Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 18 mai 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 4

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Cet amendement vise également à supprimer l’article 4. Cet article semble, à la première lecture, quelque peu sibyllin, mais il précise en fait la procédure applicable devant le tribunal correctionnel « nouvelle formule » et soulève donc un certain nombre de difficultés.

Tout d’abord, l’alinéa 8 dispose, comme notre collègue Alain Anziani l’a rappelé, que le président du tribunal peut décider, « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice », que le délibéré ne se tiendra pas à l’issue des débats et sera donc renvoyé à une date ultérieure. Aucune précision complémentaire n’est introduite. Un tel cas de figure est lié, le plus souvent, à des raisons pratiques : à la fin de la soirée, après la troisième, quatrième ou cinquième affaire, les citoyens assesseurs seront très probablement épuisés ! Le président du tribunal prendra alors la décision de renvoyer le délibéré. Mais rien n’est dit sur les citoyens assesseurs qui, tout à fait légitimement, devraient alors retrouver leur famille et leurs activités quotidiennes.

Ensuite, cet article nous permet, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, d’appréhender la véritable complexité de ce projet de loi. Les alinéas suivants décrivent en effet l’ensemble des rappels auxquels le président devra procéder, en quelques dizaines de minutes, à chaque audience. Il devra expliquer aux deux malheureux citoyens assesseurs tout ce qu’ils sont censés savoir, c’est-à-dire tout ce qu’un bon étudiant en droit a du mal à assimiler après plusieurs années d’études. D’ailleurs, si nous faisions ici une interrogation écrite – nous sommes probablement un certain nombre, dans cet hémicycle, à avoir fait des études de droit –, pour vérifier nos connaissances en cette matière, nous aurions de terribles surprises, monsieur le garde des sceaux !

Le président du tribunal devra en effet rappeler les éléments constitutifs de l’affaire, les circonstances aggravantes et leurs conséquences sur la culpabilité, la définition du complice et aussi, malheureusement, de la clause d’irresponsabilité. En outre, si la culpabilité est reconnue, il devra évoquer les peines encourues et les différents modes de personnalisation.

Bravo, monsieur le garde des sceaux ! Si ces présidents, dont les qualités et les compétences sont grandes, arrivent à faire comprendre tout cela à ces malheureux citoyens assesseurs en un temps aussi court, il faudra les nommer professeurs des universités dans les plus brefs délais, car ils auront prouvé qu’ils sont des enseignants de très haute qualité !

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