Monsieur le garde des sceaux, vous le savez mieux que personne, les jurés ne disposent pas du dossier, mais ils peuvent demander qu’une pièce leur soit lue. L’arrêt de renvoi est parfois très long, certains pouvant atteindre trois cents pages. Les jurés doivent donc faire preuve d’une grande attention.
Avec l’article 6, on propose que la lecture de l’arrêt de renvoi soit remplacée par la présentation d’un rapport oral rédigé par le président de la cour d’assises. Or, la rédaction d’un tel rapport soulève des difficultés, que M. Lecerf expose de manière très objective à la page 72 de son excellent rapport. Permettez-moi d’en citer quelques extraits : « Le rapport oral ne doit pas donner lieu à la manifestation d’une opinion sur la culpabilité de la personne. […] Plusieurs des interlocuteurs de votre rapporteur ont souligné la difficulté de l’exercice auquel devrait se livrer le président afin de ne manifester aucun présupposé sur la culpabilité de l’accusé. [Le] président de l’USM, a fait remarquer que ce rapport exposera le président aux soupçons de partialité de la même manière que l’ancien résumé avant délibération, abrogé en 1881. » Et c’est exact.
Le système actuel n’est certes pas la panacée, il est critiquable, mais le dispositif que vous nous proposez engendrera des difficultés procédurales considérables. Il donnera lieu à de multiples contestations, à juste titre d’ailleurs, de même que la formulation des questions posées au jury.
Nous sommes, ne l’oublions pas, dans le domaine de l’oralité. Les jurés, et c’est bien normal, n’ont pas accès aux pièces écrites du dossier. Dès lors, le rapport oral aura une influence fondamentale sur la première opinion des jurés.
La première chose que regarde un juré d’assises, il faut le reconnaître, c’est la tête de l’accusé, l’impression qu’il donne. Ensuite, vient la lecture de l’arrêt de renvoi. Vous la remplacez par la présentation d’un rapport oral, lequel aura une influence considérable sur la suite des débats. Je ne dis pas que cette influence sera bonne ou mauvaise, je dis simplement qu’elle sera considérable.
Monsieur le garde des sceaux, je me suis efforcé de vous présenter, simplement et objectivement, les risques que peut engendrer votre dispositif.