Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 18 mai 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 3

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Nous l’avons dit, cette réforme a été conçue dans un contexte de réponse immédiate à des faits divers et n’a pas bénéficié du temps nécessaire à une élaboration cohérente.

Nous avons exposé les raisons de notre opposition à l’introduction des citoyens assesseurs au sein des tribunaux correctionnels, telle que la prévoit le projet de loi. Au-delà de ces raisons, nous constatons que celui-ci n’adapte même pas la procédure à la présence de ces nouveaux citoyens assesseurs, posant ainsi un véritable problème de cohérence.

Ainsi, le déroulement de l’audience, qui repose sur l’examen d’un dossier et sur une procédure d’enquête écrite, n’est pas modifié en profondeur par l’article 3 : on se contente de juxtaposer aux dispositions existantes des dispositions qui introduisent un peu d’« oralité », ce qui est bien le minimum pour permettre la compréhension des affaires par des citoyens peu formés.

Les jurés ne connaissent pas le dossier de l’affaire ; ils n’y ont pas accès, contrairement aux juges qui l’ont en leur possession. Il faut donc que les juges ouvrent l’audience en ayant à l’esprit que les citoyens assesseurs ne connaissent pas les éléments du dossier, qu’il leur faut donc retranscrire à l’oral.

Une transformation totale des débats s’opère, alors que la procédure n’est, je l’ai dit, que très superficiellement modifiée par l’article 3.

D’abord, sans faire prêter serment aux citoyens assesseurs, comme il est demandé de le faire aux jurés d’assises, le président du tribunal doit néanmoins leur rappeler qu’ils sont tenus de respecter les obligations qui découlent de ce serment.

Ensuite, le président doit exposer, à l’ouverture des débats, les faits reprochés au prévenu, ainsi que les éléments à charge et à décharge, et donner lecture, au cours des débats, des déclarations des témoins et des rapports d’expertise.

Outre les soupçons que ces dispositions peuvent susciter quant à l’impartialité du juge, on se rend compte de la lourdeur d’une telle procédure et de son inadéquation à une audience correctionnelle au long de laquelle les jurés pourront de surcroît poser des questions.

Les citoyens assesseurs se trouveront au cœur d’une procédure qui, en réalité, n’a pas été pensée pour eux : d’un côté, une partie de la procédure leur est exposée à l’oral – il faudra bien prévoir à cet effet un temps d’audience supplémentaire – ; de l’autre côté, la procédure écrite est conservée, une grande importance restant attachée aux dossiers, qui sont tenus à disposition des assesseurs, mais sans que soit prévu un temps d’« appropriation » en dehors de l’audience, pas même en amont de celle-ci !

Un grand déséquilibre naît de cette inadéquation entre la procédure et l’introduction de citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels : les magistrats seront en pleine possession de dossiers auxquels ils ont l’habitude d’être confrontés, alors que les citoyens n’auront ni le temps ni les moyens de maîtriser pleinement tant ces dossiers que les rouages de la procédure.

Au lieu de se limiter à des dispositions d’affichage politique tendant à faire accroire qu’il se préoccupe de la volonté des citoyens, le Gouvernement serait bien avisé de leur donner au moins les moyens effectifs de participer à ces jugements, ce qui suppose, selon nous, une véritable adaptation de la procédure à une institution qui sera transformée en profondeur.

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