien fort, conformément à la logique du projet de loi, entre la citoyenneté et l’exercice de sa responsabilité au sein des juridictions.

En outre, je le rappelle, cet article renforce les conditions requises pour être juré ou citoyen assesseur, en exigeant qu’aucune condamnation pour crime ou délit ne figure au bulletin n°1 du casier judiciaire des personnes concernées. Or, actuellement, il est possible d’être juré même si l’on a été condamné à une peine d’emprisonnement inférieure à six mois.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, je comprends que, sur une telle question, on puisse nourrir une conviction différente.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je comprends parfaitement le point de vue de M. Gautier, mais je resterai tout de même fidèle au texte de la commission.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

En conséquence, l'article 1er bis est supprimé.

Chapitre II

Participation des citoyens au jugement des délits

La section 2 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° Il est créé un paragraphe 1 intitulé : « Dispositions générales » comprenant les articles 398 à 399 ;

2° Il est ajouté un paragraphe 2 ainsi rédigé :

« Paragraphe 2

« Du tribunal correctionnel citoyen

« Art. 399-1. – Pour le jugement des délits énumérés à l’article 399-2, le tribunal correctionnel est composé, outre des trois magistrats mentionnés au premier alinéa de l’article 398, de deux citoyens assesseurs désignés selon les modalités prévues par les articles 10-1 à 10-13. Il ne peut alors comprendre aucun autre juge non professionnel.

« Art. 399-2. – Sont jugés par le tribunal correctionnel citoyen, conformément à l’article 399-1, les délits suivants :

« 1° Les atteintes à la personne humaine passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans prévues par le titre II du livre deuxième du code pénal ;

« 2° Les vols avec violence prévus par le dernier alinéa de l’article 311-4, le 1° et le dernier alinéa de l’article 311-5 et l’article 311-6 du code pénal ;

« 3° Les destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans prévues par la section 2 du titre II du livre troisième du code pénal ;

« 4° L’usurpation d’identité prévue par l’article 434-23 du code pénal ;

« 5° Les infractions prévues par le code de l’environnement passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans.

« Art. 399-3. – Le tribunal correctionnel citoyen est également compétent pour connaître des contraventions connexes aux délits énumérés à l’article 399-2.

« Il est également compétent pour connaître, lorsqu’ils sont connexes à ceux énumérés au même article, les délits prévus par les 2°, 3°, 4°, 5° et 7° bis de l’article 398-1, ainsi que les délits d’atteintes aux biens prévus par les chapitres Ier et II des titres Ier et II du livre III du code pénal n’entrant pas dans les prévisions de l’article 398-2-1.

« Hors les cas prévus au présent article, le tribunal statue dans la composition prévue par le premier alinéa de l’article 398 pour le jugement des délits prévus à l’article 399-2 lorsqu’ils sont connexes à d’autres délits.

« Art. 399-4. – La décision sur la qualification des faits, la culpabilité du prévenu et la peine est prise par les magistrats et les citoyens assesseurs. Sur toute autre question, la décision est prise par les seuls magistrats.

« Art. 399-5. – Si le prévenu est jugé par défaut, le tribunal correctionnel saisi d’un délit entrant dans les prévisions de l’article 399-2 examine l’affaire dans sa composition prévue au premier alinéa de l’article 398 en l’absence de coprévenus à l’égard desquels il devrait être statué par jugement contradictoire ou contradictoire à signifier.

« Art. 399-5-1 (nouveau). – Lorsque l’action de la partie civile n’est pas jointe à celle du ministère public, le tribunal correctionnel statue dans sa composition prévue au premier alinéa de l’article 398 pour fixer le montant de la consignation en application de l’article 392-1.

« Art. 399-6. – L’ordonnance prévue au premier alinéa de l’article 179 précise, s’il y a lieu, que les faits relèvent des dispositions de l’article 399-2 et que l’affaire est renvoyée devant le tribunal correctionnel citoyen.

« Art. 399-7. – Lorsque le tribunal correctionnel citoyen est saisi selon la procédure de comparution immédiate, la procédure prévue par les articles 395 à 397-3 est applicable sous réserve des adaptations prévues aux articles 399-8 à 399-11.

« Art. 399-8. – Si la présentation devant le tribunal correctionnel citoyen n’est pas possible le jour même et si les éléments de l’espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire, le procureur de la République peut traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention qui statue dans les conditions prévues à l’article 396.

« Lorsque le prévenu est placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, sa comparution devant le tribunal correctionnel citoyen doit intervenir à la première audience de ce tribunal et au plus tard dans le délai de huit jours. À défaut, le prévenu est mis d’office en liberté.

« Art. 399-9. –

Supprimé

« Art. 399-10. – Lorsque le prévenu placé en détention provisoire en application de l’article 399-8 demande sa mise en liberté conformément à l’article 148-1, sa demande est portée devant le tribunal correctionnel composé conformément au premier alinéa de l’article 398.

« Art. 399-11. – La durée de la détention provisoire exécutée en application de l’article 399-8 s’impute sur la durée prévue aux deux derniers alinéas de l’article 397-3.

« Art. 399-12. – Lorsque le tribunal correctionnel composé conformément au premier alinéa de l’article 398 constate que la qualification retenue dans l’acte qui le saisit entre dans les prévisions de l’article 399-2, il renvoie l’affaire devant le tribunal correctionnel citoyen.

« S’il a été saisi selon la procédure de comparution immédiate, le tribunal correctionnel peut ordonner le placement sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire du prévenu jusqu’à la date de l’audience de renvoi. Quelle que soit la procédure selon laquelle il a été saisi, il peut ordonner le maintien de ces mesures de sûreté jusqu’à cette date lorsque le prévenu en faisait l’objet lors de sa comparution. Les dispositions des articles 399-8, 399-10 et 399-11 sont applicables.

« Art. 399-13. – Lorsque le tribunal correctionnel citoyen constate que la qualification retenue dans l’acte qui le saisit relève du tribunal correctionnel composé conformément au premier alinéa de l’article 398, l’affaire est jugée immédiatement par les seuls magistrats.

« Lorsqu’il constate que la qualification retenue dans l’acte qui le saisit relève du tribunal correctionnel composé conformément au troisième alinéa de l’article 398, l’affaire peut être soit renvoyée devant le tribunal correctionnel ainsi composé, soit jugée par le seul président.

« Art. 399-14. – Lorsque le tribunal correctionnel dans sa composition prévue au troisième alinéa de l’article 398 constate que la qualification retenue dans l’acte qui le saisit relève des dispositions de l’article 399-2, il renvoie l’affaire devant le tribunal correctionnel citoyen. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Avec cet article, nous abordons le problème des délits pour le jugement desquels on a choisi que les tribunaux seraient composés de citoyens assesseurs et de magistrats.

Personnellement, je l’ai dit, je ne suis pas défavorable à la participation des citoyens à l’œuvre de justice, non sous la forme qui est proposée ici, mais plutôt au travers de l’échevinage. Cela dit, pour quels délits cette procédure a-t-elle été retenue dans le projet de loi ?

Je n’ignore pas que la commission a mis un peu d’ordre dans la liste de ces infractions. Nous assistons d'ailleurs à un jeu de duettiste redoutable entre M. le garde des sceaux, représentant le Président de la République, et M. le rapporteur. Ce dernier, pour maquiller un peu les intentions du Gouvernement, a ajouté à la liste des délits visés les atteintes à l’environnement, un sujet extrêmement complexe d’un point de vue juridique.

Ainsi les citoyens assesseurs interviendront-ils en cas de violences aux personnes, d’agressions et d’infractions au code de l’environnement. Pourquoi cette précision ? Pour notre part, nous aurions préféré que l’on ajoute à la liste les délits de corruption.

En effet, les citoyens assesseurs auraient été particulièrement intéressés de savoir pourquoi les hommes politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche d'ailleurs, sont tellement compromis avec les milieux d’affaires, et pourquoi il existe tant de procès pour ce chef. Toutefois, comme de juste, on n’a pas prévu ce genre de délits.

Par ailleurs, je ne comprends absolument pas le seizième alinéa de cet article – peut-être M. le garde des sceaux pourra-t-il m’éclairer à cet égard ? –, aux termes duquel les citoyens assesseurs délibéreront sur tout, sauf… « sur toute autre question ». Mais qu’est-ce qu’il reste ?

En effet, il ne s'agit pas d’exclure les citoyens assesseurs de la détermination des questions juridiques puisqu’ils délibéreront sur la qualification des faits, qui appartient tout à fait à cette catégorie et qui est extrêmement importante, notamment pour la suite de l’affaire en cause.

Tout cela montre que ce projet de loi a été très mal conçu, comme nous l’avons souligné hier soir. Ce n’est pas la peine de lui ajouter des dispositions : ce texte est mauvais, on ne peut plus mauvais !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

La question de la participation des citoyens au fonctionnement de la justice est tout à fait raisonnable et sensée. Elle est malheureusement déviée et déformée par le Gouvernement, qui s’en sert, tout simplement, pour instrumentaliser la justice à des fins qui, elles, sont bien moins fondées.

En effet, l’association étroite des citoyens aux jugements peut constituer une réponse adaptée à l’interrogation fondamentale qui porte sur la légitimité démocratique de la justice.

L’élection des juges a été avancée dans certains cas, mais elle est extrêmement dangereuse, en ce sens qu’elle porte atteinte à l’indépendance et à l’impartialité de la justice et remet totalement en cause son exercice démocratique. L’échevinage ou l’association de citoyens volontaires et compétents à l’exercice de la fonction de juger, aux côtés de professionnels, permet de rendre le peuple acteur d’une certaine justice.

Cette solution apparaît comme une manière de renforcer la légitimité démocratique de la justice sans pour autant porter atteinte à son indépendance. Loin de là l’idée du Gouvernement ! S’il communique beaucoup là-dessus, il utilise surtout cette idée pour faire des citoyens le bras armé d’une justice qu’il souhaite – il faut bien le dire – de plus en plus répressive. Comme si l’augmentation des mesures de répression n’avait pas déjà démontré l’ampleur de son inefficacité ! Une fois de plus, il poursuit dans cette voie, mais par d’autres moyens, continuant ainsi une certaine surenchère.

Ainsi, le choix des tribunaux et l’affectation en leur sein d’affaires précises auxquels seront associés ces deux citoyens assesseurs sont marqués par cette vision biaisée de la société. Ces citoyens seront associés aux jugements des tribunaux d’application des peines et aux jugements des délits des tribunaux correctionnels. Mais que l’on se rassure, ils ne seront pas associés à tous les délits ! Dans l’esprit même du Gouvernement, les délits économiques et financiers n’intéressent en rien les citoyens, lesquels seraient, en revanche, particulièrement au fait des atteintes aux personnes…

L’exclusion de ces délits économiques ne saurait se justifier par une quelconque complexité qui rendrait illusoire, voire dangereuse, la participation des citoyens à de tels jugements. En effet, en matière d’application des peines, les citoyens seraient amenés à participer alors que les professionnels eux-mêmes constatent une grande augmentation de la complexité de ces jugements.

Voilà quel est l’enjeu de la participation des citoyens : l’augmentation de l’enfermement et de la sévérité pour des affaires « graves », qui « portent quotidiennement atteinte à la sécurité et à la tranquillité » des Français ; comme si les délits économiques et financiers n’étaient pas aussi graves et ne portaient pas atteinte aux citoyens…

Loin de nous inscrire dans cette vision dangereuse, nous nous prononçons pour une participation des citoyens qui prenne modèle sur l’existant : des citoyens experts comme les assesseurs qui siègent au sein des tribunaux pour enfants ou bien les représentants syndicaux au sein des tribunaux prud’homaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 8 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 45 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 108 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet article 2 fixe la liste des infractions qui relèveront désormais de la compétence du tribunal correctionnel citoyen. Je voudrais quand même poser une question simple à M. le garde des sceaux et à M. le rapporteur pour les interroger sur la cohérence de ce choix.

À la lecture des textes, il apparaît qu’une ligne très précise est fixée. Elle consiste à viser « toutes les infractions qui portent atteinte à la cohésion de la société ». C’est vaste ! Après quoi, ce texte décline ce qu’est la cohésion de la société. Et il apparaît qu’au fond les infractions qui sont visées concernent les atteintes à la personne et les délits connexes à ces dernières. Cela m’amène à reprendre des propos déjà tenus pour vous demander si la corruption, l’escroquerie, l’abus de confiance et toutes les infractions commises en matière financière ne portent pas atteinte à la cohésion sociale.

On voit bien, lorsque se produisent une affaire comme celle de Jérôme Kerviel ou d’autres affaires beaucoup plus sensibles politiquement que la cohésion sociale se fragmente, s’émiette ! Dès lors, pourquoi ces infractions-là ne relèveraient-elles pas de la compétence du tribunal correctionnel citoyen ?

J’ai cru comprendre qu’il y avait une autre explication subsidiaire : que les infractions visées ne soient pas trop compliquées. J’observe quand même que notre excellent rapporteur nous a dit exactement le contraire voilà un instant. Ne vient-il pas de souligner que la cour d’assises se prononce sur des crimes qui revêtent une certaine complexité ? Et pourtant des jurés ne siègent-ils pas à la cour d’assises pour y examiner des affaires d’assassinats, de fausse monnaie, de proxénétisme aggravé et bien d’autres infractions ?

Si des jurés examinent d’ores et déjà ce genre d’affaires dans le cadre de la cour d’assises, pourquoi ne pourraient-ils pas se prononcer sur les cas que je viens d’énumérer : la corruption, le trafic d’influence et d’autres infractions comme l’homicide involontaire en matière d’accident du travail ou les délits d’entrave en matière de droit du travail ? Nous ne le savons pas et nous ne connaissons pas la raison pour laquelle ce texte vise à instaurer deux justices : une justice qui associe les citoyens, limitée à l’examen de certaines infractions, et une justice en dehors du regard du citoyen, réservée au traitement d’autres infractions qui concernent les affaires financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 45.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cet article 2 crée, en effet, un nouveau tribunal correctionnel comprenant deux citoyens assesseurs, et précise ses compétences.

Il y a donc un nouvel échelon dans la complexité juridictionnelle : alors qu’existent les jugements correctionnels à juge unique, des tribunaux correctionnels composés de trois magistrats – voire de deux magistrats et d’un juge de proximité –, un nouveau tribunal correctionnel citoyen composé de trois magistrats et deux citoyens-assesseurs va voir le jour. À ce tribunal vont s’ajouter les tribunaux correctionnels pour enfants, sans oublier les instances d’appel.

Ce ne sont pas moins de cinq juridictions extrêmement différentes qui pourront ainsi juger les délits, ce qui pose avec toujours plus d’acuité la question de l’égalité des citoyens devant la justice.

En outre, les compétences de ce tribunal correctionnel citoyen sont pour le moins contestables, car il s’agit d’associer les citoyens en première instance et en appel aux affaires dites « sensibles », celles qui « portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population ».

Pour le moins politiques, elles concernent principalement les atteintes aux personnes ou délits contre les biens accompagnés de violence qui sont passibles d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement, mais aussi les délits d’usurpation d’identité ou encore les infractions au code de l’environnement.

Le Conseil constitutionnel, s’il reconnaît au législateur la possibilité d’établir une liste limitative de crimes et de délits appelant des règles de procédure pénale spéciales, pose tout de même la nécessité d’une liste claire et précise pour respecter le principe de légalité. Cette liste doit également être cohérente et justifiée pour respecter les principes de proportionnalité.

En l’espèce, le Gouvernement et le rapporteur ont tenté de créer une cohérence a posteriori, mais il est clair que cette sélection a été établie en fonction des faits pour lesquels le Gouvernement souhaite une réponse pénale plus ferme : les agressions sexuelles, les homicides involontaires ou encore les vols avec violence pour lesquels le Gouvernement estime que les juges seraient plus indulgents que les citoyens.

Nous sommes donc formellement opposés à l’introduction de citoyens assesseurs au nom de la poursuite de votre objectif illusoire d’efficacité sécuritaire augmenté et de défiance envers les magistrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 108 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Par moments, ce débat revêt un caractère un peu surréaliste ! Lorsqu’on nous dit qu’il faut que les décisions de justice soient mieux acceptées, cela va à l’encontre de ce que j’avais compris, au fil de mon expérience acquise dans la vie juridique et judiciaire, à savoir qu’il n’appartenait à personne de critiquer les décisions de justice et de les remettre en cause.

Et, lorsque j’entends M. le rapporteur nous dire, prenant l’exemple de l’application des peines, que le fait d’associer deux citoyens assesseurs aux décisions prises pour statuer sur les libérations conditionnelles permettra de mieux faire accepter lesdites décisions, cela m’apparaît absolument stupéfiant !

S’agit-il de faire retomber la responsabilité de décisions qui ne correspondraient pas à ce que pense une certaine opinion publique sur ces citoyens assesseurs ? Faut-il comprendre que les magistrats professionnels vont se cacher derrière les citoyens assesseurs ?

Le métier des magistrats, c’est de rendre la justice et d’assumer leurs responsabilités. Ce n’est pas de chercher les paravents ! Et je crois que, là, vous faites totalement fausse route !

J’en viens à l’article 2.

Comme M. Badinter l’a très justement rappelé hier, le fait d’associer deux citoyens assesseurs à trois magistrats, n’en fait pas un système comparable aux jurés d’assises.

Par ailleurs, notre collègue Alain Anziani a très justement rappelé qu’il manquait certains délits sur la liste de ceux qui seraient visés. Nous avons déjà mentionné les lacunes : rien sur les délits financiers ! Rien sur le trafic de stupéfiants ! Ne croyez-vous pas, pour être totalement en accord avec vos objectifs, qu’il serait bon que des citoyens assesseurs voient ce qu’est le trafic de stupéfiants, ce que sont les conséquences de l’usage et du trafic des stupéfiants ? Mais vous, sur la liste des infractions visées, vous préférez inclure les homicides découlant des morsures de chiens ! C’est un choix, mais un choix extrêmement discutable !

Dans certains alinéas – nous y reviendrons –, l’articulation entre les diverses mesures est d’une complexité telle qu’elle donnera sans doute du travail à certains conseils. Je ne crois pas que ce soit une bonne solution. Ainsi, on voit bien les difficultés que pourra engendrer l’articulation avec la comparution immédiate. Tout cela n’est ni fait ni à faire ! Nous le répétons, c’est du mauvais travail législatif qui justifie la suppression de la totalité de cet article 2, comme celle du reste du texte d’ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ces amendements tendent à supprimer l’article 2, qui prévoit la participation des citoyens assesseurs au jugement des délits.

Il faut d’abord rappeler que ces dispositions, comme toutes celles qui concernent la participation des citoyens assesseurs aux juridictions pénales, présentent un caractère expérimental. Elles ne feront l’objet d’une généralisation qu’au vu des résultats de cette expérimentation à compter de 2014.

Votre commission a, par ailleurs, apporté des améliorations très significatives au dispositif proposé, qui suscitait quelques objections.

Le texte prévoyait que, dans le cadre de la comparution immédiate, le prévenu pourrait être placé en détention provisoire pour une durée pouvant aller jusqu’à un mois, le temps nécessaire pour permettre à la formation comprenant des citoyens assesseurs de se réunir.

Sur l’initiative de notre collègue François Zocchetto, votre commission a ramené ce délai de un mois à huit jours.

Les critiques portaient également sur le périmètre des infractions entrant dans le champ de compétence du tribunal correctionnel citoyen, limité aux violences aux personnes. Cette spécialisation revenait à « cibler » une catégorie de délinquants qui, le plus souvent, se recrutent au sein d’une frange particulièrement démunie de la population.

D’autres formes d’atteintes aux personnes aussi graves auraient continué de relever des seuls magistrats professionnels. Il n’était pas sûr que ce traitement différencié contribue à rapprocher les citoyens de l’œuvre de justice.

C’est pourquoi votre commission a décidé d’élargir le périmètre des compétences du tribunal correctionnel citoyen à l’ensemble des atteintes aux personnes passibles d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans. Ce critère semble cohérent au regard de la nature des infractions concernées et de leur gravité. Il recouvre, en outre, des formes de délinquance d’origine plus diverse que celle des faits de violence.

Ainsi, au-delà des seules violences relèveront, par exemple, du tribunal correctionnel citoyen, le délaissement d’une personne vulnérable, le fait de soumettre une personne vulnérable ou dépendante à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques.

Nous avons ajouté à cette liste le délit d’usurpation d’identité, ainsi que les infractions prévues par le code de l’environnement dès lors qu’elles sont punies d’une peine égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement.

Si la cohérence n’était pas totale, nous aurions l’ensemble de la période d’expérimentation pour tenter de nous approcher d’une cohérence plus parfaite.

J’en viens au problème de l’application des peines, domaine dans lequel je n’arrive décidément pas à trouver, pour le moment du moins, l’accord parfait avec M. Mézard. Je rappellerai simplement que ce qui peut choquer une partie de l’opinion, c’est le fait que des décisions prises par des cours d’assises, et donc par une majorité de jurés populaires, sont remises en cause soit par un juge de l’application des peines lorsque les condamnations sont de dix ans au moins, soit par d’autres magistrats professionnels.

Je ne pense pas que la présence de citoyens assesseurs va changer le fond des décisions prises. Mais je pense que les citoyens qui étaient représentés au niveau de la cour d’assises trouveront cohérent et satisfaisant d’être représentés également dans le domaine de l’application des peines.

J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur les trois amendements de suppression.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'aurez compris, le Gouvernement tient à ce texte. Il ne peut donc qu’être défavorable à tout amendement de suppression.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 9, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Du tribunal de police correctionnel

La parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Madame la présidente, j'indique d'emblée que je vais retirer cet amendement, car il s'agit avant tout d'ouvrir la discussion.

La dénomination qui a été retenue n'est pas bonne. En effet, on ne peut appeler cette nouvelle instance « tribunal correctionnel citoyen » quand il existe déjà un tribunal correctionnel composé exclusivement de magistrats, qui, eux aussi, sont des citoyens. Cette dénomination est donc trompeuse.

Il y a là, je le conçois bien, une difficulté, mais je souhaite que, au cours des travaux parlementaires, nous parvenions à une appellation plus satisfaisante que celle qui nous est proposée.

L'adjectif « populaire » est à exclure : il a subi, hélas ! trop de connotations désastreuses en matière judiciaire pour que nous l’envisagions ne serait-ce qu’un instant.

Pour ma part, je suggère, non pas le retour aux origines, c'est-à-dire à la terminologie du code d'instruction criminelle, car il ne s’agit que d’une proposition formulée plaisamment pour attirer l’attention sur le problème, mais « tribunal correctionnel mixte ».

Cette solution serait, pour les magistrats, tout de même préférable à celle qui consiste à laisser entendre que le tribunal composé uniquement de magistrats ne serait pas citoyen. De plus, une telle dénomination aurait le mérite de décrire effectivement la réalité de la composition de cette instance.

Cela étant précisé, je vais retirer l’amendement, mais libre à vous de le reprendre, monsieur le rapporteur, si vous le souhaitez !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La suite de la discussion parlementaire permettra vraisemblablement de trouver une appellation plus satisfaisante que celle qui a été retenue dans ce projet de loi.

J'avais émis quelques réticences sur la proposition « tribunal de police correctionnel », en raison de la confusion que cette appellation pourrait entretenir avec celle de tribunal de police.

M. le garde des sceaux se prononcera sur la suggestion de « tribunal correctionnel mixte ». À cet égard, je fais observer que certains de mes collègues souhaitaient que les deux citoyens assesseurs ne soient pas de même sexe. Ce tribunal serait alors doublement mixte : il compterait à la fois des citoyens et des magistrats et des hommes et des femmes !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je reconnais que l'appellation retenue n'est pas la meilleure qui soit. On peut certainement trouver mieux, et je suis tout à fait ouvert à la discussion.

Pour autant, il faut absolument que demeure un tribunal correctionnel de droit commun, afin que soit strictement respectée la décision du Conseil constitutionnel de 2005.

J’ai bien entendu la suggestion de M. Badinter, mais il faut prendre garde au sigle qui ne manquera pas d’être utilisé dans la pratique : le ministère de la justice dispose de peu de moyens – vous n’avez d’ailleurs de cesse de le rappeler – et il est évidemment plus économique de recourir aux initiales !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

En tout cas, d’ici à la fin de la navette parlementaire, je suis prêt à étudier la question avec le rapporteur et tous les parlementaires intéressés pour trouver l’appellation la plus adéquate.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Supprimez le tribunal correctionnel pour mineurs, ce sera plus facile !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’amendement n° 9 est retiré.

L'amendement n° 109 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'alinéa 6 crée le « tribunal correctionnel citoyen » – appellation peut-être provisoire, donc –, composé, outre de trois magistrats, de deux citoyens assesseurs. Cet alinéa se conclut ainsi : « Il ne peut alors comprendre aucun autre juge non professionnel. »

Nous nous sommes déjà longuement expliqués sur les raisons pour lesquelles nous nous opposons à cette création tout à fait originale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Oui, c’est le terme !

… et qui ne peut avoir aucun effet positif sur notre justice.

Voilà quelques semaines, sur l'excellent rapport de notre collègue Yves Détraigne, nous avons discuté des juges de proximité. Vous aviez supprimé les juridictions de proximité et prévu de demander aux juges de proximité de compléter les juridictions correctionnelles. Or le Conseil constitutionnel a déjà rendu une décision sur ce point : les magistrats professionnels doivent être majoritaires dans ces compositions.

En d’autres termes, monsieur le garde des sceaux, vous allez devoir vous priver de la présence de ces supplétifs qu’étaient les juges de proximité. Je me permets donc de vous poser à nouveau la question, puisque vous n’y avez toujours pas répondu : qu'allez-vous en faire ?

Par ailleurs, y a-t-il une cohérence entre le texte voté voilà un mois et le texte qui nous est soumis aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C'est plutôt la cohérence dans l'incohérence ! C’est une nouvelle formule de la vie législative ! Encore une fois, nous avons la démonstration de l'absence totale de logique et de simple bon sens !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission émet un avis défavorable.

La Haute Assemblée a contribué à sauvegarder la compétence des juges de proximité en matière civile. Il existera également des formations correctionnelles dans lesquelles les citoyens assesseurs ne seront pas présents et où le juge de proximité pourra trouver toute sa place.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je fais miens les propos de la commission.

M. Mézard le sait bien : malheureusement, chaque année, environ 110 000 décisions sont rendues par les tribunaux correctionnels. Désormais, 40 000 le seront par les tribunaux correctionnels comprenant des citoyens assesseurs. Il restera 70 000 décisions rendues par des formations susceptibles de comporter des juges de proximité, qui rempliront par ailleurs les fonctions civiles qui leur ont été conservées à la suite du vote du Sénat, voilà quelques semaines.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 110 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 7 à 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Les alinéas 7 à 12 énumèrent les délits relevant de ce qui s’appelle encore le « tribunal correctionnel citoyen », c'est-à-dire « les atteintes à la personne humaine passibles d'une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans », « les vols avec violence », « les destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans », « l'usurpation d'identité », « les infractions prévues par le code de l'environnement passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans ».

Nous avons déjà souligné que ce choix totalement arbitraire et discriminatoire n'avait d'autre but que d'utiliser un certain nombre d'affaires médiatisées pour justifier l'intégration de citoyens assesseurs dans la composition des tribunaux correctionnels. Des exemples sont mentionnés dans le rapport : chauffards, propriétaires de chien dont l'animal a provoqué une mort violente… Bref, il s’agit de délits ayant fait épisodiquement la une des journaux dans les dernières années ou les dernières semaines.

En revanche, on a pris soin d’omettre de cette liste toute une série d'infractions que, s’il fallait vraiment instituer les citoyens assesseurs, il aurait pourtant été opportun d’y faire figurer. Je pense notamment à la délinquance économique. Mais que faites-vous depuis des mois ? Vous vous employez à éliminer au maximum cette forme de délinquance de l'audience publique des tribunaux correctionnels !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Et, pour cela, vous utilisez la CRPC, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou, pour des infractions moins graves, les ordonnances pénales, qui se multiplient. Voilà la réalité !

J’ai évoqué le trafic de stupéfiants. Certes, on peut mettre en avant le travail accompli, par exemple par les douanes, et c'est très légitime. Toutefois, si l’on considère que la lutte contre les infractions de ce type relève, comme c'est écrit dans le rapport, des « exigences de cohésion sociale », on ne peut que rester pantois, car c'est vraiment la démonstration que ce n'est pas une politique pénale, monsieur le garde des sceaux, mais que c'est une politique médiatique !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 46, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les délits économiques et financiers prévus à l’article 704 du code de procédure pénale. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Ce texte exclut du champ des compétences des tribunaux correctionnels citoyens les délits relevant du domaine économique et financier, qui intéressent néanmoins tout autant les citoyens.

Il nous semble indispensable que, si des citoyens doivent être associés aux tribunaux correctionnels, ils le soient également pour ces affaires, les décisions rendues n’étant pas plus sévères dans ce domaine que dans celui des atteintes aux personnes, bien au contraire.

Le laxisme des juges dénoncé par le Gouvernement semble étrangement s’arrêter aux délits économiques. L’impératif de renforcement du lien entre la population et l’institution judiciaire aurait-il des frontières ? À moins que vous n’ayez peur du jugement que porteront les citoyens sur ces délits-là…

Dès lors qu’il est envisagé de faire participer des citoyens aux tribunaux d’application des peines, qui sont notoirement confrontés à des situations pour le moins complexes, pourquoi empêcherait-on les citoyens de statuer aux côtés des magistrats sur les délits économiques et financiers ?

Car, s’il est un domaine où l’on peut parler d’évolution de la société, c’est bien celui-là ! On ne peut sélectionner ainsi, parmi les délits, ceux pour lesquels les magistrats auraient suivi cette évolution et ceux pour lesquels ils seraient à la traîne... C’est pourquoi, monsieur le garde des sceaux, par cet amendement, nous proposons d'aller au bout de votre propre logique.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 158, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

, ainsi que les extorsions prévues et réprimées par les articles 312-1 et 312-2 du code pénal

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement tend à réparer une omission. En effet, les extorsions, qui sont des infractions d’une particulière violence à l’égard des personnes, ont vocation à être jugées par le tribunal correctionnel citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 12, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° – La corruption active et le trafic d’influence commis par les particuliers prévus aux articles 433-1 et 433-2 du code pénal.

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Par cet amendement, nous entendons ajouter à la liste des délits relevant de la compétence du « tribunal correctionnel citoyen » la corruption active et le trafic d’influence. En effet, s’il est des délits qui sont médiatisés et dont la résolution n’est pas forcément bien comprise des citoyens, en tout cas les exaspère et fait naître toutes sortes de soupçons, ce sont bien ces affaires politico-financières où des élus se laissent corrompre. Car il s’agit d’argent public : ce n’est pas de l’argent qui n’a pas d’odeur ; c’est de l’argent qui vient de la poche des contribuables, des citoyens et qui est détourné de son utilisation première.

Ces délits et l’incompréhension qui découle éventuellement de la façon dont l’affaire a pu être jugée sont à mon sens porteurs de conséquences beaucoup plus graves que toutes les émotions ponctuelles qui sont soulevées par des faits divers, même s’il s’agit d’événements dramatiques.

C’est à partir de cela que se développe chez nos concitoyens une méfiance de fond. C’est cela qui les éloigne des structures politiques et du fonctionnement démocratique. Ces délits et le traitement auquel il donne parfois lieu ont, sur la cohésion républicaine, des effets certainement beaucoup plus destructeurs que tous les autres délits qui sont actuellement visés dans le projet de loi.

C’est la raison pour laquelle il nous paraît fondamental de les ajouter à la liste prévue.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’amendement n° 10, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Cet amendement vise à supprimer l’usurpation d’identité de la liste des délits relevant de la compétence du tribunal correctionnel avec participation de citoyens assesseurs. Mais je consens à le retirer parce que je sais M. le rapporteur très attaché à la mention de ce délit, et aussi parce que le tribunal aura très rarement à connaître de tels cas, le délit en question étant fort difficile à établir.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’amendement n° 10 est retiré.

L’amendement n° 11, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

En revanche, je ne retirerai pas cet amendement, qui tend à supprimer de ladite liste les infractions commises en matière d’environnement, car on ne voit pas très bien lesquelles seront concernées.

En la matière, les infractions sont multiples : volontaires ou involontaires, elles touchent tous les domaines de la nature, les rivières, le sol, l’air, et l’ensemble des activités, qu’il s’agisse de la chasse, de la pêche ou des cultures d’OGM. Tout cela est extrêmement technique, à tel point que la création d’une police spéciale en matière d’environnement est prévue et qu’une formation spécifique sera dispensée, au sein de l’ENM, afin que, au moins au niveau des cours d’appel, les magistrats siègent en chambres spécialisées pour juger les délits commis en matière d’environnement.

Que signifie donc un tel ajout à cette liste ? Je l’ai dit tout à l’heure, voilà une disposition purement cosmétique : vous maquillez la réalité pour l’enjoliver, pour faire croire que le dispositif ne se limite pas aux violences et aux atteintes aux personnes.

Soyez francs et reconnaissez donc que vos choix ne sont guidés que par une volonté purement répressive !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’amendement n° 159, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le tribunal correctionnel citoyen n’est toutefois pas compétent pour le jugement des délits prévus au présent article lorsqu’il s’agit d’un délit mentionné aux articles 706-73 et 706-74 ou, sous réserve des dispositions de l’article 399-3, mentionné à l’article 398-1.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements qui n’émanent pas d’elle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L’amendement n° 159 vise à exclure de la compétence d’attribution du tribunal correctionnel comprenant des citoyens assesseurs les délits relevant de la délinquance organisée, comme le trafic de stupéfiants, ou les délits qui sont de la compétence du juge unique en application de l’article 398-1 du code de procédure pénale.

La commission est évidemment défavorable à l’amendement n° 110 rectifié, dont l’adoption aurait pour conséquence de vider totalement de son contenu cette compétence d’attribution.

Elle est également défavorable aux amendements n° 46 et 12, qui tendent à étendre la compétence du tribunal correctionnel citoyen, pour le premier, aux délits économiques et financiers, et, pour le second, aux délits de corruption active et de trafic d’influence.

L’intention des auteurs de ces deux amendements est sans doute de viser une délinquance en « col blanc », afin d’éviter le risque d’une justice à deux vitesses qu’aurait pu entraîner la spécialisation du tribunal correctionnel citoyen sur les faits de violence. Or ce risque est, me semble-t-il, en partie conjuré par l’extension, décidée par la commission, des compétences du tribunal correctionnel citoyen à l’ensemble des atteintes aux personnes.

En outre, à ce stade, il me semble préférable de garder des critères de compétence cohérents, articulés autour des atteintes aux personnes, ce qui n’exclut pas, bien sûr, au vu des résultats de l’expérimentation, de prévoir par la suite une nouvelle extension des attributions du tribunal correctionnel avec citoyens assesseurs.

Tout en remerciant mon collègue Jean-Pierre Michel d’avoir retiré l’amendement n° 10, relatif au délit d’usurpation d’identité, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur son amendement n° 11. Il nous a semblé que les infractions prévues par le code de l’environnement passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans, c’est-à-dire les infractions effectivement les plus graves en la matière, telles les pollutions maritimes, constituaient aussi et même fondamentalement des atteintes graves aux personnes.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement est favorable aux amendements n° 158 et 159 de la commission et partage l’avis défavorable de cette dernière sur l’ensemble des autres amendements.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l’amendement n° 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Si nous, écologistes, avons souhaité être cosignataires de cet amendement de repli, c’est parce qu’il nous semblait logique que votre « tribunal correctionnel citoyen » soit également compétent pour juger des délits financiers, notamment ceux de corruption active et de trafic d’influence commis par les particuliers.

À l’article 2, le Gouvernement précise en effet les compétences et les modalités de saisine du tribunal correctionnel comprenant deux citoyens assesseurs, puis énumère la liste des délits jugés par ce même tribunal correctionnel, mais en omettant les délits financiers.

Dans son esprit, les citoyens assesseurs ne seraient-ils donc pas suffisamment compétents pour juger de tels délits, qui touchent régulièrement la sphère politique française ? Dans ces cas précis, il semble ne pas s’en remettre à la vox populi… Comme c’est curieux !

Pourtant, parmi les délits dont aura à juger le tribunal correctionnel citoyen, novice en la matière, on trouve des délits beaucoup plus complexes, tels que les atteintes à la personne humaine ou encore les fameux délits environnementaux.

Faut-il le rappeler, ces citoyens assesseurs seront amenés à prendre la « décision sur la qualification des faits ». Or le doute plane sur la manière dont ils seront formés à la complexité de notre droit pénal.

La qualification des délits énumérés à l'article 2 est relativement délicate, notamment lorsqu’il s’agit de raisonner sur les éléments constitutifs de l’infraction. Je me permets de reprendre l’exemple des infractions prévues par le code de l’environnement, dont les subtilités peuvent même parfois échapper à des juristes généralistes. Le droit de l’environnement, extrêmement spécifique, est assez difficile à cerner. Si certains juristes, avocats et enseignants en droit, avouent éprouver des difficultés en la matière, on peut déduire que vos deux citoyens assesseurs ne manqueront évidemment pas de rencontrer des problèmes pratiques, sauf à ce que les magistrats présents dans la formation correctionnelle consacrent un temps important à leur expliquer les « bases » dans ce domaine.

Ce n’est donc pas l’excuse de la complexité des délits financiers qui a conduit le Gouvernement à les exclure de cette liste, auquel cas les atteintes à la personne, l’usurpation d’identité ou encore les infractions environnementales ne pourraient pas y figurer non plus !

Cette liste de délits, de laquelle les délits financiers ont été curieusement « oubliés », marque bien les limites de la confiance que place le Gouvernement dans ces jurés populaires.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’amendement n° 111 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 13 à 15

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Les alinéas 13 à 15 de l'article 2, relatifs aux infractions connexes, loin d’être anodins, posent un véritable problème juridique, que j’ai déjà soulevé hier en défendant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Ainsi que le relève le Gouvernement dans l’étude d’impact, « 1 500 affaires relevant de la compétence d’attribution du tribunal correctionnel avec des citoyens assesseurs seront en définitive jugées par le tribunal correctionnel sans citoyens assesseurs ».

L’aiguillage se fera selon qu’il existe ou non des infractions connexes. Or le Conseil constitutionnel a déjà rappelé, dans sa décision du 23 juillet 1975, que le respect du principe d’égalité « fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes ».

Ce qui nous est proposé, avec ces alinéas 13 à 15, c’est une ventilation extrêmement compliquée des infractions connexes. À ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui n’ont pas eu l’occasion de fréquenter les salles d’audience ou de rédiger des conclusions je précise que les magistrats professionnels, en particulier ceux du parquet, pourront arguer de l’existence ou non d’infractions connexes pour diriger les affaires vers telle ou telle composition de chambre.

Pour me répondre, on bottera certainement en touche, comme d’habitude, et on remplacera l’absence d’argument juridique par de l’onctuosité…

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Voilà donc une possibilité d’aiguillage réellement arbitraire !

Vous pourrez toujours chercher toutes les explications possibles – et vous aurez d’ailleurs du mal à en trouver –, vous serez de toute façon bien en peine de répondre d’un point de vue technique à mon interrogation, laquelle justifie la suppression pure et simple de ces trois alinéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur Mézard, je m’efforcerai de ne pas confondre onctuosité et courtoisie !

Si vos remarques sont tout à fait dignes d’être prises en considération, on se trouve ici dans le cadre de l’application des règles en matière de connexité utilisées, par exemple, au niveau des cours d’assises. Le fait de revenir sur des règles différentes risquerait de vider de sa substance la compétence du tribunal correctionnel citoyen.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Plus qu’une explication de vote, je voudrais faire une observation générale à la suite des avis exprimés par M. le rapporteur et M. le ministre.

À propos de la liste des délits entrant ou non dans le champ de compétence de ce tribunal, on a beaucoup parlé de « cohérence ». Vous-même, monsieur le rapporteur, avez tenté de rendre le dispositif plus cohérent. Mais il y a tout de même une certaine cohérence, et elle est déjà présente dans le projet initial.

Ainsi les délits visés sont-ils très connotés socialement et touchent-ils particulièrement les catégories populaires. Parce qu’ils sont fortement médiatisés par les journaux locaux, et surtout par la télévision – certains de ses journalistes ou animateurs se font quotidiennement les spécialistes de ce genre de « sujets » –, ces délits courants ternissent le « vivre ensemble » dans les quartiers populaires. Évidemment, dans les quartiers qui le sont beaucoup moins, c’est bien connu, on ne vit pas beaucoup ensemble : on vit entre soi !

Votre refus de sortir de cette logique est manifeste. Ainsi, lorsque nous proposons d’ajouter les délits financiers ou le trafic de stupéfiants à la liste – vous pouvez certes y voir de la provocation de notre part puisque nous sommes hostiles au principe ! –, vous ne nous donnez aucune raison valable pour vous y opposer.

Notre collègue Jacques Mézard soulève le problème des infractions connexes aux infractions entrant dans le champ de compétences du tribunal correctionnel citoyen. Ces dispositions nous entraînent dans une complexité très grande et aboutissent à de multiples incohérences puisque les infractions connexes peuvent être extrêmement diverses.

Vous vous préoccupez de la façon dont la société apprécie les décisions de justice. Toutefois, il faudrait se demander comment les auteurs d’infractions, qui sont aussi nos concitoyens, comprendront qu’ils soient renvoyés soit devant le tribunal correctionnel dit « citoyen » – avec tout ce que cette qualification peut avoir d’ambigu, cela a été dit –, soit devant le tribunal correctionnel composé uniquement de magistrats professionnels, ou encore devant le tribunal correctionnel comprenant d’ex-juges de proximité.

Quid de l’égalité des citoyens devant la justice ? Ces dispositions ne font que complexifier le fonctionnement de la justice aux yeux de nos concitoyens.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 160, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Après les mots :

de l’article 398-1,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

ainsi que les délits d’atteintes aux biens prévus par le chapitre Ier du titre Ier et par les chapitres Ier et II du titre II du livre III du code pénal.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il s’agit de simplifier l’écriture de l’alinéa et de supprimer des références inutiles ou erronées.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 112 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je rappelle les termes de cet alinéa 16 : « La décision sur la qualification des faits, la culpabilité du prévenu et la peine est prise par les magistrats et les citoyens assesseurs. Sur toute autre question, la décision est prise par les seuls magistrats. »

Je souhaite obtenir une précision, monsieur le garde des sceaux, et je ne doute pas que vous allez me la donner.

J’ai sous les yeux les articles 384 et 385 du code de procédure pénale. Qu’en est-il des exceptions qui peuvent être proposées par le prévenu pour sa défense, le principe dans notre droit pénal étant, vous le savez, que le juge de l’action est le juge de l’exception ? Qu’en est-il, en particulier, des questions préjudicielles relatives à la qualification, sachant que les exceptions de nullité visées à l’article 385 restent – vous me le confirmerez certainement – de la compétence des magistrats professionnels ?

Pour le cas où ce texte trouverait application, ce sont là des débats très intéressants non seulement pour les praticiens, mais aussi et surtout, car c’est l’essentiel, pour les justiciables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission est défavorable à cet amendement.

Le texte, en l’espèce, reprend directement la disposition qui s’applique devant les cours d’assises. S’agissant des questions préjudicielles, si l’on prend le cas de celles qui sont liées à l’appréciation de légalité ou à l’interprétation d’un acte administratif, le droit qui s’appliquera – c’est le droit dégagé par le Conseil d’État et le tribunal des conflits – sera exactement le même que celui qui est applicable devant les juridictions d’assises.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cet alinéa important ne saurait être supprimé : il prévoit que les citoyens assesseurs statueront non pas sur des incidents de procédure, mais uniquement sur la culpabilité et la peine. Comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, cette disposition est similaire à celle qui s’applique pour les jurés d’assises

Elle ne devrait pas soulever de difficulté puisque les assesseurs feront l’objet d’une information générale adaptée. En complément, l’article 4 du projet de loi prévoit des adaptations nécessaires de la procédure devant les tribunaux correctionnels citoyens afin de garantir l’aptitude des citoyens assesseurs à participer de manière effective au jugement des affaires qui leur seront soumises.

Ces adaptations procédurales garantissent la constitutionnalité de l’intervention des citoyens assesseurs.

Pour autant, si ces garanties permettent aux citoyens assesseurs de se prononcer de manière éclairée sur la qualification des faits, la culpabilité et la peine, ainsi que le prévoit l’alinéa 16 de l’article 2 du projet de loi, les autres décisions techniques seront prises par les seuls magistrats professionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le ministre, je m’interroge sur la réelle efficacité d’une journée de formation en la matière.

Depuis maintenant trois ans que je me forme en droit au sein de notre assemblée, je suis encore loin de tout connaître et de tout comprendre. Dès lors, j’ai vraiment beaucoup de mal à imaginer qu’en une seule journée de formation les citoyens sélectionnés sur la base d’un tirage au sort seront tous capables, quels que soient leur milieu social et leur niveau culturel, d’assurer avec compétence les missions qu’on va leur confier.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 113 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 17 et 18

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ces deux alinéas dont nous demandons la suppression instaurent en réalité des procédures de renvoi en cas de jugement par défaut, c’est-à-dire quand le prévenu ne se présente pas, ou en cas d’audience de fixation de la consignation de la partie civile, c’est-à-dire du plaignant.

On peut s’étonner de ce système, et d’abord parce que les parties civiles peuvent être présentes à l’audience de jugement par défaut. Ensuite, dans tous les cas, si le prévenu fait opposition, il sera jugé par la formation créée à l’article 399-1.

La bonne administration de la justice et le principe d’égalité devant la loi imposent, selon nous, que toutes les infractions relevant de l’article 399-2 nouveau soient jugées par une formation identique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission émet un avis défavorable.

En l’occurrence, il ne s’agit pas de procédures de renvoi. Ce sont des cas où le tribunal qui statue doit être exclusivement composé de magistrats.

En l’espèce, nous estimons que, dans l’hypothèse où le prévenu est absent et où il n’y a pas de coprévenus, il n’est pas utile de faire appel aux assesseurs citoyens.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement émet le même avis. Il s’agit de mesures d’administration judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La réponse qui m’est apportée à la fois par la commission et par le Gouvernement est parfaitement compréhensible. Toutes les opinions sont respectables, en particulier en matière juridique. Cependant, monsieur le rapporteur, monsieur le garde des sceaux, votre raisonnement me paraît illogique. Vous considérez que le citoyen assesseur ne doit pas participer au tribunal lorsqu’il y a jugement par défaut. Or un jugement par défaut implique une décision.

D’un côté, vous visez un certain nombre d’infractions qui justifient la composition du « tribunal correctionnel citoyen », futur ex-citoyen, mais, d’un autre côté, si le prévenu ne vient pas, exit le citoyen assesseur. C’est la démonstration qu’il s’agit bien là d’un problème d’opinion publique et de médiatisation !

Je rappelle en outre que le prévenu condamné par défaut peut faire opposition dans certains cas. D’autres voies de recours peuvent aussi être utilisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

J’espère qu’au cours de la journée de formation vous n’oublierez pas d’expliquer aux citoyens assesseurs tous ces systèmes et procédures de renvoi d’une formation à une autre afin qu’ils comprennent pourquoi, parfois, ils siègent tandis que, en d’autres occasions, ils ne siègent pas. Cela va les intéresser !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il faudra expliquer aussi au prévenu que, s’il ne se présente pas, il sera jugé de telle façon et, s’il se présente, de telle autre. Il pourrait d’ailleurs, s’il est bien informé, choisir d’être présent ou non en fonction de la formation devant laquelle il sera jugé et de sa sévérité, ou de sa bienveillance, présumée. On frise le ridicule !

Vous avez fixé une liste de délits relevant du tribunal correctionnel citoyen. Ou vous vous y tenez ou vous entrez dans une autre logique ! Faut-il, comme l’a dit Jacques Mézard, que le citoyen voie la tête du prévenu pour juger de telle ou telle façon ? C’est absolument injustifiable ! Il faut vraiment arrêter cela !

Ce raisonnement ne correspond pas du tout à votre propre logique puisque celle-ci est censée se fonder sur certaines catégories de délits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

J’ajouterai deux arguments complémentaires, sans espérer pour autant emporter la conviction des adversaires de ce projet…

Tout d’abord, l’oralité des débats est un élément important devant le tribunal correctionnel. Ils n’auront guère d’intérêt en l’absence du prévenu, s’il n’y a pas de coprévenus.

Ensuite, on finira bien par retrouver la personne qui aura été jugée par défaut, à moins qu’elle ne se soit volatilisée à tout jamais dans la nature ! Elle passera alors devant la formation correctionnelle avec les assesseurs citoyens.

Il me semble qu’il y a là une certaine cohérence.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 114 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Madame la présidente, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements n° 115 rectifié, 116 rectifié, 117 rectifié et 118 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

J’appelle donc en discussion l'amendement n° 115 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 116 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 21 et 22

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 117 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 118 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Supprimer cet alinéa.

Alinéa 24

Supprimer cet alinéa.

Veuillez poursuivre, monsieur Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avant de les défendre, madame la présidente, je me permettrai de réagir à ce que je viens d’entendre.

Un jugement par défaut n’a pas lieu seulement dans le cas où l’on ne retrouve pas le prévenu. Il se peut que le prévenu soit absent tout simplement parce qu’il n’a aucune envie de comparaître.

Avec votre système à multicomposition, véritable usine à gaz, le prévenu pourra préférer être condamné par défaut, surtout dans les petites juridictions, plutôt que de comparaître devant la juridiction composée avec des citoyens assesseurs. Du reste, c’est déjà ce qu’on observe de plus en plus sur le terrain : aujourd'hui, mes chers collègues, beaucoup de prévenus font volontairement le choix de ne pas comparaître. Et, soulignons-le, cela ne change guère le cours des choses !

Les amendements n° 114 rectifié et 115 rectifié sont des amendements de coordination.

C’est également le cas des amendements n° 116 rectifié, 117 rectifié et 118 rectifié, mais ils vont un peu au-delà de la coordination et je souhaite apporter à leur propos quelques explications complémentaires.

L’article 399-8 institue, à l’instar des articles suivants, des procédures de renvoi d’une formation à l’autre qui sont extrêmement complexes.

Vous ne cessez de nous faire examiner des lois de « simplification du droit », et dans le même temps, hélas ! de compliquer les textes. Ces procédures complexes alourdiront encore davantage le fonctionnement, déjà peu simple, des juridictions. Cette usine à gaz sera incompréhensible tant pour les citoyens assesseurs que pour les victimes et pour les prévenus.

Pour ce qui est des citoyens assesseurs, ils devront assimiler en une journée ce dont nous débattons depuis hier ! Et vous, mes chers collègues, vous êtes déjà très avertis de ces sujets, tandis que la plupart des futurs assesseurs, eux, ne possèdent pas vos connaissances. Pourtant, après cette unique journée de formation, ils devront statuer sur la qualification, la culpabilité et la sanction, ce qui représente tout de même une responsabilité. Quel étrange système ! Et quelle curieuse conception de la justice !

Par ailleurs, ce dispositif ouvre la voie à des dysfonctionnements encore plus importants. Si le prévenu placé en détention provisoire ne peut être jugé par le tribunal citoyen dans les huit jours, il sera automatiquement remis en liberté. On pourra ainsi voir libérées des personnes dangereuses pour la société, des récidivistes ! Nul doute que cela provoquera quelques réactions médiatiques, ce qui vous conduira à nous proposer de nouveaux textes...

Cela étant dit, je tiens à rappeler que, pour nous, la privation de liberté doit être l’exception absolue.

Quoi qu'il en soit, en élaborant ces mécanismes d’une complexité extrême, vous allez à l’encontre de ce que vous souhaitez puisque cet article crée la possibilité, qui n’existait pas auparavant, de libérer par anticipation des personnes pouvant présenter un danger, alors que l’objectif du projet de loi était précisément – autant dire les choses comme elles sont ! – d’aggraver les peines pour mettre ces personnes hors d’état de nuire. Souvenons-nous de la colère du chef de l’exécutif contre les magistrats après les affaires de Grenoble ou de Pornic !

Nous avons donc la démonstration de l’inopportunité de ce texte, qui va à l’encontre de sa finalité première. Par conséquent, la suppression de ces alinéas s’impose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Avant de donner cet avis, je souhaite poursuivre le débat doctrinal...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

... qui m’oppose à M. Mézard, et lui rappeler les dispositions des articles 379-2 et 379-3 du code de procédure pénale, relatifs au défaut en matière criminelle.

L’article 379-3 dispose que, dans l’hypothèse où l’accusé est absent devant la cour d’assises, « la cour examine l’affaire et statue sur l’accusation sans l’assistance des jurés, sauf si sont présents d’autres accusés jugés simultanément lors des débats ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Nous avons donc aligné le dispositif de la procédure par défaut devant le tribunal correctionnel citoyen sur celui qui existe, et fonctionnait jusqu’à présent avec une certaine cohérence, devant la cour d’assises.

J’en viens à l’amendement n° 114 rectifié. Il tend à supprimer les dispositions précisant que l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction indique si les faits relèvent de la compétence du tribunal correctionnel citoyen. Cette précision a semblé utile à la commission, car elle devrait favoriser une orientation des affaires conforme aux règles de compétence et éviter les renvois. L’avis de la commission sur l’amendement est donc défavorable.

L’amendement n° 115 rectifié tend à supprimer la compétence du tribunal correctionnel citoyen en matière de comparution immédiate. Je rappelle que le dispositif relatif à la compétence en cette matière a été amélioré sur l’initiative de François Zocchetto, qui a proposé de ramener de un mois à huit jours le délai maximal de détention provisoire du prévenu.

Les retours d’expérience obtenus dans le cadre de l’expérimentation seront particulièrement précieux, car ils permettront d’identifier de manière plus précise les difficultés pratiques que pourraient entraîner ces dispositions. Nous pourrons apporter les compléments éventuellement nécessaires au moment de la généralisation de l’expérimentation. J’émets donc un avis défavorable.

Par cohérence, l’avis de la commission est défavorable sur les amendements de coordination n° 116 rectifié, 117 rectifié et 118 rectifié.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je souhaite revenir sur les questions très techniques soulevées par M. Mézard, qui est orfèvre en la matière…

Il existe deux procédures différentes devant le tribunal correctionnel : le jugement rendu par défaut et le jugement réputé contradictoire, à signifier.

Dans la procédure par défaut, la personne qui doit être jugée ne sait même pas qu’elle doit comparaître, car on ne l’a pas trouvée, et le jugement est technique. Lorsque l’on prend connaissance du jugement prononcé par défaut, il est possible d’y faire opposition et la procédure peut alors reprendre en première instance. Dans le cas d’un jugement par défaut, les jurés citoyens n’apporteraient rien de particulier puisque la personne à juger, ne sachant pas qu’elle doit comparaître, n’est pas là. Lorsqu’elle aura connaissance du jugement, elle pourra faire opposition et la procédure devant le tribunal correctionnel citoyen interviendra à ce moment-là.

Dans le cas du jugement réputé contradictoire, la personne sait qu’elle doit être jugée, mais elle ne se présente pas devant le tribunal. Dans cette situation, les jurés citoyens participent au jugement, et le stade ultérieur de la procédure n’est pas l’opposition, mais l’appel. Le jugement aura donc lieu devant la cour d’appel.

Il convient de distinguer ces deux procédures ; tel est l’objet des dispositions figurant dans le texte de la commission, auquel le Gouvernement apporte son soutien.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur les amendements présentés par M. Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Certains principes très simples, comme une participation plus importante des citoyens au fonctionnement de la justice, peuvent se révéler extrêmement difficiles à mettre en œuvre. Dans ces cas-là, me semble-t-il, le bon sens devrait nous conduire à prendre le temps de la réflexion et de la concertation. Au lieu de cela, vous présentez des textes en procédure accélérée, ce que rien ne justifie. Cette procédure, au contraire, va à l’encontre des objectifs poursuivis.

En compliquant à outrance le fonctionnement de la justice, vous le rendez totalement incompréhensible pour les citoyens, alors même que vous souhaitez les faire participer davantage au fonctionnement de la justice. Et c’est ainsi que vous créez de l’incompréhension, donc de la méfiance.

En outre, les procédures seront tellement complexes que nombre d’entre elles ne pourront aboutir faute que leurs règles aient été respectées. Comment nos concitoyens pourront-ils comprendre que l’on remette des personnes dangereuses en liberté tout simplement parce que les procédures sont complexes au point d’être rendues pratiquement inapplicables ?

Ce texte va donc à l’encontre des intentions affichées, du fait même de ses visées médiatiques, populistes ou électoralistes ! Sans doute allez-vous me dire, monsieur le garde des sceaux, que je ne fais pas dans la nuance, mais, face à cette véritable mise à mal de la justice, ce sont les mots qui me viennent à l’esprit, et encore aurais-je plus en employer de plus forts.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

M. Guy Fischer remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de trois amendements présentés par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L’amendement n° 119 rectifié est ainsi libellé :

Alinéas 26 et 27

Supprimer ces alinéas.

L’amendement n° 120 rectifié est ainsi libellé :

Alinéas 28 et 29

Supprimer ces alinéas.

L’amendement n° 121 rectifié est ainsi libellé :

Alinéa 30

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter ces trois amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Selon l’alinéa 16 de l’article 2, voté voilà quelques instants dans l’enthousiasme par le Sénat, « la décision sur la qualification des faits [...] est prise par les magistrats et les citoyens assesseurs ».

Quant à l’alinéa 28, il dispose : « Lorsque le tribunal correctionnel citoyen constate que la qualification retenue dans l’acte qui le saisit relève du tribunal correctionnel composé conformément au premier alinéa de l’article 398, l’affaire est jugée immédiatement par les seuls magistrats. »

Aux termes de l’alinéa 29, lorsque le même tribunal « constate que la qualification retenue dans l’acte qui le saisit relève du tribunal correctionnel composé conformément au troisième alinéa de l’article 398, l’affaire peut soit être renvoyée devant le tribunal correctionnel ainsi composé, soit jugée par le seul président ».

Voilà donc deux citoyens assesseurs, siégeant aux côtés de trois magistrats professionnels, qui, après une journée de formation, devront statuer, avec voix délibérative, sur la qualification retenue dans l’acte qui les saisit. Avec tout le respect que je dois au Gouvernement, au garde des sceaux et à la commission des lois, je me demande si c’est bien sérieux !

On nous répliquera sans doute en évoquant les cours d’assises... Mais, dans une année, ce ne sont guère que 2 000 affaires qui relèvent des assises…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… tandis que les tribunaux correctionnels traitent des dizaines de milliers d’affaires !

Ces alinéas constituent en outre une véritable usine à gaz. Les barreaux comptent de nombreux excellents avocats : à l’évidence, ils vont, très légitimement, se ruer sur cette mine procédurale pour contester les qualifications et contraindre la juridiction saisie à statuer sur la composition du tribunal – trois magistrats professionnels ou le seul président ? – et l’ordre retenu.

De quelle imagination fertile vous avez dû faire preuve pour rédiger une telle loi !

Monsieur le garde des sceaux, j’ai sous les yeux l’édition de 1809 du code d’instruction criminelle. Je le consulte de temps en temps, car c’est un modèle d’écriture législative, qui a permis d’élaborer une véritable politique pénale. Votre texte, en revanche, est tellement complexe qu’il aura pour seul effet de faire perdre du temps et d’allonger considérablement les délais. Il interdira de rendre une bonne justice !

Cette dérive, qui nous inquiète, justifie nos amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il existe trois formations possibles en matière correctionnelle : le juge unique, la formation collégiale exclusivement composée de magistrats professionnels et la formation collégiale composée non seulement de magistrats professionnels, mais également de citoyens assesseurs. Il faut bien prévoir des mécanismes de renvoi vers l’une ou l’autre de ces formations au cas où l’on aurait fait, dans un premier temps, le mauvais choix.

Pour ces raisons pratiques et pragmatiques, j’émets un avis défavorable sur les trois amendements.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 2 est adopté.

La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :

« PARAGRAPHE 5

« Dispositions applicables devant le tribunal correctionnel citoyen

« Art. 461-1. –

Non modifié

« Art. 461-2. – §(Non modifié) Avant l’ouverture des débats relatifs à la première affaire qu’ils sont appelés à examiner au cours de l’audience, le président rappelle aux citoyens assesseurs qu’ils sont tenus de respecter les prescriptions de l’article 304 dont il leur expose la teneur.

« Art. 461-3. – §(Non modifié) Après avoir procédé aux formalités prévues par les articles 406 et 436, le président du tribunal correctionnel ou l’un des magistrats assesseurs par lui désigné expose, de façon concise, les faits reprochés au prévenu et les éléments à charge et à décharge figurant dans le dossier.

« Dans son rapport oral, il ne doit pas manifester son opinion sur la culpabilité du prévenu.

« À l’issue de son rapport, il donne lecture de la qualification légale des faits objets de la poursuite.

« Art. 461-4. –

Non modifié

« Le président donne également lecture des conclusions des expertises.

« Il veille à ce que les citoyens assesseurs puissent prendre utilement connaissance des éléments du dossier.

« Art. 461-5. – §(Non modifié) Les citoyens assesseurs peuvent, comme les assesseurs magistrats, poser des questions au prévenu, à la partie civile, aux témoins et aux experts en demandant la parole au président.

« Ils ont le devoir de ne pas manifester leur opinion. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 13 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 47 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L’amendement n° 122 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l’amendement n° 13.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Cet amendement de suppression de l’article 3, qui introduit dans le code de procédure pénale des dispositions applicables devant le tribunal correctionnel citoyen, traduit notre opposition fondamentale à la création d’un tribunal comprenant des citoyens assesseurs.

Nous entrons là dans le déroulement concret de l’audience.

Toute l’ambiguïté du projet de loi tient à ce qu’il ne modifie pas en profondeur la procédure actuelle, et cela pour des considérations tenant au rendement de la justice : la procédure correctionnelle continue à reposer sur l’examen d’un dossier relatant une procédure d’enquête écrite, à laquelle vient s’ajouter une dose d’oralité, obligatoire pour permettre aux citoyens assesseurs de comprendre et de suivre les débats.

Selon l’étude d’impact, « les citoyens assesseurs seront accueillis au sein de la juridiction par le personnel de justice (magistrats, greffiers, fonctionnaires). Ils bénéficieront de sessions de présentation du fonctionnement de la justice pénale. » Mme Klès nous a décrit, avec humour, leur probable déroulement…

« Après cette familiarisation avec la chaîne pénale, les citoyens assesseurs seront amenés à exercer leur responsabilité éminente qui est celle de juger ».

À l’issue de cette familiarisation, les citoyens assesseurs sont donc convoqués pour siéger à l’audience. Avant l’ouverture des débats relatifs à la première affaire qu’ils sont amenés à juger, l’article 3 prévoit que, le président rappelle aux citoyens assesseurs qu’ils sont tenus de respecter les prescriptions de l’article 304 du code de procédure pénale : il s’agit du serment des jurés d’assises, que l’on n’a pas cru bon de faire prêter aux citoyens assesseurs, mais auquel ils doivent se conformer !

Puis, après avoir constaté l’identité du prévenu, donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal et ordonné aux témoins de se retirer, le président ou le juge désigné par lui « expose » – c’est l’alinéa 6 –, « de façon concise, les faits reprochés au prévenu et les éléments à charge et à décharge figurant dans le dossier ».

La procédure change donc un peu de nature : elle devient plus orale, même si, selon l’alinéa 11, le président doit veiller « à ce que citoyens assesseurs puissent prendre utilement connaissance du dossier ».

Toutefois, rien n’est prévu pour que les citoyens assesseurs prennent connaissance du dossier en dehors du temps de l’audience. L’accès au dossier aura lieu pendant le temps de l’audience, ce qui pourra avoir deux conséquences : soit le temps de l’audience sera considérablement rallongé pour permettre aux citoyens assesseurs de comprendre le dossier ; soit, pour ne pas rallonger les débats, cet accès au dossier sera réduit à sa plus simple expression.

Dans la seconde hypothèse, les citoyens assesseurs seront très démunis par rapport aux magistrats professionnels et ne seront pas à même d’apporter un concours éclairé. Or c’est plutôt cette solution qui sera la règle, car le temps d’audience ne pourra pas être indéfiniment rallongé, sauf à risquer de paralyser complètement le système : Jean-Paul Garraud, responsable de la justice à l’UMP, a d’ailleurs exprimé cette crainte dans son rapport sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président. Vous avez de bonnes références, madame Tasca !

Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 47.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous l’avons dit, cette réforme a été conçue dans un contexte de réponse immédiate à des faits divers et n’a pas bénéficié du temps nécessaire à une élaboration cohérente.

Nous avons exposé les raisons de notre opposition à l’introduction des citoyens assesseurs au sein des tribunaux correctionnels, telle que la prévoit le projet de loi. Au-delà de ces raisons, nous constatons que celui-ci n’adapte même pas la procédure à la présence de ces nouveaux citoyens assesseurs, posant ainsi un véritable problème de cohérence.

Ainsi, le déroulement de l’audience, qui repose sur l’examen d’un dossier et sur une procédure d’enquête écrite, n’est pas modifié en profondeur par l’article 3 : on se contente de juxtaposer aux dispositions existantes des dispositions qui introduisent un peu d’« oralité », ce qui est bien le minimum pour permettre la compréhension des affaires par des citoyens peu formés.

Les jurés ne connaissent pas le dossier de l’affaire ; ils n’y ont pas accès, contrairement aux juges qui l’ont en leur possession. Il faut donc que les juges ouvrent l’audience en ayant à l’esprit que les citoyens assesseurs ne connaissent pas les éléments du dossier, qu’il leur faut donc retranscrire à l’oral.

Une transformation totale des débats s’opère, alors que la procédure n’est, je l’ai dit, que très superficiellement modifiée par l’article 3.

D’abord, sans faire prêter serment aux citoyens assesseurs, comme il est demandé de le faire aux jurés d’assises, le président du tribunal doit néanmoins leur rappeler qu’ils sont tenus de respecter les obligations qui découlent de ce serment.

Ensuite, le président doit exposer, à l’ouverture des débats, les faits reprochés au prévenu, ainsi que les éléments à charge et à décharge, et donner lecture, au cours des débats, des déclarations des témoins et des rapports d’expertise.

Outre les soupçons que ces dispositions peuvent susciter quant à l’impartialité du juge, on se rend compte de la lourdeur d’une telle procédure et de son inadéquation à une audience correctionnelle au long de laquelle les jurés pourront de surcroît poser des questions.

Les citoyens assesseurs se trouveront au cœur d’une procédure qui, en réalité, n’a pas été pensée pour eux : d’un côté, une partie de la procédure leur est exposée à l’oral – il faudra bien prévoir à cet effet un temps d’audience supplémentaire – ; de l’autre côté, la procédure écrite est conservée, une grande importance restant attachée aux dossiers, qui sont tenus à disposition des assesseurs, mais sans que soit prévu un temps d’« appropriation » en dehors de l’audience, pas même en amont de celle-ci !

Un grand déséquilibre naît de cette inadéquation entre la procédure et l’introduction de citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels : les magistrats seront en pleine possession de dossiers auxquels ils ont l’habitude d’être confrontés, alors que les citoyens n’auront ni le temps ni les moyens de maîtriser pleinement tant ces dossiers que les rouages de la procédure.

Au lieu de se limiter à des dispositions d’affichage politique tendant à faire accroire qu’il se préoccupe de la volonté des citoyens, le Gouvernement serait bien avisé de leur donner au moins les moyens effectifs de participer à ces jugements, ce qui suppose, selon nous, une véritable adaptation de la procédure à une institution qui sera transformée en profondeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 122 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En demandant la suppression de l’article 3, nous restons dans la même logique.

Cet article soulève plusieurs questions importantes : celle du serment des citoyens assesseurs, sur laquelle nous allons revenir ; celle du rôle du président de la formation de jugement ; celle de l’allongement considérable des débats qui en découlera de façon certaine – mécaniquement, si j’ose dire –, comme l’ont d’ailleurs reconnu, très objectivement, tant M. le rapporteur que M. le ministre.

D’une part, les magistrats comme les avocats seront contraints de prendre plus de temps pour exposer, de la manière la plus pédagogique possible, l’ensemble des éléments de droit utiles à l’affaire.

D’autre part, le président de la juridiction devra, après avoir indiqué le type d’acte ayant saisi le tribunal, présenter un rapport oral, en application de l’article 461-3 du code de procédure pénale qui dispose : « […] le président du tribunal […] expose, de façon concise, … »

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cette formule est en effet assez originale dans le code de procédure pénale !

« … les faits reprochés au prévenu et les éléments à charge et à décharge figurant dans le dossier. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le garde des sceaux, je ne doute pas que vous nous expliquerez votre conception de la concision procédurale, en fonction des faits de surcroît !

Si je poursuis la lecture de cet article, « dans son rapport oral, le président ne doit pas manifester son opinion sur la culpabilité du prévenu ». Encore heureux ! Ce n’est tout de même pas une nouveauté dans notre droit pénal !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

C’est la reprise du code de procédure pénale !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Vous devriez être satisfait, puisque l’on ne change rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Monsieur le garde des sceaux, je crois comprendre que vous me traitez de conservateur ; permettez-moi de vous dire que vous parlez en expert !

M. le garde des sceaux sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

« À l’issue de son rapport », prévoit encore l’article 3, le président « donne lecture de la qualification légale des faits objets de la poursuite ».

Et cela continue… Comme vous l’avez vous-même dit hier, au lieu de traiter de trente à quarante affaires dans une même journée, avec ce système, on en traitera dorénavant quatre.

Il s’agit d’une invention qui, à défaut d’être originale, est absolument surréaliste, je l’ai déjà dit, et je plains les magistrats des deux cours d’appel qui vont être chargées du fardeau de l’expérimentation de cette réforme. Avec la bienveillance qui vous caractérise, monsieur le garde des sceaux, vous allez sans doute me dire dans la foulée qu’il s’agira des cours d’appel de Riom et Limoges…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Riom, c’est sûr !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Les magistrats de Riom seront très contents, mais je suis certain que le bilan qu’ils remettront au terme de six mois au Gouvernement – quel qu’il soit alors – et au Parlement permettra de considérer que leur douloureuse expérimentation aura eu une utilité fondamentale, celle de démontrer la nécessité du retour à l’état antérieur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ces trois amendements de suppression de l’article 3 expriment l’opposition de principe de leurs auteurs à la fois à la création des tribunaux correctionnels citoyens et à l’existence même des citoyens assesseurs, donc à deux éléments qui constituent autant de clés de voûte du projet de loi. La commission ne peut donc qu’y être défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

J’avancerai exactement les mêmes arguments : nous sommes là au cœur du projet de loi. Je suis donc défavorable à tout amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Mézard s’est arrêté en trop bon chemin et, sans reprendre ce qu’il a dit, je vais donc continuer la lecture de l’article 3.

La rédaction de l’alinéa 11 est, elle aussi, tout à fait extraordinaire : le président « veille » – terme dépourvu de tout caractère normatif – « à ce que les citoyens assesseurs puissent prendre utilement connaissance des éléments du dossier ».

Je plains ceux qui ont rédigé cette phrase ! Elle n’a aucune portée, aucun sens. Si le président ne « veille » pas, que se produira-t-il ? Rien ! Si les citoyens assesseurs ne peuvent pas prendre « utilement » connaissance du dossier, qu’arrivera-t-il ? Rien !

On sait comment les choses se passent réellement pour les magistrats assesseurs au tribunal correctionnel : si le président arrive, avec sous le bras la pile des dossiers qu’il a jusque-là conservés dans son bureau pour préparer les débats, un quart d’heure ou une demie heure avant l’audience, un magistrat assesseur qui se trouvera alors dans la salle des délibérés pourra, très rapidement, découvrir les couvertures desdits dossiers.

Le président du tribunal correctionnel citoyen, qui sera évidemment déchargé de plusieurs de ses autres fonctions, pourra étudier ses dossiers très à l’avance, mais qu’en sera-t-il pour les assesseurs, citoyens et magistrats ? Auront-ils les dossiers à leur disposition, pour en prendre « utilement » connaissance, la veille, l’avant-veille, dans les huit jours avant l’audience ? Nous n’en savons rien, monsieur le garde des sceaux !

Tout cela serait risible s’il ne s’agissait pas de juger des citoyens et de permettre à des victimes de faire valoir leurs droits. Ce projet de loi traduit une grande désinvolture par rapport à ce qu’est l’œuvre de justice mais, comme l’a dit mon collègue Jacques Mézard, cette procédure sera supprimée en 2014 !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Jean-Pierre Michel vient de démontrer excellemment pourquoi l’article 3 nous paraît non seulement inefficace mais nuisible. Hier, monsieur le garde des sceaux, vous avez nié que la présence des citoyens assesseurs ait en quoi que ce soit pour objectif de durcir les condamnations prononcées…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

… et vous nous avez conté à ce propos une belle histoire. Il s’agirait, selon vous, d’une « éducation à la citoyenneté » et vous nous avez beaucoup émus avec l’exemple d’un ancien juré d’assises dont la vie a été embellie par cette expérience.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il vous gêne, ce témoignage !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Avec le dispositif prévu à l’article 3, nous allons de complication en complication, allongeant de ce fait la durée de l’audience, et d’imprécision en imprécision.

Ainsi, le président du tribunal correctionnel ou l’un des magistrats assesseurs désigné par lui doit, dans son rapport oral, non seulement veiller à ce que les citoyens assesseurs puissent prendre utilement connaissance des éléments du dossier, mais également ne pas manifester son opinion sur la culpabilité du prévenu pour ne pas les influencer. C’est là une pétition de principe. Qui mesurera cette objectivité ? En effet, les citoyens assesseurs n’auront ni les informations, ni les moyens de disposer de celles-ci en cours d’audience, ni le temps de se faire une opinion personnelle.

Quand on connaît les difficultés extrêmes auxquelles font actuellement face les tribunaux pour organiser les audiences, on ne peut que s’inquiéter de ces innovations, qui multiplient les obstacles au bon fonctionnement de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je souscris bien évidemment aux propos de nos collègues.

Monsieur le garde des sceaux, vous nous forcez en quelque sorte à légiférer. Même si nous avons indiqué que nous ne voterions pas ce texte, nous nous retrouvons, au fond, entraînés dans une machine infernale, car nous nous sentons responsables de ce que fait le législateur.

Chacun d’entre nous a pu s’enquérir de l’avis de tel ou tel magistrat ou professionnel de la justice, car il n’y a pas eu de véritable concertation. Certes, vous avez procédé à toute une série d’auditions, monsieur le rapporteur, mais je veux souligner le fait que nous n’avons pas pu y participer – pour ce qui me concerne, en tout cas, mais je pense ne pas être la seule dans ce cas ! –, car nous avons reçu le calendrier des auditions alors même que vous aviez déjà auditionné les trois quarts des personnes concernées.

M. le rapporteur s’étonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit, procédant en quelque sorte à une synthèse de vos auditions, que la solution retenue était, à peu de chose près, satisfaisante. Mais ce n’est absolument pas le cas ! Une fois que la majorité aura décidé de créer ces tribunaux correctionnels citoyens, prévoyant la présence de deux citoyens assesseurs, qu’adviendra-t-il de la mise en œuvre des dispositions prévues ? Il faut bien se préoccuper de la manière dont ils vont fonctionner. En l’occurrence, avec un minimum de concertation, vous auriez pu dégager quelques principes ou pratiques, sur lesquels les participants auraient pu s’accorder !

Vous nous assénez un certain nombre de vérités, mais nous voyons bien que le dispositif prévu ne peut pas fonctionner, en tout cas dans l’optique de l’égalité des citoyens devant la justice et d’une bonne appréhension, par les citoyens assesseurs qui siégeront au tribunal, de la mission qui leur incombe. Dès lors qu’il ne leur sera pas donné lecture du dossier d’instruction au cours de l’audience – vous l’avez d’ailleurs dit vous-même ! –, parce que c’est impossible, que retiendront-ils ? Auront-ils lu un certain nombre d’éléments à la va-vite, cinq minutes avant le début de l’audience, comme l’a dit tout à l’heure notre collègue Jean-Pierre Michel ? Il faut organiser différemment les audiences. La précipitation et le manque de concertation – par « concertation », j’entends engager une discussion pour savoir comment appliquer la loi ! – ne contribuent pas, nous le savons parfaitement, à maintenir les bonnes pratiques de la justice.

On dit aux législateurs : « Votez le projet de loi et dormez tranquilles. » Mais non ! Ce n’est pas de bonne législation !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je me pose la question suivante. Aux assises – en tout cas, jusqu’à aujourd’hui, mais sans doute plus demain ! –, le président du tribunal procédait à la lecture intégrale d’un certain nombre de pièces du dossier. Certes, la procédure était longue et peut-être rébarbative, mais elle avait au moins l’avantage de ne pas remettre en cause l’impartialité de la cour, car l’ensemble des éléments était exposé aux jurés.

Avec ce nouveau dispositif, le président procédera à un rapport synthétique. Mais qui garantira l’impartialité de cette présentation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Et comment la garantira-t-on ? Inévitablement, les avocats des deux parties – les deux, j’y insiste – auront tout intérêt à créer en permanence des incidents d’audience pour remettre en cause les procédures, qui risqueront d’être annulées. C’est ce que vous appelez « améliorer l’efficacité de la justice » ! J’ai beaucoup de mal à comprendre !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je veux bien entendre toutes les critiques du monde, mais je tiens à préciser à Mme Klès que l’arrêt de renvoi est déjà rédigé par un magistrat. Pourquoi serait-il rédigé de manière plus impartiale que le rapport que rédigera le président du tribunal correctionnel, qui est, lui-même, un magistrat ? Le magistrat est, par définition, impartial ; en tout cas, c’est la conception que j’en ai ! Ne remettez pas sans cesse en cause l’impartialité du président du tribunal, car cela dessert notre justice. Au contraire, nous pouvons être plutôt fiers de notre justice, notamment ces jours-ci…

Monsieur Michel, je comprends parfaitement ce que vous avez dit, mais je tiens à vous indiquer que les technologies modernes entrent aujourd’hui dans les tribunaux. La plupart des dossiers sont numérisés, et ils le seront de plus en plus. Il sera donc facile de tirer une copie du dossier pour permettre aux citoyens assesseurs d’en prendre connaissance.

Par ailleurs, vous estimez que le verbe « veiller » n’a pas de valeur normative. C’est sûrement vrai, puisque vous le dites, monsieur le sénateur… Mais permettez-moi de vous faire remarquer que vous avez vous-même voté, dans le cadre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, dite loi Guigou, l’article préliminaire du code de procédure pénale, qui dispose : « L’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale. » N’était-ce pas reconnaître que ce verbe n’est pas si mauvais que cela ? Sinon, il n’aurait pas été utilisé !

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’amendement n° 103 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 461-2. - Avant l’ouverture des débats relatifs à la première affaire qu’ils sont appelés à examiner au cours de l’audience, le président adresse aux jurés, debout et découverts, le discours suivant : Vous jurez et promettez d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre le prévenu, de ne trahir ni ses intérêts, ni ceux de la société qui l’accuse, ni ceux des victimes ; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration ; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de vous rappeler que le prévenu est présumé innocent ; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions.

« Chacun des citoyens assesseurs, appelé individuellement par le président, répond en levant la main : Je le jure.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement vise non pas à supprimer l’article 3, monsieur le garde des sceaux, mais à vous faire une proposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Voilà qui témoigne de notre souci d’engager un dialogue constructif sur ce projet de loi dont nous avons souligné les innombrables défauts.

Hier, lorsque j’ai défendu la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, j’ai dit à M. le rapporteur, spécialiste estimé – et estimable ! – de la loi pénitentiaire, qu’il s’était embarqué dans une galère. J’ajoute ici qu’il a dû beaucoup ramer. La preuve en est, il a, à plusieurs reprises, justifié des dispositions en disant qu’il s’inspirait de la procédure applicable aux cours d’assises. Mais, pour ce qui concerne le serment, la procédure en vigueur devant les cours d’assises n’est plus invoquée en exemple !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Mais si, puisqu’ils doivent dire : « oui » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je constate simplement, monsieur le garde des sceaux, que les arguments sont manifestement réversibles ! Vous avancez l’exemple de la cour d’assises uniquement lorsqu’il est utile à votre démonstration !

Cet amendement de repli – de pur repli, ajouterai-je, pour insister, une fois encore, sur notre souci premier d’élaborer ensemble la loi – vise à renforcer la portée du serment que devront prêter les citoyens assesseurs en reprenant, à quelques nuances près, le texte du serment des jurés de cours d’assises.

Le texte actuel n’impose aux citoyens assesseurs que le serment que doivent tenir les assesseurs des tribunaux pour enfants et des juges de proximité. Or ces derniers bénéficient de conditions de recrutement beaucoup plus sélectives et présentent des garanties beaucoup plus probantes, eu égard à leur expérience.

Les citoyens assesseurs n’étant recrutés que du seul fait du hasard – parfois, nous l’avons constaté, le hasard est un peu dirigé ! –, comme les jurés d’assises, ils doivent prêter le même serment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Permettez-moi, tout d’abord, monsieur le président, de profiter de l’occasion pour répondre à notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat.

Bien évidemment, les auditions de la commission des lois étaient ouvertes, comme d’habitude, à l’ensemble de nos collègues qui souhaitaient y participer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous ne savions pas qu’elles étaient ouvertes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je ne sais pas s’il y a eu un décalage dans les convocations, mais nos délais de travail étaient relativement contraints.

Je n’ai jamais dit que toutes les auditions auxquelles j’ai assisté ont donné lieu à l’expression d’un enthousiasme généralisé. Des avis différents se sont exprimés, parfois même très différents, et j’en ai d’ailleurs partiellement tenu compte, dans la mesure où le texte issu des travaux de la commission présente des évolutions importantes par rapport au projet de loi initial.

Je pense, par exemple, au refus de scinder les cours d’assises en une cour d’assises allégée et une cour d’assises dont la composition serait identique à celle qui existe actuellement.

Je pense également aux deux plus importantes organisations représentatives de magistrats, qui ont émis des avis radicalement contraires sur la concertation : …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

… l’Union syndicale des magistrats a estimé qu’elle avait été rarement autant consultée, et de manière aussi importante, tandis que le Syndicat de la magistrature affirmait le contraire.

Je pense, enfin, aux représentants des juges des enfants, qui n’étaient pas favorables aux évolutions de l’ordonnance du 2 février 1945 ou encore à l’Association nationale des juges de l’application des peines, qui n’était pas favorable à la présence de citoyens assesseurs au sein des tribunaux et des chambres de l’application des peines.

Telle est la diversité des avis exprimés ! Bien évidemment, je n’ai jamais eu l’intention, ni qui que ce soit d’ailleurs, de me réserver le monopole des auditions ; j’aurais été, au contraire, très heureux de compter davantage de collègues parmi nous.

J’en reviens maintenant à l’amendement n° 103 rectifié.

Monsieur Mézard, vous ne me prendrez pas en flagrant délit d’incohérence : votre amendement permet d’améliorer le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Rien n’échappe à la vigilance du président de la commission des lois !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis donc saisi d’un amendement n° 103 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 461-2. - Avant l’ouverture des débats relatifs à la première affaire qu’ils sont appelés à examiner au cours de l’audience, le président adresse aux citoyens assesseurs, debout et découverts, le discours suivant : Vous jurez et promettez d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre le prévenu, de ne trahir ni ses intérêts, ni ceux de la société qui l’accuse, ni ceux des victimes ; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration ; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de vous rappeler que le prévenu est présumé innocent ; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions.

« Chacun des citoyens assesseurs, appelé individuellement par le président, répond en levant la main : Je le jure.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le serment des jurés est probablement l’un des plus beaux textes de notre code de procédure pénale, en ce qu’il contient pratiquement tous les grands principes. Son contenu a d’ailleurs peu changé depuis l’article 312 du code d’instruction criminelle, sauf le début, qui était le suivant : « Vous jurez et promettez devant Dieu et devant les hommes

Exclamations.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pour ma part, je suis très favorable à ce serment parce qu’il est extrêmement pédagogique. On y retrouve, je le répète, les grands principes qui fondent notre justice pénale : la présomption d’innocence, l’intime conviction, le devoir d’écouter et d’instruire, en quelque sorte, à charge et à décharge, ainsi que le secret des délibérations, qui fonde toute bonne décision de justice collégiale. Il est donc essentiel que les citoyens assesseurs l’écoutent et se prononcent sous ce serment.

C’est la raison pour laquelle nous sommes très heureux que M. Mézard apporte, avec cet élément essentiel, sa pierre à la loi nouvelle que nous élaborons, ce dont je le remercie. Ainsi, il ne sera pas tout à fait étranger à la création de ce nouveau tribunal correctionnel.

Sourires

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’amendement n° 123 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Rédiger ainsi cet alinéa :

Ils ne doivent pas manifester leur opinion.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous souhaitons modifier le treizième alinéa de l’article 3, fidèles à l’esprit constructif que vous venez de relever, monsieur le garde des sceaux – vous n’avez d’ailleurs pas indiqué qu’il était aussi possible d’ajouter dans la formule du serment : « en votre âme et conscience » !

À l’article 3, il est indiqué que les citoyens assesseurs « ont le devoir de ne pas manifester leur opinion ». Selon nous, il serait plus logique de préciser qu’ils « ne doivent pas manifester leur opinion ».

L’objet de cet amendement est donc une simple rectification.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Bien que nous ne pensions pas qu’une telle modification fera la une des journaux, la commission est favorable à cet amendement.

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le président, je souhaite répondre au Gouvernement.

Monsieur le ministre, je veux bien entendre tous les arguments du Gouvernement, même si je n’y souscris pas. Mais je n’accepte pas que vous nous fassiez dire ce que nous n’avons pas dit !

Nous n’avons jamais remis en cause l’impartialité des magistrats. C’est le Gouvernement qui l’a fait !

M. le ministre et M. le président de la commission des lois protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Nous, nous avons seulement dit que, tel que vous le présentez, le texte de ce projet de loi va à l’encontre de ce que vous préconisez, à savoir une meilleure compréhension et une plus grande confiance du citoyen dans sa justice.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Madame Klès, je m’efforce d’écouter tous les orateurs, y compris vous-même ! Or il me semble avoir entendu demander à plusieurs reprises : « Qui garantira l’impartialité du président quand il fera son rapport ? ».

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour moi, ce qui garantit l’impartialité du président, c’est le fait qu’il soit magistrat et c’est une raison suffisante, car sa qualité de magistrat le conduit forcément à être impartial. Telle est ma conception

Mme Virginie Klès proteste.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je ne cesse de le répéter depuis hier : pour moi, un magistrat est, de par sa qualité, une personne impartiale. Il a été formé pour cela et a appris à l’être.

La pédagogie étant fondée sur la répétition, surtout lorsqu’on ne veut pas entendre, ...

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

... je répète également que le Gouvernement a prévu la présence de citoyens assesseurs, car juger est un acte de citoyenneté. Pardonnez-moi, mais telle est ma façon de voir les choses.

Maintenant, vous pouvez dire ce que vous voulez, ...

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

... mais, même si vous n’acceptez pas mes arguments, entendez-les dans un premier temps et combattez-les ensuite, cela ne me pose aucun problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

À moi, si, parce que je ne peux plus vous répondre !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le ministre, pardonnez-moi cette expression quelque peu triviale, mais vous nous faites le coup du pompier pyromane !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pas du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Vous avez posé le postulat que les décisions rendues étaient vraies, valides et justes…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je comprends que cela vous ennuie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Mais, dans l’intervalle, vous expliquez qu’un dispositif supplémentaire est nécessaire, car ces décisions, bien que justes, sont mal comprises par la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

C’est tout simplement ce que voulait vous dire notre collègue Virginie Klès tout à l’heure !

En vérité, vous tournez en rond ! En effet, si le système antérieur était valide et inattaquable, est-il besoin d’injecter des dispositions législatives pour modifier un processus qui donnait satisfaction ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Ce n’est pas la question !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Nous cherchons à l’améliorer. C’est cela le progrès !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Loin de moi l’idée de m’immiscer dans ce genre de dialogue, mais je crois néanmoins qu’il nous engage dans la mauvaise voie !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Alors, je ne répondrai plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Beaucoup a déjà été dit sur l’impartialité des juges. Je fais allusion non à vos propos, monsieur le ministre, mais à ceux du président de la République qui ont été amplement relayés par la presse.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Même s’ils ne nous étaient pas adressés directement, il nous était difficile de ne pas les lire ou de ne pas les entendre ! Par conséquent, nous savons très bien ce qu’il en est.

J’en reviens à l’article 3 et au dispositif que vous voulez mettre en place. Personne ne conteste que les faits exposés par le président du tribunal éclaireront les membres du tribunal, y compris les deux malheureux citoyens assesseurs présents. Ils devront être exposés de façon concise, est-il même précisé. Admettons qu’il parvienne à résumer à l’extrême, sans prendre parti, bien sûr, mais je ne doute pas de sa bonne volonté.

Alors, où est le problème ? Il tient à la façon dont se dérouleront les audiences du tribunal correctionnel citoyen. L’exigence d’un exposé concis suppose que les personnes présentes ont une connaissance minimale du dossier écrit. Or tel ne sera pas le cas !

Par conséquent, avant de demander au législateur de se prononcer sur les dispositions applicables devant le tribunal correctionnel citoyen, il fallait s’interroger sur les conséquences, pour l’organisation des audiences correctionnelles, de la présence parmi les juges de personnes qui n’ont pas la connaissance du dossier. Ce qui pose problème, ce n’est pas l’impartialité des jugements des uns ou des autres, c’est le fonctionnement de l’audience !

J’en profite pour dire à M. le rapporteur qu’il a mal compris ce que je voulais lui signaler. Je n’ai reçu la convocation de la commission des lois que le 26 avril, ce qui ne m’a pas permis d’assister aux auditions qui avaient déjà commencé, et croyez que je le regrette. Si je ne reçois pas les convocations à temps, je ne peux pas être présente, car, n’étant pas pendue au téléphone ou à je ne sais quel moyen de communication, je ne peux pas deviner les dates de vos auditions !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’article 3.

La section 5 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° Il est créé un paragraphe 1 intitulé : « Dispositions générales » comprenant les articles 462 à 486 ;

2° Il est ajouté un paragraphe 2 ainsi rédigé :

« PARAGRAPHE 2

« Dispositions applicables devant le tribunal correctionnel citoyen

« Art. 486-1. – La présente section est applicable lorsque le tribunal correctionnel est composé conformément à l’article 399-1 sous réserve des adaptations prévues au présent paragraphe.

« Art. 486-2. – Conformément à l’article 399-4, les trois magistrats délibèrent avec les citoyens assesseurs sur la qualification des faits, la culpabilité et la peine.

« Sauf lorsque le président en décide autrement dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le délibéré se tient à l’issue des débats, avant l’examen de toute autre affaire.

« Art. 486-3. – Avant de délibérer sur la culpabilité du prévenu, le président rappelle chacun des éléments constitutifs et, le cas échéant, des circonstances aggravantes de l’infraction devant être établis pour que la culpabilité puisse être retenue dans les termes de la prévention.

« Lorsqu’il est reproché au prévenu d’avoir tenté de commettre le délit, le président rappelle les dispositions de l’article 121-5 du code pénal. Il rappelle celles de l’article 121-7 du même code lorsque le prévenu est poursuivi en qualité de complice. Lorsque le tribunal doit délibérer sur l’existence d’une cause d’irresponsabilité, le président donne lecture des dispositions qui la définissent.

« Lorsque le tribunal est appelé à examiner si les faits peuvent revêtir une autre qualification que celle qui leur a été donnée par la prévention, le président procède, pour l’examen de la nouvelle qualification, conformément aux deux premiers alinéas. Le tribunal composé conformément à l’article 399-1 est compétent pour statuer sur la nouvelle qualification même si elle n’entre pas dans les prévisions de l’article 399-2. Toutefois, il statue dans la composition prévue au premier alinéa de l’article 398 si la nouvelle qualification entre dans les prévisions des articles 697-1, 702, 704, 706-2, 706-73 ou 706-74.

« Art. 486-4. – En cas de réponse affirmative sur la culpabilité, avant de délibérer sur la peine, le président rappelle les peines encourues pour les faits dont le prévenu a été déclaré coupable compte tenu, le cas échéant, de l’état de récidive. Il appelle l’attention des citoyens assesseurs sur les dispositions des articles 132-19, 132-20 et 132-24 du code pénal et rappelle les différents modes de personnalisation des peines prévus par les dispositions de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du même code. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 14 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 48 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L’amendement n° 124 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 14.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Vous connaissez notre position sur le fond : nous demandons évidemment la suppression de cet article 4, comme nous le ferons pour les autres articles.

Mais, cela dit, je m’en tiendrai à une considération de forme.

À l’article 4, vous ajoutez un paragraphe 2 relatif aux dispositions applicables devant le tribunal correctionnel citoyen. Aujourd’hui, le code de procédure pénale ne contient aucune disposition particulière précisant le moment auquel se tient le délibéré. Seules quelques dispositions traitent du jugement, ce qui n’est pas tout à fait pareil que le délibéré.

Ainsi, l’article 462 du code de procédure pénale précise bien : « Le jugement est rendu soit à l’audience même à laquelle ont eu lieu les débats, soit à une date ultérieure.

« Dans ce dernier cas, le président informe les parties présentes du jour où le jugement sera prononcé. »

Je ne veux pas vous faciliter la tâche, mais pourquoi n’avez-vous pas repris purement et simplement ces dispositions dans le paragraphe relatif au tribunal correctionnel citoyen ? Non seulement vous compliquez la procédure, mais vous vous exposez à un risque juridique en inventant quelque chose d’autre !

En effet, vous visez uniquement un délibéré, et ce dernier sera extrêmement lourd, car le président devra rappeler chacun des éléments constitutifs et, en fait, donner un véritable cours de droit aux citoyens assesseurs qui composeront le tribunal !

En outre, vous omettez de préciser deux points importants.

Le premier est qu’un délibéré doit se conclure par un vote. À quel moment aura-t-il lieu ?

Le second point est essentiel : le seul intérêt d’un délibéré est de préparer la décision qui va en sortir, en l’occurrence le jugement.

Il est précisé, au paragraphe 2 de l’article 4 : « Sauf lorsque le président en décide autrement dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le délibéré se tient à l’issue des débats, avant l’examen de toute autre affaire. » Cela signifie-t-il que, en dehors de cette exception, le jugement sera toujours rendu à l’issue de l’audience ?

Je vous rappelle que le jugement devra être motivé, et cela en collaboration avec les citoyens assesseurs. Alors, ne vous réservez-vous pas la possibilité que le jugement soit prononcé ultérieurement ? Par exemple, dans le cas de violences urbaines ou d’autres situations extrêmement compliquées, je ne suis pas sûr que l’ensemble du tribunal correctionnel citoyen, y compris donc les citoyens assesseurs, soit en état de motiver et de rendre le jugement immédiatement à l’issue de l’audience et non, comme cela se passe couramment dans les affaires complexes devant le tribunal correctionnel, sous huitaine ou quinzaine.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Ce n’est pas l’objet !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 48.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J’irai dans le même sens. Comment peut-on prévoir, pour ce tribunal correctionnel citoyen, que le jugement devra être rendu à l’issue des débats ?

Si le délibéré est remis à plus tard, c’est bien parce qu’il y a des raisons, et celles-ci ne tiennent pas à la composition du tribunal !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Avec cet article 4, vous introduisez une spécificité qui est très difficilement justifiable. Craignez-vous, par exemple, que les citoyens assesseurs ne se souviennent plus de ce qui s’est passé si on leur demande de revenir ?

Mais le problème n’est pas là ! La question est de savoir si les citoyens assesseurs qui vont devoir se prononcer ont la capacité de le faire. La décision de repousser le délibéré se fonde normalement sur différents éléments liés à l’affaire.

Par ailleurs, il est prévu que le tribunal correctionnel citoyen puisse statuer sur une affaire qui ne relève pas de sa compétence initiale, quand il s’est vu transmettre un dossier pour lequel il procède à la requalification des faits. Cette extension des compétences du tribunal, au-delà de celles qui sont inscrites dans le code de procédure pénale, nous paraît encore une fois porter atteinte, d’une certaine manière, à l’égalité des citoyens face à la justice.

Par conséquent, quel que soit le regard que l’on porte sur ces tribunaux, on constate que des procédures très différentes sont instaurées, pour des délits quasiment identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 124 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement vise également à supprimer l’article 4. Cet article semble, à la première lecture, quelque peu sibyllin, mais il précise en fait la procédure applicable devant le tribunal correctionnel « nouvelle formule » et soulève donc un certain nombre de difficultés.

Tout d’abord, l’alinéa 8 dispose, comme notre collègue Alain Anziani l’a rappelé, que le président du tribunal peut décider, « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice », que le délibéré ne se tiendra pas à l’issue des débats et sera donc renvoyé à une date ultérieure. Aucune précision complémentaire n’est introduite. Un tel cas de figure est lié, le plus souvent, à des raisons pratiques : à la fin de la soirée, après la troisième, quatrième ou cinquième affaire, les citoyens assesseurs seront très probablement épuisés ! Le président du tribunal prendra alors la décision de renvoyer le délibéré. Mais rien n’est dit sur les citoyens assesseurs qui, tout à fait légitimement, devraient alors retrouver leur famille et leurs activités quotidiennes.

Ensuite, cet article nous permet, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, d’appréhender la véritable complexité de ce projet de loi. Les alinéas suivants décrivent en effet l’ensemble des rappels auxquels le président devra procéder, en quelques dizaines de minutes, à chaque audience. Il devra expliquer aux deux malheureux citoyens assesseurs tout ce qu’ils sont censés savoir, c’est-à-dire tout ce qu’un bon étudiant en droit a du mal à assimiler après plusieurs années d’études. D’ailleurs, si nous faisions ici une interrogation écrite – nous sommes probablement un certain nombre, dans cet hémicycle, à avoir fait des études de droit –, pour vérifier nos connaissances en cette matière, nous aurions de terribles surprises, monsieur le garde des sceaux !

Le président du tribunal devra en effet rappeler les éléments constitutifs de l’affaire, les circonstances aggravantes et leurs conséquences sur la culpabilité, la définition du complice et aussi, malheureusement, de la clause d’irresponsabilité. En outre, si la culpabilité est reconnue, il devra évoquer les peines encourues et les différents modes de personnalisation.

Bravo, monsieur le garde des sceaux ! Si ces présidents, dont les qualités et les compétences sont grandes, arrivent à faire comprendre tout cela à ces malheureux citoyens assesseurs en un temps aussi court, il faudra les nommer professeurs des universités dans les plus brefs délais, car ils auront prouvé qu’ils sont des enseignants de très haute qualité !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous aurons des nominations dans les facultés !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je pense donc avoir démontré l’absurdité du mécanisme qui nous est proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Dans la mesure où ces trois amendements identiques visent à remettre fondamentalement en cause l’esprit du projet de loi et, plus particulièrement, la création des tribunaux correctionnels citoyens, la commission des lois ne peut y être que défavorable.

Même si les choses ne sont pas nécessairement simples, j’ai quelquefois l’impression que mes collègues, du moins un certain nombre d’entre eux, prennent un malin plaisir à les compliquer encore.

Permettez-moi de relire l’alinéa qui vient d’être diversement commenté : « Sauf lorsque le président en décide autrement dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le délibéré se tient à l’issue des débats, avant l’examen de toute autre affaire. » Ce texte me semble particulièrement simple à comprendre ! Il signifie que le tribunal correctionnel citoyen délibérera, la plupart du temps, affaire après affaire, c’est-à-dire sur la première, puis la seconde, enfin la troisième, ce qui, après tout, facilitera la compréhension et la cohérence des décisions qui pourront être prises.

Parfois, et peut-être même souvent, le président en décidera autrement, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Il pourra en effet estimer que certaines affaires sont très proches et souhaiter comparer, dans un souci de cohérence en matière de sévérité des sanctions et pour que la justice soit mieux rendue, la décision de la première et de la seconde affaire.

Pour une fois, je ne vois là rien de compliqué.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je souhaite répondre aux auteurs de ces amendements visant à supprimer l’article 4, et notamment à M. Jacques Mézard, qui, avec beaucoup de continuité, ligne après ligne, s’efforce de détricoter ce texte, ce qui est d’ailleurs son droit le plus absolu.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, voilà quelques instants, vous avez fait allusion au malin en regardant M. Mézard. Il est inutile d’évoquer maintenant le diable, cela ferait beaucoup pour un seul homme !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

J’estime très honnêtement que cet article est parfaitement clair. Les débats menés dans le cadre de ce nouveau tribunal correctionnel seront forcément différents de ceux qui se tiennent à l’heure actuelle dans un tribunal correctionnel classique. L’oralité sera plus importante, les discussions, plus longues. Les avocats devront probablement s’adapter à ce tribunal correctionnel « nouvelle version », ce qui est tout à fait normal. Tout cela prendra donc plus de temps, vous l’avez souligné hier et je le reconnais bien volontiers. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai obtenu des créations de poste, c’est une évidence qu’il nous faut regarder bien en face. Les moyens supplémentaires qui ont été accordés s’inscrivent dans la perspective d’une pratique différente.

La procédure prévue par cet article se rapproche quelque peu de celle qui est appliquée dans les cours d’assises. La part de l’oralité étant plus importante, le principe de continuité des débats doit s’appliquer. En principe, le délibéré interviendra à la fin de l’audience. Il est expressément prévu que le président du tribunal, « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice », peut en décider autrement. Même si une telle précision n’avait pas été introduite dans le texte du projet de loi, le président pourrait prendre cette décision, puisqu’il s’agit d’un principe d’application générale.

Considérons ce texte avec simplicité et non avec malignité ! Comme dans la procédure de comparution immédiate, le délibéré interviendra après chaque audience. Nous n’introduisons ici aucune nouveauté ! Nous nous contentons de reprendre une règle existante, tout en rappelant l’exception qui l’accompagne ordinairement et qui est liée à la bonne administration de la justice. Ne cherchons donc pas dans ce texte ce qu’il n’y a pas lieu d’y trouver !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le garde des sceaux, à malin, malin et demi ! Je vous accorde très courtoisement cette demi-part supplémentaire en la matière.

Vous avez évoqué l’oralité des débats, ce qui est loin de constituer une nouveauté en matière pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous ne sommes pas en train de débattre, que je sache, du tribunal administratif !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

L’oralité est également de mise dans le cadre du tribunal administratif !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ah bon ! C’est une nouveauté ! Monsieur le garde des sceaux, affirmer, dans cette auguste enceinte, que les débats sont oraux au tribunal administratif, me paraît tout de même assez curieux !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Sinon, il n’y a pas de débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est le cas de le dire !

Plus sérieusement, monsieur le garde des sceaux, le fait que le délibéré intervienne directement après l’audience est, quelles que soient les configurations, tout à fait ordinaire, et pas simplement dans le cadre d’une comparution immédiate. Là n’est donc pas le problème.

La difficulté soulevée par cet article est liée à la « formation », par le président, des citoyens assesseurs, lesquels, je le rappelle, siégeront au maximum huit jours par an. Ces derniers devront ainsi être instruits « des éléments constitutifs et, le cas échéant, des circonstances aggravantes de l’infraction devant être établis pour que la culpabilité puisse être retenue dans les termes de la prévention. »

Vous imaginez ce que cela peut représenter pour des citoyens assesseurs qui n’ont aucune expérience ni compétence en ce domaine !

De la même manière, le président sera chargé d’expliquer les problèmes juridiques liés à la tentative. Il n’est pas toujours simple de comprendre la sanction de la tentative par rapport à celle de l’acte. Lorsque le prévenu est poursuivi en qualité de complice, il revient encore au président d’éclairer les citoyens assesseurs. Qu’est-ce qu’un complice ? Par rapport à l’auteur principal, quelle sanction risque-t-il ? À chaque fois, à chaque audience, il faudra expliquer aux malheureux citoyens assesseurs l’ensemble de ces principes.

Monsieur le garde des sceaux, vous êtes, j’en suis convaincu, un homme de bon sens. Vous savez quelle est la situation des tribunaux correctionnels : les dossiers s’y accumulent et les magistrats rencontrent des difficultés pour les répartir et cherchent par tous les moyens à les orienter vers le juge unique, la comparution immédiate ou toute autre procédure particulière !

Comment pouvez-vous prétendre vouloir améliorer le fonctionnement de la justice avec un mécanisme aussi lourd, qui concernera, chaque année, des dizaines de milliers d’affaires ? À moins que les moyens dont vous allez disposer ne soient affectés qu’aux deux cours d’appel désignées pour expérimenter ces nouvelles dispositions !

Le système que vous voulez mettre en place n’a strictement aucun sens, il ne répond pas aux besoins de nos magistrats ni à ceux de la justice. La réalité, c’est que les magistrats, dans bien des cas, demandent aux avocats et au procureur de faire preuve de concision parce que les dossiers s’accumulent ! Et vous décidez que toute une série d’affaires, pas forcément les plus graves, celles qui vous paraissent les plus médiatiques, bénéficieront d’une procédure beaucoup plus longue.

Tout cela n’est pas sérieux, et je pèse mes mots.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Hier, j’ai eu l’occasion de vous dire, monsieur le garde des sceaux, que vous alliez à l’encontre des besoins de la justice. Je vous le répète. Quiconque connaît aujourd’hui la réalité des audiences correctionnelles ne peut que me rejoindre sur ce point. Les magistrats, excédés, subissent des pressions incroyables ; les audiences se terminent à minuit, voire une heure du matin ; les justiciables ont le sentiment de ne pas être entendus et les avocats, de ne plus servir à rien ; le ministère public, lui-même, n’en peut plus ! Or c’est ce moment que vous choisissez pour inventer une nouvelle procédure, dont je vous demande de mesurer un instant les effets.

Après chaque affaire, il faudra s’interrompre pour délibérer : telle est la règle de principe, qui s’appliquera hors les cas exceptionnels.

Des assesseurs citoyens seront présents – je le conçois. Certains seront de bonne volonté, mais pas tous ! Si vous jamais eu l’occasion de participer à un délibéré, vous savez que d’autres se méfieront, pensant qu’on veut les entraîner vers une décision : ceux-là voudront des explications, s’opposeront, demanderont ce que signifie la complicité… Au total, les délibérations vont durer des heures !

Et voici quel en sera le résultat : le nombre des affaires jugées au cours d’une audience sera, peut-être, inférieur de moitié à ce qu’il est aujourd’hui – au prix de si grandes difficultés, d’un tel harassement pour les magistrats et de telles frustrations pour les justiciables !

Cela n’a pas d’importance, dites-vous, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je n’ai pas dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

… car vous avez obtenu une enveloppe finançant la création de cent postes de magistrats.

Vous rendez-vous compte de ce que représentent cent magistrats, aujourd’hui ! Mais vous n’entendez pas la magistrature, monsieur le garde des sceaux : on vous les demande de toutes parts !

Vous savez ce que supportent les magistrats, et vous dites : « Qu’importe ! Ils feront encore un cours de droit élémentaire comparé sur la théorie de la complicité, de la tentative et des circonstances aggravantes… »

Je vous le dis clairement : ce que vous nous proposez est une aberration.

Au moment même où la justice ploie sous le fardeau, où les justiciables attendent d’elle qu’elle soit éclairée en même temps que suffisamment prompte, vous inventez de faire participer les justiciables eux-mêmes, qui ne vous demandent rien, à une œuvre judiciaire qui n’est pas la leur et à laquelle ils auront le plus grand mal à comprendre quelque chose – tant est grande l’exaspération des magistrats…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il ne faut peut-être pas exagérer…

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Les magistrats veulent des moyens pour pouvoir rendre la justice ; ils n’ont pas besoin de se transformer en pédagogues d’occasion pour des citoyens qui ne demandent rien !

Je vous le répète : vous atteignez le comble de l’irréalisme ! Vous n’agissez même pas par idéologie, mais par aveuglement. Dans l’état où se trouve la magistrature, c’est un choix politique absurde, et je suis content de pouvoir vous dire qu’il n’est pas votre fait.

Rappelez-vous que, s’il y a 2 400 affaires d’assises, il y a 450 000 affaires correctionnelles… Et il y en a toujours plus !

J’ajoute – cela n’est indifférent ni pour le Sénat ni pour vous-même – que ces procédures complexes, aggravant encore la lenteur des audiences, multiplieront le nombre de détenus à titre provisoire dans des maisons d’arrêt déjà surpeuplées ; les chiffres vous sont connus.

Tout cela, pourquoi ? Je vous mets au défi devant la Haute Assemblée d’avancer une raison autre que celle de justifier un slogan publicitaire : « En France, dorénavant, non seulement la justice sera rendue au nom des citoyens, mais elle le sera par les citoyens eux-mêmes ! » Assez de slogans, regardez la réalité en face ! C’est un mauvais coup que vous portez à la justice et à la magistrature.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

J’ai beaucoup de respect pour vous, monsieur le sénateur. Mais le respect qui vous est porté ne vous autorise pas à tenir de nombreux propos parfois peu exacts…

Il est vrai qu’aujourd’hui les moyens du service public de la justice ne sont probablement pas au niveau souhaitable. Mais, dans cet état de fait, vous avez comme moi une part de responsabilité, car vous participez depuis trop longtemps, comme ministre ou parlementaire, à la gestion du service public de la justice...

J’essaie, pour ma part, de participer à cette gestion avec beaucoup de modestie, et avec la conscience que, même si les moyens du ministère de la justice ont pu chaque année être un peu accrus, ils ne sont pas suffisants et – je dois le dire – ne le seront jamais, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… j’en ai pleinement conscience. Je sais aussi que la sous-dotation du ministère de la justice ne date pas seulement des dernières années.

J’aimerais que vous reconnaissiez également qu’il s’agit d’une situation historique. Sans doute, à plusieurs reprises, des efforts ont-ils été consentis : je n’en nie aucun, et je respecte trop mes adversaires politiques pour ne pas reconnaître ce qui a été fait, comme ce qui n’a pas été fait.

Je n’ai pas votre expérience d’avocat, et je le regrette. Je ne suis pas non plus magistrat, et crois que je n’aurais pas su l’être. Je suis seulement un pauvre juriste, qui essaie de faire ce qu’il peut…

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je sais parfaitement que les audiences correctionnelles, aujourd’hui, ne fonctionnent pas bien : commencer à treize heures et finir à vingt-deux heures ou vingt-trois heures, ou plus tard, cela n’est pas satisfaisant. Il s’agit d’une situation ancienne, mais ce n’est pas une raison pour qu’elle se poursuive. Si je cherche à engager des moyens nouveaux, c’est aussi dans le but de l’améliorer. Or je crois très sincèrement que cette réforme, dont j’ai parfaitement conscience qu’elle nécessitera des changements profonds, permettra d’améliorer la situation.

Nous aurons, tous ensemble, à nous assurer que la justice dispose des moyens qui lui sont nécessaires. Chaque jour, les juges remplissent leur office, dans des conditions il est vrai de plus en plus contraintes. Mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire et se satisfaire de la situation présente. Je pense au contraire que nous pouvons faire beaucoup mieux, et que cette réforme y concourra. Parce que sa mise en œuvre nécessitera une augmentation des moyens, nous ne l’introduisons pas partout et tout d’un coup : nous avons choisi de l’expérimenter dans les ressorts de deux cours d’appel. Je crois que c’est aussi une manière, pour nous, de faire preuve de modestie.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Vous savez bien que cette réforme est irréaliste !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Être modeste n’a jamais nui à personne : j’essaie pour ma part de l’être, et je ne prétends pas tout connaître.

Je considère également que les citoyens sont toujours respectables. Depuis deux jours, j’entends dire sans arrêt qu’ils n’ont rien demandé, que les matières sont trop techniques, que de simples citoyens ne seront pas capables de rendre la justice. C’est vrai : ce sont de simples citoyens français. En participant à l’œuvre de justice, ils seront un peu plus citoyens…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Il y a d’autres moyens de mettre en valeur les citoyens !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il est probable que les choses n’en seront pas fondamentalement changées, mais cette évolution n’est toutefois pas négligeable. Elle s’inscrit dans un mouvement de fond, qui changera la vision que les citoyens ont de la justice. Les associer au jugement de près de 40 000 affaires, et peut-être davantage dans quelques années, si l’expérimentation est concluante, c’est un véritable progrès : nous pouvons le rendre possible tous ensemble, sans nous envoyer à la figure des arguments à l’emporte-pièce…

Je reconnais qu’aujourd’hui le service public de la justice ne fonctionne pas parfaitement. J’essaie, modestement, de contribuer à son amélioration. Si chacun avait bien voulu faire le même effort dans le passé, la situation du service public de la justice serait aujourd’hui différente. Depuis 2007, en effet, le budget de la justice a augmenté chaque année : si la même tendance avait toujours existé, ce budget atteindrait peut-être aujourd’hui un niveau supérieur…

J’admets que nous avons connu, au cours des cinquante dernières années, des périodes plus fastes, mais aussi des déclins, puis des rebonds. Soutenir la justice dans ses moyens doit être un effort constant.

La justice revêt toujours un caractère un peu mystérieux pour nos concitoyens, qui lui demandent beaucoup mais n’ont pas l’habitude de lui donner suffisamment. Aussi n’est-ce pas l’une des moindres vertus de cette réforme que de permettre aux citoyens de se rendre compte de ce dont la justice a besoin.

Avec calme et modestie – car les grandes envolées ne sont guère dans mes habitudes –, je vous répète que je crois cette réforme véritablement utile.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, sur certaines travées du RDSE ainsi qu’au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le garde des sceaux, je n’ai ni le prestige, ni l’expérience, ni la connaissance approfondie du monde de la justice de mon collègue Robert Badinter. Néanmoins, depuis trois ans, j’écoute, j’entends, et je découvre une justice et une magistrature exsangues…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

N’exagérons rien…

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

… qui ne savent plus comment faire pour remplir correctement leurs missions.

Les postes manquent partout. J’ai lu – je ne sais plus où – que les moyens et les postes étaient largement suffisants pour mettre en œuvre la nouvelle réforme de la garde à vue et de l’aide juridictionnelle.

Tel n’est pas le cas en Bretagne : dans le ressort du tribunal de grande instance de Rennes, il manque aujourd’hui deux juges.

Quoi que vous puissiez dire, et quoi que l’on puisse lire dans certains journaux, les moyens et les postes de magistrats manquent aujourd’hui partout en France.

Pourquoi, dans ces conditions, vous obstinez-vous à compliquer les procédures et à lancer des expérimentations dont nous vous disons, sur les travées de la gauche et du centre, qu’elles sont inutiles et qu’elles aggraveront, à rebours de l’objectif que vous affichez, l’incompréhension des citoyens à l’égard du fonctionnement de la justice ?

Si vraiment vous disposez de moyens supplémentaires, et pouvez financer la création de cent nouveaux postes de magistrats, pourquoi ne pas en faire bénéficier les cours qui en ont besoin aujourd’hui ?

Une seule question se pose : quelle est la nécessité d’une réforme qui coûtera beaucoup d’argent, et que vous dites pouvoir financer, quand les moyens qui l’accompagnent seraient nécessaires au fonctionnement normal de la justice aujourd’hui ?

Une fois de plus, vous répondez à une commande du Président de la République, que nous avons suffisamment entendu s’exprimer sur le sujet ; reconnaissez-le au moins !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Ne nous enfermez pas, monsieur le garde des sceaux, dans un dialogue de sourds, car vous avez très bien entendu ce qu’ont dit Robert Badinter et beaucoup d’entre nous depuis le début de l’examen de ce projet de loi.

Vous nous avez renvoyés à l’histoire assez sombre du service public de la justice ; soyez assuré que, sur nos territoires, nous touchons tous du doigt les manques dont souffrent l’organisation de la justice et le système pénitentiaire.

Nous vous demandons seulement de réfléchir à la simplification du travail de la justice. Or le projet que vous défendez, peut-être à votre corps défendant

M. le garde des sceaux s’en défend.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Les cours, quelles qu’elles soient, ne suffisent plus à répondre aux attentes des justiciables ; elles sont débordées. Or le seul secours que vous leur offrez est un projet de loi qui complique encore les procédures et introduit un artifice, que j’appelais hier un leurre : la présence des citoyens assesseurs.

Le jour où la justice disposera de tous les moyens qui lui sont nécessaires, il sera temps de se livrer à des expériences pédagogiques – tout un travail pourrait d’ailleurs être conçu sur ce plan, en particulier pour permettre au public scolaire de pénétrer les arcanes du fonctionnement de la justice. Mais il est auparavant nécessaire que l’appareil de la justice ait été remis à flot, et que les moyens de fonctionner lui aient été donnés.

Compliquer les procédures, monsieur le garde des sceaux, c’est rendre un mauvais service à la justice, aux professionnels qui la font vivre, aux justiciables et à l’ensemble des citoyens, qu’ils soient ou non assesseurs.

Aussi, plutôt que de nous renvoyer aux impérities des politiques publiques successives s’agissant des moyens de la justice, entendez ce que nous vous disons et posez-vous sérieusement la question de la simplification des procédures : ainsi la justice ira-t-elle plus vite et plus droit, et les attentes des justiciables seront-elles mieux satisfaites.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le garde des sceaux, nous nous trouvons à un moment clé, qui permet à un certain nombre de groupes de faire entendre leur position sur votre projet de loi.

La nôtre s’explique, au-delà du projet de loi lui-même, par un ensemble d’événements.

Vous avez déclaré tout à l’heure que vous faisiez preuve de modestie. Je vous en sais gré, car c’est une vertu précieuse ; je pense que vous la possédez en effet. Mais vous possédez aussi l’art de ne pas répondre aux questions que l’on vous pose…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Robert Badinter vous a posé une question extrêmement simple, que l’on peut résumer par la métaphore suivante : il nous a expliqué, en substance, que, bien que le bateau soit en train de couler, vous continuiez à le surcharger, de telle sorte qu’il coulera encore plus vite !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Face à cette situation de détresse, que répondez-vous ? Que vous n’êtes pas responsable des avaries que le bateau subissait depuis si longtemps ! Ce n’est pas la bonne réponse ! Nous aurions voulu que vous nous expliquiez, monsieur le garde des sceaux, comment vous comptez vous y prendre pour sauver l’équipage et le bateau et que vous nous détailliez les moyens que vous allez mettre en œuvre pour permettre à celui-ci d’achever sa croisière. Là est le débat ! Au lieu de régler les vraies questions, au lieu de donner des moyens à la justice, vous la surchargez de lois inutiles et à grand spectacle. Évidemment, nous ne pouvons qu’être opposés à cette politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Comment peut-on prétendre promouvoir l’appareil judiciaire et œuvrer en faveur d’un meilleur fonctionnement de la justice de notre pays, quand on sait les conditions dans lesquelles a été menée la refonte de la carte judiciaire, refonte dont l’immense majorité de nos collègues ici présents ont fait la malheureuse expérience dans leurs départements respectifs ?

Allez donc expliquer à un habitant de Haute-Garonne, surtout s’il réside dans le sud du département – qui a vu la suppression d’un tribunal de grande instance – ou à la périphérie de Toulouse – dont la population réclame depuis très longtemps, en vain, la création de maisons de justice et du droit –, que la situation va s’améliorer soudainement grâce au présent projet de loi ! Vous êtes en dehors de la réalité !

En outre, il existe une formidable distorsion entre votre conception de la citoyenneté et la nôtre. Arriver à faire croire ou tenter de faire croire que l’on va promouvoir la citoyenneté dans notre République en créant, de manière artificielle et hâtive, des assesseurs citoyens, c’est vraiment, comme l’a dit à l’instant Robert Badinter, s’en tenir à des slogans et spéculer outrageusement sur des réflexes démagogiques, qui, par définition, sont à l’opposé de la conception que nous nous faisons de l’esprit critique et du rôle de citoyen.

Notre différend est réel, monsieur le garde des sceaux, et je doute fort que votre discours minimaliste et presque compassionnel nous fasse changer d’avis.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L’article 4 est adopté.

I. – Après l’article 510 du code de procédure pénale, il est inséré un article 510-1 ainsi rédigé :

« Art. 510-1. – Lorsque l’appel porte sur des infractions relevant des dispositions de l’article 399-2 ou 399-3, la chambre des appels correctionnels est composée, outre de son président et des deux conseillers, de deux citoyens assesseurs désignés conformément aux dispositions des articles 10-1 à 10-13.

« Les articles 399-4 et 399-5 sont alors applicables.

« Ne peuvent examiner une affaire en appel les citoyens assesseurs qui ont connu du dossier devant le tribunal correctionnel citoyen.

II. – §(Non modifié) Après l’article 512 du même code, il est inséré un article 512-1 ainsi rédigé :

« Art. 512-1. – Lorsque la chambre des appels correctionnels comprend des citoyens assesseurs, les articles 461-1 à 461-5 et 486-1 à 486-4 sont applicables. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 15 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 49 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L’amendement n° 125 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet article a pour objet d’assurer la présence de citoyens assesseurs au sein de la chambre des appels correctionnels.

Alors que la commission Léger s’était expressément prononcée contre l’introduction d’échevins en appel, compte tenu du travail d’unification du droit devant être réalisé par les juridictions du second degré, le présent projet de loi prévoit que deux citoyens assesseurs siégeront dans les chambres des appels correctionnels.

Or les dossiers qui sont examinés en appel sont souvent d’une nature beaucoup plus complexe. Ils nécessitent des connaissances juridiques solides. Les arrêts soumis au contrôle éventuel de la Cour de cassation en cas de pourvoi doivent être motivés tant en fait qu’en droit, ce qui constitue à l’évidence une tâche impossible pour des jurés populaires.

C’est pourquoi nous ne pouvons que demander la suppression de cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 49.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

En cohérence avec l’opposition que nous avons manifestée à la présence de citoyens dans les tribunaux correctionnels, nous nous opposons également – car vous connaissez notre constance ! – à leur présence au sein de la chambre des appels correctionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 125 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le garde des sceaux, vous voulez introduire des citoyens assesseurs non seulement dans les tribunaux correctionnels, en première instance, mais également dans les cours d’appel. Nous savons tous quelle situation connaissent, aujourd’hui, les cours d’appel : les délais d’audiencement y sont généralement longs, en raison de l’accumulation des dossiers que les moyens humains et matériels ne permettent pas de résorber comme il le faudrait.

L’introduction des citoyens assesseurs au sein des chambres des appels correctionnels allongera le délai de traitement des dossiers et la durée des audiences. Et nul n’ignore comment se déroulent les audiences devant une cour d’appel !

J’ai bien peur que cette nouvelle procédure ne soit difficile à mettre en œuvre. Là encore, les présidents des chambres des appels correctionnels devront se livrer à un exercice pédagogique particulièrement difficile, long et délicat.

Nous ne cessons de vous répéter la même chose depuis deux jours. Certains ont parlé de dialogue de sourds. Je ne vous fais pas un procès d’intention, monsieur le garde des sceaux, mais vous nous avez vous-même déclaré que les problèmes auxquels la justice est confrontée ne datent ni de cette année ni de l’année dernière, ajoutant que, en la matière, la responsabilité était collective – même si nous pensons, pour notre part, que la situation s’est aggravée, à bien des égards, ces derniers temps. Or le seul traitement que vous nous proposez est cette innovation législative qui laisse tout le monde dubitatif, y compris dans les rangs de votre majorité, où elle ne suscite pas un enthousiasme débordant.

Vous introduisez les citoyens assesseurs dans la chambre des appels correctionnels ; je ne pense pas, tout de même, que vous fassiez de même pour la Cour de cassation ! Tout le monde vous dit que cette mesure est négative, et même nocive, pour le fonctionnement de notre justice.

Tous les arguments sont respectables et recevables, monsieur le garde des sceaux, mais prétendre que l’opposition contesterait la création des citoyens assesseurs au motif que nous les considérerions comme insuffisamment formés et intelligents pour siéger dans les juridictions relève de la pure démagogie. Le problème n’est pas là ! Les citoyens assesseurs ne seront pas meilleurs que les étudiants en droit ou que les professionnels de la justice et il n’est pas sérieux d’attendre d’eux qu’ils en sachent autant, en vingt-quatre heures, sur un certain nombre de questions judiciaires et juridiques, que ceux qui y ont consacré plusieurs années.

Nous vous l’avons dit parfois avec humour, parfois avec gravité, Robert Badinter vous l’a dit avec toute la conviction et l’expérience qui sont les siennes. Pour ma part, mes trente-sept années de pratique m’autorisent, en toute humilité, à vous dire que vous faites fausse route, que vous n’allez pas dans le bon sens. La présence des citoyens assesseurs dans la chambre des appels correctionnels introduira une complexité supplémentaire et allongera les délais, elle sera extrêmement nocive. Vous rendriez service à la justice en y renonçant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission des lois a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques pour des raisons que je prendrai quelques instants à détailler.

On aurait pu éventuellement imaginer que les citoyens assesseurs ne soient présents que dans les chambres des appels correctionnels, dans la mesure où les procès en appel provoquent moins de stress, moins de précipitation et sont empreints d’une plus grande sérénité. Quand bien même cette solution aurait permis de diviser par plus de dix le nombre d’hypothèses visées – on compte annuellement 600 000 décisions de première instance et entre 40 000 et 50 000 décisions d’appel –, nous n’y avons pas donné suite, estimant que limiter la présence des citoyens assesseurs aux procédures d’appel aurait très largement restreint la participation des citoyens à l’expression de la justice pénale.

Il me paraît quelque peu paradoxal que l’on puisse envisager la présence des citoyens assesseurs en première instance, et non pas en appel. Mes chers collègues, comme l’a démontré l’affaire d’Outreau, les décisions des cours d’assises peuvent désormais fort heureusement faire l’objet d’un appel. Imaginez-vous un seul instant que ne siègent que des magistrats professionnels dans les cours d’assises de second ressort ? Rien ne le justifierait. Pareillement, puisque des citoyens assesseurs siégeront en première instance, il faut absolument qu’ils siègent en appel pour connaître des mêmes affaires.

La présence des citoyens assesseurs introduit une solennité supplémentaire et il n’y aurait aucun sens à considérer que, de ce point de vue, la première instance mérite davantage de considération que l’appel.

La question de fond est la suivante : sommes-nous favorables ou défavorables à la présence des citoyens assesseurs ? L’opposition a dit et répété qu’elle y était hostile, cependant que la majorité s’y montre favorable. Nous sommes sur ce point en désaccord. Mais puisque nous avons décidé que ces citoyens assesseurs seraient présents en première instance, bien évidemment ils doivent l’être aussi en appel. Le contraire n’aurait aucun sens.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. le rapporteur se livre à un louable exercice pour tenter de nous convaincre, mais je tiens à lui dire que cette question ne relève pas d’un affrontement entre la droite et la gauche ; il s’agit d’une affaire de bon sens.

Monsieur le rapporteur, votre argument consiste à dire que, puisque les citoyens assesseurs vont siéger en première instance, il faut également qu’ils siègent en appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Certes, mais pourquoi n’appliquez-vous pas ce raisonnement aux procédures engagées devant les conseils de prud’hommes, les tribunaux de commerce ou les tribunaux paritaires des baux ruraux ? Les représentants professionnels qui siègent dans les formations de première instance siègent-ils également en appel ? Non !

Je disais tout à l’heure que vous « ramiez », mais c’était un compliment Si vous étiez logique, il faudrait engager d’autres réformes, par exemple prévoir la présence de magistrats professionnels au sein des tribunaux de commerce. Ce ne serait pas nécessairement une mauvaise chose… Force est de constater que vous ne voulez surtout pas entendre parler de certaines réformes, cependant que vous en engagez d’autres pour des raisons qui n’ont strictement rien à voir avec le bon fonctionnement de la justice.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L’article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Chapitre III

Participation des citoyens au jugement des crimes et amélioration de la procédure devant la cour d’assises

Section 1

Dispositions relatives au déroulement de l’audience et à la motivation des décisions

(Non modifié)

L’article 327 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 327. – Le président de la cour d’assises expose, de façon concise, les faits reprochés à l’accusé et les éléments à charge et à décharge figurant dans le dossier, tels qu’ils résultent de la décision de renvoi. Lorsque la cour d’assises statue en appel, il donne, en outre, connaissance du sens de la décision rendue en premier ressort et, le cas échéant, de la condamnation prononcée.

« Dans son rapport oral, le président ne doit pas manifester son opinion sur la culpabilité de l’accusé.

« À l’issue de son rapport, le président donne lecture de la qualification légale des faits objets de l’accusation. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 16 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 50 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L’amendement n° 126 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l’amendement n° 16.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L’amendement n° 16 modifie profondément l’article 327 du code de procédure pénale en ce qui concerne le déroulement du procès d’assises.

L’actuel article 327 dispose que le procès d’assises s’ouvre par la lecture de la décision de renvoi – pièce objective – ainsi que, lorsque la cour d’assises statue en appel, des questions posées à la cour d’assises ayant statué en premier ressort, des réponses et de la condamnation prononcée.

Pour des raisons que je comprends mal, l’article 6 tend à remplacer la lecture d’un document objectif par la présentation – « concise », nous dit-on –, du rapport du président de la cour d’assises, rapport qui doit exposer les faits reprochés à l’accusé, les éléments à charge et à décharge tels qu’ils résultent de l’arrêt de renvoi. Lorsque la cour d’assises statue en appel, il expose également le sens de la décision rendue en premier ressort.

Il est précisé que le président ne doit pas manifester son opinion sur la culpabilité de l’accusé. Permettez-moi de souligner que lorsque la cour statue en appel, la culpabilité de l’accusé a déjà été reconnue. Est-ce une opinion ? Je n’en sais rien…

Il est vrai que la lecture de l’arrêt de renvoi, qui comprend beaucoup d’éléments à charge, place souvent l’accusé dans une position très défavorable. On lui assène, dans une lecture monocorde, toutes les charges retenues contre lui.

On peut penser que les dispositions qui nous sont présentées visent à remédier à cette situation. Il était en effet souhaitable d’engager une réflexion sur l’actuel article 327, mais je considère toutefois que cette réflexion n’est pas encore aboutie.

En effet, le président sera placé dans une position très délicate. Ce qui est vrai en correctionnelle le sera plus encore aux assises : les avocats créeront des incidents d’audience en contestant le rapport du président.

Monsieur le garde des sceaux, il ne s’agit en aucun cas de mettre en cause l’impartialité des magistrats. L’impartialité d’un magistrat s’évalue au moment où il rend sa décision. Lorsque le président rédigera son rapport, ses opinions personnelles transparaîtront – il serait difficile qu’il en aille autrement – ne serait-ce que par la présentation qu’il fera du dossier, la manière dont il le traitera, les éléments à charge ou a décharge qu’il retiendra. Il ne s’agit pas de dire que le président n’est pas impartial, il s’agit de reconnaître que son rapport va être contesté.

Nous nous opposons donc à la présentation d’un rapport du président en cour d’assises, comme nous l’avons fait tout à l’heure pour le procès en correctionnelle. Je comprends bien le souhait d’alléger les dispositions actuelles, de ne pas infliger à l’accusé et aux membres de la cour la lecture de l’arrêt de renvoi. Nous considérons toutefois que ce sujet doit donner lieu à de plus amples réflexions, et c’est pourquoi proposons la suppression de l’article 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 50.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cette procédure ne paraît pas adaptée aux assises, où siègent des magistrats professionnels mais aussi des jurés citoyens.

La lecture du rapport peut donner l’impression, voire le soupçon, d’une partialité du président, car le juge d’instruction dans son acte d’accusation, lui, prend parti et motive ses choix.

S’il est vrai que la lecture de l’arrêt de renvoi par le greffier peut placer l’accusé dans une position défavorable dès l’ouverture de l’audience, la nouvelle procédure ne résout en rien cette difficulté. Elle place le président dans une situation fort complexe et ouvre la possibilité, pour chacune des parties, de contester son impartialité dès l’ouverture de l’audience. Le rapporteur a évoqué cette question dans son rapport, qui reprend les propos du président de l’Union syndicale des magistrats mettant en garde contre les risques que comporte la solution proposée.

Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je ne peux que vous inviter à revenir sur cette disposition très contestable, et qui sera sans doute très contestée.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 126 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’actuel article 327 du code de procédure pénale dispose que, devant la cour d’assises, le président invite l’accusé et les jurés à écouter la lecture intégrale de la décision de renvoi, en d’autres termes, de l’arrêt de renvoi devant la cour d’assises.

Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, on n’a de cesse de nous rappeler l’importance de l’oralité des débats. Tous ceux qui ont assisté à une audience de cour d’assises, ou qui ont été jurés, savent que l’oralité est une donnée fondamentale.

M. le garde des sceaux s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le garde des sceaux, vous le savez mieux que personne, les jurés ne disposent pas du dossier, mais ils peuvent demander qu’une pièce leur soit lue. L’arrêt de renvoi est parfois très long, certains pouvant atteindre trois cents pages. Les jurés doivent donc faire preuve d’une grande attention.

Avec l’article 6, on propose que la lecture de l’arrêt de renvoi soit remplacée par la présentation d’un rapport oral rédigé par le président de la cour d’assises. Or, la rédaction d’un tel rapport soulève des difficultés, que M. Lecerf expose de manière très objective à la page 72 de son excellent rapport. Permettez-moi d’en citer quelques extraits : « Le rapport oral ne doit pas donner lieu à la manifestation d’une opinion sur la culpabilité de la personne. […] Plusieurs des interlocuteurs de votre rapporteur ont souligné la difficulté de l’exercice auquel devrait se livrer le président afin de ne manifester aucun présupposé sur la culpabilité de l’accusé. [Le] président de l’USM, a fait remarquer que ce rapport exposera le président aux soupçons de partialité de la même manière que l’ancien résumé avant délibération, abrogé en 1881. » Et c’est exact.

Le système actuel n’est certes pas la panacée, il est critiquable, mais le dispositif que vous nous proposez engendrera des difficultés procédurales considérables. Il donnera lieu à de multiples contestations, à juste titre d’ailleurs, de même que la formulation des questions posées au jury.

Nous sommes, ne l’oublions pas, dans le domaine de l’oralité. Les jurés, et c’est bien normal, n’ont pas accès aux pièces écrites du dossier. Dès lors, le rapport oral aura une influence fondamentale sur la première opinion des jurés.

La première chose que regarde un juré d’assises, il faut le reconnaître, c’est la tête de l’accusé, l’impression qu’il donne. Ensuite, vient la lecture de l’arrêt de renvoi. Vous la remplacez par la présentation d’un rapport oral, lequel aura une influence considérable sur la suite des débats. Je ne dis pas que cette influence sera bonne ou mauvaise, je dis simplement qu’elle sera considérable.

Monsieur le garde des sceaux, je me suis efforcé de vous présenter, simplement et objectivement, les risques que peut engendrer votre dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ces amendements visent à supprimer l’article 6 qui prévoit que la lecture de la décision de renvoi, au début du procès en assises, est remplacée par un exposé du président présentant les éléments à charge et à décharge.

La lecture de la décision de renvoi est une formalité souvent lourde, qui ne contribue pas nécessairement à éclairer les jurés, comme nous l’ont indiqué plusieurs magistrats, lors des auditions auxquelles nous avons procédé. Certains d’entre eux ont cité le cas d’ordonnance de renvoi de trois cents pages dont la lecture peut s’étaler sur une ou deux journées. Quelle est la durée maximale d’attention d’un juré… ou d’un sénateur ? Une heure, deux heures peut-être, sans doute pas deux jours.

M. Jacques Mézard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je ne suis pas persuadé, monsieur Mézard, que tout le monde ait votre capacité d’attention.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Les délais d’audiencement en matière criminelle justifient que l’on s’attache à alléger certaines formalités, sans mettre en cause la qualité des débats devant la cour d’assises.

Cela dit, nous n’ignorons pas – M. Mézard a bien voulu lire quelques extraits de mon rapport – le risque de mise en cause de l’impartialité du président de la cour d’assises ni le risque d’incidents d’audience que ne manqueront pas de créer les avocats. Cependant, la commission des lois, dans sa majorité, a considéré que le président de la cour d’assises était un magistrat possédant l’expérience requise pour exposer l’affaire de manière équilibrée.

Nous devons éviter deux risques de nature différente : la lassitude due à la lecture d’une très longue décision de renvoi ou la mise en cause de l’impartialité du président de la cour.

Monsieur le garde des sceaux, l’une des personnalités que la commission a entendue, ancien président de cour d’assises, nous a suggéré, pour remédier à cette situation, une solution que l’on pourrait peut-être envisager dans la suite de la procédure législative, à savoir que l’exposé du président puisse être communiqué avant lecture aux parties afin de recueillir d’éventuelles observations et d’écarter ainsi toute contestation ultérieure.

La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La proposition dont M. le rapporteur vient de se faire l’écho mérite d’être étudiée par la chancellerie, et peut-être même pourrait-elle être soumise à l’Assemblée nationale ?

Monsieur le garde des sceaux, à l’heure actuelle, même les rapports et les plans d’audience préparés par les présidents de cour d’assises sont contestés par les avocats. Souvenez-vous du premier procès Ferrara où la présidente de la cour a vu la manière dont elle dirigeait les débats contestée pendant toute la durée du procès, à commencer par le plan d’audience. Avec la présentation d’un rapport, les risques de contentieux me paraissent encore plus importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je ne fais aucun procès d’intention aux présidents de cour d’assises et il ne s’agit pas pour moi de mettre en cause leur impartialité.

Monsieur le garde des sceaux, que va-t-il se passer ? D’abord, le président de la cour d’assises va prendre connaissance de l’arrêt de renvoi qui, dans certains cas – rares, admettons-le ! –, peut en effet comprendre trois cents pages. Ensuite, il s’efforcera d’en tirer la substantifique moelle, c’est-à-dire de présenter un résumé des faits, d’énoncer les éléments à charge et à décharge. C’est là qu’intervient l’appréciation strictement personnelle du président. Il peut, en considérant qu’il fait une bonne synthèse du dossier, l’orienter dans un sens ou dans l’autre, sans que son appréciation donne lieu au moindre contrôle a posteriori. C’est toute la différence avec la décision de renvoi qui, elle, peut donner lieu à contestation. Et c’est bien là que réside toute la difficulté. Ce n’est que dans la suite de la procédure que le rapport pourra être contesté, par la partie civile ou par la défense.

Cette disposition présente donc des avantages, mais aussi, il faut bien l’admettre, quelques inconvénients.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’amendement n° 51, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

reprochés à l’accusé et les éléments à charge et à décharges figurant dans le dossier, tel qu’ils résultent de la décision de renvoi

par les mots :

en veillant à ne pas entrer dans le détail des charges qui vont être discutées au cours de l’audience

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cet amendement vise à remédier à la situation que nous avons critiquée dans notre précédent amendement.

Afin de prémunir le président de la cour d’assises contre tout soupçon de partialité, nous prévoyons que celui-ci expose les faits en veillant à ne pas entrer dans le détail des éléments à charge et à décharge qui seront examinés au cours de l’audience.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission est défavorable à cet amendement.

Le texte du projet de loi précise que, outre la présentation des faits, le président de la cour d’assises doit indiquer les éléments à charge et à décharge. Il s’agit d’abord de garantir la meilleure information possible des jurés.

Or la présentation des éléments à charge et à décharge constitue une information utile pour ces jurés. Elle garantit aussi – dans une certaine mesure –, mieux que le seul exposé des faits, une présentation de l’affaire qui paraît équilibrée.

Je comprends l’intention de notre collègue, mais j’estime que la solution qu’elle préconise serait pire que le mal que nous nous efforçons d’éviter.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’amendement n° 127 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après les mots :

en premier ressort

insérer les mots :

, de sa motivation

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Par cet amendement, nous souhaitons anticiper sur le nouveau système de motivation des arrêts de cours d’assises mis en œuvre à l’article 7 du projet de loi. Si nous nous opposons à cette réforme, nous estimons néanmoins nécessaire que, le cas échéant, la motivation de la décision des juges du premier degré soit portée à la connaissance des juges d’appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission a émis un avis favorable sur cet amendement. Elle estime en effet que cette information est très utile et que l’existence de l’appel est l’un des arguments principaux en faveur de la motivation des arrêts de cours d’assises.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix l’article 6, modifié.

L’article 6 est adopté.

I §(nouveau). – Au deuxième alinéa de l’article 353 du même code, les mots : « La loi ne demande pas compte aux juges » sont remplacés par les mots : « Sous réserve de l’exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d’assises. »

II. – La section 1 du chapitre VII du titre Ier du livre II du même code est complétée par un article 365-1 ainsi rédigé :

« Art. 365-1. – Le président ou l’un des magistrats assesseurs par lui désigné rédige la motivation de l’arrêt.

« En cas de condamnation, la motivation consiste dans l’énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l’accusé, ont convaincu la cour d’assises. Ces éléments sont ceux qui ont été exposés au cours des délibérations menées par la cour et le jury, conformément à l’article 356, préalablement aux votes sur les questions.

« La motivation figure sur un document annexé à la feuille des questions appelé feuille de motivation, qui est signée conformément aux dispositions de l’article 364. »

III §(nouveau). – Après le premier alinéa de l’article 366 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le président donne lecture des mentions figurant dans la feuille de motivation. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 17 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 52 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

L’amendement n° 128 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l’amendement n° 17.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

La question de la motivation des arrêts d’assises présente de nombreuses difficultés.

En effet, en vertu de l’article 353 du code de procédure pénale, il est uniquement demandé aux jurés populaires de se prononcer selon leur intime conviction. La Cour de cassation a jugé de manière constante que notre procédure satisfaisait aux exigences légales et conventionnelles. Elle l’a encore rappelé dans un arrêt du 10 novembre 2010.

Or la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Taxquet c/Belgique du 16 novembre 2010, a récemment condamné la Belgique pour la non-motivation de ses arrêts d’assises. Cependant, le 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré notre procédure actuelle conforme à la Constitution en considérant que « l’absence de motivation en la forme ne peut trouver de justification qu’à la condition que soient instituées par la loi des garanties propres à exclure l’arbitraire ». Il a rappelé, enfin, que notre procédure actuelle présentait de telles garanties.

Nous nous trouvons donc face à deux décisions qui semblent antagonistes. Mais il ne faut pas oublier que les procédures belges et françaises ne sont pas identiques ; n’interprétons pas trop hâtivement les conséquences d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme rendu sur la procédure d’un autre État.

Au-delà de ces différentes positions jurisprudentielles, il faut aussi comprendre que l’exigence de motivation va engendrer des complications sérieuses et parfois même inextricables. En effet, le magistrat sera contraint de matérialiser les éléments que les jurés auront pris en compte, chacun pour sa part, afin de prendre une décision en leur intime conviction.

L’hétérogénéité d’un tel groupe de personnes, de par leurs origines et leur sensibilité, est par essence contraire à l’exigence de motivation. Celle-ci alourdira considérablement la charge de travail des magistrats qui devront effectuer un numéro de funambule pour parvenir à une synthèse des différentes convictions.

Même s’ils réussissent, l’exigence de motivation va, dans un second temps, bouleverser l’équilibre entre magistrats et citoyens dans la prise de décision.

En effet, les jurés sont appelés à prendre une décision en leur intime conviction. Avec l’exigence d’une motivation, le magistrat influencera sans aucun doute les jurés en les orientant afin, je le répète, de parvenir à une synthèse.

Vouloir résumer en quelques paragraphes l’opinion d’un jury, par essence hétéroclite, reviendra naturellement à priver cet organe de ses objectifs fondamentaux : la représentation citoyenne dans toute sa diversité ainsi que la libre prise de décision des jurés en leur intime conviction.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 52.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Nous ne sommes pas opposés à la motivation des arrêts de cours d’assises, en tant que telle, car elle peut constituer une garantie de transparence et de lisibilité bénéfique pour l’exercice des droits de la défense, notamment du droit d’appel.

Aujourd’hui, par dérogation à l’obligation de motivation des décisions de justice posée par l’article 485 du code de procédure pénale, les arrêts rendus par une cour d’assises ne sont pas motivés en France. Cette dérogation résulte du caractère très particulier de cette cour, émanation du peuple souverain, et du fait que ses décisions reposent sur une intime conviction, selon un principe affirmé sous la Révolution : leur motivation n’est donc pas nécessaire.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 1er avril 2011 – ce n’était pas un poisson d’avril !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Il semble également que notre droit, comme l’a rappelé notre collègue, soit en compatibilité totale avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, exprimée dans sa décision du 13 janvier 2009.

Quoi qu’il en soit, même si l’on accepte le principe de motivation des arrêts de cours d’assises, une chose est sûre : il ne doit pas être mis en œuvre selon les modalités prévues à l’article 7 du projet de loi.

En effet, en prévoyant une rédaction de la motivation par le président de la cour, alors même qu’il s’agit d’une décision rendue par les jurés, ce projet de loi en fait un exercice tout à fait factice et artificiel qui aura pourtant des conséquences réelles. Rappelons, à cet égard, que le président n’assiste pas aux délibérations du jury. Dès lors, il paraît pour le moins difficile de lui accorder la responsabilité juridique de retranscrire la motivation de l’arrêt, alors que celle-ci est censée apporter un élément de transparence pour fonder un éventuel recours.

En l’absence d’obligation, il nous semble préférable de renoncer à la motivation de ces arrêts, plutôt que d’introduire un dispositif quelque peu boiteux de motivation a posteriori.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 128 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Sur cet article 7, j’avoue avoir été partagé après les auditions – informelles, faute de temps – auxquelles nous avons procédé. Les avis des représentants d’organisations de magistrats que nous avons recueillis m’ont incité à réfléchir.

Effectivement, vous nous proposez de modifier considérablement le système actuel.

M. le garde des sceaux feint de s’étonner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Or, mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que cette modification fondamentale ne trouve pas son origine dans les décisions du Conseil constitutionnel, comme viennent de le rappeler nos collègues.

En fait, c’est vous qui avez décidé que les arrêts de cours d’assises devraient désormais être motivés. A priori, une telle décision paraît aller dans le bon sens, mais sa mise en œuvre est extrêmement difficile.

Pour ce faire, vous êtes obligés de modifier les dispositions de l’article 353 du code de procédure pénale concernant la lecture aux jurés, par le président de la cour d’assises, de la manière dont ils doivent réfléchir pour prendre leur décision : « La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve […] ». Cet article se termine par la phrase suivante : « Avez-vous une intime conviction ? »

L’article 7 du projet de loi prévoit une modification considérable, en remplaçant les mots : « La loi ne demande pas compte aux juges », par les mots : « Sous réserve de l’exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d’assises. » C’est un véritable bouleversement, qui est en fait assez antinomique avec le système de l’intime conviction !

D’un côté, l’article 353 du code de procédure pénale rappelle aux jurés que leur motivation se fonde uniquement sur leur intime conviction : ils délibèrent, ils n’ont pas à expliquer leurs décisions, ils n’ont pas à motiver chacun de leur vote sur la culpabilité ou sur la peine. De l’autre, l’article 7 dispose que le président rédige la motivation de l’arrêt. Je le répète, c’est antinomique !

Nous nous orientons, au fil des années, vers une modification considérable de ce qu’était initialement la cour d’assises, avec ses qualités et ses défauts.

Quand à la motivation, qui sera l’œuvre du président, elle donnera inéluctablement et légitimement lieu à contestation, monsieur le ministre, à moins que vous ne décidiez de modifier beaucoup plus en profondeur les dispositions de l’article 353 du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ces amendements identiques visent à supprimer l’article 7 du projet de loi, qui prévoit la motivation des arrêts rendus par les cours d’assises. En ce sens, ils sont totalement contradictoires avec l’amendement de notre collègue Mézard que nous venons de voter à l’unanimité voilà quelques instants. Je m’apprêtais d’ailleurs à lui manifester ma perplexité face à sa proposition, mais le caractère nuancé de celle-ci m’a dissuadé de le faire…

Certes, mes chers collègues, la motivation n’est commandée par aucune décision du Conseil constitutionnel ou de la Cour européenne des droits de l’homme. Mais sommes-nous condamnés à ne légiférer que sous leur contrainte ? Je ne le crois pas. Nous est-il interdit, en tant que législateurs, d’améliorer le droit en vigueur de notre propre initiative ? Nous avons tous la réponse à cette question. Or la motivation des arrêts de cours d’assises apparaît souhaitable à plusieurs titres.

Il peut d’abord sembler paradoxal qu’un jugement correctionnel ou contraventionnel soit motivé, alors qu’un arrêt criminel, dont le retentissement est souvent bien plus grand et les conséquences plus lourdes, ne l’est pas.

Ensuite, la motivation de première instance paraît inhérente au droit d’appel – tel est d’ailleurs le sens de notre vote unanime d’il y a quelques instants. Elle permet au condamné de connaître les raisons qui ont fondé la décision des juges et de décider en connaissance de cause s’il doit ou non exercer une voie de recours. Elle fournit également à la juridiction du second degré un cadre de référence en permettant de centrer les débats sur les questions importantes.

Par ailleurs, la motivation pourrait introduire une certaine rationalité dans un processus qui fait parfois une large part à l’émotivité. En Allemagne, en Espagne et en Suisse, où le jugement des infractions pénales les plus graves est le fait de juges professionnels et de jurés ou d’échevins, les décisions sur la culpabilité et la peine sont motivées.

La commission des lois a enfin apporté quatre séries de modifications au dispositif initialement proposé par le Gouvernement : la motivation sera exigée pour un acquittement, et pas seulement pour une condamnation, comme l’ont réclamé notamment les associations de victimes ; la référence aux éléments à charge, notion figurant déjà dans le code de procédure pénale, a été substituée à celle de « raisons », qui paraît moins s’accorder avec le principe de l’intime conviction ; la feuille de motivation devra être signée par le président et le premier juré afin de garantir le contrôle du jury sur la motivation retenue par le magistrat ; enfin, la motivation sera lue par le président immédiatement après le prononcé de l’arrêt dans la salle d’audience.

Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à ces trois amendements, et elle estime que la motivation des arrêts des cours d’assises est inéluctablement inscrite dans l’évolution de notre droit.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je m’arrêterai quelques instants sur cet article, qui est important et constitue à mon sens une avancée assez fondamentale pour notre droit.

J’ai bien compris qu’il nous est proposé, au travers de ces trois amendements de suppression, de ne rien faire, de ne pas bouger… Leurs auteurs nous disent, et je suis tout à fait d’accord avec eux, que cette réforme visant à la motivation des décisions des cours d’assises n’est pas une obligation constitutionnelle, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel le 1er avril 2011. Elle n’est pas non plus une obligation conventionnelle, la Cour européenne des droits de l’homme l’a rappelé dans son arrêt de grande chambre, Taxquet c/Belgique, du 16 novembre 2010.

Mais il me semble que, voilà quelques semaines, on me reprochait toutes les vingt-deux secondes le fait que nous légiférions parce que nous y étions obligés par le Conseil constitutionnel et la Cour de Strasbourg…

En l'occurrence, le Parlement se situe dans la plénitude de ses fonctions.

Mme Virginie Klès s’exclame.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Au demeurant, la réflexion sur cette question ne date pas d’hier, puisque le sujet figurait déjà au cœur des travaux d’une commission réunie, en 1982, par le garde des sceaux de l’époque, M. Robert Badinter, et présidée par le professeur Léauté. Elle a ensuite été reprise dans le projet de loi portant réforme de la procédure criminelle, présenté par Jacques Toubon en 1996.

La motivation des arrêts d'assises me semble constituer, à plusieurs égards, une avancée importante.

Elle renforcera tout d'abord la confiance dans la justice, en permettant à l'accusé, à la victime, et plus généralement au public de comprendre le pourquoi d’une décision. On nous rappelle à longueur de temps que la convention européenne des droits de l’homme de 1950 garantit le droit à un procès équitable. Mais la première exigence du procès équitable n’est-elle pas qu’une personne comprenne pourquoi elle est condamnée ? Or l’on ne peut comprendre les raisons de sa condamnation que si les décisions sont motivées.

Cette réforme me paraît donc de nature à rationaliser un processus de décision parfois trop empreint d'émotivité, en conduisant jurés et magistrats à s'appuyer sur des motivations concrètes, sans céder aux sentiments d'un instant.

Elle donnera des indications utiles à l'accusé, au parquet et à la victime pour décider ou non de faire appel.

Surtout, elle supprimera une incohérence extrême de notre droit. Aujourd’hui, les condamnations les plus graves ne sont pas motivées, alors que les moins graves le sont ! En effet, les décisions des tribunaux correctionnels sont obligatoirement motivées, tandis que les décisions criminelles des cours d'assises ne le sont pas. Comprenne qui pourra…

En tout état de cause, la réflexion des praticiens et de la doctrine progresse sur ce point. Je vous renvoie ainsi à la lecture d’un article de Michel Huyette, conseiller à la cour d’appel de Toulouse et président de cour d’assises, paru au recueil Dalloz 2011 et intitulé « Comment motiver les décisions de la cour d’assises ? » Ce magistrat conclut son texte en préconisant « l’adoption d’un mécanisme très simple de motivation succincte de l’arrêt pénal, avec un président de cour d'assises présentant en quelques paragraphes l’essentiel du raisonnement ayant conduit à la décision, le contrôle de la Cour de cassation étant alors un contrôle léger du fait de la particularité de la juridiction criminelle ».

C'est très exactement ce que le Gouvernement propose dans son projet de loi, et ce que la commission a bien voulu reprendre dans son texte.

De surcroît, comme l'observe ce magistrat, je confirme que le contrôle de la Cour de cassation portera exclusivement sur l'existence d’une motivation et sur l'absence de contradiction entre les différents éléments à charge retenus dans la motivation adoptée.

Je précise par ailleurs que le droit comparé justifie cette réforme et montre que c'est évidemment au président, et non aux jurés, de mettre en forme la motivation.

Rares sont les pays européens où la loi impose aux jurés de rédiger eux-mêmes la motivation du jugement : ainsi, au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne et en Italie, pays où les décisions des jurys d’assises sont motivées, ce sont les magistrats professionnels qui rédigent la motivation, car ils ont les capacités juridiques et techniques pour mettre en forme les arguments des uns et des autres.

Bien évidemment, ce texte peut encore être perfectionné, et la commission des lois du Sénat l’a sensiblement amélioré, comme vient de le rappeler M. le rapporteur.

Je crois très honnêtement que la motivation des arrêts d’assises deviendra obligatoire. Cette évolution me semble en effet inéluctable : les justiciables ont envie de savoir pourquoi ils sont condamnés, ce qui est d’ailleurs aisément compréhensible.

C'est la raison pour laquelle je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter ces amendements de suppression et d'accepter que, enfin, les arrêts d'assises soient motivés dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avant que je ne développe mon argumentation, vous avouerez, monsieur le garde des sceaux, que j’ai toujours cherché à faire la part des choses entre les aspects positifs et négatifs de cette réforme.

Le débat sur la motivation des arrêts d’assises n'est pas nouveau, en effet, et il ne date pas du dépôt de ce texte. Ma position initiale était de dire qu'il fallait les motiver. Je crois toujours que nous devrons un jour atteindre cet objectif. Toutefois, faute d’une concertation suffisante avec les professionnels qui suivent ces affaires d'assises, il me semble impossible d’entériner aujourd’hui le projet qui nous est soumis.

Cet après-midi, M. le rapporteur rappelait que, grâce à la présence des jurés, les arrêts d'assises étaient généralement bien acceptés par l'opinion publique, celle-ci considérant que la justice criminelle était rendue de manière satisfaisante dans notre pays. J'en ai donc conclu que, de l’avis général, ces arrêts remplissaient leur rôle. Or vous venez à l'instant de contredire cette affirmation, monsieur le garde des sceaux, en prétendant que les décisions de cours d'assises n’étaient pas comprises de nos concitoyens. Une fois de plus, il y a une contradiction manifeste dans les arguments qui nous sont présentés.

Nous devons, me semble-t-il, aller plus loin que la simple modification de l'article 353 du code de procédure pénale envisagée à cet article 7, et le dispositif mérite d’être revu.

En l’occurrence, l'objectif que vous visez me semble opportun, mais il nécessite une réforme beaucoup plus globale de la procédure criminelle.

Votre proposition, monsieur le garde des sceaux, aura pour conséquence d’accroître considérablement la responsabilité des présidents de cour d’assises.

Un arrêt de cour d'assises vise en effet à répondre à de nombreuses questions qui portent, notamment, sur la culpabilité, l'auteur principal ou les complices éventuels. Imaginons qu’une cour d'assises, à la suite d’une délibération, prenne une décision de condamnation. Si la présente réforme est adoptée, le président de la cour devra rédiger une motivation correspondant à l'ensemble de ces votes et des débats qui les ont précédés. De deux choses l’une : soit il la rédigera après que les jurés, avec l’aide des magistrats, auront pris leur décision, soit il commencera à préparer sa motivation en amont, en laissant éventuellement la porte ouverte à plusieurs possibilités. Ne nous leurrons pas, mes chers collègues : c'est bien la seconde hypothèse qui risque de se réaliser le plus souvent, et cela pose un sérieux problème.

Dans des cours d’assises où les délibérés ont déjà tendance à s’éterniser, où la pression et la tension sont palpables dans les salles d'audience, il faudra encore trouver le temps, forcément très long, nécessaire à la rédaction de la motivation de la décision.

Le dispositif proposé ne me semble pas suffisamment préparé. En vous écoutant, monsieur le garde des sceaux, je me suis dit que le problème de la rédaction de la motivation va être très préoccupant.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La séance est reprise.

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le garde des sceaux, tout à l’heure, vous nous avez indiqué que nous partagions le constat suivant : la justice va mal. J’en suis d’accord. Mais un fossé d’incompréhension se creuse ensuite. Malgré vos conclusions, vous ne voulez rien entreprendre.

Permettez-moi d’utiliser une métaphore employée dans le monde médical, milieu que je connais mieux que celui de la justice. J’arriverai peut-être ainsi à vous faire comprendre ce que nous ressentons à propos du présent projet de loi.

La justice va mal, très mal même. Elle est exsangue, en état de choc.

En matière médicale, lorsqu’une personne est en état de choc, on ne fait pas rien, mais, en tout cas, on ne la bouge surtout pas. Sur place, le cas échéant, on arrête l’hémorragie, on rétablit sa volémie en lui injectant par perfusion du sang, des sérums hyperglucosés, on la met sous oxygène. Une fois son état stabilisé et passé l’état de choc, on la transporte alors à l’hôpital. Éventuellement, on tente la greffe de foie, de rein, de cœur, on met en place une thérapie expérimentale si on la pense utile.

Aujourd’hui, je le répète, la justice va très mal ; elle est en état de choc. Ne tentons pas une greffe sans avoir réalisé au préalable les tests nécessaires. Une telle intervention se prépare et ne se fait pas sur un sujet en état de choc. Mettons la justice sous perfusion. Donnons-lui les moyens permettant de stabiliser son état. Après, oui, monsieur le garde des sceaux, on peut envisager des réformes, mais en prenant le temps d’organiser la concertation, d’avancer avec précaution, et en s’assurant que les mesures retenues soient réellement efficaces et bénéfiques.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Madame Klès, je vous aime bien, mais ça commence à bien faire ! Selon vous, tout était parfait lorsque vous étiez au pouvoir, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… alors que maintenant, rien ne va ! Si vous aviez fait votre travail, …

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. … la justice ne serait pas dans cet état !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

En 1982, le nombre de magistrats s’élevait à 5 000.

Mme Virginie Klès s’exclame.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Les magistrats n’ont jamais été aussi nombreux dans notre pays qu’à ce jour. Vous pourriez au moins le reconnaître ! §Cela signifierait que le débat intellectuel se déroule avec honnêteté.

Cette année, pour la première fois, le budget de la justice a dépassé 7 milliards d’euros. Vous auriez pu le porter à ce niveau-là voilà bien longtemps…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. … et vous ne l’avez pas fait !

Applaudissementssur les travées de l’

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Quoi qu’il en soit, tous ces efforts ont été fournis.

Depuis deux jours, vous ne cessez de me répéter que rien n’est fait, que la situation est catastrophique…

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Nous disons que la situation n’est pas satisfaisante !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Vous êtes restés au pouvoir très longtemps. Vous n’avez pas fait, bien que personne ne vous ait empêché d’agir.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Aujourd’hui, nous essayons d’avancer. Je le reconnais, nous n’allons pas assez vite.

Nous avons régulièrement droit à de grandes envolées, qui commencent à être lassantes ! Je suis capable de supporter beaucoup. Mais, à un moment donné, chacun doit reconnaître sa part de responsabilité.

Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

J’ai bien compris que vous n’étiez responsables de rien. Néanmoins, la situation actuelle nous est, en quelque sorte, donnée.

Pour la première fois cette année, j’y insiste, le budget de la justice a dépassé 7 milliards d’euros. Si, en 1986, vous aviez fait voter une telle somme, il atteindrait peut-être 9 milliards d’euros aujourd’hui. Or vous ne l’avez pas fait. Vous êtes donc responsables, autant que les autres, du retard et de l’état actuel de la justice !

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – Mme Virginie Klès s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le garde des sceaux, on a assez polémiqué sur cette question. Je le reconnais, nous sommes tous responsables de l’état actuel de la justice

Enfin ! sur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

J’en viens à la motivation de la décision. En la matière, je pense que le mieux est l’ennemi du bien. Au moment du vote de l’appel des décisions des cours d’assises – point positif – à l'Assemblée nationale – à l’époque, j’étais député – s’est longuement posée la question de la motivation tant en commission des lois qu’en séance. Finalement, ce point a été abandonné, même si l’absence de motivation d’une décision de cour d’assises pose des problèmes, notamment en cas d’appel.

En réalité, la motivation n’a pas été retenue parce qu’elle fait fi de ce qui se passe au moment du délibéré et des raisons très différentes des jurés – ils ne les expriment pas forcément – qui justifient leur vote sur chacune des questions posées. Ensuite, le président de la cour devra faire la synthèse d’avis qu’il ne connaît pas nécessairement. Est-il prévu que la feuille de motivation qu’il va rédiger soit validée au moins par le premier jury ? Non !

Je le reconnais, il faudrait tendre à une motivation. Pour les personnes favorables à un tribunal criminel départemental, la question est réglée. Mais je ne pense pas que l’on soit prêt, en France, à supprimer les jurés en cour d’assises. En effet, la procédure criminelle a constitué une avancée démocratique, et même révolutionnaire, en matière de justice.

On demande aux jurés de réagir en fonction de leur intime conviction. On disait avant « en leur âme et conscience ». Tout le monde ne croyant pas à l’âme, cette référence a été supprimée.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

En l’espèce, il faudra bien que le président de la cour rende compte de motivations qu’il ne connaîtra pas forcément.

Monsieur le garde des sceaux, la mesure proposée va bien sûr dans le bon sens, mais elle mériterait d’être approfondie. C’est la raison du dépôt des amendements identiques que nous examinons. Je rejoins sur ce point mon collègue Jacques Mézard.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 53, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 7

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 365–1. – Tout au long de l’audience, le président établit une liste de questions précises et non équivoques validées par les jurés.

« Cette liste de questions prend en compte les éléments de droits et de faits et sert de fondement au verdict. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cet amendement devrait vous séduire, monsieur le garde des sceaux : je vous propose un autre mode de motivation des arrêts, qui correspond à la pratique de certaines cours d’assises étrangères.

Il s’agit de procéder à l’élaboration d’une liste de questions portant sur des éléments de fait comme de droit tout au long de l’audience. Ces questions sont validées par le jury ; elles sont assorties de réponses ; elles servent de fondement au verdict. Elles permettent de comprendre sur quels éléments repose la décision des jurés en retraçant les étapes par lesquelles la cour et le jury passent pour arriver à se forger ce que l’on appelle « l’intime conviction ».

Grâce à cet exercice, le rendu des décisions connaîtra une certaine transparence.

Cette forme de motivation semble davantage traduire la réalité de l’élaboration d’un verdict que l’exercice artificiel de rédaction a posteriori prévu à l’article 7 et qui confie au seul président de la cour la responsabilité de justifier une décision collective, dont il n’est pas le seul responsable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Le présent débat est différent du précédent. Nous discutons non plus du principe de la motivation, mais des modes de motivation. Cet amendement, intéressant, soulève un vrai problème.

Dès lors que le principe de la motivation est admis, deux systèmes sont possibles.

Le premier d’entre eux, qui vient d’être présenté, tend à compléter la liste des questions prévues par le code de procédure pénale afin de les rattacher aux faits de l’espèce sans prévoir une motivation formalisée. Une telle solution a parfois été retenue par des cours d’assises. À titre d’exemple, le président de la cour d’assises du département du Pas-de-Calais a indiqué, lors de son audition, « que les questions préparées par lui et dont il a été donné lecture [étaient] précises de manière à permettre la compréhension du verdict, tel que l’exige l’article 6 de la Cour européenne des droits de l’homme ».

Cette formule, quoique très séduisante intellectuellement, n’a pas été retenue dans le présent projet de loi, car elle peut, en fonction des réponses apportées aux questions, conduire mécaniquement, et donc sans nuances, à une réponse sur la culpabilité qui n’est pas alors conforme à l’esprit de l’intime conviction. On se situe à la frontière entre deux objectifs.

Le Gouvernement a fait le choix d’une motivation expresse, formalisée de manière distincte, les réponses aux questions ne dispensant pas de justifier la décision finale de culpabilité au vu des faits de l’espèce.

Au nom de la commission des lois, j’émets un avis défavorable, tout en reconnaissant que se pose un problème de méthode. Peut-être le mode de motivation retenu pourra-t-il être modifié ultérieurement s’il ne donne pas toute satisfaction

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je partage l’avis de la commission.

On peut essayer de rechercher comment motiver les arrêts de cour d’assises – question que posaient MM. Michel et Mézard précédemment –, tout en respectant à la fois le système des questions, le rôle des jurés et leur intime conviction.

Je reconnais que c’est extrêmement difficile. C’est d’ailleurs peut-être l’une des raisons pour lesquelles cette question, très fréquemment abordée, n’a guère progressé.

Le Gouvernement a choisi de suivre la méthode indiquée par un praticien, M. Huyette, conseiller à la cour d’appel de Toulouse et président de cour d’assises. Pour autant, cela ne signifie pas que les autres sont mauvaises.

Comme l’a dit M. le rapporteur, si ce choix devait être remis en cause, le Gouvernement le ferait. Je n’ai pas de dogme en la matière. Je sais simplement que motiver les arrêts de cour d’assises, faire comprendre à la victime, au condamné et à l’ensemble de la population le cheminement et les raisons qui ont conduit à la condamnation ou à l’acquittement, le raisonnement du jury, constitue un réel progrès.

Comme il est impossible de faire deux choix, je reste fidèle au nôtre et je suis défavorable à l’amendement n° 53.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous sommes très sensibles à l’amendement du groupe CRC-SPG. Il est vrai, comme l’a dit M. le rapporteur, que cette mesure est déjà expérimentée dans certaines cours d’assises, par exemple à Douai, à Créteil dans le Val-de-Marne ou dans d’autres départements de la périphérie parisienne, et qu’elle donne plutôt de bons résultats, quoiqu’elle soit très contraignante pour les présidents d’assises.

Je souhaite simplement faire une remarque, monsieur le garde des sceaux. Un article comme celui-là justifierait à lui seul que la procédure ne soit pas accélérée.

Mme Virginie Klès opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Le Gouvernement peut donc à tout moment lever la procédure accélérée, et permettre ainsi que la discussion entre les deux assemblées se poursuive. Du reste, M. le rapporteur lui-même a dit que, compte tenu du temps limité dont il a disposé, il n’a peut-être pas été en mesure de saisir toutes les implications du texte ni toutes les améliorations que l’on pourrait lui apporter.

Pourquoi alors tant de précipitation ? Je ne vous demande pas de répondre, monsieur le garde des sceaux, vous l’avez déjà fait : vous avez dit ne pas être un fanatique de la procédure accélérée.

M. le garde des sceaux acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La proposition de M. Jean-Pierre Michel est excellente, mais je souhaite plutôt réagir à la réponse faite tant par M. le rapporteur que par M. le garde des sceaux.

Vous nous dites tous deux que la proposition contenue dans cet amendement est intéressante, mais que vous avez fait un autre choix. Cela me choque, dans la mesure où cette proposition fait suite à des auditions de personnes mettant en avant ce qui est déjà expérimenté dans des cours d'assises.

Ce que vous dites est tout à fait audible, certes : cela représente en effet un travail supplémentaire. Par ailleurs, il est vrai que cela « cerne » davantage les motifs que les jurés peuvent avoir de décider ceci ou cela. Mais, en tout cas, cela met au jour les bases réelles, tangibles à partir desquelles les jurés se sont prononcés. Rien n’est parfait en ce bas monde, vous le savez, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur.

Vous nous dites que vous avez choisi autre chose. Toutefois, cette autre chose pose énormément de problèmes. Vous voulez en effet que le président explique a posteriori l’intime conviction. Vous conviendrez que l’on peut faire plus facile et plus précis ! Non seulement c’est très complexe, mais cette interprétation de l’intime conviction pourrait s’écarter sensiblement de ce que pensent réellement les jurés.

On peut considérer qu’il n’y a pas de raison que les jugements en matière criminelle ne soient pas motivés, ne serait-ce que pour la suite éventuelle de la procédure. Toutefois, encore faut-il que l’on introduise des éléments qui puissent être reconnus par les jurés, et dont ils puissent constater qu’ils reflètent leur cheminement vers l’établissement d’une majorité. On peut imaginer un certain nombre de questions sur le déroulement du procès, qui leur permettront non seulement de se forger une opinion, mais d’exposer les motivations de cette dernière.

Je suis donc très étonnée de la réponse qui m’a été faite, car elle n’est absolument pas convaincante. Je veux bien que l’on y réfléchisse plus avant, que vous essayiez de trouver autre chose, mais il me semble que, dans la mesure où les présidents de cour d'assises ont expérimenté un système qui paraît fonctionner correctement, et qui existe également à l’étranger, il serait préférable de s’en tenir à cela plutôt que de chercher à inventer un système dans lequel le président interpréterait l’intime conviction des jurés.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le garde des sceaux, j’espère ne pas vous énerver de nouveau en reprenant la parole, car tel n’est pas mon objectif.

Il me semble que je n’exprime rien d’autre que ce qu’ont également souligné mes collègues, à savoir notre incompréhension quant à cette précipitation, alors que nous ne nous opposons pas à certains principes mais ne faisons que demander pourquoi vous les appliquez de cette manière. Il nous semble en effet que ce n’est pas la bonne manière, ni le bon tempo.

Vous avez répondu sans vous énerver à mes collègues, et j’ai donc du mal à comprendre pourquoi vous vous êtes énervé contre moi, d’autant que je n’ai jamais affirmé que c’est votre Gouvernement qui est responsable de la situation actuelle.

Chacun s’accorde à reconnaître que notre justice est exsangue, que ce n’était peut-être pas le moment de se lancer dans des expérimentations et que le recours à la procédure accélérée n’était pas judicieux pour ce texte.

Je n’exprime rien de plus que cela. Je ne comprends donc pas votre énervement.

L'article 7 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Section 2

Dispositions relatives à la composition de la cour d’assises

I. – Après l’article 264 du code de procédure pénale, il est inséré un article 264–1 ainsi rédigé :

« Art. 264–1. – Par dérogation au dernier alinéa de l’article 260, aux premier et deuxième alinéas de l’article 261–1 et au premier alinéa de l’article 263, le calendrier des opérations nécessaires à l’établissement de la liste annuelle des jurés est fixé par décret en Conseil d’État. »

II. – Le premier alinéa de l’article 296 du même code est ainsi rédigé :

« Le jury de jugement est composé de six jurés lorsque la cour statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu’elle statue en appel. »

III. – Au troisième alinéa de l’article 297 du même code, les mots : « neuf » et « douze » sont remplacés par les mots : « six » et « neuf ».

IV. – L’article 298 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 298. – Lorsque la cour d’assises statue en premier ressort, l’accusé ne peut récuser plus de quatre jurés et le ministère public plus de trois. Lorsqu’elle statue en appel, l’accusé ne peut récuser plus de cinq jurés et le ministère public plus de quatre. »

V. – L’article 359 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 359. – Toute décision défavorable à l’accusé se forme à la majorité de six voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort et à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d’assises statue en appel. »

VI §(nouveau). – La deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 362 du même code est ainsi rédigée :

« Toutefois, le maximum de la peine privative de liberté encouru ne peut être prononcé qu’à la majorité de six voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort et qu’à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d’assises statue en appel. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 18 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 54 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 18.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet amendement vise à maintenir la composition actuelle de la cour d’assises.

Je pense que vous en comprendrez le sens, puisque vous avez vous-mêmes beaucoup hésité au sujet de cette composition. Mme Alliot-Marie avait un temps voulu supprimer, dans certaines circonstances, la cour d'assises. La Chancellerie a ensuite proposé de créer, selon l’expression de notre rapporteur, une « cour d’assises light ». Ce système a enfin été modifié par la commission des lois, qui a fait passer le nombre de jurés de neuf à six en première instance, et de douze à neuf en appel.

Il y a tout de même un paradoxe : vous présentez un texte visant à donner davantage de place aux citoyens, mais vous commencez par réduire leur nombre là où ils se trouvent...

Vous considérez sans doute que le fonctionnement de la cour d'assises n’est pas satisfaisant, que celle-ci est trop lourde, trop onéreuse. Toutefois, si telles sont les raisons de cette réduction – nous pouvons d’ailleurs les comprendre –, vous vous trouvez devant une difficulté. Il y a – je m’excuse de le souligner à nouveau – un problème de moyens, que vous espérez résoudre par un système de vases communicants, en diminuant le nombre des jurés dans les cours d'assises afin de pouvoir les augmenter ailleurs. Tout cela n’a guère à voir avec des principes, mais relève plutôt de contraintes budgétaires.

Il nous semble qu’il faudrait une meilleure évaluation des conséquences de la diminution du nombre de jurés dans les cours d'assises. Nous ne savons pas, en effet, comment elles fonctionneront avec moins de jurés. Tout cela demanderait sans doute, comme le faisait observer Jean-Pierre Michel, davantage de concertation et de réflexion. Dans l’attente d’une telle démarche, il est préférable d’en rester à la composition actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 54.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je défendrai l'amendement n° 54 mais aussi l'amendement n° 55, qui constitue un amendement de « suggestion » ou de « repli » que, me semble-t-il, vous pourriez accepter.

Lorsque la réforme nous a été présentée, il était question que, en première instance, le jury ne soit conservé que pour les crimes les plus graves. Le motif fallacieux alors invoqué était que, les cours d'assises n’étant pas des juridictions permanentes – puisqu’elles siègent par session –, elles rendent la justice de manière trop lente. Il est vrai que les procédures criminelles sont bien souvent très longues, mais les raisons s’en trouvent ailleurs et les solutions à ce problème sont à rechercher dans l’augmentation du nombre d’experts et d’enquêteurs, la réduction de la durée des instructions, l’instauration de délais butoir de détention provisoire, ou encore le renforcement des effectifs des cours d'assises. Tout cela fait partie du paquet « moyens » de la justice.

Le texte établissait donc une distinction entre les crimes les plus graves et les autres, qui, au second degré, relèvent pourtant comme les premiers des cours d'assises d’appel. Ainsi, l’on en venait presque à créer une nouvelle catégorie d’infractions en plus des trois déjà existantes, les « petits crimes » étant désormais distingués des « grands crimes ». Du reste, notre rapporteur évoquait des « cours d'assises light » et des « cours d'assises hard ».

Étrangement, le projet de loi ne revenait pas sur la composition de la cour d'assises statuant en matière de criminalité organisée, dont, je vous le rappelle, les citoyens sont exclus. Voilà encore une chose sur laquelle ils ne peuvent pas se prononcer.

Cette contradiction entre l’affirmation du besoin des citoyens et leur éviction a été relevée par notre rapporteur, qui, de manière plus sage, a choisi de ne pas distinguer deux cours d'assises, une petite et une grande.

Je considère néanmoins que le passage, pour des raisons d’économie, de neuf à six jurés est absolument inacceptable. En contradiction avec les principes que vous professez, vous réduisez le nombre de citoyens dans les jurys d’assises, c'est-à-dire là où le citoyen est véritablement juge. C’est extravagant ! Dans ces jurys, le nombre et la diversité des citoyens sont précisément les garants de la qualité de la justice rendue.

Je propose donc, en guise de solution de repli, d’en rester à neuf jurés dans les cours d'assises de première instance et de ramener au même nombre les jurés des cours d'assises d’appel. En effet, il n’y a pas de justification particulière au fait que ces derniers soient douze, dans la mesure où l’appel consiste à refaire le procès devant une autre cour d’assises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ces deux amendements suppriment l’article du projet de loi qui vise à réduire le nombre de jurés des cours d’assises en première instance et en appel.

Cet article a été complètement modifié par la commission afin de préserver l’organisation actuelle des cours d'assises tout en allégeant les effectifs du jury. Les dispositions proposées marquent donc une avancée par rapport au texte initial du projet de loi, qui, je le rappelle, prévoyait de remplacer la cour d'assises en première instance par une formation composée des trois magistrats et de deux citoyens assesseurs.

La réduction de l’effectif du jury de neuf à six en première instance et de douze à neuf en appel permet, d’une part, de garantir la prépondérance indiscutable des jurés par rapport aux magistrats et, d’autre part, de préserver la règle de la nécessité d’une majorité qualifiée pour obtenir la condamnation de l’accusé, puisque cette dernière doit recueillir au moins six voix en première instance.

La diminution du nombre des jurés ne portera donc pas réellement à conséquence, me semble-t-il, puisque tous les principes resteront saufs.

En revanche, combinée avec l’assouplissement du régime des sessions des cours d’assises, la modification proposée par la commission devrait permettre de simplifier l’organisation de ces juridictions, afin de favoriser un meilleur audiencement, ce qui devrait réduire les durées de détention provisoire, aujourd’hui trop souvent excessives. Or un tel avantage ne me paraît pas mince.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Les dispositions de l’article 8 sont issues du travail de la commission, mais le Gouvernement s’y est rallié, car il les a trouvées bonnes. Pour ma part, quand une mesure est judicieuse, et même si je n’en suis pas l’auteur, je ne vois aucune objection à la reprendre à mon compte ! Je soutiens donc tout à fait la commission sur ce point.

L’objectif de ces dispositions est simple : réduire le nombre des correctionnalisations. En effet, trop de crimes sont aujourd'hui déqualifiés et jugés comme des délits. C’est le cas du viol, notamment, qui est un crime mais que l’on déqualifie en « agression sexuelle » pour qu’il puisse être jugé par un tribunal correctionnel, car la procédure des cours d’assises est trop lourde et trop longue.

Nous cherchons donc à gagner du temps aux assises, tout en conservant cette procédure et l’essentiel des principes qui la guident. Tel est l’objet des dispositions proposées par M. le rapporteur, et nous y souscrivons tout à fait.

L’idée de prévoir six jurés et trois magistrats professionnels en premier ressort ainsi que neuf jurés et trois magistrats professionnels en appel n’est pas nouvelle. Ceux qui craindraient que la révolution ne soit en marche doivent se rassurer, car on en est loin.

Je le répète, il s'agit d’une idée ancienne. Elle émane, notamment, de la commission Léauté. Par une circulaire en date du 8 mars 1982, le garde des sceaux de l’époque, M. Robert Badinter, proposait l’instauration de ce système de jurés dans les juridictions d’assises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d’entre vous voteront cet article parce qu’ils sont favorables aux réformes proposées. D’autres hésitent peut-être encore, parce qu’ils ont besoin de la caution des grands anciens. Tous doivent se dire que ce que Badinter a pensé…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault. … Mercier l’a fait !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. … le Sénat et sa majorité l’ont réalisé.

Souriressur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Pourquoi le projet n’a-t-il pas été mis en œuvre à l’époque ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Parce que M. Badinter est parti au Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Et pourquoi l’idée n’a-t-elle pas été reprise par la suite dans la loi ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Parce que les ministres suivants étaient moins bons !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L’amendement n° 18 vise à supprimer l’article 8, relatif à la modification de la composition actuelle des cours d’assises, qui révèle une fois de plus l’incohérence de ce projet de loi.

En effet, monsieur le garde des sceaux, cet article serait un frein à la participation accrue des citoyens à la justice que vous affirmez viser, de manière tout à fait hypocrite d'ailleurs, au travers de ce texte. Celui-ci, en fait, n’est qu’un énième effet d’annonce, ce qui ne nous étonne pas. La véritable surprise eût été que le Gouvernement présentât un texte novateur et respectueux de la justice française et de nos droits fondamentaux.

Dorénavant, les membres du jury d’assises ne seront plus que six en premier ressort et neuf en appel, contre neuf et douze aujourd'hui. En réalité, cette disposition met donc en œuvre un net recul de la participation des citoyens à la justice criminelle.

Monsieur le garde des sceaux, nous vous félicitons de nous exposer par le biais de cet article la logique implacable qui est la vôtre.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

M. le rapporteur a souhaité conserver les jurés dans les cours d’assises afin de respecter les principes fondamentaux de ces juridictions, notamment celui qui veut que la condamnation de l’accusé ne puisse se faire qu’à la majorité qualifiée. Bien que cette règle soit maintenue, cet article ralentira considérablement le fonctionnement des cours d'assises : avant la réforme, un accusé ne pouvait être condamné que par huit voix contre quatre en premier ressort et par neuf voix contre six en appel ; désormais, il faudra que la décision se forme par six voix contre trois en premier ressort et huit voix contre trois en appel. Dès lors, la majorité qualifiée sera vraisemblablement difficile à obtenir, ce qui risque de ralentir l’appareil judiciaire, qui se trouve déjà à la peine et qui affiche aujourd'hui beaucoup de retard.

Enfin, le Gouvernement éloigne un peu plus les citoyens de la justice, à rebours de l’objectif visé par ce texte, dont les auteurs prétendaient pourtant restituer la justice au peuple.

Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de l’amendement n° 18, qui vise à maintenir la composition actuelle des cours d’assises.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 161, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 1 et 2

Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :

I. - L’article 236 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 236. - La date de l’ouverture des sessions de la cour d’assises est fixée chaque fois qu’il est nécessaire, sur proposition du procureur général, par le premier président de la cour d’appel ou, dans le cas prévu par l’article 235, par l’arrêt de la cour d’appel. »

I bis. - L’article 237 du même code est abrogé.

I ter. - L’article 245 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 245. - Le président de la cour d’assises est désigné par ordonnance du premier président.

I quater. - L’article 250 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 250. – Les assesseurs sont désignés par ordonnance du premier président.

I quinquies. - À la première phrase du premier alinéa de l’article 266 du même code, le mot : « quarante » est remplacé par le mot : « trente-cinq » et le mot : « douze » est remplacé par le mot : « dix ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement vise à compléter l’article 8 afin de simplifier les modalités selon lesquelles sont fixées les sessions d’assises et de procéder à une coordination justifiée par la réduction du nombre des jurés de la cour d’assises.

De même que la diminution du nombre des jurés, ces modifications faciliteront la tenue des assises et l’adaptation du nombre de sessions aux affaires devant être jugées. Elles permettront ainsi de diminuer les correctionnalisations.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 55, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer le mot :

six

par le mot :

neuf

II. – Alinéa 5

Après les mots :

même code,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

le mot : « douze » est remplacé par le mot : « neuf »

III. – En conséquence, alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 298. – Lorsque la cour d’assises statue, en premier ressort ou en appel, l’accusé ne peut récuser plus de cinq jurés et le ministère public plus de quatre. »

IV. – Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toute décision défavorable à l’accusé se forme à la majorité de huit voix au moins que la cour d’assises statue en premier ressort ou en appel. »

V. – Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toutefois, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu’à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort ou en appel. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 162, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

IV bis. - Au premier alinéa de l’article 289–1 du même code, le mot : « vingt-trois » est remplacé par le mot : « vingt » et le mot : « vingt-six » est remplacé par le mot : « vingt-trois ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement vise à compléter l’article 8 afin de procéder à une coordination justifiée par la réduction du nombre des jurés de la cour d’assises.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 8 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 163, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 264 du même code, il est inséré un article 264–1 ainsi rédigé :

« Art. 264–1. – Par dérogation au troisième alinéa de l’article 260, aux premier et deuxième alinéas de l’article 261-1 et au premier alinéa de l’article 263, le calendrier des opérations nécessaires à l’établissement de la liste annuelle des jurés est fixé par décret en Conseil d’État. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement tend à insérer dans un article spécifique du projet de loi les dispositions expérimentales relatives aux dérogations aux articles du code de procédure pénale fixant le calendrier des opérations nécessaires à l’établissement de la liste annuelle des jurés.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :

- du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la restauration du patrimoine architectural de la ville de L’Aquila, déposé aujourd’hui sur le bureau du Sénat

- et de la proposition de loi pour le développement de l’alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.