Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 18 mai 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 2, amendements 114 115

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Avant de les défendre, madame la présidente, je me permettrai de réagir à ce que je viens d’entendre.

Un jugement par défaut n’a pas lieu seulement dans le cas où l’on ne retrouve pas le prévenu. Il se peut que le prévenu soit absent tout simplement parce qu’il n’a aucune envie de comparaître.

Avec votre système à multicomposition, véritable usine à gaz, le prévenu pourra préférer être condamné par défaut, surtout dans les petites juridictions, plutôt que de comparaître devant la juridiction composée avec des citoyens assesseurs. Du reste, c’est déjà ce qu’on observe de plus en plus sur le terrain : aujourd'hui, mes chers collègues, beaucoup de prévenus font volontairement le choix de ne pas comparaître. Et, soulignons-le, cela ne change guère le cours des choses !

Les amendements n° 114 rectifié et 115 rectifié sont des amendements de coordination.

C’est également le cas des amendements n° 116 rectifié, 117 rectifié et 118 rectifié, mais ils vont un peu au-delà de la coordination et je souhaite apporter à leur propos quelques explications complémentaires.

L’article 399-8 institue, à l’instar des articles suivants, des procédures de renvoi d’une formation à l’autre qui sont extrêmement complexes.

Vous ne cessez de nous faire examiner des lois de « simplification du droit », et dans le même temps, hélas ! de compliquer les textes. Ces procédures complexes alourdiront encore davantage le fonctionnement, déjà peu simple, des juridictions. Cette usine à gaz sera incompréhensible tant pour les citoyens assesseurs que pour les victimes et pour les prévenus.

Pour ce qui est des citoyens assesseurs, ils devront assimiler en une journée ce dont nous débattons depuis hier ! Et vous, mes chers collègues, vous êtes déjà très avertis de ces sujets, tandis que la plupart des futurs assesseurs, eux, ne possèdent pas vos connaissances. Pourtant, après cette unique journée de formation, ils devront statuer sur la qualification, la culpabilité et la sanction, ce qui représente tout de même une responsabilité. Quel étrange système ! Et quelle curieuse conception de la justice !

Par ailleurs, ce dispositif ouvre la voie à des dysfonctionnements encore plus importants. Si le prévenu placé en détention provisoire ne peut être jugé par le tribunal citoyen dans les huit jours, il sera automatiquement remis en liberté. On pourra ainsi voir libérées des personnes dangereuses pour la société, des récidivistes ! Nul doute que cela provoquera quelques réactions médiatiques, ce qui vous conduira à nous proposer de nouveaux textes...

Cela étant dit, je tiens à rappeler que, pour nous, la privation de liberté doit être l’exception absolue.

Quoi qu'il en soit, en élaborant ces mécanismes d’une complexité extrême, vous allez à l’encontre de ce que vous souhaitez puisque cet article crée la possibilité, qui n’existait pas auparavant, de libérer par anticipation des personnes pouvant présenter un danger, alors que l’objectif du projet de loi était précisément – autant dire les choses comme elles sont ! – d’aggraver les peines pour mettre ces personnes hors d’état de nuire. Souvenons-nous de la colère du chef de l’exécutif contre les magistrats après les affaires de Grenoble ou de Pornic !

Nous avons donc la démonstration de l’inopportunité de ce texte, qui va à l’encontre de sa finalité première. Par conséquent, la suppression de ces alinéas s’impose.

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